Les petites (r)évolutions de la Légion étrangère (Nathalie Guibert – Le Monde)

La scène est inédite au quartier Viénot, à Aubagne, temple de la Légion étrangère. Dans la salle d’honneur du musée, les képis sont posés sur les vitrines, un écran pour Powerpoint barre l’entrée de la crypte. Autour de la table siège pour la première fois, ce mercredi 6 octobre, le nouveau « Conseil de la Légion étrangère ».

Soldats, sous-officiers, officiers, chef d’état-major de l’armée de terre : c’est une réunion strictement interne. Mais son but est clair. Il s’agit d’aborder des sujets qui posent depuis plusieurs mois un sérieux problème d’image à ce corps d’élite de 7 640 hommes.

La plupart de ces sujets sont au cœur de la spécificité de la Légion. Ils concernent les droits – l’absence de droits – de ses soldats, étrangers servant la France : l’identité d’emprunt donnée à l’engagement, le certificat de bonne conduite nécessaire pour obtenir un titre de séjour, le régime dérogatoire des permissions, le blocage de son compte bancaire en cas de désertion, l’interdiction de se marier.

Après un documentaire sur Canal+, un livre à charge est sorti le 15 septembre sous la plume de deux journalistes, Stéphane Rodriguez et Benoist Simmat : Légion étrangère, les soldats perdus de la République (Calmann-Lévy). Dans la foulée d’un rapport qu’elle a rédigé en janvier, appelant à la réforme, la députée socialiste Marylise Lebranchu défend plusieurs amendements dans la loi sur l’immigration en cours d’examen au parlement.

« CAPITAL DE CONFIANCE ALTÉRÉ »

Ces initiatives succèdent à une série noire : en mai 2008, mort d’un légionnaire après un entrainement excessif à Djibouti ; en avril 2009, coup de folie d’un autre qui tue trois soldats et un civil au Tchad ; en juillet 2009, vaste incendie aux portes de Marseille, déclenché depuis le camp d’entraînement de Carpiagne. « Notre capital de confiance est durablement altéré », déclarait en août 2009 le général Alain Bouquin, commandant de la Légion étrangère, exprimant son « inquiétude majeure » face à ces évènements. Même s’il n’y voyait qu’une « suite malencontreuse de défaillances individuelles », il avait appelé ses troupes à un « exercice de rédemption collective ».

« La Légion n’est pas un Etat dans l’Etat, elle ne doit pas être étrangère à l’armée de terre », martèle, à l’ouverture de la réunion d’Aubagne, mercredi, le chef d’état-major, le général Elrick Irastorza, sans omettre de renouveler « toute sa confiance ». La réforme, de fait, est engagée. « Ce n’est pas une révolution mais un ensemble de petits points qui, mis bout à bout, font une évolution », explique le général Bouquin.

L’identité d’emprunt donnée au légionnaire procédait de la volonté de les protéger. Pour leur pays d’origine, ils peuvent en effet être considérés comme des criminels en se mettant au service d’une armée étrangère. Certains des 1000 nouveaux engagés de l’année réclament en outre l’anonymat, par volonté de tirer un trait sur leur passé. Mais d’optionnelle, la pratique est devenue obligatoire et nombre de légionnaires, privés de leurs papiers d’origine de force ou de fait, ont fini en situation irrégulière.

« Pour se border, on a systématisé l’identité déclarée. On est allé trop loin, on est arrivé à ce qu’ils n’aient plus d’identité du tout », convient le général Irastorza. Depuis septembre, la Légion dit à tous les engagés qui le souhaitent qu’ils peuvent conservent leur « identité présumée véritable » : à charge pour eux de récolter les pièces d’état-civil la prouvant. Deux tiers choisissent cette option.

SUJETS SENSIBLES EN SUSPENS

Quant au certificat de bonne conduite, l’armée, comme employeur, doit pouvoir continuer à le donner, défend le général Bouquin. Qu’il conditionne l’octroi d’un titre de résident à partir de trois ans de service est selon lui, l’affaire du législateur. Les militaires s’opposent toutefois à la proposition de Mme Lebranchu de donner le titre de séjour automatiquement au bout d’un an d’engagement. « Je ne voudrais pas voir une filière d’immigration illégale s’installer, avec des gens qui désertent dès le certificat en poche », explique le commandant de la Légion….

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Lire également :

» L’Adefdromil publie son premier rapport sur les droits de l’homme dans l’armée française.

» LÉGION ÉTRANGÈRE: Le rapport de Marylise Lebranchu

» COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’ADEFDROMIL: la délivrance d’un titre de séjour aux anciens légionnaires est une question de dignité pour la France.

» Vers la suppression du « certificat de bonne conduite » pour les légionnaires ?

» Légion étrangère: Les soldats perdus de la République (Stéphane Rodriguez & Benoist Simmat) Livre paru le 15 septembre 2010 chez Calmann-Lévy

» Organisation du conseil de la légion étrangère.

» 11 juillet 2010, 12h50, en clair sur CANAL+, spécial investigation: La face cachée de la légion

» « Si je constate le moindre vol, il y aura du sang sur les murs… » Ou comment lutter contre la délinquance à la Légion !

» Un ancien de la Légion étrangère écrit au Président de l’Adefdromil

» Un Légionnaire condamné à deux ans de prison ferme pour avoir tiré dans l’entre-jambes d’un autre

» « Une culture de la violence »

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» Deux légionnaires violent un camarade (Jérôme Sage)

» Compte-rendu de mon expérience à la Légion Étrangère (octobre 2008-juillet 2009)

» Les sans-papiers de la légion étrangère (Geoffroy Tomasovitch)

» Légion étrangère : la véritable identité des légionnaires

» Témoignage d’un ex-légionnaire.

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