Texte de la question
M. André Chassaigne interroge Mme la ministre des armées sur les mesures abusives et discriminatoires conditionnant les recrutements au sein des armées. Les personnes souhaitant rentrer dans l’armée sont soumises à une enquête effectuée par la direction du renseignement militaire (DRM). Cette évaluation, totalement discrétionnaire, ne permet ni procédure contradictoire, ni possibilité de recours. Or les résultats conditionnent non seulement l’acceptation du candidat mais aussi la nature des postes qui pourront lui proposés et ses possibilités d’évolution dans la fonction militaire. Pour exemple, la prise en compte d’une plainte déposée contre une jeune fille par une camarade de classe à la suite d’une rixe. Une telle plainte, reconnue non fondée et classée sans suite, ne conduisant donc pas à une inscription sur le casier judiciaire, entraîne l’exclusion de la candidate de certains métiers de l’armée, limitant ainsi son parcours professionnel. Autre exemple particulièrement discriminatoire, la prise en compte que la mère a été naturalisée française depuis une vingtaine d’années. Être un descendant de l’immigration présenterait un danger pour assurer notamment les métiers administratifs et d’autres fonctions militaires, alors que fleurissent des affiches de recrutement sur lesquelles toutes les origines sont représentées. Les résultats de l’enquête sont envoyés au conseiller CIRFA, justifient un réajustement des résultats d’évaluation et conditionnent le choix de la spécialité retenue. Non seulement cette procédure peut être abusive ou conduire à des discriminations, mais elle est aussi d’autant plus discutable qu’elle n’appelle aucune contestation et qu’elle est infligée brutalement aux personnes concernées. Elle entraîne une forte incompréhension et un sentiment d’injustice chez des candidats qui font le constat qu’ils sont jugés sur leurs origines et non pas sur leurs capacités et motivations. Il lui demande si elle va prendre les dispositions nécessaires pour que les appréciations formulées par la DRM respectent les droits de chaque individu et n’aboutissent pas à des mesures discriminatoires et donc illégales.
Texte de la réponse
Le code de la défense précise en son article D. 3126-5 que « la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD) est le service de renseignement dont dispose le ministre de la défense pour assumer ses responsabilités en matière de sécurité du personnel, des informations, du matériel et des installations sensibles ». À ce titre, seule la DRSD est compétente en tant que service enquêteur pour procéder à l’ensemble des enquêtes administratives préalables au recrutement pour le personnel militaire tel que mentionné à l’article 2.2 relatif aux services enquêteurs du ministère des armées de l’instruction ministérielle n° 900 (IM 900) du 15 mars 2021 [1]. Ces enquêtes, effectuées à charge et à décharge, ont notamment pour base légale l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) qui dispose que « les décisions administratives de recrutement (…) peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées ». Pour déclencher l’enquête administrative, les autorités qui vont avoir la charge de décider de l’autorisation d’engagement au sein de l’institution d’un candidat font remplir à ce dernier un formulaire de contrôle élémentaire au recrutement. Ce formulaire est daté et signé par l’intéressé qui reconnaît que les informations recueillies feront l’objet d’un traitement informatique destiné à la gestion de la protection du secret de la défense nationale, et qu’il dispose d’un droit d’accès et de rectification à ces dites données. L’avis rendu par la DRSD dans le cadre d’un contrôle élémentaire au recrutement n’est qu’un des éléments sur lesquels se base l’autorité de recrutement pour prendre sa décision. En effet, l’IM 900 précise en son article 3.9 que le résultat d’une enquête administrative, valable un instant donné en fonction des informations consultables, offre une garantie relative qui ne se substitue pas à la connaissance de l’environnement humain par l’autorité décisionnaire. Ce type de connaissance demeure une donnée essentielle de l’évaluation de la confiance. Il convient de préciser que l’article L. 1141-1 du CSI prévoit que « ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel » tel que le fichier de traitement des antécédents judiciaires. Ainsi, lorsque les investigations portent à la connaissance de la DRSD des faits de droit commun, notamment issus dudit fichier, ces derniers sont vérifiés par des investigations complémentaires afin de déterminer s’ils sont effectivement avérés, si une procédure est en cours, si une condamnation a été décidée et, le cas échéant, s’il en est fait mention au casier judiciaire. En outre, la DRSD a vocation à identifier les vulnérabilités des candidats. Les attaches étrangères sont logiquement prises en compte, mais ne constituent nullement un problème en soi. Par ailleurs, les conclusions résultant de l’enquête administrative ne sont pas transmises au conseiller du centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) mais au « chef d’établissement », comme précisé dans l’article 3.9 de l’IM 900. Enfin, tout militaire dispose d’un délai de deux mois pour faire un recours gracieux ou hiérarchique contre une décision prise à son encontre, ou déposer un recours auprès de la commission des recours des militaires (CRM) conformément aux articles R. 4125-1 à 14 du code de la défense. Puis, en cas d’insatisfaction portant sur la décision de la CRM, le militaire peut, dans un délai de deux mois, déposer un recours auprès du tribunal administratif. [1] Instruction ministérielle n° 900/ARM/CAB/NP du 15 mars 2021 relative à la protection du secret et des informations diffusion restreinte et sensibles.