Ordonnance n° 2022-232 du 23 février 2022 relative à la protection des intérêts de la défense nationale dans la conduite des opérations spatiales et l’exploitation des données d’origine spatiale

Ordonnance n° 2022-232 du 23 février 2022 relative à la protection des intérêts de la défense nationale dans la conduite des opérations spatiales et l’exploitation des données d’origine spatiale

Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et de la ministre des armées,
Vu la Constitution, notamment son article 38 ;
Vu le code pénal, notamment son article 410-1 ;
Vu le code de la défense, notamment le livre II de sa deuxième partie ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article R. 123-20 ;
Vu le code de la recherche, notamment le chapitre Ier du titre III de son livre III ;
Vu la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 modifiée relative aux opérations spatiales ;
Vu la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, notamment son article 44 ;
Le Conseil d’Etat (section de l’administration) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
Ordonne :

    • Article 1

      La loi du 3 juin 2008 susvisée est modifiée conformément aux dispositions des articles 2 à 16 de la présente ordonnance.

    • Article 2

      A l’article 1er, le 7° est remplacé par un 7° et un 8° ainsi rédigés :
      « 7° “Données d’origine spatiale” : les données d’observation, d’interception de signaux ou de localisation acquises depuis l’espace en provenance de la Terre, d’un corps céleste, d’un objet spatial ou de l’espace ;
      « 8° “Exploitant primaire de données d’origine spatiale” : toute personne physique ou morale qui assure la programmation d’un système d’acquisition ou la réception de données d’origine spatiale. »

    • Article 3

      L’intitulé du chapitre II du titre II est complété par les mots : « et des licences ».

    • Article 4

      L’article 4 est ainsi modifié :
      1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’autorité administrative peut cependant autoriser les opérateurs à déroger aux règles définies par cette réglementation dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement de prestations réalisées pour le compte de l’Etat dans l’intérêt de la défense nationale. » ;
      2° Le deuxième alinéa est supprimé ;
      3° Après le troisième alinéa, qui devient le deuxième, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
      « Les autorisations et licences ne peuvent être accordées lorsque les opérations en vue desquelles elles sont sollicitées sont, eu égard notamment aux systèmes dont la mise en œuvre est envisagée, de nature à compromettre les intérêts de la défense nationale ou le respect par la France de ses engagements internationaux. »

    • Article 5

      L’intitulé du chapitre III du titre II est complété par les mots : « et de licence ».

    • Article 6

      Au premier alinéa des articles 5 et 9, après le mot : « autorisations » sont insérés les mots : « et licences ».

    • Article 7

      Le premier alinéa de l’article 8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces instructions et mesures peuvent également avoir pour objet de protéger les intérêts de la défense nationale ou d’assurer le respect par la France de ses engagements internationaux. »

    • Article 8

      L’article 11 est ainsi modifié :
      1° Le 2° du III est complété par les mots : « édictée en application de l’article 5 ou une instruction ou mesure imposée en application de l’article 8 » ;
      2° Il est ajouté un V ainsi rédigé :
      « V. – Lorsque les faits mentionnés aux I à IV ont pour objet ou pour effet de nuire à la défense nationale, les peines sont portées à trois années d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. »

    • Article 9

      Après l’article 11, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

      « Chapitre V
      « Dispositions applicables aux opérations spatiales conduites par l’état ou par le Centre national d’études spatiales

      « Art. 11-1. – Ne sont pas soumises aux dispositions des chapitres Ier à IV du présent titre :
      « 1° Les opérations de lancement, de retour sur terre, de maîtrise ou de transfert de la maîtrise d’un objet spatial conduites par le Centre national d’études spatiales, lorsqu’elles relèvent d’une mission publique qui lui a été confiée après approbation de l’autorité administrative, en application du quatrième alinéa de l’article L. 331-2 du code de la recherche ;
      « 2° Les opérations de lancement, de retour sur terre, de maîtrise ou de transfert de la maîtrise d’un objet spatial conduites par l’Etat dans l’intérêt de la défense nationale.
      « La réglementation technique prévue au premier alinéa de l’article 4 est applicable aux opérations mentionnées au 2°. Toutefois, l’autorité administrative peut y déroger dans la stricte mesure nécessaire aux intérêts de la défense nationale.
      « Un décret en Conseil d’Etat fixe les règles techniques et procédures applicables aux opérations spatiales conduites par l’Etat dans l’intérêt de la défense nationale.

      « Art. 11-2. – Dans les cas de transfert de la maîtrise d’un objet spatial mentionnés au 2° de l’article 11-1, l’autorisation dont est titulaire l’opérateur spatial initial au titre de l’article 2 est suspendue et la qualité d’opérateur spatial transférée à l’Etat.
      « Les conditions de reprise de la maîtrise de l’objet spatial par l’opérateur spatial initial sont définies par décret en Conseil d’Etat. »

    • Article 10

      Après l’article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :

      « Art. 13-1. – Dans le cas de l’accomplissement de prestations réalisées par un opérateur pour le compte de l’Etat dans l’intérêt de la défense nationale, il peut être dérogé aux dispositions de l’article 13 désignant l’opérateur comme seul responsable des dommages causés aux tiers du fait des opérations spatiales qu’il conduit. Une convention passée entre l’Etat et l’opérateur précise les conditions et limites de cette dérogation. »

    • Article 11

      Après l’article 20, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :

      « Chapitre III
      « Dérogations

      « Art. 20-1. – Ne sont pas soumises aux dispositions du présent titre les opérations de lancement, de retour sur terre, de maîtrise ou de transfert de la maîtrise d’un objet spatial conduites par le Centre national d’études spatiales, lorsqu’elles relèvent d’une mission publique qui lui a été confiée après approbation de l’autorité administrative, en application du quatrième alinéa de l’article L. 331-2 du code de la recherche. »

    • Article 12

      Au second alinéa de l’article 23, les mots : « résolution, de la précision de localisation, de la bande de fréquence d’observation et de la qualité des données d’observation de la Terre faisant l’objet de la programmation d’un système satellitaire ou reçues » sont remplacés par les mots : « nature des données acquises, de leur provenance et de leur précision ».

    • Article 13

      Au premier alinéa de l’article 25, les mots : « d’une amende de 200 000 euros » sont remplacés par les mots : « d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 300 000 euros ».

    • Article 14

      Après l’article 25, il est inséré un article 25-1 ainsi rédigé :

      « Art. 25-1. – Ne sont pas soumises aux dispositions du présent titre :
      « 1° Les activités d’exploitant primaire de données d’origine spatiale relevant d’une mission publique confiée au Centre national d’études spatiale après approbation de l’autorité administrative en application du quatrième alinéa de l’article L. 331-2 du code de la recherche ;
      « 2° Les activités d’exploitant primaire de données d’origine spatiale exercées par l’Etat dans l’intérêt de la défense nationale ;
      « 3° Les données d’origine spatiale acquises avec le consentement de l’exploitant de l’objet spatial observé ou localisé. »

    • Article 15

      A l’article 26, le second alinéa est supprimé.

    • Article 16

      L’article 27 est abrogé.

      • Article 17

        Après le titre II du livre II de la deuxième partie du code de la défense, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

        « Titre II bis
        « RÉQUISITIONS DE BIENS ET SERVICES SPATIAUX

        « Chapitre unique

        « Art. L. 2224-1. – Lorsque la sauvegarde des intérêts de la défense nationale le justifie, l’Etat peut obtenir, par accord amiable ou par réquisition :
        « 1° La fourniture de prestations de services directement fondées sur l’utilisation d’un objet spatial ;
        « 2° Le transfert temporaire de la maîtrise d’un objet spatial ayant fait l’objet d’une autorisation au titre de l’article 2 de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, dans les conditions prévues aux articles 11-1 et 11-2 de la même loi.

        « Art. L. 2224-2. – L’accord amiable mentionné à l’article L. 2224-1 prend la forme d’une convention, conclue entre le ministre de la défense et l’opérateur spatial, fixant les conditions matérielles et financières de la réalisation des prestations nécessaires ou, dans les cas mentionnés au 2° de cet article, du transfert temporaire de maîtrise.

        « Art. L. 2224-3. – Le droit de réquisition mentionné à l’article L. 2224-1 ne peut être exercé qu’en cas d’urgence, à défaut de tout autre moyen disponible :
        « 1° Soit en l’absence d’accord amiable ;
        « 2° Soit du fait de l’inexécution, totale ou partielle, d’un accord amiable.
        « Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux besoins liés à la sauvegarde des intérêts de la défense nationale et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.

        « Art. L. 2224-4. – La réquisition est décidée par un décret du Premier ministre qui en précise l’objet et les modalités.
        « Sa notification emporte :
        « 1° Dans les cas mentionnés au 2° de l’article L. 2224-1, transfert temporaire à l’Etat de la qualité d’opérateur spatial et suspension de l’autorisation délivrée à l’opérateur spatial initial sur le fondement de l’article 2 de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales ;
        « 2° Dans tous les cas, la réquisition des personnes, biens et services nécessaires à son exécution, désignés à cet effet par l’autorité requérante sur proposition de l’opérateur spatial.

        « Art. L. 2224-5. – La fin de la réquisition est décidée par décret du Premier ministre.

        « Art. L. 2224-6. – Les modalités d’application des dispositions du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

      • Article 18

        Après l’article L. 2234-5 du même code, il est inséré un article L. 2234-5-1 ainsi rédigé :

        « Art. L. 2234-5-1. – Par dérogation aux dispositions des sections 1 et 4, en cas de réquisition sur le fondement du titre II bis du présent livre, sont intégralement réparés les préjudices subis du fait :
        « 1° Des dépenses directement prises en charge par l’opérateur spatial ou par l’exploitant de l’objet spatial pour assurer l’exécution du décret mentionné à l’article L. 2224-4 ;
        « 2° Des dommages de toute nature ayant résulté, pour l’opérateur spatial ou pour l’exploitant de l’objet spatial, de cette exécution ;
        « 3° Sauf en cas de faute intentionnelle, des dommages de toute nature ayant résulté, pour les tiers, de cette exécution.
        « Lorsqu’à la suite du transfert temporaire de la maîtrise d’un objet spatial, l’opération spatiale conduite par l’Etat est de même nature que celle conduite par l’opérateur soumis à réquisition, le montant de l’indemnisation prévue au premier alinéa est calculé d’après les conditions commerciales normales et licites de réalisation de la prestation. A défaut, il est déterminé au moyen de tous éléments probants. »

      • Article 19

        Après l’article L. 2234-25 du même code, il est inséré un article L. 2234-26 ainsi rédigé :

        « Art. L. 2234-26. – Par dérogation aux dispositions de la présente section, l’évaluation du montant des indemnités dues en cas de réquisition prévue au titre II bis du présent livre est assurée par le ministre de la défense, selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat. »

      • Article 20

        Après l’article L. 2236-2 du même code, il est inséré un article L. 2236-2-1 ainsi rédigé :

        « Art. L. 2236-2-1. – Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 euros le fait, pour un opérateur spatial ou pour l’exploitant d’un objet spatial, de ne pas déférer aux mesures légalement ordonnées en application de l’article L. 2224-3. »

      • Article 21

        Le Premier ministre, le ministre de l’économie, des finances et de la relance, la ministre des armées, le garde des sceaux, ministre de la justice, et la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 23 février 2022.

Emmanuel Macron
Par le Président de la République :

Le Premier ministre,
Jean Castex

La ministre des armées,
Florence Parly

Le ministre de l’économie, des finances et de la relance,
Bruno Le Maire

Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Éric Dupond-Moretti

La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,
Frédérique Vidal

Source : JORF n°0047 du 25 février 2022
Texte n° 11

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