On constate avec la professionnalisation des armées et
l’arrivée massive des nouvelles recrues, un réel
besoin d’information tant au niveau statutaire que dans
d’autres domaines liés à l’état et la
condition militaire.
L’administration militaire, dont l’excès de formalisme
n’est pas récent, apparaît difficile
d’accès au non initié à la subtilité
sémantique propre à la profession et, de surcroît,
très opaque.
La rétention de l’information demeure une pratique courante
au sein des armées dont elle est la règle. Sous la pression
de circonstances, l’information peut devenir l’exception par
sa diffusion massive, dispersée et parfois…
menaçante.
Si aucune information n’avait filtré par les canaux
officiels lors de la création de l’association de
défense des droits des militaires, à la suite de son
interdiction, tout le monde a pu constater l’importance du
dispositif administratif déployé pour rendre effective la
décision de Madame Alliot-Marie, ministre de la défense.
Jamais les armées n’avaient connu un tel déploiement
de moyens au final sans doute très coûteux pour un
résultat très aléatoire : note d’information,
note de service, procès-verbal du grand rapport, rapport du
Commandant d’Unité, réunion des chefs de service et
chefs de section, encart dans les revues spécialisées,
agrafage d’une note d’interdiction au bulletin de solde, mise
en garde, etc. De quoi, bien évidemment, mettre en doute, le
bien-fondé de la note incriminée. Je n’ai entendu
autour de moi que ce genre de réflexion : « pour que
l’on s’en prenne ainsi à cette association,
c’est quelle doit dire la vérité ! »
Mais la décision d’interdiction suggérée par
la haute hiérarchie est avant tout une décision politique
surprenante car la précédente équipe dirigée
par Alain RICHARD, conseiller d’Etat, n’a
décelé dans l’action de cette association aucune
activité subversive ou même syndicale au sens
étymologique du terme de nature à l’éliminer
du paysage militaire.
Dans ces conditions, l’excès de zèle pour tenter de
faire taire cette association s’est retourné contre le
ministère de la Défense. Beaucoup de militaires ont appris
l’existence de cette association grâce aux
éléments fournis dans la note d’interdiction
généreusement diffusée. Autour de moi, je
n’ai entendu que ce genre de réflexion : « Si on veut
faire taire ces gens là, c’est qu’ils doivent dire la
vérité ».
La limite imposée par la réglementation militaire au droit
d’expression ou encore d’association résulte
d’une lutte séculaire contre les menées subversives
et les manipulations orchestrées principalement dans
l’armée de terre par des courants de pensée
anarcho-syndicaliste d’extrême gauche où depuis
l’affaire DREYFUS ils trouvent toujours de l’eau pour
alimenter leur moulin.
Rappelons nous les comités de soldats que les conscrits
organisèrent dans les années 70 pour dénoncer
publiquement leur condition de vie dans les casernes, l’arbitraire
de chefs peu scrupuleux, le chantage aux permissions,
l’excès de pouvoir des cadres, le recours
systématique à la justice militaire ou à la Cour de
sûreté de l’Etat.
Progressivement le terme « Comité » dont la
connotation révolutionnaire faisait peur à certains
généraux de noble lignée a été
modifié par une appellation plus conforme à la doctrine que
nous connaissons tous aujourd’hui : la commission participative.
Or, ces commissions participatives n’ont qu’un rôle
consultatif dans le domaine du cadre de vie dans les casernes.
En aucune façon elles ne peuvent interférer dans les
affaires d’abus de pouvoir de l’ autorité ou encore
saisir une autorité de tutelle indépendante pour lui
exposer des comportements délictueux ou des faits
répréhensibles.
L’actualité est là pour nous rappeler que les
décideurs dans notre armée, quelle que soit leur position
hiérarchique, peuvent être concernés par ces
fléaux.
Les faits rendus publiques concernant le ministère de la
défense ne sont qu’une infime partie de l’iceberg
immergé dans les eaux troubles du secret défense.
Dès lors on comprend mieux le caractère syndical auquel le
ministre de la défense a fait allusion pour justifier à ses
ressortissants l’interdiction qui leur est faite
d’adhérer à l’association de défense des
droits des militaires dont la pertinence des interventions a
déjà fait vaciller plusieurs fois le colosse aux pieds
d’argile.
L’action d’une poignée d’anciens militaires
désireux de contribuer dans le cadre associatif à renforcer
le lien entre l’armée et la Nation n’a rien de
répréhensible. Elle répond au besoin
d’information de ces volontaires de « la France d’en
bas » qui servent les armes de la France.
Ne voyez dans cette démarche, aucune visée subversive,
aucune manipulation insidieuse de la troupe, mais au contraire un outil
de plus pour accroître notre efficacité et la justesse des
décisions hiérarchiques.
Caporal-chef X en service à la Légion
Etrangère