Texte de la question
Mme Mireille Clapot interroge Mme la ministre des armées sur les violences durant les conflits armés. Le Traité sur le commerce des armes (TCA) a été adopté par les Nations unies en avril 2013 et est entré en vigueur en décembre 2014. Ce traité vise notamment à éviter la vente d’armes à des pays susceptibles de les utiliser pour commettre des crimes de guerre. Les États-Unis, premier producteur et exportateur d’armes au monde, ont signé le traité mais ne l’ont pas ratifié. La Chine et la Russie, d’autres grands exportateurs, refusent de le signer. Or les conflits armés sont aussi à l’origine de violences sexuelles et celles-ci ne sont pas toujours reconnues comme crimes de guerre. À l’instar des propositions contenues dans le rapport dont elle a été corapporteure (n° 844 – avril 2018), elle lui demande donc comment le Gouvernement entend pousser à la ratification du Traité sur le commerce des armes par tous les pays exportateurs, et à la reconnaissance des violences sexuelles dans des conflits comme crime de guerre.
Texte de la réponse
Le traité sur le commerce des armes (TCA) permet d’améliorer les systèmes de contrôle des exportations d’armes classiques, notamment des armes légères et de petit calibre, et de lutter contre les trafics illicites dans le but de renforcer la paix et la sécurité internationale. La France, qui a activement participé à la négociation de ce traité, figure parmi les premiers États à l’avoir ratifié, dès avril 2014. À ce titre, la France, à partir d’une évaluation in concreto, apprécie s’il existe un risque manifeste ou prépondérant que les matériels de guerre soient utilisés à des fins de violations graves des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Cette appréciation inclut le choix de mettre en place d’éventuelles mesures de remédiation du risque de violation des droits de l’homme ou du droit international humanitaire (formation, accompagnement à l’appropriation des méthodes et doctrines d’emploi du matériel, restrictions d’usage, démarches diplomatiques…). La France s’engage résolument en faveur de la mise en œuvre du TCA et de son universalisation, en conduisant, notamment via l’ATT-OP [1], des actions de sensibilisation. Destinées à des Etats tiers, celles-ci sont principalement axées sur le renforcement de leur réglementation et de leur régime de contrôle, ainsi que sur un meilleur partage d’expériences en matière de contrôle des transferts internationaux d’armement. En parallèle, elles tendent à favoriser l’adhésion au traité des principaux États exportateurs et des plus importants États importateurs. Il convient de souligner que la France a officiellement exprimé ses regrets suite à l’annonce en avril 2019 par les États-Unis de leur intention de se retirer du TCA. En septembre 2019, la Chine a fait part de son intention d’adhérer au traité. Concernant les violences sexuelles, celles-ci sont réprimées tant par le droit international humanitaire écrit (Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977) et coutumier que par le droit international des droits de l’homme, qui trouve aussi à s’appliquer dans les conflits armés. En vertu du droit international pénal, le viol et d’autres formes de violences sexuelles peuvent constituer des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de génocide) lorsque les éléments constitutifs de ces crimes sont réunis ; en tant que tels, ils engagent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs, de leurs complices, de ceux qui en ordonnent la commission et des supérieurs hiérarchiques (cf. notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale). Ces trois branches du droit international se complètent et se renforcent donc mutuellement dans ce domaine. Dans la continuité du Statut de Rome, la résolution 1820 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en 2008, a rappelé que le viol et les autres formes de violence sexuelle peuvent être qualifiés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou d’actes constitutifs de génocide. Aussi le Conseil de sécurité les érige t-il en sujets d’importance internationale pour la paix et la sécurité, nécessitant une réponse adaptée. En outre, par le paragraphe 3 de son article 7, le TCA exige des États parties exportateurs qu’ils évaluent le risque que les armes transférées puissent servir à commettre ou faciliter la commission d’actes graves de violence fondés sur le sexe. Les violences sexuelles sont donc prises en compte parmi les critères d’évaluation des demandes d’exportation prévus par le traité. [1] ATT-OP (Arms Trade Treaty Outreach Programme) : programme d’aide à la mise en œuvre du TCA au profit d’États tiers, mis en place par l’Union européenne dès la fin de l’année 2013.