In Le nouveau guide des droits et démarches des militaires
« (…), je suis victime à répétition de dysfonctionnements dans la gestion de ma solde : inhibition de ma solde, accessoires de solde non versés ou versés avec retard, je ne reçois pas certains bulletins de solde, multiples notifications de décisions de trop versés … résultant depuis plus de 5 ans, je suis dans l’incapacité de prévoir le montant de ma solde. Cette situation m’est préjudiciable financièrement et moralement. Est-ce que je peux demander réparation à l’Armée ?
La responsabilité de l’Etat peut être engagée, si le militaire prouve qu’il a signalé le changement de sa situation et si le service responsable n’en a pas tenu compte. La réparation de la faute commise peut alors compenser en tout ou partie le trop-perçu exigé ainsi que l’a rappelé le Conseil d’Etat en relevant :
« Considérant qu’il résulte de l’instruction que la situation de famille de M. A avait changé le 1er janvier 2003, l’intéressé n’ayant plus qu’un enfant à charge au lieu de trois ; que, bien qu’il ait informé son administration de ce changement, comme il ressort notamment d’un courrier du chef du bureau solde des personnels militaires en date du 1er août 2006 et que l’administration ait ains iété en mesure de savoir qu’il ne remplissait plus les conditions pour percevoir l’indemnité pour charges militaires au taux correspondant à trois enfants à charges, elle a continué à lui verser cette indemnité à ce taux au cours de la période allant du 1er janvier 2003 au 30 avril 2006 ; que le maintien de ce versement a constitué une erreur de liquidation ; qu’il appartenait à l’administration de corriger cette erreur et de demander à l’intéressé le recouvrement des sommes indûment payées ; que, par suite, M. A n’est fondé à demander ni l’annulation du titre de perception émis à son encontre le 16 août 2006 pour le recouvrement d’une somme de 8 628,03 euros à raison du trop-perçu d’indemnité pour charges militaires pour la même période ni celle de la décision du 17 novembre 2006 rejetant son recours contre ce titre ; Sur les conclusions subsidiaires à fin d’indemnité : Considérant qu’en maintenant pendant vingt-huit mois le versement de l’indemnité pour charges militaires au taux correspondant à trois enfants à charge à M. A et en exigeant le remboursement du trop-perçu correspondant le 16 août 2006, c’est-à-dire plus de trente mois après avoir été informée par l’intéressé du changement de sa situation familiale, l’administration a commis une négligence constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat, qui a causé à M. A un préjudice dont il est fondé à demander réparation ; qu’eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par l’intéressé en lui accordant à ce titre une indemnité de 6 000 euros » (CE, 12/10/2009 n°310300).
Qui plus est, dans le cadre des dysfonctionnements liés au logiciel LOUVOIS, certains juges administratifs ont reconnu la responsabilité de l’Etat du fait de la gestion défaillante du dossier de solde du militaire.
Certains militaires ont obtenu une réparation de leur préjudice moral et de leur trouble dans les conditions d’existence.
Pour illustration, c’est dans ce contexte que le Tribunal administratif de MARSEILLE, dans un jugement du 6 février 2017, n° 1401370, a jugé que :
« Considérant qu’il résulte de l’instruction que X a effectué de nombreuses démarches auprès de l’administration afin de signaler les dysfonctionnements relatifs au paiement de sa solde ; qu’au vu de l’importance de ces dysfonctionnements, du montant des prélèvements effectués sur sa solde, des difficultés rencontrées par X pour obtenir une régularisation de sa situation financière, et de l’incertitude occasionnée par une telle situation, l’intéressée est fondée à soutenir qu’elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence ; qu’il y a lieu de condamner l’Etat à verser cette somme à X en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence qu’elle a subis : ».
Pour autre illustration, le Tribunal administratif de CHALONS-EN-CHAMPAGNE s’agissant d’un militaire victime du logiciel LOUVOIS a jugé que :
« considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en attendant le mois de février 2015 pour émettre une demande de reversement à l’encontre de X, laquelle portait au demeurant sur des sommes atteintes par la prescription biennale, alors que les dysfonctionnements dans le versement de la rémunération de l’intéressé avaient démarré au mois d’octobre 2011 et qu’il avait fait part de ceux-ci dès le mois de septembre 2012, et en laissant perdurer ces irrégularités jusqu’au mois de novembre 2014, l’administration a commis des négligences constitutives de fautes de nature à engager sa responsabilité ; qu’au regard du délai de plus de deux ans qui s’est écoulé entre la date à laquelle l’autorité administrative a eu connaissance des difficultés rencontrées par le requérant et la date à laquelle ces irrégularités ont cessé, et du délai global de 28 mois entre l’acquisition de cette connaissance et l’envoi du courrier ordonnant le reversement du solde, alors-même que la rémunération de X constituait la majeur partie des ressources de son foyer et que l’incertitude économique résultant de cette situation a ainsi perduré, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice moral subis par le requérant du fait de la mauvaise gestion de sa situation administrative en lui allouant la somme de 2.500,00 euros qu’il demande à ce titre ; ». (TA CHALONS-EN-CHAMPAGNE, 24 mai 2017, 1501715)
Dans d’autres affaires, le juge administratif a également condamné le Ministère des Armées du fait des négligences dans la gestion du dossier de solde de militaire tout en accordant une réparation moindre de leurs préjudices. (TA CHALONS-EN-CHAMPAGNE, 24 mai 2017, n° 1501762 ; TA PAU, 31 mai 2017, n° 1600307 ;TA TOULON, 22 juin 2017, n° 1503666) »