Les conditions climatiques de ces dernières semaines ont mis de nouveau en avant la nécessité de prévoir le pire pour qu’il n’arrive jamais.
Anticipation est le maître mot d’une organisation nationale qui nécessite la concertation entre les ministères, une réelle écoute des intervenants, la planification, la mise sous pression des moyens humains et matériels engageables. Cette anticipation a pour effet de permettre une prise de décision rapide selon le degré d’urgence, l’efficacité dans le déploiement de tous les moyens de la nation. Pourquoi un tel propos ? … Simplement pour exprimer mes doutes au sujet du commandement de nos unités placées en alerte. Cette tribune n’a pas pour objctif de contester voire critiquer : juste l’ambition d’approfondir de l’intérieur une vision souvent critiquée de l’extérieur par la société civile.
Le « commandement » (qui se rapproche aujourd’hui dangereusement du « management » dans nos armées) est un principe sur lequel la fonction militaire repose totalement. Il associe un objectif à une mission ; une mission à un chef ; un chef à des moyens ; des moyens à une volonté affichée… et cette dernière à un RESULTAT : en clair, le résultat est toujours étroitement lié à la volonté de remplir la mission (alors que dans le sens commun, le « management » se rapproche davantage d’une notion de « gestion » dans laquelle le bilan final s’accommode d’abandons projetés, de pertes acceptables). Dans les crises de grande ampleur qui nous intéressent – les différents incendies du sud de la France – certains diront que ces crises ont été bien « gérées », alors que dans les faits, la mission a été partiellement remplie. Les chiffres parlent d’eux même. Les incendies ravageurs de cet été caniculaire ont mis à mal les limites physiques et matérielles des soldats du feu. N’y avait-il pas une ou plusieurs possibilités de venir en aide à ces hommes en complétant certaines missions d’observation et d’appui par exemple ? les éléments de cette catastrophe prévisible n’étaient-ils pas réunis dès juin ? Puis tout au long des deux mois d’été ?
Permettez-moi de vous indiquer quelques faits internes à la Défense.
Au sein de certaines unités, des personnels furent désignés pour appuyer les pompiers sur le fondement de leurs compétences militaires. Rapidement désignés, la plupart de ces personnels furent enchantés de devoir s’acquitter de cette mission d’entraide au profit du Corps des Sapeurs-Pompiers. La motivation était très grande.
En revanche, les ordres de déplacements tardèrent ! Plus de 2 semaines d’attente pour certains !… « Il est urgent d’attendre » ; ce vieil adage prend ici tout son sens. Quel gaspillage de volonté ! Ces personnels au volume d’une section restèrent durant de longues journées en attente d’un ordre de départ tardant à venir (tout en se tenant informés de l’ampleur nationale de ces incendies, à la télévision…). Trop tardivement, l’ordre de départ tomba un matin. N’aurait-on pu sauver quelques hectares de végétation ? Quelques habitations ? Quelques vies ? Puisque les moyens étaient prêts au départ. Certaines unités d’observation, d’appui, de transport, disposant de personnels compétents et de matériels adaptés, n’auraient-elles pu appuyer ponctuellement et compléter avec efficacité le dispositif insuffisant de la sécurité civile débordée ? N’y avait-il pas là matière à tisser des liens concrets entre l’armée et la nation dont on nous rabat les oreilles ? Manquait-il de médias sur le terrain ?
Il est aussi réel que de nombreuses unités ne pouvaient intervenir en raison de leur engagement en et hors d’Europe. Cependant, malgré la réelle « surchauffe » de nos armées dans ses engagements en et hors d’Europe, la preuve d’une réactivité grippée demeure. Deux semaines d’attente pour recevoir un ordre de départ ! Des cas similaires se sont multipliés.
Plusieurs unités ne furent mises à contribution que de manière frileuse et souvent tardive lors des dernières inondations. Evidement, il est véritablement scandaleux de solliciter sans cesse l’armée pour venir en aide à des habitants négligés par leurs élus, délaissés de certains ministères, oubliés des préfectures, des conseils généraux et régionaux. Il est aussi purement scandaleux de remplacer des personnels civils par des personnels militaires une fois déclarée la toxicité d’un produit pétrolier répandu sur les plages. Il est aussi méprisable que l’Etat refuse une prime symbolique à des militaires venant compléter un dispositif civil disposant lui, d’une rémunération ajustée. Deux poids deux mesures !
Cependant, ces derniers incendies auraient du être appuyés de manière plus active par la Défense nationale qui dispose a priori de moyens matériels et d’une capacité de mobilisation et de réaction rapide : que retiendront les populations concernées, les médias, les téléspectateurs ?
L’image du Légionnaire – et au delà celle du Soldat – ne peut rester celle du « guerrier – bâtisseur » n’existant que lors du défilé du 14 juillet, de 10h30 à 11h45. Les orientations politiques, les directives préfectorales, les ordres des autorités militaires sont souvent frileux, incomplets, contradictoires et parfois sans aucune intuition, sans projection, sans conviction : c’est à mon sens, l’un des maux de notre pays tout entier. Des instructions édulcorées proviennent de chefs qui ne savent pas s’impliquer. Comment obtenir l’adhésion lorsque la frilosité gèle l’exécution ? L’EVAT qui s’engage recherche des objectifs clairs mais en aucun cas le même chantier qu’il vient de fuir. Or, il se retrouve souvent confronté aux attitudes d’élus, d’autorités civiles et militaires carriéristes, qui ne recherchent que des satisfactions électorales, personnelles, de déroulement de carrière dans leur quotidien, où les « pas de vague » et « il est urgent d’attendre » tiennent le haut du pavé. Ainsi peut-on découvrir dans nos casernes des questionnaires destinés à connaître les raisons des départs anticipés de nos EVAT… Les raisons de leurs départs ? Mais nous avons déjà mille fois l’xplication !!! Il faut descendre messieurs !!! En engageant « à la pelle » et en tentant sans succès de limiter les départs, notre institution souffre d’une incapacité à se remettre en cause de l’intérieur.
Le principe d’une armée professionnalisée est satisfaisant, mais le chemin pour parvenir à une armée véritablement PROFESSIONNELLE à tous les échelons est encor très long ! Il est indispensable de revoir sérieusement la copie et d’y intégrer les valeurs du commandement des hommes en lieu et place des déroulements de carrière, voire des abondantes tâches administratives sans utilité.
Je dispose dans ma section de soldats formidables, volontaires, désintéressés, sérieux, efficaces, disponibles et pourtant, ces valeurs précieuses pour nos armées sont la cause même de leur départ. Sans contester les principes de l’institution, je rêve (donc j’espère) que les bonnes décisions seront prises pour avancer dans la bonne direction : celle de la défense et de la sauvegarde de la nation qui tantôt se noît, brûle et parfois meurt sous nos yeux habitués, souvent indifférents ; « Pour moi, faire carrière dans la Défense nationale, ce n’est sûrement pas laisser brûler notre beau pays, en détournant un regard noyé dans l’habitude ! »
Signé: UL