Le rejet de la distinction républicaine, qui gonfle le débat autour des Roms, est devenu une façon de protester contre une politique.
Le père Arthur, qui vient de retourner la médaille de l’ordre du Mérite au même Brice Hortefeux qui l’en avait décoré, n’est pas seul à protester contre la politique du gouvernement sur les Roms du plat du veston. Une anesthésiste de Pau (Pyrénées-Atlantiques), Anne-Marie Gouvet, a gagné une notoriété nationale à vitesse rapide en refusant la Légion d’honneur en début de semaine.
Les refus de la Légion d’honneur ne sont pas si rares
Médecin humanitaire, elle a notamment travaillé au Kurdistan, au Rwanda ou au Sud-Liban. Anonymement, donc. C’est son fils qui l’avait poussée à accepter la distinction républicaine. Mais pour protester contre la vague répressive et les expulsions de Roms et rester « tête haute », dit-elle, elle s’est ravisée.
La médiatisation de son geste est proportionnelle à l’émoi que suscite la politique gouvernementale dans l’opinion, le secteur associatif, mais aussi une partie de la classe politique.
Mais en réalité, les refus de Légion d’honneur sont loin d’être rares. Notamment parce que, contrairement à l’idée reçue, la décoration ne se réclame pas mais vous est attribuée. C’est une fois informé de votre présence sur la liste que vous pouvez décliner.
Récemment, d’autres refus ont fait du bruit. Principalement parce qu’ils s’inscrivent chez les intéressés dans l’opposition à la politique menée par Nicolas Sarkozy. Mais aussi parce que les médias les relaient comme tels et que les initiatives isolées commencent à faire tâche d’huile.
Mi-juillet, le philosophe Jacques Bouveresse, professeur au Collège de France, avait clairement expliqué sa démarche par une lettre ouverte à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur, publiée sur le site de l’éditeur Agone.
Ses termes étaient pour le moins explicites :
« Il ne peut être question en aucun cas pour moi d’accepter la distinction qui m’est proposée et -vous me pardonnerez, je l’espère, de vous le dire avec franchise- certainement encore moins d’un gouvernement comme celui auquel vous appartenez, dont tout me sépare radicalement et dont la politique adoptée à l’égard de l’Education nationale et de la question des services publics en général me semble particulièrement inacceptable. »
Camus et Beauvoir ont refusé la Légion d’honneur
En juillet toujours, puisque le Journal officiel du 14 de ce mois dresse la liste des heureux élus d’une des trois promotions de l’année, le musicien et compositeur Jean Guillou, organiste, avait lui aussi éconduit l’Etat qui souhaitait le décorer.
Un an avant, deux journalistes politiques, Marie-Eve Malouines (Radio France) et Françoise Fressoz (Le Monde) avaient décliné la Légion d’honneur. Explications : le souhait de conserver envers le pouvoir une distance salutaire en matière de journalisme, mais aussi le sentiment de ne rien avoir fait de particulier dans leur vie professionnelle pour le mériter.
Un peu paradoxalement, les deux femmes rejoignaient ainsi une liste d’illustres personnages autrement plus célèbres parmi lesquels on peut citer :
- Albert Camus
- Pierre et Marie Curie
- Jean-Paul Sartre
- Simone de Beauvoir
- Léo Ferré
- George Sand
- Marcel Aymé
- Hector Berlioz
- Georges Brassens
- Maurice Ravel
Lorsqu’Aragon avait refusé la sienne, Jacques Prévert (autre réfractaire) avait eu cette sortie :
« C’est très bien de la refuser, mais encore faudrait-il ne pas l’avoir méritée. »
Le comique Dany Boon n’aura pas eu le bénéfice d’un tel hommage poétique : il a accepté d’être décoré par Nicolas Sarkozy en 2009. Et l’hommage présidentiel empli d’hilarité résonne toujours d’un curieux écho :
Lire la suite sur le site Rue89 en cliquant [ICI]
Source: Site http://www.rue89.com/