L’hypothèse de tirs fratricides en Afghanistan (Jean Guisnel)

Dans une démarche de transparence assez inhabituelle, l’état-major des armées a décidé de rendre publiques, mardi soir, les conditions dans lesquelles trois soldats du 21e régiment d’infanterie de marine ont été blessés dans la nuit de dimanche à lundi. Initialement, ces blessures avaient été décrites par les militaires comme ayant été causées « sans doute par des tirs directs de RPG-7 et de kalachnikov. » Avec précaution, le porte-parole de l’état-major des armées, le colonel Thierry Burkhard évoque désormais une « suspicion de tirs fratricides ».

Bien que de tels événements ne soient pas rares dans des opérations de combat, notamment pour l’armée américaine qui en a souvent été victime, l’événement est rare pour les Français. Une première enquête est en cours, qui a été confiée au RepFrance en Afghanistan, le colonel Emmanuel Didier. Voici ce que l’on peut dire aujourd’hui de ce dossier :

LE CONTEXTE TACTIQUE

L’opération déclenchée vers minuit dans la nuit de dimanche à lundi, baptisée Hermes Burrow, est lourde. Elle est conduite dans de bonnes conditions météorologiques, avec une visibilité importante due à la pleine lune. Elle concerne le bataillon de Kapisa, élément de la Task Force Hermes commandé par le colonel Michel de Mesmay et composé pour l’essentiel de soldats du 21e régiment d’infanterie de marine de Fréjus. Elle vise à « désorganiser les structures insurgées et réduire leurs capacités logistiques », notamment en fouillant des habitations dans le village de Karamkhel dans la région de Tagab, à l’entrée de la vallée de Bedraou. Les soldats sont répartis en plusieurs unités. Trois compagnies de combat (« rouge », « bleu » et « vert ») se déplacent à pied, selon des axes de progression classiques : la « rouge » sera au plus près des maisons concernées, les deux autres se situant à quelque distance pour assurer la sécurité du dispositif. Les Français sont, en outre, associés à deux compagnies de l’armée nationale afghane (ANA), qui sont « mentorées », c’est-à-dire « coachées », par des éléments français d’une OMLT (Operational Mentoring and Liaison Team). Les fouilles de maisons sont en principe réalisées par les seules troupes afghanes.

En sus de ces troupes concernées au premier chef par l’opération, une « section d’appui » s’est mise en place sur une hauteur à l’ouest du dispositif. Elle est composée notamment de trois VBCI (véhicules blindés de combat d’infanterie), de deux chars AMX-10 RC, d’une section du génie et d’une petite force de réaction rapide composée de fantassins. Le dispositif est complété par des mortiers en place à Tagab, ainsi que par des hélicoptères Gazelle et Tigre prêts à décoller à Kaboul. En tout, plus d’un demi-millier d’hommes se trouvent sur le terrain, dont 380 soldats français et 170 afghans.

LES ÉVÉNEMENTS

Vers trois heures du matin, dans des conditions qui devront être précisées par l’enquête, la section d’appui ouvre le feu. L’a-t-elle fait avec une autorisation explicite de l’échelon supérieur ? L’enquête le dira. Elle tire avec un ou plusieurs VBCI, et aussi avec ses AMX-10 RC, et pense évidemment viser des insurgés. Sauf que, dans les secondes qui suivent ces tirs, la compagnie « vert », qui se trouvait justement en train de changer de position, signale qu’elle est prise sous le feu et qu’elle déplore trois blessés, dont l’un très grièvement atteint. Concluant immédiatement qu’il pourrait y avoir eu un tir fratricide, le commandement fait cesser le feu. Le colonel Thierry Burkhard précise toutefois que, à ce stade, « il y a suspicion qu’il y ait pu y avoir un tir fratricide, mais (qu’)il n’y a pas de certitude. »

LES QUESTIONS

Existe-t-il d’autres hypothèses ?

Deux éventualités compatibles avec les blessures des trois soldats sont étudiées. La première concerne un « ricochet » des munitions des blindés qui auraient effectivement visé des insurgés, mais auraient frappé ailleurs. Autre hypothèse : un tir de RPG-7, arme antichars à charge creuse dont sont largement dotés les insurgés, aurait pu, lui aussi, provoquer de graves brûlures. Il y aurait alors eu concomitance entre des tirs français et insurgés. C’est possible, sans plus.

Pourquoi les Français n’ont-ils pas été identifiés ?

Comme cela avait été le cas dans les combats d’Uzbin, voici exactement deux ans, il semble en première approche que les soldats français ne disposaient pas de systèmes d’identification individuels qui les auraient, dans la nuit, distingués des insurgés. Les dispositifs existants sont de petites lampes émettant des éclats visibles seulement avec des équipements de vision nocturne (caméras thermiques ou jumelles à intensification de lumière), voire de simples bandes réfléchissantes. La possession de ces systèmes constitue une importante différence avec les insurgés, qui ne paraissent pas posséder de systèmes de vision nocturne.

Quelles armes ont tiré ?

Si, comme c’est actuellement envisagé, les blessés ont été touchés par des munitions de 25 mm du VBCI ou de 105 mm de l’AMX-10 RC, ils n’avaient, hélas ! ….

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