Question écrite n° 11322 de M. Rachel Mazuir (Ain – SOCR)
publiée dans le JO Sénat du 04/07/2019 – page 3471
M. Rachel Mazuir appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la multiplicité de problématiques liées à la dématérialisation de la prise de rendez-vous en préfecture pour les étrangers.
Outre les compétences et conditions matérielles qu’elle requiert, l’obligation de la prise de rendez-vous en ligne pour déposer une demande de délivrance de titre de séjour, de renouvellement de titre de séjour, ou pour retirer un titre de séjour, est génératrice d’inégalités, de précarité et d’une fraude souterraine inquiétante.
Ainsi, sur le site de la préfecture de l’Ain, pendant le premier semestre 2019, les trois quarts des tentatives de prise de rendez-vous en ligne pour une première demande de titre de séjour se sont soldées par le message suivant : « Il n’existe plus de plage horaire libre pour votre demande de rendez-vous. Veuillez recommencer ultérieurement », sans qu’une échéance ou une date même lointaine soient proposées, maintenant de fait l’étranger en état de veille permanent et en situation d’irrégularité.
Profitant de cette situation où l’offre de créneaux est considérablement inférieure à la demande de rendez-vous, le trafic de revente de rendez-vous en préfecture est en train de se développer dans certains territoires. Ce phénomène vient d’ailleurs d’être pointé du doigt dans un rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission parlementaire d’information relative à la taxation des titres de séjour.
Il souhaite savoir quels moyens le Gouvernement compte déployer pour permettre un accueil en préfecture à la hauteur des besoins et ainsi garantir le respect des droits des étrangers comme leur dignité.
Réponse du Ministère de l’intérieur
publiée dans le JO Sénat du 12/12/2019 – page 6149
Alors que les services des étrangers des préfectures sont soumis à une forte pression, l’extension des délais de rendez-vous, outre les difficultés qu’elle entraine pour les usagers, peut s’accompagner du développement de pratiques irrégulières telles que le trafic de rendez-vous. Le comité interministériel sur l’immigration et l’intégration du 6 novembre 2019 a réaffirmé la mobilisation du ministère de l’intérieur pour réduire les délais d’accès aux guichets. Dès le mois de mai 2019, le module national de prise de rendez-vous a été mis à jour pour intégrer un contrôle anti-robot (technologie « re-captcha ») afin de limiter la captation des rendez-vous mis à disposition par les services. De plus, le nombre de réservation en cours peut être limité : cela signifie qu’avec une même adresse mail, un usager ne pourra prendre qu’un nombre de rendez-vous défini au préalable. En matière de renouvellement, le module intègre désormais une option rendant obligatoire pour l’usager la saisie de son numéro AGDREF, ce qui déclenche une interrogation de la base de données pour vérifier si le numéro existe et, le cas échéant, empêcher la prise de rendez-vous indue. Les actions intrusives constatées par les préfets font systématiquement l’objet de plaintes auprès de l’autorité judiciaire, sensibilisée à la lutte contre ces pratiques. La réduction des délais reste indispensable. Les actions mises en place entre 2012 et 2014 pour fluidifier l’accès aux guichets ont ainsi permis de limiter les temps d’attente : développement de l’accueil sur rendez-vous, dépôt par voie postale et mise en place de solutions permettant d’aller au-devant du public comme la multiplication des guichets délocalisés dans les universités pour l’accueil du public étudiant. Le renforcement des services des étrangers en emplois pérennes et vacataires a également contribué à absorber l’augmentation des flux constatés. Enfin, la création en 2016 du titre pluriannuel en lieu et place des titres renouvelables annuellement, a entrainé mécaniquement la réduction du nombre de déplacements nécessaires en préfecture. De trois à quatre en moyenne, le nombre de passages pour la délivrance d’un titre devrait être ramené d’ici 2021 à un seul rendez-vous pour la majorité des dossiers dans le cadre du déploiement du programme de dématérialisation des procédures « administration numérique des étrangers en France ». Ce projet autorisera, dès 2020 pour les premières demandes et renouvellement de titres étudiant, le dépôt en ligne du dossier et son traitement par la préfecture compétente.
Source: JO Sénat du 12/12/2019 – page 6149