Question écrite n° 09578 de M. Jacques Le Nay (Morbihan – UC) publiée dans le JO Sénat du 21/03/2019 – page 1491
M. Jacques Le Nay attire l’attention de Mme la ministre des armées sur les capacités d’analyse et de pilotage du ministère en matière d’externalisation. Dans son rapport de janvier 2019, « L’externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures », la Cour des comptes recommande de comparer l’achat ou la location d’aéronefs d’occasion au coût des affrètements aériens, en tenant compte du fait que des aéronefs achetés ou loués répondent aux règles d’emploi des avions de transport tactique militaire et sont susceptibles d’accroître la sécurité du personnel transporté. Il lui demande si le Gouvernement compte mettre en œuvre cette préconisation.
Réponse du Ministère des armées publiée dans le JO Sénat du 22/08/2019 – page 4309
D’une façon générale, pour répondre au besoin opérationnel des armées en matière de transport aérien, l’état-major des armées (EMA) n’écarte aucune option. Les choix des modes de transport demeurent dictés par l’équilibre imposé entre la disponibilité réelle du parc des moyens patrimoniaux (optimisation des flottes en fin de vie et montée en puissance des nouvelles) et les opportunités d’offres de soutien de la part des partenaires étrangers. Ces opportunités sont complétées par des moyens affrétés pour satisfaire les besoins opérationnels et optimiser les flux (principalement stratégiques). Les affrétés offrent une solution flexible et à vocation temporaire pour pallier les insuffisances capacitaires des armées. Le recours aux moyens patrimoniaux est privilégié. Cependant, la flotte patrimoniale se caractérise par des capacités hétérogènes et limitées (retrait de flottes d’ancienne génération et montée en puissance difficile de l’A400 M) et une disponibilité technique globalement insuffisante. L’appui des armées alliées constitue également une solution capacitaire pour la France, notamment via l’European air transport command (EATC). Pour autant, ce recours reste soumis à des restrictions d’emploi (caveats, lieu de stationnement des aéronefs, double emploi) qui ne permettent pas de répondre pleinement aux impératifs de réactivité et de souplesse des opérations. Le segment des achats de transport (incluant les affrètements stratégiques) a donné lieu à une stratégie d’achats adoptée en comité des achats le 16 décembre 2013. Cette stratégie fait actuellement l’objet d’un retour d’expérience, lancé en novembre 2018, et qui sera suivi d’un renouvellement de la stratégie d’achats à présenter au comité des achats à l’été 2019. L’achat d’appareils d’occasion a déjà été mis en œuvre au milieu des années 90 par l’armée de l’air pour acquérir deux C130H. Toutefois ce type d’acquisition doit rechercher une convergence avec les flottes existantes, pour limiter la création de micro-flottes dont les spécificités nuisent à l’optimisation du soutien (coûts, délais, formation, …) et peuvent générer des restrictions d’emploi opérationnel. En outre, les contraintes liées aux différentes réglementations, dont la navigabilité, entraînent une phase prospective et de remise à niveau qui peut se dérouler sur plusieurs années, réduisant d’autant l’avantage d’une telle option comparée à l’achat d’un matériel neuf. À titre d’illustration, l’étude conduite en 2010 pour renforcer à nouveau la flotte C130H a conclu à un délai de seize à vingt-quatre mois, après la notification du contrat, pour remettre au standard français les deux premiers avions pré-identifiés, soit un délai comparable à celui entre la commande (en procédure FMS [1] accélérée en 2016) et la livraison des deux C130J neufs. Ce délai est à mettre en perspective également avec celui de trois ans pour le premier C130J neuf commandé par les Allemands fin 2018 et qui sera livré fin 2021. Enfin, la location d’aéronef constitue également une solution ; le marché de location d’avion léger de surveillance et de reconnaissance (ASLR) coque nue, qui sera effectif à l’été, en est un exemple. Il s’inscrit dans une démarche de complémentarité des capacités déployées sur les théâtres, et le retour d’expérience restera à construire avec l’ensemble des acteurs. Ainsi, les différentes solutions sont examinées et comparées au cas par cas, au regard des besoins des armées, de leur coût et de leur capacité à y répondre. Concernant la sécurité du personnel transporté et plus généralement la sécurisation des marchés d’affrètement d’aéronefs pour le transport aérien intra-théâtre, le dispositif de sécurisation de ces marchés a été entrepris à l’initiative de l’EMA dès 2015. Le contrôle amont est exercé par le Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA) et le Service spécialisé de la logistique et du transport (SSLT), renforcé désormais par un contrôle préalable systématique exercé par le Contrôle général des armées (CGA) mis en place par décision de la ministre des armées le 24 juillet 2018. Le marché de Safety audit, notifié par le SSLT à l’organisme pour la sécurité de l’aviation civile (OSAC) le 18 décembre 2018, vient compléter ce dispositif en appuyant le ministère sur trois volets : la définition du référentiel cadre de sécurité (RCS) propre au ministère des armées dans le domaine du transport de personnels et de fret sur les théâtres d’opérations, pour chaque type de marché d’affrètement aérien (passagers ou fret), et l’élaboration d’une grille standardisée destinée à faciliter l’expression de besoin du théâtre pour les marchés d’affrètement aérien. Ce volet est d’ores et déjà achevé et le ministère dispose de son propre RCS pour les transports intra-théâtre ; l’assistance au sourçage fournisseurs, à la rédaction des clauses des marchés, l’appui technique à la phase de consultation et d’analyse des offres. Ce volet est également mis en œuvre ; l’audit sur place et sur pièces des machines, équipages et chaînes de maintenance des aéronefs pour s’assurer du respect des obligations contractuelles par le titulaire de chaque marché. L’OSAC a déjà conduit plusieurs audits sur place depuis la notification du marché. Ce marché permet ainsi de répondre pleinement aujourd’hui aux carences de formation technique du personnel militaire et à la problématique des rotations du personnel acheteur soulevées par la Cour des comptes. [1] FMS Foreign Military Sale : programme du ministère de la défense américain destiné à faciliter la vente d’armement et de matériels militaires américains aux gouvernements étrangers par l’intermédiaire de la Defense Security Cooperation Agency.
Source: JO Sénat du 22/08/2019 – page 4309