Par Maître Aïda MOUMNI, Avocat associé et Marina SULA, stagiaire.
Compte tenu de la nature de leurs missions, les militaires sont exposés au risque de subir un accident durant leur service ou une maladie en lien avec celui-ci.
De tels évènements sont connus des militaires mais il arrive malheureusement que durant la prise en soin du militaire celui-ci contracte une infection nosocomiale lors de sa convalescence.
Petit point définition : d’après l’INSERM, l’infection nosocomiale « fait partie des infections associées aux soins, contractée au cours ou au décours d’une hospitalisation ».
Il convient ainsi de prouver le lien de causalité entre l’opération subie au sein de l’hôpital militaire ou non et la survenance de l’infection nosocomiale.
Il est fréquemment admis que l’apparition d’une fièvre à l’issue de l’intervention chirurgicale ou dans les heures suivent et qui ne disparaît pas est le signe d’une infection nosocomiale contractée su sein de l’établissement hospitalier.
La pension militaire d’invalidité : une réparation forfaitaire
Tout d’abord, en cas de préjudices corporels et/ou psychiques résultants d’une blessure ou d’une maladie survenue à l’occasion du service de même que l’infection contractée dans ses suites pourra faire l’objet d’une indemnisation au titre d’une pension militaire d’invalidité.
En effet, il ressort de l’article L121-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre prévoit que :
« Ouvrent droit à pension :
1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;
2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;
3° L’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ;
4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. »
La pension servie constitue une indemnisation forfaitaire, qui indemnise le déficit fonctionnel permanent résultant de l’infirmité contractée outre les autres préjudices suivants :
- Les pertes de revenus et l’incidence professionnelle de l’incapacité physique
- Le déficit fonctionnel permanent lié à la perte de la qualité de vie
- Les douleurs permanentes et les troubles dans les conditions d’existence
Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ne prévoit aucune indemnisation à de nombreux postes de préjudices.
C’est dans ce contexte que la jurisprudence a souhaité pallier ce vide juridique.
Les préjudices non couverts par la pension militaire d’invalidité sont habituellement pris en charge par l’Etat en vertu notamment de la jurisprudence dite « Brugnot » (décision du Conseil d’Etat en date du 1er juillet 2005) que nous avons déjà abordé dans notre blog:
Il faut alors distinguer les cas dans lesquels une faute est imputable ou non à l’Etat.
Une réparation indépendante de la faute de l’Etat
En sus du bénéfice de la pension militaire d’invalidité, le militaire pourra demander dans tous les cas de figure une indemnisation complémentaire pour les postes de préjudice suivants :
- Les souffrances endurées avant consolidation
- Le préjudice esthétique
- Le préjudice d’agrément
- Le préjudice sexuel
- Le préjudice d’établissement
- Le préjudice moral subi tant par le militaire intéressé que ses ayants droit
Afin d’obtenir les indemnisations relatives à ces postes de préjudice, le militaire devra adresser une demande d’indemnisation au service compétent. La réponse du service pourra donner lieu le cas échéant à un recours.
Une réparation subordonnée à la faute de l’Etat
Dans le cas d’une faute de service due à un défaut d’organisation du service, une faute d’imprudence ou une négligence imputable à l’Etat, telle une infection nosocomiale, l’Etat peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à une réparation intégrale des préjudices subis par le militaire malade ou blessé.
Sont compris dans la réparation intégrale tous les préjudices subis par le dommage dont notamment :
- L’absence de poursuite de carrière
- Les frais de santé restant à la charge du militaire malgré la prise en charge par la caisse de sécurité sociale des militaires et de la mutuelle
- Les pertes de revenus
Pour se faire, il faut déterminer le montant global des préjudices subis résultants des infirmités.
Ce montant englobe les sommes indemnisées au titre de la pension militaire d’invalidité.
Ensuite, une fois les sommes de la pension retirée de la somme globale, s’il reste un solde, celui-ci correspond à l’indemnité supplémentaire à laquelle à droit le militaire au titre de la réparation intégrale.
Attention toutefois cette demande d’indemnisation au titre de la réparation intégrale n’est possible qu’à compter de la consolidation des préjudices.
Cette demande est à adresser à la Ministre des Armées qui convoquera le militaire demandeur pour une expertise afin de faire une proposition d’indemnisation. Des recours sont possibles.
Dans la pratique, il est conseillé de prendre attache avec un conseil afin de sereinement mener toutes les démarches tant administratives que potentiellement contentieuses vers une indemnisation complète.
© MDMH – Publié le 24 juillet 2019
Maître Aïda MOUMNI
Expert en droit des militaires, Aïda MOUMNI a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux financier, social, indemnitaire et de fin de service des militaires et anciens militaires (soldes, accessoires de solde, Louvois, trop-perçus, moins versés, lien au service, retraite, pension de réversion, indemnités de départ …) Elle intervient conjointement avec Elodie MAUMONTdans le cadre du contentieux médico administratif des militaires, des pensions d’invalidité et des demandes connexes (jurisprudences BRUGNOT et autres).