Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président
La séance est ouverte à seize heures quarante.
M. le président Jean-Jacques Bridey. Je remercie M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, d’avoir accepté de participer à cette série d’auditions auxquelles nous avons convié les chefs d’état-major et les grands capitaines d’industrie, pour aborder tout à la fois des questions opérationnelles et l’état d’avancement des projets industriels du futur prévus dans la loi de programmation militaire, en particulier le programme emblématique de système de combat aérien du futur (SCAF). Nous aurons également plaisir à vous entendre au sujet des perspectives du prochain Salon du Bourget et des avancées qui pourraient être annoncées à cette occasion.
M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation. Commençons donc sans attendre par le sujet principal : le SCAF, l’ensemble du système de combat aérien du futur, que nous avons lancé sous l’impulsion du président de la République et de la chancelière Angela Merkel dans le cadre d’un accord franco-allemand. Il s’agit d’un ensemble de dispositifs de préparation du futur : en premier lieu, l’avion de combat dit next generation fighter (NGF), mais aussi le système de systèmes lié au fait que l’avion de combat, loin d’agir seul, travaille dans un réseau infocentré s’appuyant sur un centre de traitement des informations au sol, des moyens de communications entre avions de combat, existants ou du futur, étant entendu qu’il faut assurer l’interopérabilité des systèmes développés en France, en Europe et chez nos autres alliés et partenaires dans le cadre de l’OTAN, en particulier. D’autre part, pour voler, un avion a besoin d’un moteur : il nous faut donc aussi développer un moteur de nouvelle génération, ce qui constitue un chantier en soi, conduit de part et d’autre du Rhin. Enfin, nous développons également des remote carriers, des drones de petite taille qui pourraient à l’avenir accompagner l’avion de combat. Tels sont les quatre piliers sur lesquels s’appuie aujourd’hui le projet de SCAF.
Il y a un an, Dassault et Airbus ont signé à Berlin un accord de partenariat de principe visant à ouvrir des discussions pour répondre de manière coordonnée à la demande des deux États – ce qui, bien entendu, n’exclut pas les autres industriels. Le projet de moteur, en particulier, implique Safran et, en Allemagne, MTU Aero Engines. Dans le domaine des liaisons de données et des systèmes interconnectés, Thales sera naturellement impliqué. Derrière les grands maîtres d’œuvre, enfin, la discussion s’ouvrira à toute la chaîne d’approvisionnement française et allemande.
Depuis un an, à l’issue d’un travail important, des études ont été notifiées à Dassault et à Airbus. Je rappelle qu’en parallèle de leur accord, Dassault et Airbus – et les deux États – se sont entendus sur une feuille de route et les deux états-majors se sont mis d’accord sur une fiche-programme globale. C’est sur cette base que nous avons entrepris la réalisation d’études avec Airbus.
Pour alimenter un projet aussi ambitieux, il faut des démonstrateurs. Sans démonstrateurs, nous exposerions le programme à des risques importants. Il faut être en mesure de démontrer la faisabilité de notre projet d’avion de combat, du moteur ou encore du système de systèmes. Nous avons donc rapidement demandé que soient lancées des études particulières pour permettre des démonstrations à l’horizon 2025-2026. Rappelons que l’ambition de ce grand programme franco-allemand consiste à livrer les premiers avions opérationnels équipés de leurs systèmes vers 2040, dans une vingtaine d’années. Cela peut sembler long mais, en réalité, ce ne l’est pas compte tenu de la maturation des technologies, du temps que prend le développement et des capacités budgétaires nécessaires pour mettre au point ces grands systèmes.
Nous avons donc entamé cette étude avec Airbus et élaborons des propositions sur les démonstrateurs que nous adresserons à la direction générale de l’armement (DGA), puisque la France a été désignée leader sur le programme SCAF, main dans la main avec les autorités allemandes. Les propositions en question devraient rapidement déboucher sur une première phase de démonstration aux alentours de la tenue du Salon du Bourget. Je précise néanmoins que si la France s’est dotée d’une loi de programmation militaire qui donne une certaine marge de manœuvre à l’exécutif et qui permet à la DGA d’engager des dépenses budgétaires dont le montant n’est pas forcément énorme, en Allemagne, en revanche, toute dépense dépassant un certain montant – de 25 millions d’euros, de mémoire – nécessite l’accord formel du Parlement. Nos propositions sont donc en cours d’élaboration, mais il faudra ensuite enclencher le processus parlementaire allemand dont la durée ne permettra peut-être pas la signature d’un document au Bourget.
Le programme se déroule-t-il bien ? La réponse est oui, étant donné la volonté commune d’avancer de part et d’autre du Rhin. Je ne prétends pas que la vie soit un long fleuve tranquille : nous devons apprendre à nous connaître, à travailler ensemble. Les procédures et les états d’esprit sont différents, de même que les enjeux. La France a une bonne compréhension de ce qu’est l’autonomie stratégique, ce qui n’est pas toujours le cas du côté allemand où, ne le nions pas, les États-Unis exercent une pression très forte. Notre ambition consiste aussi à barrer la route à cette forte pression de nos alliés américains. Le budget allemand de la défense doit augmenter mais, contrairement à ce que souhaitent les Américains, les budgets de la défense en Europe ne doivent pas être augmentés pour se contenter d’acheter des matériels américains. Il serait préférable de développer et acheter des matériels européens. C’est dans cette ambition que s’inscrit le SCAF, et les Allemands accompagnent fortement le mouvement. En outre, l’exportation des matériels militaires y pose des questions plus générales. Nous pensons quant à nous que les règles du jeu concernant l’exportation doivent être fixées dès le lancement d’un programme, faute de quoi nous serons confrontés à des difficultés dans quelques années. Elles doivent faire l’objet d’échanges franco-allemands : la France, contrairement à ce que pensent certains Allemands, observe des règles très strictes et n’exporte pas vers n’importe quel pays – et, quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les industriels qui décident mais l’État, dont la commission interministérielle pour l’exportation des matériels de guerre est un garant exigeant et sérieux. Il faut qu’un accord soit conclu sur le modèle des accords Debré-Schmidt car, comme vous le savez, le blocage de certaines exportations vers des pays du Moyen-Orient a suscité une polémique dans la presse. C’est un problème à part entière qui, d’une certaine manière, n’aide pas à bâtir la coopération, mais je suis convaincu que la volonté de coopérer est plus solide que ces quelques incidents de parcours que nous pourrons surmonter.
Je suis obligé d’évoquer, sans entrer dans les détails, un deuxième sujet : une autre coopération a été engagée dans le domaine des chars d’assaut, l’Allemagne ayant cette fois-ci été désignée leader. Les progrès sont difficiles. Autant il va de soi que Dassault et Airbus mettent en place le programme d’avions, autant le programme de chars implique des acteurs plutôt nouveaux comme Rheinmetall, par rapport à Krauss-Maffei-Wegmann par exemple et à son partenaire Nexter. Je ne ferai pas davantage de commentaires mais nous ne pouvons pas complètement sous-estimer le caractère symétrique, en quelque sorte, du projet de SCAF et de celui de Main Ground combat système (MGCS), en termes d’organisation. Les difficultés de l’un peuvent influer sur l’autre puisque les deux mêmes directions de l’armement en sont chargées. S’y ajoute le projet de drone d’observation MALE, qui associe non seulement la France et l’Allemagne mais aussi l’Italie et qui est géré par l’organisme conjoint de coopération en matière d’armement (OCCAr). Nous sommes actuellement dans la phase décisive de proposition et de négociation avec l’OCCAr sur le lancement, sachant qu’Airbus et l’Allemagne sont leaders. Là encore, il existe une quasi-symétrie entre les responsabilités des uns et des autres afin que tout cela se fasse de manière harmonieuse.
Ce sont de grands enjeux, en particulier dans le domaine aéronautique. J’ajoute que l’Espagne souhaite entrer dans le programme et qu’un accord politique a été conclu à cette fin. Je crois préférable de conserver un petit noyau pendant cette phase de démarrage ; nous verrons dans un second temps s’il est opportun d’élargir la participation.
J’anticipe la question qui risque de m’être posée sur les Britanniques. En réaction à l’annonce franco-allemande d’il y a un an et demi, ils ont annoncé l’an passé le lancement du projet Tempest, un futur avion de combat qui serait développé au Royaume-Uni avec la participation – encore non définie – de l’Italie, car dans le secteur électronique, la société Selex est à la fois britannique et italienne. C’est Leonardo, pour Selex, qui s’associe à BAe Systems, le moteur étant confié à Rolls-Royce.
Il s’agit donc d’un projet « concurrent ». Est-il crédible ? Je me garderai de faire des déclarations sur ce point. Pour nous, le plus crédible, c’est d’avancer dans le cadre franco-allemand avant tout – et tant mieux si les Espagnols se joignent à nous. Gardons néanmoins à l’esprit qu’en France, les objectifs de l’avion de combat sont non seulement tactiques mais aussi stratégiques, puisque cet avion porte l’arme nucléaire et, de ce fait, constitue une des composantes de la dissuasion nucléaire, à côté de la composante sous-marine. C’est une spécificité française dans la construction de l’Europe et du couple franco-allemand.
Dernier point : pour ce qui concerne le drone MALE, nous ferons appel au Fonds européen de défense (FEDef) récemment institué par le Parlement européen au terme de longues discussions avec la Commission européenne, auxquelles l’industrie européenne a été associée, les États ayant apporté leurs modifications dans le cadre du trilogue. Reste à caler le budget de ce Fonds dans la prochaine programmation budgétaire – cette négociation démarrera dès la semaine prochaine. J’ajoute, comme vous l’avez sans doute lu dans la presse, que les Américains ont fortement attaqué les critères d’éligibilité au Fonds en arguant du fait que les sociétés américaines doivent pouvoir bénéficier de ces crédits, ce qui est tout de même un peu gros… Les États et les industriels européens devraient soutenir le fonds européens de défense qui vise à renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe. La France a l’habitude, même si les États-Unis sont un allié, de faire valoir son opposition dans certaines circonstances ; à Bruxelles, les institutions européennes progressent. En revanche, il est plus difficile de le faire pour les pays à titre individuel. Je rappelle ce point parce que nous ferons certainement appel au Fonds européen de défense pour le MALE et, également, pour l’avion de combat, afin d’abonder les budgets qui seront alloués de part et d’autre du Rhin – et des Pyrénées. Les industriels se sont mis d’accord sur ce sujet. Il reste cependant de fortes oppositions de la part de nos amis américains qui, compte tenu des budgets dont ils disposent au titre du département de la défense ou de l’agence pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA), n’ont pas besoin du Fonds européen de défense pour développer leurs matériels. Leur but consiste davantage à préempter les faibles budgets existants en Europe pour freiner le développement d’une industrie européenne forte et compétitive.
Mme Sereine Mauborgne. Pour voler, un avion a aussi et surtout besoin d’être maintenu en condition opérationnelle. J’ai eu la chance de visiter Aérocampus Aquitaine où sont formés de nombreux mécaniciens de nos clients et futurs clients à l’étranger. Selon vous, la transformation de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et la signature de contrats plus verticaux dans lesquels les industriels sont responsables de la disponibilité ont-elles produit des effets mesurables sur les taux de disponibilité ? Plus globalement, quelle est votre vision globale du maintien en condition opérationnelle (MCO) futur ?
M. Christophe Blanchet. Le projet de SCAF s’étend à l’horizon 2040 ; j’évoquerai quant à moi le Rafale. Dassault a choisi de se retirer de l’appel d’offres canadien pour l’acquisition de 88 avions de chasse, n’étant apparemment pas en mesure de satisfaire aux exigences de sécurité. Le Canada appartient au réseau Five Eyes, un mécanisme de coopération entre services de renseignement des États-Unis, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Canada et du Royaume-Uni. Devons-nous en conclure que le Rafale n’est pas exportable chez nos alliés occidentaux et qu’il est de facto tourné vers les marchés de l’Est ?
M. Charles de la Verpillière. Ma première question, dans le prolongement de la précédente, porte sur l’exportation du futur SCAF et les effets de la réglementation américaine ITAR – International Traffic in Arms Regulations – qui interdit l’exportation de matériels comprenant des composants d’origine américaine. Je pose la question à chaque occasion et vous y répondez de façon fort diplomatique, Monsieur le président-directeur général ; je la repose donc.
Sur un tout autre sujet, qu’en est-il de la déconstruction des avions, militaires comme civils ? Cette question intéresse le département de l’Ain où je suis élu car il y a sur le site de l’atelier industriel de l’aéronautique (AIA) d’Ambérieu-en-Bugey assez de place pour implanter d’autres activités que celles de l’AIA. Nous réfléchissons avec la région Auvergne-Rhône-Alpes et le conseil départemental de l’Ain à la possibilité d’y implanter des activités de déconstruction. Que pouvez-vous dire sur ce sujet ?
M. Stéphane Baudu. Ma question porte sur l’interconnexion et les capacités de traitement des données du standard F4 du Rafale, qui doivent lui permettre de s’insérer dans un combat collaboratif. Cette connectivité accrue, qui constitue incontestablement une source de supériorité informationnelle, est aussi essentielle pour la production future du SCAF. L’intégrité et le contrôle de ces données est un enjeu majeur pour la défense nationale et pour les opérations conduites au sein de coalitions. Or, comment s’assurer de leur intégrité et de l’interopérabilité des Rafale F4 avec les F-35 américains, qui sont déjà sur le marché et qui s’appuient eux aussi sur un concept d’intégration ?
M. Joachim Son-Forget. Ma question porte sur la concomitance des projets d’exportation du Rafale et de développement du SCAF. Si le SCAF valide l’excellence de la France et du couple franco-allemand, il peut aussi inquiéter d’éventuels futurs clients qui pourraient craindre que l’industriel ne soit pas en mesure de maintenir le niveau d’attention et de renouvellement du produit qu’il aurait été capable de maintenir s’il n’avait eu que le projet Rafale à suivre. Je pense en particulier aux possibilités d’exportation en Finlande et dans ma circonscription, en Suisse, car il s’agit d’une question stratégique pour les relations franco-suisses et l’intérêt industriel des deux pays. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?
M. Yannick Favennec Becot. Depuis plus de soixante-cinq ans, la France a noué une relation privilégiée avec l’Inde en matière technologique, notamment dans le domaine aéronautique et de la défense. La mission du groupement des industries françaises aéroportuaires et spatiales (GIFAS) dans ce pays, en avril 2018, dans la foulée du déplacement du président de la République, et l’installation d’un bureau permanent à New Delhi en décembre illustrent la volonté d’engagement de la France et de ses industries en faveur du make in India. Dassault Aviation a d’ailleurs investi en Inde et vous avez, Monsieur Trappier, présenté au salon Aero India 2019 la première pointe avant du Falcon 2000, produit à l’usine de Nagpur. Comment envisagez-vous l’articulation entre le make in India et la protection du savoir-faire français ? En particulier, l’obtention de contrats passe souvent par l’insertion d’une clause relative aux transferts de technologies. L’enjeu est de déterminer où s’arrête le périmètre de la formation et quelle est la limite à ne pas franchir en matière de communication des savoir-faire, surtout ceux qui sont encore en développement.
Autre enjeu : la maintenance des matériels vendus. Comment la filière aéronautique et de défense l’envisage-t-elle ? La maintenance restera-t-elle en France ou sera-t-elle transférée en Inde ?
M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation. En ce qui concerne le MCO aéronautique, nous sommes très fiers d’avoir reçu la notification que vous évoquez, Madame Mauborgne, car elle est fondée sur la volonté des armées et de la ministre, via la DMAé, de verticaliser davantage les contrats, c’est-à-dire demander à un leader – en l’occurrence Dassault, ou d’autres pour des plateformes de type différent, Airbus pour les hélicoptères par exemple – de s’engager contractuellement sur des disponibilités d’avions. Des objectifs de performance ont été fixés afin d’élever le taux de disponibilité de tel niveau à tel autre après la réalisation d’un certain nombre de prestations. C’est donc un engagement réel et nouveau. Du fait de cette verticalisation, nous avons demandé aux acteurs de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, y compris nos partenaires habituels comme Thales, de s’engager eux-mêmes sur cette performance afin que nous puissions le faire à notre tour vis-à-vis de l’État.
Cette verticalisation s’accompagne également de plusieurs prestations nouvelles en matière d’échange d’informations avec les armées, de continuité numérique, de mégadonnées – les big data – afin de mieux appréhender la problématique globale de la maintenance. Ce système sera beaucoup lisible pour les armées, l’engagement sera plus ferme ; les arrangements logistiques ont été négociés de sorte que les armées puissent assurer leur rôle opérationnel en cas de déploiement à l’autre bout du monde, sachant que la logistique industrielle s’appuie largement sur ce qui a déjà été bâti dans le domaine civil pour, indépendamment des opérations, assurer une efficacité maximale et exploiter les capacités dans le domaine militaire comme civil. La plus-value pour les armées est réelle et, encore une fois, l’organisation industrielle sera beaucoup plus lisible.
Vous avez évoqué Aérocampus : je rappelle que la coopération dans les régions pour former les personnels nécessaires, qu’il s’agisse des personnels de l’industrie ou des sous-traitants – mais pas encore ceux des armées – s’appuie sur des centres de formation d’excellence. En l’occurrence, Aérocampus est une initiative de la région Nouvelle-Aquitaine. C’est un exemple emblématique de mobilisation d’une région en faveur de la formation, laquelle permet l’emploi qui, à son tour, permet d’éviter des taux de chômage élevés. Même chez Dassault, où l’avion suscite une forte motivation, nous connaissons toujours des difficultés de recrutement en raison des lacunes de la formation, en particulier dans les centres d’apprentissage. Je me réjouis donc du projet Aérocampus que nous essayons de renouveler partout en France en encourageant une bonne compréhension de l’apprentissage, entre les lois récemment adoptées, la volonté des régions de rester impliquées et le rôle des filières industrielles. Tout cela se met en place et je suis assez optimiste.
Reste une difficulté sociétale : il faut convaincre les familles – nous le ferons lors du salon du Bourget – que l’apprentissage après un baccalauréat professionnel ou un brevet de technicien supérieur (BTS) est loin d’être la mine du XIXe siècle ! Les compagnons manipulent des tablettes, pilotent des robots et font partie intégrante des boucles de décision qui remontent jusqu’aux encadrants. En clair, ce sont des métiers valorisants dont nous avons besoin à long terme. C’est grâce à la qualité de cette formation que nous pourrons d’ailleurs continuer à utiliser de la main-d’œuvre française alors qu’elle est plus chère que dans d’autres pays, y compris aux États-Unis, pour garder l’emploi en France, faute de quoi nous serions confrontés à bien des difficultés.
J’en viens au Canada. Soyons clairs : il est impossible de vendre le Rafale aux pays membres du réseau Five Eyes, non pas parce qu’il n’est pas interopérable – il l’est tout autant que d’autres et en a fait la preuve – mais parce que ce réseau s’est fixé des règles qu’ils refusent de nous communiquer et qui visent à ce que ses membres travaillent ensemble. S’ajoute au Canada la question du commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, le NORAD. Nous avons donc posé des questions avant de prendre position. In fine, la position de Dassault a été prise par la France qui, en consultation avec l’entreprise, a estimé que compte tenu de cette contrainte, nous ne pourrions pas nous engager.
J’avais ajouté un élément supplémentaire : si les Canadiens tiennent vraiment à acheter un avion de combat autre que le F-35 ou tout autre avion américain, abandonneront-ils le programme F-35 ? Or il a été confirmé à plusieurs reprises qu’ils restaient impliqués dans ce programme. En d’autres termes, ils ont payé une partie de ce que leur demandaient les Américains, en contrepartie de quoi ils bénéficient de quelques emplois et de contrats passés entre Lockheed et des sociétés canadiennes. En somme, je pense que le Canada achètera un avion américain – au pire le F-35, au mieux le F-18, ou inversement. Pourquoi dès lors perdre du temps, de l’argent et de l’énergie, l’État devant lui aussi être largement mobilisé, si les règles du jeu sont pipées ? Vous connaissez mon principe, qui vaut pour la Belgique comme pour le Canada : lorsqu’un appel d’offres est publié, le pays concerné sait déjà ce qu’il veut et la rédaction de l’appel d’offres fait immédiatement apparaître le candidat avantagé.
J’en viens à la question de la déconstruction. Dans le domaine civil, elle n’a pour Falcon qu’une faible importance, puisque, depuis soixante ans que nous produisons ces appareils, il n’y a eu que peu de retraits de service. Les Falcon sont des avions assez résistants qui continuent à voler, qu’il s’agisse des Falcon 10 ou des Falcon 20.
Dans le domaine militaire, la déconstruction est l’affaire des États. Une fois que les armées se débarrassent des avions, c’est à eux d’être capables de s’adresser à des filières de déconstruction, qu’il faut le cas échéant développer. La question va très certainement se poser à Airbus, car beaucoup d’anciens avions vont être remplacés par de nouveaux avions.
Il faut donc créer des filières. Peut-être faut-il d’ailleurs aider à les créer. Nous y contribuerons par notre collaboration avec des gens qui veulent en faire leur métier. Nous pourrons ainsi mettre en place des filières de retraitement des anciens produits, pour que ce qui peut être retraité le soit. S’il y a, dans les régions, des idées qui se développent en ce domaine, tant mieux ! Car il faut rapidement mettre en place ces filières. Ce retraitement en fin de vie a un coût. Soit il est intégré dans le prix des avions civils, soit les États qui utilisent des avions de combat doivent traiter directement le sujet.
Dans le domaine naval, le sujet des bateaux a par exemple été largement médiatisé. Pour éviter cette mauvaise médiatisation relative aux bateaux qui partent en Inde, il faut développer la filière.
S’agissant du combat collaboratif et de la lutte contre la cybercriminalité, je ne m’exprimerai pas trop, compte tenu du caractère confidentiel des informations en cause. Mais je puis vous dire que nous mettons en place, pour le standard F4 du Rafale, une architecture conçue pour être à la fois résistante à la cybercriminalité et capable d’être collaborative, c’est-à-dire capable de travailler avec les autres armées et susceptible de s’ouvrir même sur un monde un peu large.
Sous le premier aspect, le standard de base sur le Rafale est un standard collaboratif en ce qu’il permet d’utiliser aujourd’hui la « liaison 16 » avec les autres armées, ce standard OTAN sera remplacé par la « liaison 22 », en train d’être développée. Sous le second aspect, il convient aussi de pouvoir partager un certain nombre de fonctionnalités et certains calculateurs avec un monde un petit peu plus ouvert. Cela fait naître un risque de cyber attaques. Nous bâtissons donc des architectures résistantes à ces cyberattaques, par leur définition, mais aussi en pratique. Cela étant dit, le risque nul n’existe jamais. C’est une préoccupation majeure s’agissant du F4.
En ce qui concerne la coopération franco-suisse et la question de l’export, je conviens bien volontiers de ce qu’il est plus facile aujourd’hui d’exporter un Rafale qu’un Typhoon. Certains États participant à une coopération industrielle dans le domaine militaire peuvent s’inquiéter d’y trouver l’Allemagne, sa présence nourrissant une peur que le matériel militaire produit ne puisse être exporté. C’est pourquoi il faut absolument obtenir de nos amis allemands des garanties s’agissant des possibilités d’export, si nous nous lançons ensemble dans un avion de combat. Renoncer à l’export n’est pas sans impact économique pour la France, mais les États importateurs se trouvent aussi en difficulté, eux qui n’ont pas forcément envie d’acheter du matériel aux Russes ou aux Américains, lesquels ne se priveront pas de prendre notre place.
En Inde, nous investissons dans un modèle « gagnant-gagnant ». Si nous ne coopérions pas dans le domaine du Rafale, nous n’y investirions pas autant, et peut-être même pas du tout. Mais le contrat d’acquisition de matériel Rafale prévoit une coopération. Si on travaille ainsi davantage en France, grâce au contrat obtenu, nous devons cependant développer aussi des filières là-bas.
Quant à la collaboration entre le Rafale et les F-35, il faut souligner que les Américains ont conçu avec le F-35 un matériel qui n’est pas interopérable dans le cadre de l’OTAN… C’est tout de même en contradiction avec les principes qui ont présidé à la création de l’Alliance, comme avec les droits et devoirs qui incombent à ses membres. Si les Américains pressent les Européens d’augmenter leur budget de la défense, ceux-ci seraient en droit qu’ils respectent eux aussi les règles de l’Alliance. Mais les Américains, qui appellent à une augmentation des budgets pour financer des achats de matériel américain, reprennent le même argument lorsqu’ils font miroiter une coopération avec eux…
C’est pourquoi nous devons nous défendre comme Européens. Les Français en sont déjà convaincus, les Allemands aussi. La coopération franco-allemande est donc importante, mais il faut avoir l’assurance qu’elle se poursuivra dans les années à venir. Quant aux Britanniques, ils ont acheté des F-35. La situation est donc claire de ce côté-là.
Si les Américains l’autorisent, nous pourrons tout de même trouver des moyens de travailler avec le F-35. Mais il faudra passer par le sol. Ce sera moins fluide que travailler comme aujourd’hui en recourant à la « liaison 16 », définie par les Américains mais implémentée, au sein de l’OTAN, par tous les pays qui contribuent à l’alliance. La France elle-même s’en servait avant même d’avoir de nouveau rejoint le commandement intégré.
M. Mounir Belhamiti. Monsieur le président, vous avez développé la question de l’export, en évoquant le cas de la Belgique et du Rafale. Que pensez-vous des détails de l’appel d’offres lancé par le gouvernement belge ? J’ai l’impression que nous ne sommes pas dans le même cas de figure que pour le Canada. Toutes les possibilités de partenariat avec la Belgique ont-elles été épuisées ? En matière terrestre, le partenariat franco-belge fonctionne en effet plutôt bien.
Deuxièmement, quels sont les efforts de votre groupe en matière de réduction des pollutions dues à l’aviation civile et militaire ? Je pense à la pollution sonore, mais aussi à la pollution liée aux émissions de gaz à effet de serre. Sur la question de la sobriété énergétique des aéronefs, quelles sont vos démarches et quelle est votre stratégie d’innovation ?
Mme Séverine Gipson. L’opinion publique défie actuellement les industriels de se positionner sur les questions écologiques. Pouvez-vous nous indiquer si, dans le cadre d’une démarche d’innovation, Dassault Aviation envisage de développer les carburants alternatifs durables, que ce soit pour les aéronefs militaires ou civils ?
M. Claude de Ganay. Je voudrais revenir sur les complexités de l’exportation liées à l’existence de tous ces partenaires européens et de tous ces sous-traitants. Dans le cas du Rafale, tout était français, ce qui rendait les choses un peu plus facile.
Comment envisagez-vous de gérer ces problèmes d’exportation ? Alors que les carnets de commandes des armées européennes ne permettent sans doute pas de maintenir à eux seuls des niveaux de production suffisants, ne craignez-vous pas une réduction des perspectives de croissance de votre groupe ?
M. Fabien Lainé. Les études moteurs ont débuté pour le remplaçant du Rafale. Elles vont déterminer une grande part des capacités de l’aéronef à venir. Que faut-il penser du programme F-35 et de la version B, à décollage vertical sur le modèle nippon ? On sait que cette formule intéressante permet de transformer des porte-hélicoptères en porte-avions. Alors que nous connaissons le problème du remplacement du Charles-de-Gaulle, la réponse à cette question a des incidences fortes. Quel est votre avis sur ce sujet ? Envisagez-vous cette solution ?
M. Jean-Charles Larsonneur. Permettez-moi une question plus prospective sur le développement du Rafale midlife update (MLU). Le standard F3-R a été qualifié l’année dernière. Avec des collègues, nous avons déjà échangé sur le standard F4, qui devrait être validé vers 2024. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur ce Rafale MLU ? Quelles briques technologiques pourrait-il intégrer ? Quelle serait son articulation avec le programme SCAF ?
M. Patrice Verchère. Le Gouvernement a décidé d’accélérer au sujet de la mise en commun des ressources françaises et allemandes pour concevoir les prochains d’équipement de nos forces armées. Le SCAF est l’un des premiers dossiers. Pouvez-vous nous indiquer quel est le calendrier prévu, dans le cadre de cette future collaboration industrielle ? Pouvez-vous nous préciser la répartition précise des rôles entre votre entreprise et les industriels allemands concernés ? Nous comprenons en effet que vous ne voulez pas tout donner aux Allemands. Pouvez-vous nous indiquer également quand devra voler le démonstrateur pour garder une cohérence, en termes de calendrier, lorsqu’il s’agira de remplacer notre Rafale ?
M. Éric Trappier. Je répondrai d’abord sur la Belgique, dont le cas est un peu différent du Canada.
Quand nous avons reçu l’appel d’offres, nous nous sommes rendus compte de ce qu’il était taillé pour le F-35. Nous avons donc échangé avec l’État, en particulier avec la ministre des Armées. Nous avons considéré qu’il fallait malgré tout tenter notre chance, en dehors de l’appel d’offres, tant il nous semblait impensable que la Belgique pays hôte du cœur politique et institutionnel de l’Europe puisse se doter d’un matériel américain. Nous avons donc joué le jeu. Nous nous sommes tous mobilisés pour faire une offre qui, premièrement, était une offre d’État à État et, deuxièmement, incluait un grand partenariat industriel dans le cadre duquel non seulement Dassault, mais aussi ses sous-traitants et ses partenaires Thales et Safran, qui possèdent tous des industries en Belgique seraient capables de se mobiliser pour générer un potentiel de développement dans le pays, tant dans le secteur militaire que dans le secteur civil.
Les militaires belges étaient tout à fait en faveur des Américains. En outre, comme cela ne vous a sans doute pas échappé, la situation politique en Belgique est un peu compliquée, puisque les divisions entre les partis se doublent de clivages entre les sensibilités wallone, flamande et bruxelloise… Après un combat assez âpre, le Premier ministre belge a été obligé, peu avant les élections, de se rendre à l’évidence, à savoir qu’il lui faudrait suivre les militaires, qui soutenaient par principe le matériel américain. Au vu des conditions qui nous ont été faites, nous pouvons dire que le jeu était pipé d’avance.
En fait, dès le début, nous savions qu’ils accorderaient les contrats d’avions aux Américains, les blindés aux Français, et que, dans le domaine naval, et notamment dans le domaine de la guerre des mines, le jeu serait plus ouvert. Une espèce de répartition s’opère ainsi. Évidemment, si vous le dites aux autorités belges, elles vous répondront qu’il n’en est rien et qu’il s’agissait de vrais appels d’offres, que les Français auraient pu tous les remporter. En vérité, les Américains se taillent la part du lion, parce qu’un contrat de F-35, ce n’est pas tout à fait pareil qu’un contrat de blindés qui doit tourner autour d’un milliard d’euros. Les avions, cela représente beaucoup, beaucoup, beaucoup plus. Les Américains ne s’y trompent jamais, eux qui poussent en premier leurs avions de combat.
Dans le domaine de l’environnement, nous n’avons pas attendu pour agir qu’il y ait une pression qui s’exerce sur le sujet. Au sein de la profession, nous travaillons en coordination, parce qu’une société seule ne peut pas faire grand-chose. Nous travaillons, au sein du conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), sur des standards d’environnement, en nous appuyant sur ce qui a été défini dans le Grenelle de l’environnement, notamment en fixant un certain nombre d’étapes-clés de réduction d’émission de carbone.
Evidemment, cela ne concerne pas simplement Dassault, mais aussi Airbus, Safran et les motoristes. Dans le cadre de l’initiative technologique conjointe Clean Sky, dans ses trois phases successives, nous travaillons à définir des avions et des moteurs qui ont une consommation très réduite. Enfin, nous développons l’usage du biofioul. Je reviens de Suisse, où nous avion envoyé plusieurs de nos Falcon volant au biofioul. Le problème du biofioul n’est donc plus celui des motoristes ni des avionneurs, mais celui de la filière de fabrication de ce carburant et de leur filière de distribution, qui est en train de se développer. C’était le thème du salon tenu à Genève : comment accélérer la mise en place de ces biofiouls ?
Je pense que c’est par la pratique. Pour faire Paris-Genève avec nos Falcon, nous avons cependant dû passer par Caen ! C’est l’endroit le plus proche de Paris où l’on peut trouver du biofioul. Vous voyez donc qu’il y a encore un peu de travail à faire… Je pense qu’il faut se tourner vers les fabricants de carburant et de biofioul pour en améliorer la distribution. La problématique est un peu la même que pour les voitures électriques. Tant que manque un réseau fort de bornes, nous connaîtrons toujours des restrictions de disponibilité. L’infrastructure est donc très importante pour aller vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Dans le domaine militaire, malheureusement, c’est un petit peu différent. Les performances qu’on nous demande sont des performances opérationnelles : il faut que le moteur pousse le plus possible, il faut que l’avion aille le plus vite possible… Ces exigences sont presque antinomiques avec les exigences de sobriété énergétique. Mais j’observerai que les vols d’avions militaires représentent tout de même une part très marginale des vols, comparés à l’ensemble des vols commerciaux dans le monde.
Pour le bruit, la question est encore peu plus difficile. Nous essayons déjà de réduire le bruit des avions de combat pour des raisons opérationnelles, et non pour des raisons environnementales. S’agissant des avions civils, il faut prendre en compte les normes des aéroports du monde entier. À l’aéroport de Hong-Kong, par exemple, les avions se posent assez près des maisons d’habitation et les normes de bruit s’en trouvent renforcées. Nous nous adaptons et veillons à ce que, dans nos nouveaux avions, les normes en matière de bruit extérieur des moteurs soient respectées. Cela représente un gros travail, qui va se poursuivre.
Quant aux énergies alternatives, j’ai déjà parlé des biofiouls. Dans le domaine de l’électricité, les batteries vont constituer un sujet d’études. Je ne suis pas complètement persuadé que, d’ici dix ans, nous arrivions à fabriquer un A320 ou un Falcon totalement électrique, car il faudrait sans doute de trop grosses batteries, même si les producteurs de batteries progressent vite. Les normes édictées par les agences de certification deviennent de plus en plus exigeantes et c’est bien normal. Il faudra donc que les batteries respectent toutes ces normes de fiabilité et de sécurité. Nous sommes en marche dans la direction des énergies alternatives. Nous y travaillons sérieusement. Car nous connaissons les attentes environnementales de la population. On y vient petit à petit, sans nous contenter de seulement les accompagner.
J’en viens aux engagements pris dans le cadre de la réduction des émissions carbone. Ce sera un grand sujet. Pourvu que tout le monde joue le jeu ! Je rappelle que, dans l’aéronautique, un tout petit pays qui est un grand acteur de l’aéronautique s’appelle les États-Unis d’Amérique ! Or ils ne sont pas tout à fait sur le même terrain de jeu. Il faudra aussi des progrès de ce côté-là.
Voyez-vous, aux États-Unis, on n’hésite pas à parler de supersoniques commerciaux, ce qu’on s’interdit en France. Nous avons pourtant chez Dassault toutes les compétences pour en fabriquer et nos ingénieurs en rêvent depuis des années, après le Concorde. Je suis cependant obligé de les maintenir dans un sentiment de frustration. Quand je m’interroge pour savoir si on peut dire qu’on va faire un Paris-New York beaucoup plus rapide, mais qui va consommer quatre fois plus, les Américains estiment que cela ne pose aucun problème. À leurs yeux, on changera simplement les normes ! C’est ce qu’ils disent aujourd’hui.
Je voudrais d’ailleurs être sûr que les agences en charge de l’environnement en France et en Europe disent aux Américains que ce n’est pas possible, car certains commencent à dire que si les Américains le font, ils suivront… Il ne faudrait pas nous brider en matière d’avion supersonique, pour ensuite s’aligner sur les standards US et acheter des avions supersoniques américains !
Quant à l’export, je pense qu’il ne s’agit pas d’une problématique simplement industrielle et économique, mais aussi politique. De grands partenaires comptent sur nous, d’une certaine manière, parce qu’ils n’ont pas développé d’industrie autonome de défense. À leurs yeux, la France, peut-être demain l’Europe, pourra mieux équilibrer le rapport de forces existant entre les différentes grandes puissances. Je pense donc que l’export doit aussi être vu en termes de relations stratégiques avec les pays vers lesquels on exporte.
Mais ce n’est pas à moi de dire avec qui il faut avoir des relations stratégiques. C’est le rôle de l’État. C’est la fonction qu’il remplit quand il nous autorise à exporter pour développer une relation.
S’agissant de l’emploi de moteurs du SCAF pour l’appareil de l’aéronavale, je ne crois pas qu’un avion à décollage vertical soit vraiment un avion de combat. Les Américains, n’ont développé ce type d’avion que pour les marine corps. Nous, nous n’avons pas ce type de force en Europe. La version marine du F-35 est une version qui comporte le moteur de l’armée de l’air permettant à l’avion de décoller d’un porte-avions. À titre indicatif, le tonnage d’un porte-avions américain est plus du double de celui du Charles-de-Gaulle. Nous avons donc affaire à de gros avions de combat sur de gros porte-avions.
Il faut donc penser le SCAF, comme on a pensé le Rafale, pour être un avion polyvalent capable de remplir l’ensemble des missions qui relèvent de l’armée de l’air française et de la marine nationale, y compris dans sa mission de dissuasion nucléaire aéroportée.
Sur le Rafale MLU, la date fixée n’est qu’une date théorique. Aujourd’hui, il n’y a pas de programme MLU, ni étudié, ni lancé. Je pense que nous allons attendre la clause dite de revoyure et la prochaine feuille de route. Les ingénieurs ont pour rôle de proposer des améliorations plus lourdes du Rafale, par rapport à ce qui est un F4. Le SCAF offre déjà plus de furtivité. Faudra-t-il mettre aussi plus de furtivité dans un futur standard du Rafale ? La question se posera.
Quant au programme et au calendrier du SCAF, il faudrait d’abord savoir quand sera le point de départ, le « T zéro ». Nous espérions en obtenir un des démonstrateurs le plus vite possible. On l’espérait pour le Bourget ; ce sera peut-être un peu après. Si nous l’obtenons cette année, on devrait pouvoir faire voler un premier avion en 2026 et fabriquer le premier avion opérationnel pour 2040. Ce n’est pas un « timing » serré.
Mais il faut vingt ans pour mûrir ces technologies, s’assurer des besoins opérationnels et développer le moteur et les futurs éléments électroniques qui seront intégrés à l’avion. Les démonstrateurs permettent de valider une option avant de lancer en série, ce qui est beaucoup mieux que de lancer en série pour s’apercevoir qu’on n’a pas forcément bien fait du premier coup et devoir vivre avec les défauts constatés. Voilà tout ce que je puis vous dire pour le calendrier théorique. Pourvu qu’on démarre cette année.
M. le président. Monsieur le président, sans le faire exprès, vous venez de nous livrer un scoop : le SCAF ne sera pas à décollage vertical ! Voilà une première avancée… (Sourires.)
M. Fabien Gouttefarde. Avez-vous du matériel ou des produits qui ont connu, ou qui connaissent, des difficultés d’exportation du fait de la décision de l’Allemagne ? Je ne pense pas au Rafale, mais à ces produits ou services qui auraient des composants allemands et pourraient être exportés vers des pays ciblés par l’Allemagne, comme l’Arabie saoudite. Je sais que le cas se présente déjà pour vos homologues français Arquus ou Nexter.
Mme Patricia Mirallès. Monsieur le président, je souhaitais partir de l’actualité de votre société pour vous interroger sur les problématiques de défense qui concernent les commissaires de la défense que nous sommes. En effet, vous venez d’achever la phase de revue critique de conception du Falcon 6X et vous débutez la phase de production des premières pièces de ce biréacteur à destination d’une clientèle d’affaires. Il affichera une autonomie que l’on peut qualifier d’importante – son rayon d’action sera de 5 500 miles nautiques – au regard de la nature de ses capacités d’appareil : 0,5 mach.
Comment comptez-vous exploiter ces performances nouvellement développées et les mettre au profit du domaine de la défense ?
M. Jean-Louis Thiériot. Nous savons à quel point l’exportation est vitale pour notre industrie de défense. Elle l’est, comme vous l’avez dit, en termes de soft power, mais surtout en termes de nécessité économique.
Dans un programme comme le SCAF, si vous pouvez évoquer devant nous votre business model, quel est le nombre d’avions minimum qui doivent être commercialisés pour que le programme soit rentable ? Concrètement, quel pourcentage à l’exportation est nécessaire pour parvenir à ce résultat ?
Si nous faisons ce programme avec nos amis allemands, nous savons à quel point le problème des exportations est compliqué avec eux. Je siège à la commission parlementaire franco-allemande, et ce que je constate est extraordinaire : on connaît la position des Verts, mais celle des sociaux-démocrates est à peine plus facile – et je ne remarque pas d’évolution dans l’opinion ! Quel type de procédure vous semblerait nécessaire pour qu’on ne se retrouve pas avec des avions qu’on ne peut pas exporter, en particulier hors d’Europe ? Question corollaire : est-ce que vous avez le sentiment d’une évolution de l’opinion allemande ? À titre personnel, je travaille avec eux depuis longtemps et je ne vois aucune évolution.
M. Jacques Marilossian. Monsieur le président, permettez-moi aussi de vous féliciter pour votre renouvellement récent à la tête de Dassault.
Je voudrais évoquer deux sujets innovants. Depuis 2003, le projet « nEURon » s’inscrit dans la coopération industrielle européenne pour les démonstrateurs. Il doit permettre de valider des concepts et de relever les risques des grands programmes d’aviation et de drones. Dans quelle mesure ce projet peut-il servir au projet SCAF ?
Deuxièmement, je m’intéresse aussi au man-machine teaming (MMT). Comme vous le savez, il a été lancé en mars 2018, à Saint-Cloud, par la ministre des Armées. Nous y étions. Confié à Dassault et à Thales, ce projet associe aussi, pour une partie, des PME et ETI innovantes, des start-up dans le domaine de l’intelligence artificielle. Ce projet pourrait-il bénéficier d’un futur financement du Fonds européen de défense ? Dans quelle mesure le projet MMT peut-il être intégré au projet SCAT ?
M. Laurent Furst. À partir de 2040, le SCAF remplacera le Rafale, l’avion qui fait actuellement la fierté de notre pays, mais vous n’avez pas évoqué la question, fondamentale, de l’argent : quel est le coût du développement d’un tel projet, et combien d’argent public faut-il mobiliser pour voir ce projet aboutir ?
Deuxièmement, l’Europe est-elle capable d’effectuer de façon totalement autonome, notamment par rapport aux États-Unis, le saut technologique que va représenter le passage au SCAF ?
Troisièmement, compte tenu du fait que nos amis allemands ont parfois une position un peu réticente en matière d’exportations, comment peut-on organiser une vision à long terme ? L’évolution politique outre-Rhin, et les spasmes de l’opinion publique qui peuvent l’accompagner, sont-ils compatibles avec la garantie d’une stabilité à long terme visant à construire une politique d’exportation, étant précisé qu’il va falloir, dès le début, investir beaucoup d’argent dans ce projet ?
Enfin, est-il possible de définir le SCAF de manière paisible avec nos amis allemands ? Contrairement à nos partenaires d’outre-Rhin, notre modèle comprend des porte-avions et, sur ce point comme sur d’autres, nous n’avons peut-être pas tout à fait la même vision de l’avion qui nous est nécessaire. Dès lors, nos deux pays sont-ils capables de définir un cahier des charges commun ?
M. le président. Pour ce qui est des aspects budgétaires du SCAF, je n’ai qu’un conseil à vous donner, mes chers collègues : c’est que tout le monde vote les différentes lois de programmation militaire jusqu’en 2040 !
M. Thomas Gassilloud. Nous nous intéressons beaucoup aux affaires belges en ce moment, puisque nous avons examiné hier le projet de loi autorisant la ratification du contrat « capacité motorisée » (CaMo), et que la commission des Affaires étrangères le fait actuellement. Nous étions d’ailleurs il y a quelques semaines à Bruxelles, où nous avons eu des contacts avec les autorités politiques et militaires de Belgique. Comme vous le savez, les Belges sont extrêmement attachés à un respect rigoureux des procédures d’appel d’offres depuis l’affaire de corruption Agusta-Dassault qui a fait polémique dans les années 1980. Si l’offre a été jugée excellente, les Belges nous ont cependant confié avoir ressenti une certaine forme d’arrogance de notre part, à vouloir contourner l’appel d’offres.
Cela dit, c’est l’avenir qui nous intéresse et, étant donné que le plus important est de travailler en amont avec nos partenaires, j’aimerais savoir quels efforts sont faits pour identifier les besoins futurs des armées, notamment européennes, et comment on prend contact avec ces armées à cette fin.
Enfin, j’ai cru comprendre que, ce week-end, sept Rafale qui avaient décollé de notre porte-avions avaient, sur le chemin du retour, dû atterrir en urgence en Indonésie pour des raisons apparemment liées aux conditions météorologiques. Sans vous demander de renseignements précis sur le déroulement des opérations, j’aimerais comprendre ce qui s’est passé afin de pouvoir mesurer l’aptitude de nos avions de chasse à circuler dans des conditions météorologiques dégradées.
M. Éric Trappier. Pour ce qui est des exportations vers l’Arabie saoudite, Dassault n’a pas conclu de contrats avec cet État et je ne saurai donc vous répondre sur ce point. Tout ce que je sais, c’est ce que je lis dans la presse, comme vous, à savoir que l’avion Typhoon vendu à l’Arabie saoudite par les Britanniques est actuellement bloqué en raison de la problématique allemande. Pour notre part, nous ne subissons aucun blocage.
En ce qui concerne le Falcon 6X, la problématique est un peu différente : il s’agit en l’occurrence de déterminer ce qu’il est utile de faire aller du militaire vers le civil, et vice versa. En la matière, nous estimons que la modernisation de la société résultant du développement des technologies numériques doit profiter aussi bien au civil qu’au militaire – nous ne faisons aucune différence entre les deux dans la manière de concevoir et de fabriquer nos avions. De même, dans le domaine du soutien, nous rapprochons les équipes civiles et militaires afin de pouvoir faire bénéficier les militaires de ce qu’on a fait pour le civil.
Le développement du 6X contribue, lui aussi, à la modernisation de la société, puisque nous profitons des nouveaux programmes pour améliorer notre compétitivité. Je rappelle que, quand nous nous battons pour vendre des Falcon, nous faisons face en Europe à deux concurrents fabriquant des avions d’affaires de cette catégorie, l’un américain et l’autre canadien : autant dire que notre tâche est compliquée, car il est beaucoup plus facile d’avoir une bonne productivité aux États-Unis, pour les nombreuses raisons que vous connaissez. Il nous revient donc de compenser ce manque de compétitivité par d’autres choses, notamment la qualité de main-d’œuvre et de formation, mais aussi en tirant le meilleur parti du numérique comme facteur de mutation compétitive de la société.
Si tout ce qui est gagné en compétitivité sur le Falcon se retrouve immédiatement sur le Rafale, il n’en est pas de même en matière de technologies, car les technologies civiles et militaires sont un peu différentes. En revanche, les savoir-faire sont les mêmes, et se transmettent naturellement d’un secteur à l’autre : par exemple, une équipe d’aérodynamiciens peut travailler tantôt sur le Falcon, tantôt sur le Rafale. Les technologies militaires comprennent des spécificités nécessitant des démonstrateurs ou des programmes pour être entretenues. C’est le cas, ainsi, du supersonique ou de la furtivité, qui ne se retrouvent jamais dans les avions civils.
Pour ce qui est de l’export du SCAF et de sa rentabilité, je commencerai par dire qu’il n’y a pas de notion de rentabilité, pas de business plan dans le militaire. Les États financent intégralement le développement, et l’export qui vient après permet de maintenir les chaînes de production – en les renforçant ou en les diminuant, en fonction du volume d’export. Le retour pour le pays concerné, c’est l’emploi. Quand on fabrique deux fois plus de Rafale grâce à l’export, il est évident qu’on embauche plus et qu’on fait davantage travailler la sous-traitance : il y a donc un retour immédiat sur la France, puisque le Rafale est exclusivement fabriqué en France, chez Dassault mais aussi chez nos amis de Thales et de Safran, et sur toute la supply chain composée de 400 sociétés qui contribuent au Rafale.
Évidemment, si on fait travailler plus de monde, on paye un peu plus d’impôts, ce qui fait que de l’argent retourne aussi aux collectivités locales, qui perçoivent des taxes. Outre que cela bénéficie à la communauté économique, cela permet d’avoir un équilibre avec le civil et nous aide ainsi à faire face à la problématique de compétitivité que nous connaissons, principalement avec nos amis américains. Je le répète, il n’y a pas de business plan car s’il y en avait un, il pourrait mettre en péril l’existence des sociétés composant la supply chain : par exemple, si, après avoir annoncé qu’il fallait 300 avions à l’export, nous n’en faisions que 100, il est évident que les sociétés dépendant de nos commandes ne tiendraient pas le coup – et une société qui coule, cela peut aboutir à remettre en cause certains programmes tels que le Rafale, ce qui ne peut se concevoir.
Les procédures relatives à l’export ne sont pas les mêmes en France et en Allemagne. Il revient aux deux États d’en discuter et d’échanger – je sais que le président Bridey y contribue avec le Parlement. Si en France, c’est l’exécutif qui décide – sous le contrôle du Parlement, par le biais d’une commission interministérielle et en ayant consulté les armées – en Allemagne, la décision revient au Bundestag – c’est-à-dire aux parlementaires, mais aussi aux partis.
En France, l’industrie de défense, malgré tout, qu’elle soit aéronautique, terrestre ou navale, contribue fortement à l’emploi dans les régions. Là où il y a beaucoup d’emploi, il y a moins de contestation, car ce que veulent les gens, c’est de l’emploi. L’Allemagne est donc moins sensible à cet égard, étant au plein emploi.
Il faudra utiliser les industriels allemands pour parler dans leurs régions et expliquer l’intérêt de l’exportation. Cela passe par un accord du type Debré-Schmidt, souple, en confiance, et peut-être faut-il que la France prenne une certaine responsabilité quand elle exporte dans certains pays, pour justifier de ses choix vis-à-vis de ses partenaires allemands. Il faudra le matérialiser à l’avance. Mais il n’y aura pas de coopération et de construction européenne sans une certaine confiance entre les pays.
S’agissant du projet « nEUROn », la réponse est oui : il peut contribuer à ce qui pourrait demain être un SCAF, c’est-à-dire un ensemble de systèmes. Il y a l’avion de combat mais il pourra y avoir des drones et autres. C’est un développement qui s’est fait sans l’Allemagne. Il existe un savoir-faire français dans le domaine, qui pourra intéresser le programme.
S’agissant du man-machine teaming, nous sommes dans la phase d’exécution, avec des start-ups et des PME en train de développer des choses. L’intelligence artificielle est un grand sujet. Il en existe de plusieurs types, il faut faire attention aux appellations génériques. Le but aujourd’hui est l’automatisation d’un certain nombre de fonctions pour parvenir à réaliser une mission qu’il y ait ou non un pilote dans l’avion. Dans tous les cas, il y aura un contrôle humain sur cette intelligence artificielle ; la machine est un outil et ne décide pas toute seule de ce qu’elle fait, elle décide en fonction d’un certain nombre de critères programmés et pilotés par la main et surtout le cerveau de l’homme. Il faut donc rassurer nos populations ; c’est vrai dans le domaine des armements mais aussi dans celui des transports. De la même manière, les avions civils seront de plus en plus « pilotés automatiquement », entre guillemets, mais c’est déjà en réalité le cas en grande partie. Le système de commande de vol sur un avion civil aujourd’hui est très difficile à piloter sans l’homme et il faut absolument mettre en place les logiques qui permettent au pilote de bien comprendre ce qui se passe.
S’agissant du Rafale, si le premier avion SCAF ou NGF arrive en 2040, le Rafale vivra bien sûr encore longtemps. Regardez le Mirage 2000 : le Rafale est entré en service en 2006 et nous avons encore beaucoup de Mirage 2000 qui volent en 2019. À mon sens, des Rafale continueront de voler longtemps après 2040. Il faut néanmoins déjà se positionner sur des ambitions : 2040 paraît une ambition jouable avec nos amis allemands.
S’agissant du coût d’un programme de nouvelle génération, si je regarde du côté de nos amis américains, cela coûtera des sommes inatteignables par les Français et les Allemands réunis, voire avec d’autres Européens qui les rejoindraient. Nous savons que nous n’aurons jamais ces budgets, nous le ferons donc pour beaucoup moins cher. Je rappelle qu’un Rafale a coûté, en développement, neuf milliards pour la version « marine », là où un F-35 a coûté au moins dix fois plus. Nous avons donc une marge de manœuvre. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes performances, c’est vrai, car la génération est un peu différente, mais cela se rapproche tout de même beaucoup. Les lois de programmation devront, de part et d’autre du Rhin, être capables de préparer le développement de ces grands systèmes ; il y va de notre indépendance nationale ou du moins de la souveraineté européenne de demain.
S’agissant du porte-avions, je rappelle qu’Annegret Kramp-Karrenbauer, qui a pris les rênes de la CDU, a parlé d’un porte-avion européen : les Allemands progressent donc dans le domaine. Je pense qu’il est nécessaire d’avoir une enveloppe de besoins, ce qui ne veut pas dire que l’on prenne tous les besoins partout en Europe, car on ferait alors des avions chers et dont nous aurions du mal à maîtriser le développement. Il faut être raisonnable au début – ambitieux et raisonnable – et ensuite tenir la ligne. Cela passe par la nécessité que les états-majors se parlent entre eux et par une vraie maîtrise d’œuvre, car il faut que celui qui dise « on va y arriver » soit crédible. Chez Dassault, c’est quelque chose d’important : si nous vous disons que nous savons le faire, nous le ferons, et si nous disons que nous ne savons pas le faire, il faut nous croire aussi, cela veut dire que nous n’y arriverons pas. C’est dans ce dialogue qu’il faudra lancer le développement du programme. Nous disons aujourd’hui qu’avant de savoir combien cela va coûter et ce que nous ferons vraiment in fine, il convient de lancer des démonstrateurs pour vérifier jusqu’où l’on peut aller en termes de développement de la technologie ainsi que pour apprécier le retour entre ce que la technologie apporte et les besoins opérationnels. Ce qui est certain, c’est que les systèmes d’armes adverses progressent, en particulier les systèmes russes, et demain chinois ; nous voyons donc déjà à peu près où nous irons dans les années à venir. Les capacités de déni d’accès vont, semble-t-il, aller en progressant avec la dissémination de systèmes russes de type S400, c’est donc bien la capacité d’entrer en premier dans un conflit qui sera posée pour la France et l’Europe. C’est cette question qu’il nous faudra adresser en développant les produits les plus performants.
Je ne pense pas que nous ayons une position arrogante envers la Belgique. J’ai été voir les journalistes et leur ai parlé. Si l’arrogance consiste à dire qu’un appel d’offres est écrit pour le F-35, c’est vrai. Je peux justifier de ce que je dis : c’est écrit, factuel. Les autorités belges ont feint d’ignorer qu’un sondage indiquait que 70 % de la population ne voulait pas d’un avion américain. Cela n’a pas été dit.
Sur l’affaire Agusta, je tiens à clarifier les choses : ce sont des avions F-16 et non des avions Dassault. Plus précisément, le scandale portait sur des hélicoptères et sur la modernisation des F-16 en Belgique.
Le Rafale, je vous rassure, vole dans l’orage, mais quand vous faites, en temps de paix, un exercice au fin fond de l’Indonésie, que les avions doivent revenir au porte-avions et que passe par là un ouragan, on dit aux avions : « Attendez que ça passe. » Les avions ont donc été détournés vers le terrain le plus proche, en Indonésie, pays ami, en attendant que le grain passe, car ça chahutait dur. Les avions sont des avions de combat qui sont faits pour aller d’un point à un autre à travers toutes sortes d’intempéries ou même à travers les gros cumulus de ces régions. Ils sont résistants à la foudre, à la grêle, mais ce n’est pas la peine de prendre des risques, car on sait que les conditions climatiques peuvent être très dures dans ces secteurs. Quand la météo est aussi défavorable, il est également plus difficile de retrouver le porte-avions et même d’apponter. Il se serait agi de F/A-18, ç’aurait été pareil.
M. le président. Merci, Monsieur le président, pour cette audition.
La séance est levée à dix-huit heures.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Blanchet, M. Jean-Jacques Bridey, M. Philippe Chalumeau, M. Yannick Favennec Becot, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, M. Fabien Gouttefarde, M. Loïc Kervran, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Natalia Pouzyreff, M. Gwendal Rouillard, M. Joachim Son-Forget, M. Jean-Louis Thiériot, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière
Excusés. – M. Jean-Philippe Ardouin, M. Florian Bachelier, M. Xavier Batut, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Sylvain Brial, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Jean-Jacques Ferrara, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre, M. Christophe Lejeune, M. Franck Marlin, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Alexandra Valetta Ardisson