Françafrique pas morte. Mardi à Lomé, la capitale du Togo, en marge d’une confrontation entre manifestants et gendarmes togolais, un face-à-face tendu oppose un officier français et un reporter togolais. Le premier exige du second qu’il efface une photo de lui qu’il avait prise : le ton et les menaces évoquent un autre temps supposé révolu.
Une vidéo a été prise de ce face-à-face, et n’est pas avantageuse pour ce colonel français en uniforme, qui se décrit comme conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre togolaise. Il lance sur un ton agressif :
« Tu sais qui je suis ? Je suis le conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre. Tu veux que j’appelle le RCGP [Régiment des commandos de la garde présidentielle, ndlr] pour foutre un peu d’ordre là-dedans ? Alors, je demande d’enlever les photos. Est-ce que c’est compliqué ? »
Epaulé de gendarmes togolais casqués, matraque à la main, l’officier menace le journaliste, Didier Ledoux, bien connu au Togo, portant un gilet avec le mot « presse » écrit en énorme, fourni par les Nations unies. Il lui dit :
« Tu veux qu’on te donne un coup sur l’appareil ou quoi ? »
Un peu plus tard, face aux protestations du journaliste qui proteste qu’il fait son boulot, l’officier lui rétorque « je m’en fous », puis dis à l’un des gendarmes, sur un ton autoritaire : « Tu le mets en taule ». (Voir la vidéo tournée par Noel Kodou Tadegnon, correspondant de Reuters à Lomé)
Sur le site du quotidien togolais d’opposition Liberté, auquel collabore Didier Ledoux, un journaliste relate l’incident, et pose une question :
« C’est curieux qu’un officier français formé en France, pays des droits de l’Homme, menace de faire venir des éléments de la garde présidentielle pour régler un malentendu qui l’opposait à un journaliste qui ne faisait que son travail. »
L’ambassade de France au Togo a publié un communiqué, affirmant que le véhicule de l’officier, qui se trouvait « fortuitement » à proximité du rassemblement, a été pris à partie par des jets de pierres. Il ajoute :
« Après avoir signalé les faits au détachement de gendarmerie qui se trouvait à proximité, l’officier n’a pas souhaité qu’un photographe fasse une prise de vue. »
Comme ces choses-là sont dites avec modération. Le problème est …..
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Quant à son face-à-face tendu avec un journaliste togolais (Pierre Haski, Rue 89, 11 août 2010), la réaction en deux temps de cet officier supérieur français « coopérant » est très intéressante, parce que profondément affligeante.
Elle milite en faveur :
– d’une révision des critères de notation annuelle, notamment en ce qui concerne le sens du service public, le sang froid et aussi une nécessaire dose d’humilité lorsque l’on n’est pas chez soi ;
– du contenu des scolarités et stages divers, à Coëtquidan, au cours des capitaines, à l’école d’état-major, à l’école militaire de « spécialisation » pour l’outre-mer et l’étranger, etc.
En effet, à chaud et bien replacés dans leur contexte, merci You Tube, s’autosuffisent largement : « tu veux qu’on te donne un coup sur l’appareil ou quoi ? », sans oublier le « tu le mets en taule » ni l’omniprésent tutoiement unilatéral et pas amical du tout envers le journaliste togolais.
A plus froid et après une très certaine remontée de bretelles venant de Paris, interviewé par Anne-Laurence Gollion (L’Express, 12 août 2010, mis à jour le 13), cet officier « supérieur » « coopérant » s’enfonce encore davantage :
« (…) Je ne sais pas ce que ma hiérarchie va penser de cette affaire (NdT : sic). Mais je suis d’un naturel optimiste. J’ai réagi comme quelqu’un d’agressé, et je suis plutôt victime dans cette affaire. Il faut comprendre que je n’avais pas d’alternative (NdT : re-sic) et que je me suis fait piéger.
Tout ceci est un épiphénomène, qui sera avant tout dommageable pour les autres coopérants français qui restent au Togo (NdT : il est bien temps d’y songer). C’est l’éternel problème de la France qui, quoi qu’elle fasse, est mal vue (NdT : re-re-sic). (…) ».
C’est très certainement le problème de la France, en Afrique et ailleurs, « Humble as a Frenchman » demeurant la vanne favorite lors des « Happy Hours » entre officiers à l’OTAN et à l’ONU.
C’est donc également et surtout une question fondamentale d’éducation, collective et individuelle, de nos militaires, mais pas seulement, tant les exemples très actuels de l’énervement emballé et de la précipitation dans les sphères gouvernementales et la haute administration peuvent être contagieux.
C’est pourquoi, entre autres soucis d’actualité, il convient de bien réfléchir avant de finir de casser notre gendarmerie nationale, qui elle, sait faire et se conduire avec le sang froid et le tact indispensables, elle l’a encore récemment prouvé en République d’Haïti et ailleurs.
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