Question écrite n° 09755 de M. Philippe Bonnecarrère (Tarn – UC) publiée dans le JO Sénat du 04/04/2019 – page 1761
M. Philippe Bonnecarrère attire l’attention de Mme la secrétaire d’État, auprès de la ministre des armées, sur le régime applicable aux militaires français ayant été exposés aux radiations nucléaires.
Un important débat est intervenu au fur et à mesure des années sur la question de l’imputabilité des maladies qui ont pu être développées. Cette question de l’indemnisation a connu des étapes successives.
L’objet de la présente question n’est pas de revenir sur les modalités d’indemnisation mais de se placer sur le plan moral. Les militaires français qui ont été exposés aux radiations l’ont été dans le cadre du service de la nation, pour préserver les capacités opérationnelles de nos armées et doter notre pays d’une force de dissuasion.
Au titre de cette participation à l’effort de la nation, il pourrait être pertinent d’exprimer une reconnaissance.Les personnes concernées ne revendiquent pas la participation à un conflit mais la nature de leur engagement et le service rendu à notre pays sont très proches. Plutôt que d’imaginer une modalité de reconnaissance spécifique, l’extension du titre de reconnaissance de la nation pourrait être pertinente.
Il lui est demandé si une telle extension peut être envisagée et dans la négative quelle pourrait être la solution alternative matérialisant cette reconnaissance morale vis-à-vis de nos concitoyens.
Réponse du Secrétariat d’État auprès de la ministre des armées publiée dans le JO Sénat du 23/05/2019 – page 2725
Le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) a été créé par la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 pour les militaires ayant pris part pendant 90 jours aux opérations d’Afrique du Nord, à une époque où ces opérations n’ouvraient pas droit à la carte du combattant. Les conditions d’attribution de ce titre sont codifiées aux articles D. 331-1 à R* 331-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). L’article D. 331-1 du CPMIVG précise en particulier que le TRN est délivré aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles ayant servi pendant au moins 90 jours dans une formation ayant participé aux opérations et missions mentionnées aux articles R. 311-1 à R. 311-20 du même code ou ayant séjourné en Indochine entre le 12 août 1954 et le 1er octobre 1957 ou en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964. Les services accomplis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 1er juillet 1964 étant ainsi susceptibles d’ouvrir droit à l’attribution du TRN, les militaires et les personnels civils ayant participé aux essais nucléaires menés au Sahara, à Reggane, dès février 1960 et à In Ecker, dès novembre 1961, et répondant aux critères susvisés, dans le cadre de la période considérée, peuvent donc prétendre au titre en cause et à la médaille de reconnaissance de la Nation, dont le port est de droit pour tout titulaire du TRN. A compter du 2 juillet 1964, les troupes présentes en Algérie jusqu’en 1967 n’ont pas pris part à un conflit, mais ont été déployées dans le cadre de l’application des accords d’Évian, qui prévoyaient la conservation par la France d’un certain nombre d’installations militaires pendant une durée limitée. Les personnels concernés, parmi lesquels ceux ayant servi sur les sites des essais nucléaires après le 1er juillet 1964, n’ont en conséquence pas vocation au TRN qui repose sur une notion d’opérations ou de conflits. De la même façon, les personnes ayant pris part aux campagnes d’expérimentations nucléaires au Centre d’expérimentation du Pacifique, en Polynésie française, n’ont à aucun moment participé, sur ce territoire, à une opération ou à un conflit les exposant à un risque d’ordre militaire. Le TRN ne peut en conséquence leur être délivré. Une modification de la réglementation en vigueur dans ce domaine n’est pas envisagée. Cependant, les civils et les militaires ayant œuvré sur les sites des essais nucléaires ont pu voir la qualité et la valeur de leurs services prises en compte pour l’accès aux ordres nationaux ou à la concession de la Médaille militaire s’agissant uniquement des personnels militaires. En effet, les ministres de la défense successifs ont signalé, avec constance, au grand chancelier de la Légion d’honneur, la situation de ces vétérans pour que leur participation aux essais nucléaires soit mentionnée lors de l’examen de l’ensemble de leur carrière par les conseils des ordres nationaux. Sur ce point, le grand chancelier a déjà rappelé que le conseil de l’ordre national du Mérite avait donné son agrément par le passé à des propositions présentées par le ministère de la défense pour des nominations dans le second ordre national en faveur de militaires qui avaient pris part à des essais nucléaires. Il concluait en indiquant qu’un grade dans le second ordre national, par exemple, lui paraissait bien plus valorisant qu’une médaille commémorative de création tardive, des décennies après les opérations auxquelles ont participé ces vétérans. Enfin, il est à noter que les personnels ayant servi dans le Sahara pendant 90 jours, entre le 28 juin 1961 et le 1er juillet 1964, ont pu obtenir la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord avec agrafe « Sahara » et que les militaires affectés à compter de 1981 sur le site de Mururoa en Polynésie ont quant à eux pu se voir décerner la médaille de la défense nationale, instituée par le décret n° 82-358 du 21 avril 1982 [1], avec l’agrafe « Mururoa Hao ». [1] Décret abrogé et remplacé par le décret n° 2014-389 du 29 mars 2014 relatif à la médaille de la défense nationale.
Source: JO Sénat du 23/05/2019 – page 2725