Question orale n° 0247S de Mme Anne-Catherine Loisier (Côte-d’Or – UC-R) publiée dans le JO Sénat du 22/02/2018 – page 750
Mme Anne-Catherine Loisier attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur sur l’inégalité de répartition des nouveaux effectifs prévus entre la police nationale et la gendarmerie.
Candidat à l’élection présidentielle, le président de la République promettait la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes sans préciser de clé de répartition. Il s’engageait notamment à « donner à la gendarmerie toute sa place dans la mission de renseignement » reconnaissant « sa contribution désormais significative au renseignement territorial et au suivi des individus susceptibles d’être radicalisés. La gendarmerie a dans ce domaine des atouts qui doivent être valorisés » précisait-il.
Or, les programmations budgétaires laissent entrevoir une clé de répartition des effectifs de 25 % au profit de la gendarmerie contre 75 % au profit de la police. Le ratio sous les gouvernements précédents était de 40 % pour la gendarmerie et 60 % pour la police nationale.
La gendarmerie protège pratiquement 50 % de la population dans une zone de compétence qui couvre 95 % du territoire.
La zone gendarmerie nationale (ZGN) a vu sa population croître d’un million d’habitants, soit les 2/3 de l’accroissement de la population française. Les projections de l’Institut national de la statistiques (INSEE) pour les 5 années à venir annoncent à nouveau la même évolution.
Si la police a pour contrainte de devoir gérer des concentrations de population sans en avoir toutefois le monopole, ce que personne ne nie, la gendarmerie est confrontée à d’autres réalités comme celle de gérer des flux de population et de délinquance sur les axes, des espaces vastes ou encore des pics de population dans les zones d’affluence saisonnière.
A ces constats objectifs, le ministère de l’intérieur oppose le fait que la clé de répartition serait due aux efforts consentis mission par mission. Un tel argument n’est pas recevable car il revient à limiter le champ d’action de la gendarmerie à la sécurité publique, ce qui révèle une méconnaissance de son engagement. La gendarmerie est pleinement fondée à effectuer les missions de lutte contre le terrorisme et de renseignement, avec des personnels formés au plus haut niveau, de contrôle des frontières (98 % des frontières sont en ZGN) ou de maintien de l’ordre.
La répartition envisagée n’est donc pas à la hauteur des besoins et des attentes des militaires de la gendarmerie. Les annonces actuelles ont entraîné une crispation au sein des unités car les personnels ont le sentiment que le gouvernement, conscient de la disponibilité inhérente à leur statut militaire, entend en tirer le bénéfice au profit d’une autre force dont le régime d’emploi est différent.
Sur ces fondements, elle souhaite donc savoir si le ministre envisage une répartition plus équitable des effectifs supplémentaires alloués à la police et à la gendarmerie.
Réponse du Ministère auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée dans le JO Sénat du 13/02/2019 – page 1084
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur la répartition des nouveaux effectifs entre police nationale et gendarmerie tels que prévus dans le PLF pour 2019.
Candidat, le Président de la République promettait la création de 10 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, sans préciser néanmoins la clé de répartition qui s’appliquerait à cette création.
Il s’engageait à « donner à la gendarmerie toute sa place » dans la « mission de renseignement », reconnaissant « sa contribution désormais significative au renseignement territorial et au suivi des individus susceptibles d’être radicalisés ».
Nous le savons : la gendarmerie protège 50 % de la population et sa zone de compétence couvre 95 % du territoire. Elle vient en appui de la police lors des concentrations de population, comme nous avons pu le constater à l’occasion des manifestations des « gilets jaunes ».
Elle est confrontée à la gestion des flux de population et à la délinquance sur les axes de communication, dans des espaces ruraux très vastes, et avec des pics de population dans les zones d’affluence saisonnière.
Son maillage du territoire et sa connaissance du terrain lui confèrent une mission et un intérêt stratégique tout particuliers.
Les dernières programmations budgétaires laissent entrevoir la mise en œuvre d’une clé de répartition des effectifs nouveaux de 25 % pour la gendarmerie et 75 % pour la police, à mettre en regard du « 40-60 » antérieurement pratiqué. Il est également prévu de recruter des effectifs de la gendarmerie au sein de la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure.
Madame la ministre, qu’en est-il aujourd’hui de ces recrutements et notamment, donc, de la présence de gendarmes au sein de la DGSI ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Loisier, la sécurité des personnes et des biens dans tous les territoires constitue pour le Gouvernement une priorité.
La création de 2 500 postes à l’horizon 2022 est destinée à remettre à niveau les effectifs des unités territoriales de la gendarmerie, qui souffrent des conséquences de la politique de réduction conduite entre 2007 et 2012. Cette remise à niveau permettra de prendre en compte la hausse de la population dans la zone de compétence de la gendarmerie, que vous soulignez à juste titre.
Je rappelle qu’en 2018 le plafond d’emplois a atteint un niveau inédit depuis 2008 : 100 768 personnels, contre 100 192 en 2017.
J’ajoute que, depuis deux ans, l’écart entre les emplois votés et les emplois exécutés diminue : 1 935 équivalents temps plein annuel travaillé, en 2018, contre 3 754 en 2016.
L’augmentation des effectifs va se poursuivre entre 2019 et 2022, conformément à la volonté du Président de la République, et la gendarmerie bénéficiera de la création de 2 500 postes. Cette création de postes profitera en priorité aux unités assurant les missions de sécurité publique, dans le cadre de la poursuite de la mise en place de la police du quotidien et du développement de la fonction contact de la gendarmerie.
Les services de renseignement territoriaux ont par ailleurs vocation à être significativement renforcés d’ici à la fin du quinquennat, en partie par des militaires de la gendarmerie, qui contribuent à part entière au travail de ces services.
Il doit être rappelé que la clé de répartition entre les forces tient compte du champ de leurs missions respectives, en matière notamment de renseignement, de lutte contre le terrorisme, de contrôle aux frontières extérieures – cette activité s’accroît très fortement depuis 2015 –, de lutte contre l’immigration irrégulière et de gestion des centres de rétention administrative, autant d’objectifs prioritaires, au même titre que la sécurité du quotidien.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour répondre à Mme la ministre.
Mme Anne-Catherine Loisier. Merci, madame la ministre, pour ces éléments.
Je veux profiter de cette occasion pour attirer votre attention, dans une période où nos forces de sécurité sont fortement mobilisées, sur un protocole qui a été conclu en 2016, visant à mieux valoriser les carrières d’un certain nombre de fonctionnaires.
À ce jour, ce protocole n’est pas mis en œuvre. Or, me semble-t-il, le contexte actuel et le niveau de mobilisation desdits fonctionnaires nécessiteraient que le Gouvernement tienne ses engagements et reconnaisse les lourdes responsabilités et charges aujourd’hui assumées par les militaires sur l’ensemble de notre territoire.
Source: JO Sénat du 13/02/2019 – page 1084