« Oui, cette guerre peut être gagnée » (Amiral Edouard Guillaud. Chef d’état-major des armées) (Propos recueillis par Bruno Fanucchi- journal Leparisien)

Ancien pacha du porte-avions « Charles de Gaulle », puis chef d’état-major particulier de l’Elysée sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, l’amiral Edouard Guillaud est, depuis février dernier, le deuxième marin dans l’histoire à occuper le poste suprême de chef d’état-major des armées (CEMA), dont dépendent directement toutes les opérations extérieures.

Vous rentrez d’Afghanistan, où un 45e soldat français a été tué la semaine dernière. Quel est le moral des troupes ?

Edouard GUILLAUD.

Ils ont la pêche ! J’ai trouvé leur moral excellent une fois de plus. Ils ont été touchés par la mort au combat du sergent-chef Laurent Mosic le 6 juillet dernier. C’est un moment douloureux, de recueillement, d’hommage et de réflexion. Le contingent français continue à croire au succès de la mission, même si nous savons tous qu’il faut être patient, que 2010 sera une année charnière et que les résultats seront plutôt pour 2011.

La France s’apprête d’ailleurs à envoyer des renforts…

Je parlerai plutôt de compléments de dispositif. Nous allons en effet passer de six à sept OMLT (operational mentoring and liaison team) pour « mentorer », c’est-à-dire encadrer et conseiller les troupes afghanes, et envoyer des instructeurs supplémentaires pour la formation des officiers et une école de blindés. Les Français seront alors environ 4000 en Afghanistan. Un dernier renfort, mais très temporaire, le porte-avions « Charles de Gaulle » sera déployé en participeront aux opérations de soutien et d’octobre au large du Pakistan et ses avions d’appui aérien en Afghanistan. Ce sera sa quatrième mission dans l’océan Indien depuis 2002.

La guerre – car vous parlez de guerre en Afghanistan – peut-elle être gagnée ?

Quand on voit l’intensité des combats, je crois qu’il est légitime d’un point de vue technique de parler de guerre. Sur le terrain, les troupes ne comprendraient pas que l’on s’exprime autrement. La guerre peut-elle être gagnée ? Oui ! Peut-elle être gagnée cette année ? Sans doute pas dès cette année, parce que les opérations militaires à elles seules ne suffiront pas. Notre stratégie est globale, avec trois volets : 1 un volet militaire ;2 un volet d’aide au développement d’un pays ruiné par trente ans de guerre depuis 1979 ; 3 un volet de gouvernance, car les structures administratives, judiciaires, sécuritaires sont faibles et parfois soit inexistantes, soit aux mains des insurgés.

A Kaboul, vous avez rencontré le général Petraeus, qui vient de prendre le commandement en chef de l’ensemble des troupes américaines et alliées, après le renvoi du général McChrystal…

Le général Petraeus m’a tenu un discours dans la droite ligne du président Obama. Comme lui, il reste convaincu que la stratégie de contre-insurrection, qu’il a été le premier à mettre en œuvre avec succès en Irak, est la bonne. Même si elle s’est traduite depuis un an par une augmentation de la dureté des combats et donc des pertes. C’est une stratégie de moyen terme, dont les premiers résultats sont espérés pour la fin de cette année au plus tôt. Je pense pour ma part qu’ils devraient être visibles à la charnière du printemps et de l’été 2011. Soyons tenaces, car personne n’a aujourd’hui de stratégie de rechange pour rendre l’Afghanistan plus stable. Quant à l’affaire McChristal, c’est une affaire intérieure américaine et je ne ferai aucun commentaire. Chaque homme a un style différent.

Avez-vous des nouvelles des deux otages français,Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, détenus depuis plus de six mois ?

Ces deux journalistes français ont été enlevés le 30 décembre dernier  en Kapisa, mais c’est la DGSE qui est à la manœuvre dans ce genre d’affaires. Elle a toujours montré une réelle efficacité dans ces situations critiques. Nous les forces armées, sommes là en appui et en soutien pour sécuriser une zone, fournir des moyens d’écoutes ou de déplacements. Je sais seulement qu’un canal de communication a été ouvert avec les ravisseurs et c’est déjà une bonne nouvelle. Je reste donc optimiste, même si ce genre d’évènement dure toujours trop longtemps

Source : Aujourd’hui en France n°3128 du mardi 13 juillet 2010

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