Question orale n° 0225S de Mme Jocelyne Guidez (Essonne – UC) publiée dans le JO Sénat du 15/02/2018 – page 592
Mme Jocelyne Guidez attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le casier judiciaire de certains jeunes engagés dans un centre du service militaire volontaire. À ce jour, la France comporte six structures, accordant la possibilité à ces citoyens, peu ou pas diplômés, de se construire un nouvel avenir personnel et de s’insérer dans la vie active. Ces derniers peuvent obtenir à la fois une formation certifiée, une remise à niveau sur le plan scolaire, un accès à la mobilité par le permis de conduire, un accompagnement psychologique, mais aussi une prise en charge financière symbolique. Ainsi, ces centres offrent à la République la possibilité de donner corps à son idéal et lui procurent les moyens d’aider ses enfants à surmonter les injustices de la naissance, et de donner alors vie à son objectif d’égalité des chances. En outre, parmi les jeunes les plus éloignés d’un avenir professionnel et social décent, se trouvent ceux qui ont un passé dans la délinquance. Aussi, conformément à l’article 770 du code de procédure pénale, l’effacement facultatif d’une décision prise à l’égard d’un mineur de dix-huit ans ou d’une personne âgée de dix-huit à vingt et un ans peut être demandé après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de ladite décision. Même si des démarches ont déjà été engagées entre les encadrants militaires et les procureurs de la République, celles-ci ne sont pas systématiques et peuvent être décourageantes. Surtout, elles dépendent des choix particuliers de chaque parquet dans leur juridiction. En somme, le casier judiciaire est un élément important de la sélection professionnelle et laisse parfois en marge le jeune souhaitant prendre un nouveau départ. Par conséquent, elle lui demande si la réussite d’un parcours au sein d’un tel centre ne pourrait pas devenir le moyen d’effacer ces mentions, et comment la justice entend faciliter, voire généraliser, ces procédures. Par là même, à l’heure où la représentation nationale s’apprête à consacrer le droit à l’erreur, il s’agirait de consacrer un droit à l’oubli pour des jeunes ne demandant qu’à se reconstruire une vie digne et honorable. C’est pourquoi elle la prie de bien vouloir lui faire part de ses intentions en la matière.
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 23/01/2019 – page 173
Mme Jocelyne Guidez. Madame la garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur les jeunes engagés dans un service militaire volontaire – SMV – et en particulier sur leur casier judiciaire.
À ce jour, la France comporte six structures accordant la possibilité à ces citoyens peu ou pas diplômés de se construire un nouvel avenir personnel et de s’insérer dans la société et la vie active. En effet, ces derniers peuvent obtenir à la fois une formation certifiée, une remise à niveau sur le plan scolaire, un accès à la mobilité par le permis de conduire, un accompagnement psychologique, mais aussi une prise en charge financière symbolique. À titre d’illustration, le taux d’insertion professionnelle en Île-de-France est de 72 % environ.
Ainsi, ces centres offrent à ces enfants de la République la possibilité de donner corps à son idéal et leur procurent les moyens de les aider à surmonter les injustices de la naissance, donnant alors vie à son objectif d’égalité des chances. La nature de cet encadrement leur permet de renouer directement avec le respect de l’ordre et de la discipline, ainsi qu’avec le sens du dévouement envers le bien public.
En outre, parmi les jeunes les plus éloignés d’un avenir professionnel et social décent, se trouvent ceux qui ont un passé dans la délinquance. Aussi, conformément à l’article 770 du code de procédure pénale, l’effacement facultatif d’une décision prise à l’égard d’un mineur de dix-huit ans ou d’une personne âgée de dix-huit à vingt et un ans peut être demandé après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de ladite décision.
Même si des démarches ont déjà été engagées entre les encadrants militaires et les procureurs de la République, celles-ci ne sont pas systématiques et peuvent être décourageantes. En somme, le casier judiciaire est un élément important de la sélection professionnelle et laisse parfois en marge le jeune souhaitant prendre un nouveau départ.
Au mois d’octobre dernier, j’avais proposé par voie d’amendement la possibilité de procéder à un effacement après la réalisation d’un service militaire volontaire de douze mois ou d’un service militaire adapté de huit mois minimum, pour des faits relevant bien sûr de la petite délinquance. Cet amendement était d’ailleurs inspiré par les services des armées prenant en charge ces jeunes déscolarisés. Une telle mesure permettrait de leur accorder non pas une réponse laxiste, mais bien une seconde chance.
Surtout, si la question de la sécurité peut être soulevée, et elle est tout à fait légitime, je veux insister sur le fait que ce dispositif est de nature à responsabiliser les jeunes délinquants en quête de réhabilitation du fait de la nature volontaire d’une inscription à ces types de service militaire.
Par conséquent, madame la garde des sceaux, la réussite d’un parcours au sein d’un centre du SMV ne pourrait-elle pas devenir le moyen d’effacer ces mentions ? Comment la justice pourrait-elle faciliter ces procédures ?
Par là même, à l’heure où la représentation nationale a consacré le droit à l’erreur, il s’agirait de consacrer un droit à l’oubli pour des jeunes ne demandant qu’à se reconstruire une vie digne et honorable. Je travaille bénévolement auprès de ce public et je sais qu’il est important de leur faire de nouveau confiance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Jocelyne Guidez, le service militaire volontaire, SMV, qui a été institué par l’article 22 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, vise « à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes ».
Aujourd’hui, l’exercice de nombreuses professions nécessite, afin de s’assurer de la bonne moralité du candidat, que son casier judiciaire ne comporte pas certains types de condamnations.
Le bulletin n° 1 du casier judiciaire, auquel fait référence l’article 770 du code de procédure pénale que vous citez et sur lequel figurent pendant une durée de quarante ans toutes les condamnations prononcées, est réservé uniquement aux autorités judiciaires.
Ainsi, les vérifications professionnelles évoquées sont exercées sur la seule base du bulletin n° 2 du casier judiciaire, sur lequel seules certaines condamnations figurent, et ce pendant une durée restreinte conformément aux dispositions de l’article 775 du code de procédure pénale.
À titre d’illustration, aucune des condamnations prononcées pendant la minorité d’une personne ne figure au bulletin n° 2, dans un objectif clairement poursuivi par le législateur de favoriser la réinsertion des mineurs et jeunes majeurs.
De la même façon, en application de l’article 775–1 du code de procédure pénale, le juge peut décider, dans sa décision de condamnation ou dans une décision postérieure, de ne pas faire figurer celle-ci au bulletin n° 2 de l’intéressé, dans la majorité des cas en raison d’un projet professionnel construit et des efforts de réinsertion engagés. Dans ce cadre, l’engagement réussi d’un jeune dans un service militaire volontaire est assurément pris en compte.
Cependant, cette réussite, aussi honorable soit-elle, ne doit pas dispenser d’un regard individualisé et personnalisé d’un magistrat sur chaque requête sollicitant l’effacement des mentions figurant au casier judiciaire et liées à des condamnations pénales. Cette procédure me semble à même de prévenir tout abus.
Sans porter atteinte à la nécessaire appréciation individuelle des situations, je demanderai aux procureurs de la République d’être attentifs aux demandes qui seront formulées par ces jeunes, qui sont engagés dans le cadre du service militaire volontaire.
Mme Jocelyne Guidez. Merci !
Source: JO Sénat du 23/01/2019 – page 173