Question écrite n° 12668 de M. Guy Fischer (Rhône – CRC-SPG) publiée dans le JO Sénat du 25/03/2010 – page 728
M. Guy Fischer appelle l’attention de M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants sur le projet gouvernemental qui, sous la pression de groupes négationnistes et xénophobes, consiste à inscrire sur la colonne centrale du mémorial du quai Branly les noms des victimes civiles de la fusillade de la rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962.
Érigé à la demande du monde combattant, ce mémorial est dédié aux militaires et supplétifs morts pour la France durant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie. Y inscrire les noms des victimes de la manifestation interdite organisée par l’OAS (Organisation armée secrète) reviendrait à confondre les membres de l’armée française qui ont loyalement servi notre République avec les nervis d’une formation d’extrême-droite interdite et dissoute.
Cette démarche, déjà condamnable par elle-même, servirait également les factions qui militent contre la date du 19 mars et qui visent, par là, à la réhabilitation des criminels de l’OAS et à l’apologie des prétendus bienfaits du colonialisme dans les livres d’histoire.
Il lui demande solennellement d’abandonner un projet scandaleux qui suscite, bien légitimement, l’émotion de la très grande majorité du monde combattant et de ses associations.
Réponse du Secrétariat d’État à la défense et aux anciens combattants publiée dans le JO Sénat du 06/05/2010 – page 1129
Dès son inauguration le 5 décembre 2002 par le Président de la République, le mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie a été dédié aux combattants morts pour la France et aux supplétifs tués après le cessez-le-feu.
Le décret n° 2003-925 du 26 septembre 2003 a institué une journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » pendant ces conflits, le 5 décembre de chaque année.
La loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés associe à cet hommage les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian, ainsi que les victimes civiles des combats du Maroc et de la Tunisie.
La plaque alors apposée à côté de la colonne bleue du mémorial rappelle la volonté du législateur.
La décision prise par le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants consiste à ce que les noms des civils français, victimes innocentes de la guerre d’Algérie, puissent être affichés sur le monument au lieu de faire l’objet d’une seule mention collective sur cette plaque.
Pour qu’elles ne soient pas confondues avec les combattants morts pour la France, leurs noms apparaîtront sur la colonne blanche du monument, les colonnes bleue et rouge restant, comme aujourd’hui, dédiées aux morts pour la France.
La dédicace du mémorial, qui défile sur la colonne blanche, a été complétée en ce sens. L’inscription de noms de victimes civiles innocentes se fera sur demande des familles ou d’associations représentatives, et après instruction par les services du secrétariat d’État à la défense et aux anciens combattants, qui s’assureront qu’elles n’étaient des activistes ni du FLN ni de l’OAS.
C’est dans ce cadre que les noms des victimes de la manifestation qui s’est déroulée le 26 mars 1962 dans la rue d’Isly à Alger ont été inscrits sur la colonne centrale du mémorial.
S’il ne fait aucun doute que ces manifestants algérois ont été manipulés dans le contexte très particulier des événements du moment, les recherches effectuées ont permis d’établir que ces victimes étaient simplement des personnes défilant selon leurs convictions et dans le cadre d’une manifestation qui a tourné à la tragédie.
Près de cinquante ans après, il apparaît utile au travail de réconciliation des mémoires d’écrire les noms des victimes civiles innocentes aux côtés de ceux des morts pour la France, sans mélange ni confusion, afin de parfaire la vocation du mémorial et de répondre pleinement à l’intention du législateur.
Cette démarche permettra ainsi de préparer le rendez-vous mémoriel de 2012, pour le 50e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie.
Source : JO du Sénat 06/05/2010