Question écrite n° 06133 de M. Rachel Mazuir (Ain – SOCR) publiée dans le JO Sénat du 12/07/2018 – page 3436
M. Rachel Mazuir appelle l’attention de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires.
Le jeudi 5 juillet 2018 était rendu public un rapport d’enquête parlementaire (AN n°1122, XVe leg) sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Ce document de deux cents pages pointe un certain nombre de failles dans le système français.
Plusieurs risques sont ainsi identifiés : la vulnérabilité des installations au risque d’attaque terroriste, comme en témoigne l’action de militants de Greenpeace, qui ont fait s’écraser un drone contre le mur de la centrale du Bugey à Saint-Vulbas, dans l’Ain, le mardi 3 juillet 2018; le recours massif à la sous-traitance puisqu’EDF sous-traite aujourd’hui 80 % de la maintenance de ses centrales et qu’il pourrait exister jusqu’à sept niveau de sous-traitance alors que la limite théorique est de deux ; la prédominance des critères économiques dans le choix des sous-traitants et les exigences accrues de rentabilité qu’exercerait EDF sur ces derniers ; le vieillissement inquiétant de certaines installations.
Ce rapport, ainsi que l’action coup de poing de Greenpeace dans l’Ain, interrogent sur l’efficacité des dispositifs de sécurité et la pertinence de la prolongation de la durée de vie de certaines centrales.
Il souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement afin de garantir la sûreté et la sécurité des 19 centrales nucléaires du pays et de nos concitoyens.
Transmise au Ministère de la transition écologique et solidaire
Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le JO Sénat du 15/11/2018 – page 5832
La sécurité nucléaire est une priorité absolue pour le Gouvernement. La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d’accident. Le Gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des Français contre la menace d’une attaque, notamment terroriste. À ce titre, les installations nucléaires bénéficient, d’une part, des mesures générales prises pour la protection des populations, d’autre part, de mesures spécifiques prises pour tenir compte des enjeux présentés par ces installations. D’une façon générale, il convient de noter que la protection contre les menaces passe au premier chef par le renseignement et la lutte contre le terrorisme. C’est l’objet de la loi qui a été promulguée par le Président de la République le 31 octobre 2017 pour renforcer la sécurité intérieure et lutter plus efficacement contre le terrorisme. Cette loi a vocation à bénéficier à tous les secteurs d’activité en renforçant la capacité de l’État à anticiper et prévenir les actes de terrorisme. De façon plus spécifique, les installations nucléaires font l’objet de mesures de protection dédiées définies par la loi et précisées dans le code de la défense. Ces mesures sont mises en œuvre par le ministre chargé de l’énergie. Le service du haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de la transition écologique et solidaire travaille ainsi au quotidien avec les services du Premier ministre et ceux du ministre de l’intérieur pour renforcer la protection des installations nucléaires. Il s’assure de la mise en place des mesures et moyens de protection adaptés sur les installations nucléaires et en contrôle l’efficacité. Ces derniers peuvent prévoir des dispositions matérielles (renforcement de structures, d’équipements, mise en place de barrières, de caméras de surveillance…) ou la présence de forces de réponse armées sur les sites nucléaires (c’est le cas par exemple des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie sur les centrales nucléaires). Ce travail est complémentaire à celui mis en œuvre par l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui elle est chargée de la prévention des accidents d’origine non malveillante (sûreté nucléaire). Enfin, il convient de noter que le Gouvernement a récemment affecté des ressources supplémentaires pour compléter le dispositif existant en matière de contrôle et de prévention. En ce qui concerne l’encadrement de la sous-traitance dans le secteur nucléaire, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a, à l’initiative des parlementaires et avec le soutien du Gouvernement, apporté plusieurs avancées notables. En premier lieu, la loi a introduit un nouvel article au sein du code de l’environnement disposant que le recours à des prestataires ou à la sous-traitance peut être encadré ou limité pour la réalisation de certaines activités importantes pour la sûreté. Le décret d’application sur la sous-traitance a été publié le 28 juin 2016. Il prévoit que : l’exploitant ne peut confier à un prestataire la maîtrise d’œuvre de la sûreté et de l’exploitation de son installation ; l’exploitant ne peut confier à un intervenant extérieur les activités sur site liées au fonctionnement et au démantèlement avec des sous-traitants de rang deux au plus sauf dérogation expresse obtenue auprès de l’ASN qui garantisse que les conditions de sûreté sont améliorées. Il prévoit explicitement à son article 63-5-I que : « Lorsque l’exploitant envisage de confier à un intervenant extérieur la réalisation d’activités importantes pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, il évalue les offres en tenant compte de critères accordant la priorité à la protection de ces intérêts. Il s’assure préalablement que les entreprises auxquelles il envisage de faire appel disposent de la capacité technique de réalisation des interventions en cause et en maîtrisent les risques associés. » L’ASN adapte actuellement son organisation avec la mise en place d’un inspecteur en chef membre de son comité de direction et la constitution d’une équipe en charge du contrôle de ces relations de sous-traitance. Enfin, en ce qui concerne la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, la réglementation prévoit que chaque installation nucléaire doit faire l’objet d’un réexamen périodique tous les dix ans. Après analyse du rapport établi par l’exploitant, l’ASN communique au Gouvernement ses conclusions sur l’état de sûreté des installations et sur leur aptitude à poursuivre – ou non – leur fonctionnement. Cet examen répond à un double objectif : examiner en profondeur l’état de l’installation en tenant compte de son vieillissement pour vérifier sa conformité au référentiel de sûreté applicable ; améliorer son niveau de sûreté pour intégrer les retours d’expérience et les progrès techniques réalisés sur les réacteurs les plus récents. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 a prévu que les dispositions proposées par l’exploitant dans le cadre de la poursuite de fonctionnement des réacteurs électronucléaires au-delà de quarante ans seront systématiquement soumises à une enquête publique. Préalablement à ces enquêtes publiques, le haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a décidé d’organiser une concertation sur la phase générique, même si elle n’est pas explicitement prévue par la loi, afin de permettre au public d’être associé aux prises de position concernant la poursuite de fonctionnement après quarante ans des réacteurs électronucléaires de 900 MWe. Cette concertation aura lieu de septembre 2018 à mars 2019. Les informations relatives à l’organisation de cette concertation sont disponibles sur le site internet du HCTISN à l’adresse : www.hctisn.fr
Source: JO Sénat du 15/11/2018 – page 5832