L’HABILITATION SECRET DEFENSE
L’article 413-9 du code pénal dispose :
« Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.
Peuvent faire l’objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l’accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale.
Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d’Etat. »
Ainsi, l’article 413-10 du code pénal prévoit que le fait pour toute personne dépositaire d’une information à caractère de secret de la défense nationale de la reproduire ou d’en donner l’accès à une personne non qualifiée est punie d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.
Aussi, aux termes de l’article R. 2311-2 du code de la défense :
« Les informations et supports classifiés font l’objet d’une classification comprenant trois niveaux :
1° Très Secret-Défense ;
2° Secret-Défense ;
3° Confidentiel-Défense. »
L’accès à de telles informations nécessite dès lors une habilitation souvent indispensable pour accéder à certains emplois.
L’Instruction n°13000 sur la protection du secret de la défense nationale approuvée par arrêté ministérielle du 30 novembre 2011 prévoit qu’une demande d’habilitation déclenche une procédure d’enquête de sécurité destinée à déterminer si le candidat présente d’« éventuelles vulnérabilités ».
La difficulté réside dans le fait que la personne qui se voit refuser cette habilitation ne se voit jamais communiquer les motifs d’une telle décision et encore moins les résultats de l’enquête de sécurité.
Or, il arrive que le refus d’habilitation ait des conséquences particulièrement graves pour le personnel concerné, telle que sa radiation des contrôles, le non renouvellement de son contrat ou l’impossibilité de participer à certains concours.
Dans ce sens, le Conseil d’Etat a pu juger que le retrait d’habilitation au secret défense justifiait la résiliation du contrat d’engagement spécial d’un officier sous contrat, engagé pour occuper une fonction spécifique, nécessitant l’accès à des informations classifiées (Conseil d’Etat, 30 décembre 2003, n°242393).
Dès lors, dans un tel cas, lorsque le militaire conteste devant le juge administratif la décision résultant du refus d’habilitation ou de son renouvellement, il lui importera de solliciter de la Juridiction qu’elle enjoigne au Ministre de lui communiquer les motifs de sa décision, au besoin, après avoir sollicité la déclassification des éléments d’information concernés auprès de la commission consultative du secret de la défense nationale.
C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Marseille a pu considérer par arrêt du 4 juillet 2017 qu’il appartenait au juge administratif de procéder à une telle injonction de nature à lui permettre de se prononcer « en connaissance de cause » (CAA Marseille, 4 juillet 2017, n°15MA03711).
En revanche, la marge d’appréciation de l’autorité militaire en la matière est relativement large, la Cour administrative d’appel de Marseille ayant ainsi conclu dans cette même décision que le Ministre s’était fondé sur la vulnérabilité potentielle de l’intéressé compte tenu de ses relations et que celui-ci n’avait pas été en mesure d’en contester le bien-fondé.
A charge donc pour le militaire d’apporter des explications de nature à contredire les éléments d’enquête…
Enfin, le Conseil d’Etat a pu juger que le motif de refus d’habilitation confidentiel-défense tiré du risque encouru par l’intéressé en raison de « la nationalité des parents de l’intéressé et des attaches qu’ils ont conservées dans leur pays » ne méconnaissait pas le principe d’égalité (CE, 13 juin 1997, n°157252).
Il s’agit cependant d’une jurisprudence relativement ancienne qui se heurte manifestement aux termes del’article 225-1 du code pénal lequel dispose « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine » mais également aux dispositions de notre Constitution (du bloc de constitutionnalité) que de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Le Cabinet MDMH accueillera toute opportunité de porter un tel contentieux devant le Tribunal administratif et toutes juridictions supérieures, s’agissant de la préservation des droits individuels et des libertés fondamentales des militaires qui, s’ils sont assujettis à des sujétions spéciales, n’en demeurent pas moins des justiciables et des citoyens.
© MDMH – Publié le 10 octobre 2018