Question écrite n° 03879 de Mme Corinne Imbert (Charente-Maritime – Les Républicains-R) publiée dans le JO Sénat du 22/03/2018 – page 1319
Mme Corinne Imbert attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur au sujet de la banalisation inquiétante de la violence liée au trafic de drogue. Ce type de violence s’est considérablement accentué ces dernières années. Le champ des zones touchées s’est lui-même élargi. La violence autour de la drogue s’est ainsi banalisée à la fois sur le terrain familier de gros trafics de cités et sur de nouvelles zones, notamment dans les villes moyennes et dans les zones périurbaines et rurales où se sont ancrés des réseaux secondaires. L’augmentation des affaires de stupéfiants où les saisies de drogue s’accompagnent de confiscations d’armes à feu, que ça soit à Bordeaux, Marseille ou Rennes, atteste de cette évolution alarmante. Cette situation, que les autorités judiciaires partagent, invite à penser d’urgence la question de la régulation de ces trafics, générateurs de violences parfois mortelles. Il en va de la sécurité de chacun, à commencer par celle des habitants de ces différents quartiers ou zones. Aussi lui demande-t-elle quelle action entend mener le Gouvernement pour endiguer ce fléau.
Transmise au Ministère de l’intérieur
Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 25/10/2018 – page 5455
La lutte contre le trafic de stupéfiants constitue une priorité de l’action gouvernementale, qui implique une approche globale et coordonnée de l’ensemble des acteurs concernés (forces de l’ordre, autorité judiciaire, élus locaux, bailleurs sociaux, acteurs associatifs, éducation nationale, etc.). L’enracinement des trafics et l’appropriation de certains lieux par les dealers conduisent au développement de l’économie souterraine, aux trafics d’armes, aux règlements de comptes, à des violences et nuisances de toutes sortes. Ils nourrissent un profond sentiment d’insécurité, d’abandon et de crainte pour les habitants des quartiers concernés. Face à cette situation, les forces de l’ordre sont mobilisées. Dans un contexte marqué par l’essor de la production de drogue dans les différents pays qui alimentent le marché français, le bilan global des services de police et de gendarmerie en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants a en effet enregistré une nouvelle évolution positive en 2017. Les données font en particulier apparaître une progression de plus de 13 % des trafics de stupéfiants réprimés (10 624 faits), une hausse de 4,4 % en matière d’usage-revente (24 220 infractions) et une augmentation (1,4 %) des infractions d’usage simple (184 739 faits). En matière de produits saisis, l’année 2017 s’est traduite par la saisie de 658 kg d’héroïne et de 1,7 million de comprimés d’ecstasy-MDMA. Les saisies de résine et d’herbe de cannabis et de cocaïne, qui demeurent les produits les plus consommés en France, se sont élevées à respectivement 87,5 et 17,5 tonnes. 137 074 plants de cannabis ont par ailleurs été découverts. Le montant des avoirs criminels saisis aux trafiquants a atteint 62,6 M€ en 2017 et progresse de façon continue depuis plusieurs années. Le bilan du premier semestre 2018 par rapport à la même période de 2017 témoigne aussi de la mobilisation des forces de l’ordre. Le nombre de trafics démantelés augmente de 13,7 % (6 211 faits constatés). La répression des faits d’usage-revente progresse de 5,3 % (13 565 faits constatés), et celle des faits d’usage de 2,6 % (96 113 faits constatés). En matière de saisies de produits, le bilan provisoire non consolidé du premier semestre 2018 fait apparaître, en particulier, la saisie de 50 tonnes de cannabis, de 5,7 tonnes de cocaïne et de 404 kg d’héroïne. Les saisies d’avoirs criminels liées aux infractions à la législation sur les stupéfiants se montent à 34 M€. De même, des progrès importants ont été accomplis dans la lutte contre les trafics et la détention illégale d’armes, ainsi qu’en matière de rapprochements judiciaires entre des affaires commises avec des armes à feu grâce au fichier national d’identification balistique (FNIB) qui a remplacé en février 2016 l’ancien logiciel CIBLE. Il n’en est pas moins nécessaire d’aller plus loin. Pour donner un nouvel élan et une nouvelle ambition à cette action, le président de la République a annoncé le 22 mai 2018, dans son discours « La France, une chance pour chacun », l’élaboration d’un plan de mobilisation générale de lutte contre les trafics de stupéfiants dans les quartiers sensibles, actuellement en cours d’élaboration. Il permettra en particulier de recenser les leviers d’action susceptibles de faciliter le démantèlement des réseaux de trafic et de blanchiment, ainsi que les saisies de produits et d’avoirs criminels. Il visera aussi à renforcer la coordination opérationnelle des services d’investigation. D’ores et déjà, dans les quartiers les plus affectés par les trafics, majoritairement situés dans la zone de compétence de la police nationale, la stratégie mise en œuvre se traduit par un renforcement de la présence sur la voie publique. L’amélioration de la coordination des investigations judiciaires est un autre volet important de cette action. La police nationale a en effet renforcé la coordination des services de police judiciaire et de sécurité publique par la mise en place de structures de pilotage renforcé, afin de favoriser les échanges d’information et le ciblage des objectifs prioritaires. Si les effectifs et le niveau d’engagement particulièrement soutenu des services territoriaux de police et de gendarmerie comme des unités de forces mobiles ne leur permettent matériellement pas d’assurer la surveillance continue de tous les lieux de trafic répertoriés, la montée en puissance de la police de sécurité du quotidien va permettre d’apporter de nouvelles réponses à ces défis. En effet, dans le cadre de la police de sécurité du quotidien (PSQ), les secteurs les plus exposés aux trafics et à l’économie souterraine bénéficieront de renforts humains et matériels avec la création de 60 quartiers de reconquête républicaine (QRR) en zone police, et de 20 « départements mieux accompagnés » en zone gendarmerie. Les 15 premiers quartiers de reconquête républicaine (QRR) ont officiellement été lancés le 18 septembre 2018 par le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Une seconde vague de 15 autres QRR sera mise en place d’ici l’été 2019 et les 30 autres d’ici fin 2020. 300 policiers supplémentaires seront déployés d’ici décembre dans les 15 quartiers de la première vague, et au total ce sont 1 300 policiers supplémentaires qui seront affectés dans les QRR d’ici 2020. Parmi les axes d’intervention prioritaires des QRR, figure une lutte accentuée contre la délinquance organisée et les trafics de stupéfiants. La méthode dite de « pilotage renforcé », expérimentée à Marseille à partir de 2015 puis développée depuis dans d’autres grandes agglomérations, qui produit des résultats probants, sera en particulier mise en œuvre dans l’ensemble des quartiers de reconquête républicaine. Elle s’appuie sur le décloisonnement du renseignement criminel entre les différents services de police (au sein de cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants – CROSS) pour mieux démanteler les réseaux. Dans les QRR, préfets et procureurs travailleront en outre ensemble au sein de cellules de lutte contre les trafics (CLCT) spécialement créées pour démanteler les réseaux et les points de « deal ». La réappropriation de la voie publique par la police nationale constitue un autre enjeu des QRR, qui répondra à une forte attente des habitants et permettra également de mieux lutter contre la délinquance et les nuisances de toutes sortes provoquées par la drogue. Les chantiers engagés par le Gouvernement pour simplifier les procédures et réduire drastiquement les charges indues vont également faciliter le travail des forces de l’ordre, en particulier dans les quartiers les plus difficiles, en dégageant du temps pour des patrouilles sur la voie publique. L’amélioration du traitement judiciaire de l’usage de stupéfiants, par l’introduction d’une procédure forfaitaire plus simple à mettre en œuvre et l’application d’une sanction plus dissuasive, contribuera à prévenir la consommation de stupéfiants sur la voie publique. Cette mesure permettra un recentrage des services sur le traitement des trafics. Cette mesure sera prochainement débattue au Parlement dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Enfin, la lutte contre les trafics et l’offre de produits stupéfiants ne peut se concevoir sans la mise en œuvre concomitante d’une stratégie de lutte contre la demande et les usages. Le plan national de mobilisation contre les addictions, en cours de finalisation sous le pilotage de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives (MILDECA), qui sera ensuite décliné sur le plan local par les préfets, permettra de prolonger l’action répressive des forces de l’ordre.
Source: JO Sénat du 25/10/2018 – page 5455