Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président
— Audition de M. le préfet Jacques Witkowski, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
M. le président Jean-Jacques Bridey. En premier lieu, je vous remercie, chers collègues, d’avoir, en cette rentrée, participé en nombre aux ateliers de l’Université d’été de la défense qui se sont tenus lundi et mardi. La communauté de défense, dont notre commission est partie intégrante, l’a apprécié.
C’est la première fois aujourd’hui que notre commission va entendre, sur une suggestion de M. Jean-Marie Fiévet, le directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crise. Cette séance se déroulera à huis clos, et je laisse tout de suite la parole à M. le préfet Jacques Witkowski pour un propos liminaire.
M. Jacques Witkowski, préfet, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises. Je vous remercie de m’avoir invité ; c’est une première, en effet. J’avoue avoir éprouvé d’abord quelque réticence – la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) relève du ministère de l’Intérieur et non à celui des Armées – mais c’est avec plaisir que j’y participe.
Le ministère de l’Intérieur, dans la continuité de la préservation de la sécurité publique et dans celle de gestion des crises, utilise beaucoup les moyens des armées – de plus en plus depuis les attentats, à preuve le dispositif Sentinelle. D’autre part, la direction générale est l’héritière de la défense civile, devenue peu à peu sécurité civile, une appellation propre à la France puisqu’ailleurs on parle plus généralement de protection civile. Elle exerce de ce fait des compétences plus larges que ses homologues européennes.
Enfin, notre direction générale emploie beaucoup de militaires : ils sont 14 000 environ, directement intégrés dans des unités militaires de la sécurité civile, directement rémunérés par le ministère de l’Intérieur à l’exception du Bataillon des marins pompiers de Marseille (BMPM), et ils assurent trois missions majeures. D’abord, celle de sapeurs-pompiers, dans deux grandes unités, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, qui existe depuis plus de deux siècles, et le bataillon de marins-pompiers de Marseille qui lui, depuis 1937, exerce dans l’agglomération marseillaise, en complément du service départemental d’incendie et de secours (SDIS). Ensuite, nous intégrons l’équivalent de trois régiments qui, sous le commandement du colonel de Villeneuve ici présent, constituent des forces militaires de sécurité civile capables de se déployer dans un délai très court, dans des occasions variées sur le territoire national et à l’étranger avec des missions très diverses, allant du déblaiement lors d’une catastrophe à la mise en place d’un dispositif d’assistance en prévision d’un cyclone – c’est ce que nous faisons actuellement dans l’attente de l’arrivée du cyclone Isaac à Saint-Martin. Enfin, parmi les 2 500 personnels de la direction générale, beaucoup de militaires se consacrent à des missions de conception et d’organisation et assument des responsabilités à divers degrés, de l’inspection générale de la sécurité civile à des services opérationnels. On trouve environ trente-sept statuts différents au sein de la direction générale, qui s’enrichit de cette diversité. Rappelons que, outre la gestion des 250 000 sapeurs-pompiers de France, nous avons pour mission la gestion de crise et, pour ce faire, besoin des armées qui apportent un appui logistique, technique et de savoirs précieux et incontournables. Enfin, nous recrutons d’anciens militaires sur des compétences spécifiques pour la flotte aérienne, notamment le pilotage des avions bombardier d’eau, d’hélicoptères, et des spécialistes du déminage qui constitue une de nos activités importantes.
Pour entrer dans les détails, je suis prêt à répondre à vos questions.
M. le président. Et la liste des inscrits est longue ! Je leur donne la parole.
M. Jean-Marie Fiévet. À la tête de la sécurité civile, vous êtes le premier commandant de France, puisque les 250 000 hommes sous vos ordres représentent plus que l’ensemble des effectifs des armées françaises. Parmi les nombreuses tâches qui vous incombent, il y a la délicate gestion des inondations. La question n’est plus de savoir si une crue centenaire aura lieu à Paris, mais quand et avec quelle ampleur. Rue de l’Université, derrière le Palais Bourbon, il y avait en 1910 plus d’un mètre d’eau. Je sais les efforts de prévention menés par vos services, et les nombreuses simulations qui ont lieu. Néanmoins, je m’interroge sur notre capacité à anticiper et gérer une inondation qui frapperait Paris en aval et en amont et jetterait la métropole et ses millions d’habitants dans le chaos. Quelles sont les grandes lignes de l’organisation de la sécurité civile le jour où cet événement se produira ?
Mme Patricia Mirallès. Siégeant au conseil d’administration du SDIS de l’Hérault, je souhaite vous interroger sur les conséquences de l’arrêt « Matzak » pris le 21 février 2018 par la Cour de justice de l’Union européenne, relatif aux sapeurs-pompiers volontaires, et sur l’application dans notre pays de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail : elle impose pour ces volontaires un repos journalier de onze heures et une obligation de repos hebdomadaire de 24 heures, ce qui remettrait en cause l’existence même du volontariat. Que préconisez-vous ? Faut-il exclure les sapeurs-pompiers volontaires du champ de la directive ou au moins obtenir des dérogations élargies ? Faut-il plutôt s’employer à faire que la transposition en droit français soit favorable aux sapeurs-pompiers ? Où en sont les négociations menées par le ministère de l’Intérieur ?
Mme Laurence Trastour-Isnart. Monsieur le préfet, vous avez à traiter des risques nucléaires et industriels, notamment chimiques, de la pollution, des risques liés aux transports, dont ceux des matières dangereuses. Avez-vous établi un état des lieux et craignez-vous que ces risques progressent ? Et avez-vous envisagé de nouvelles mesures à mettre en place pour en traiter ?
M. Yannick Favennec Becot. Je souhaite vous interroger à mon tour sur la menace que fait peser sur le modèle français de volontariat des sapeurs-pompiers la transposition, envisagée par le ministère de l’Intérieur, de la directive européenne sur le temps de travail, qui conduirait à cumuler le temps de travail salarié et celui consacré au volontariat, avec une limite hebdomadaire de 48 heures et une obligation de repos quotidien entre les deux activités. La professionnalisation à temps partiel du volontariat aurait donc des conséquences préjudiciables pour l’efficacité des pompiers. Dans un département rural comme la Mayenne, je le mesure chaque jour. Selon vous, notre modèle français de volontariat doit-il être préservé – je le souhaite – et dans ce cas exempté de l’application de la directive ou au moins bénéficier de dérogations adaptées ?
M. Bastien Lachaud. Il faut non seulement lutter contre le réchauffement climatique, mais désormais s’y adapter. Les catastrophes climatiques extrêmes se multiplient, et plus seulement en outre-mer. Quel est le diagnostic porté par vos services sur ces phénomènes et les risques qu’ils font courir aux installations sensibles, comme la centrale nucléaire du Blayais, et quels moyens spécifiques mettez-vous en œuvre pour y faire face ? Vous mentionniez le cyclone Isaac. Quel bilan a-t-on tiré des opérations menées pendant et après le cyclone Irma ?
M. Joaquim Pueyo. Première question : la sécurité civile compte 2 500 militaires, stationnés dans l’Ouest – à Nogent-le-Rotrou – et le Sud-Est. Malgré l’appui que leur apportent les pompiers, ces moyens sont-ils suffisants ? À l’occasion de certains événements, on a eu le sentiment que ce n’était pas le cas.
Ensuite, vous comptez aussi sur de nombreuses associations. Comment se fait la coordination avec elles, à l’échelon local je présume ?
Enfin, comment travaillez-vous avec vos collègues des autres pays ? Les incendies qui ont ravagé la Grèce peuvent se produire en France. Avez-vous des accords de coopération européenne ?
M. Xavier Batut. Des sapeurs-pompiers volontaires qui ont passé le concours de sapeur-pompier professionnel sont souvent rétrogradés dans leur nouveau statut, malgré les compétences reconnues par le concours ou la validation des acquis de l’expérience (VAE). Certains SDIS, en raison de la pénurie de cadres, reprennent des agents en tant que professionnels au même grade que celui qu’ils détenaient en tant que volontaires. Mais je me permets de citer l’exemple d’un citoyen de ma circonscription : engagé chez les sapeurs-pompiers volontaires à seize ans, il y est devenu lieutenant, chef de centre et chef de groupe sur le terrain. Quand, à 36 ans, il a passé le concours de sapeur-pompier professionnel, il a été intégré au grade de caporal, alors qu’auparavant il commandait des opérations associant pompiers volontaires et professionnels. Il a été rétrogradé sans qu’on tienne compte de la VAE ni de la reconnaissance des attestations, titres et diplômes (RATD) qu’il avait passés. Pensez-vous possible de mettre en place une procédure nationale fondée sur la VAE et la RATD afin de traiter de manière équitable la question du double statut ?
M. Jacques Witkowski. Je reprends les questions dans l’ordre.
Le danger des crues ne touche pas seulement Paris, mais il y aurait de graves conséquences dans la capitale. Nous en avons pris conscience il y a une vingtaine d’années et avons mis en place une planification des opérations tout à fait précise, dont je crois pouvoir dire qu’elle serait efficace. Certes, la planification est une modélisation en fonction des critères que nous avons définis, et se heurte dans la réalité à des impondérables et à des comportements humains non prévus. Mais une planification du type « très déployé » s’avère complexe à mettre en œuvre tant pour les militaires que pour la sécurité civile à l’échelle de l’Île de France. Le plan actuel prend en compte le risque à son degré majeur. Face aux crues de la Seine de ces deux dernières années, nous étions sur le point de déclencher le premier niveau « lourd » de ce plan. Nous en avons tiré des conclusions. En particulier, Jean-Bernard Bobin qui est aujourd’hui à mes côtés, qui dirige le service de la planification et de la gestion des crises, a contribué à convaincre les opérateurs du retrait d’équipements sensibles que, par commodité, en ville, on place dans les sous-sols : concentrateurs informatiques et téléphoniques, sous-postes de distribution d’électricité par exemple. Le Gouvernement lui-même en a tenu compte car un certain nombre de ministères sont aussi concernés et ici même à l’Assemblée nationale, par une montée des eaux. On y est de plus en plus attentif, car en plus de la montée des eaux dans les rues, il y a celle des résurgences que nous avons cartographiées précisément, c’est-à-dire des remontées d’eau dans des secteurs qui ne sont pas affectées directement par la crue mais où des équipements sensibles peuvent être également touchés.
Trois éléments me semblent fondamentaux : d’abord, et cela vaut pour le réchauffement climatique, prévoir, savoir le plus longtemps à l’avance ce qui peut arriver et agir. En concurrence avec les opérateurs qui nous livrent les informations météorologiques, nous avons développé des outils d’analyse autonomes, même si cela froisse certains, et notre propre vision des choses. Ensuite, et cet aspect fondamental n’est pas pour rien dans la reconnaissance mondiale du modèle français, depuis une cinquantaine d’années, la prévention des risques est intégrée dans les règles d’urbanisme, ce qui permet une gestion structurelle de ces derniers. Dans le même esprit, le principe de résilience, que nos concitoyens oublient peut-être un peu à titre individuel, doit être revivifié pour nous adapter aux crises notamment climatiques. Enfin, dans les deux dernières décennies, nous avons fait de réels progrès sur les outils de gestion opérationnelle des crises.
Deux intervenants m’ont interrogé sur le droit européen. Le 21 février dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt dans l’affaire « Ville de Nivelles contre Rudy Matzak » – l’arrêt « Matzak », donc. Ce sapeur-pompier volontaire était soumis à des contraintes opérationnelles très lourdes – rester à domicile, répondre à un appel dans un temps très contraint, rejoindre son poste en quelques minutes. Mais la ville refusait le rémunérer. La Cour de justice a estimé qu’un tel poste en uniforme, avec de telles contraintes, ressemblait fort à un emploi sous contrat, quel que soit le nom qu’on lui donne, comme « temps partiel ». Il n’y a là rien de surprenant : tous les tribunaux administratifs de France le disent depuis longtemps et le Conseil d’État n’y voit rien à redire. La Cour des comptes a rendu son rapport d’inspection de la direction générale en juillet et l’a répété avec force : dès lors que le sapeur-pompier volontaire signe un contrat, que l’engagement moyen est de onze ans et sept mois, que l’employeur vous donne des directives, transmises par un encadrement, et vous emploie de manière de plus en plus programmée, que vous recevez une rémunération ou indemnisation – on peut discuter du terme ; de la définition juridique de cet encadrement « nouveau » des hautes juridictions. Elles posent une difficulté potentielle. Mais la question ne se résume pas en ces seuls termes.
En effet, la situation française est particulière : les sapeurs-pompiers volontaires sont des soldats du feu mais surtout des femmes et hommes dont l’intervention dans le domaine des secours à personnes est majeure sans parler des autres contextes – tremblements de terre et inondations, soutien logistique à des opérations de secours d’urgence aux personnes, qui est la partie essentielle de leur activité (84 % de leurs activités). En 2017, on a constaté un total de 4,6 millions d’interventions dont 3,6 millions de secours à personnes. Le total des interventions c’est : plus de 10 000 par jour et neuf à la minute, pour 12 000 personnes secourues. Sur ce total, 84 % relèvent du secours urgent aux personnes, alors que les incendies baissent et les accidents de la route restent stables. Sept des neuf interventions qui ont lieu à chaque minute sont du secours à la personne et cela nécessite en permanence 400 ambulances avec trois personnes et 29 000 hommes en service pour une journée normale.
Les sapeurs-pompiers volontaires ont une identité forte humaine, affective et opérationnelle et on ne pourrait tout simplement pas se passer d’eux : ils assurent à eux seuls 67 % des 10 000 opérations quotidiennes. Peut-être y a-t-il encore désormais de très rares centres de secours qui donnent une image un peu caricaturale à des observateurs peu amènes. Mais globalement, et je suis fier de le dire, sur le terrain on ne peut pas distinguer un sapeur-pompier volontaire d’un professionnel. Ce sont des gens qui s’engagent pour onze ans et sept mois en moyenne, qui suivent neuf jours de formation qualifiante, qui assument des tâches que personne ne veut faire, se confrontent à ce que la société cache – désordres familiaux, abandon de personnes âgées, accident de la vie, de la route etc.– et pallient la carence en services ambulanciers. Ils subissent les réorganisations et s’entendent dire qu’ils passent de deux heures à quatre heures en intervention par exemple. L’image traditionnelle du pompier brancardier est dépassée, le geste est de plus en plus technique. Le pompier volontaire qui pratique une évacuation sur une personne qui s’étouffe prend un risque, y compris de subir une plainte en cas d’erreur. Tout cela, il faut l’accompagner et l’encadrer et le défendre avec force.
Le droit européen s’applique donc. Mais la directive européenne sur le temps de travail (DETT) date de 2003 ! Seulement, la France n’a pas transposé ce texte, considérant que les forces de sécurité – dans leur ensemble – faisaient des choses tellement particulières qu’il ne s’agit pas de salariés normaux, ce qui est vrai.
Cela étant, au niveau européen, il n’y a pas eu de plainte à ce sujet. La justice a rendu des décisions et elles s’imposent. Mais dites-le bien sur le terrain : il n’y a pas un avant et un après l’arrêt « Matzak ». La Fédération nationale des sapeurs-pompiers nous a saisis d’un certain nombre de sujets. Mais la France n’est visée par aucune procédure au niveau européen. Pour autant, un certain nombre de directions travaillent ensemble sur ce sujet complexe et le ministre sera amené dans une dizaine de jours à préciser ces concepts. Il faudra expliquer au niveau européen que nous avons des particularités qui exigent des exceptions surtout s’agissant des volontaires sapeurs-pompiers. Celle-ci fixe seulement un volume horaire annualisé : Elle dit aussi : il y a des spécificités nationales, exercez-les. Nous ne l’avons pas écrit, mais si toutes les activités prévisibles relèvent de la protection du droit du travail ; en revanche, l’activité en opération ne peut pas relever du droit du travail, Quand nous avons déployé des pompiers français en Suède sur un front de feu de 18 kilomètres, dont ils sont venus à bout seuls en quinze jours, ils ont travaillé 24 heures sur 24 avec quelques repos physiques. Et on ne peut pas dire à un accidenté de la route que la journée est finie ! Mais comme cela ne figure pas par écrit, nous faisons face à une certaine fragilité juridique. Il faut donc affirmer au niveau européen que le sapeur-pompier volontaire français est unique et que ses activités doivent être défendues et préservées. Peut-être que le droit actuel n’y répond plus. Si jamais le sujet était porté, laissons les juges en décider. Mais soyez rassurés, nous ne sommes pas sous le coup d’une action en justice.
D’autre part, à côté des 194 000 sapeurs-pompiers volontaires, il y a 41 000 sapeurs-pompiers professionnels qui nous disent que les volontaires sont des salariés en temps partiel et qu’ils seront donc vigilants. La professionnalisation totale du système est à mon sens impossible d’un point de vue financier et même d’un point de vue humain : pour avoir disons 150 000 pompiers professionnels, il faudrait en recruter 30 000 par an. Où les trouver ? Vous savez les difficultés que rencontre le ministère des Armées pour recruter et le ministère de l’Intérieur lui fait concurrence chez des jeunes qui ont le même profil. Donc, le Gouvernement a bien pris en compte la mesure du problème, mais personne ne poursuit un objectif caché qui conduirait à bouleverser les choses : le sapeur-pompier volontaire est indispensable, s’il le faut, il faut adopter le droit pour lui permettre d’exercer son activité qui est indispensable.
Le « modèle », comme on s’y est référé, est solide. Je ne pense pas qu’il soit menacé par un manque de volontaires. Dans deux semaines le ministre d’État présentera un plan de relance du volontariat, avec des propositions fortes sur la base d’un rapport que nous avons demandé ; vous comprendrez que je ne les dévoile pas aujourd’hui. Pour ma part, je ne suis pas issu de cette direction générale, mais en tant que préfet, j’ai connu les sapeurs-pompiers et je sais que ce sont des gens admirables. Seulement, le système est en tension très forte, il souffre. Il faut, et vite, trouver des solutions très pratiques afin de ne pas démotiver – j’ai envie de dire décourager – des gens qui s’engagent, volontairement, pour accomplir des tâches très contraignantes.
Mais il faut aussi faire comprendre à ce modèle qu’il faut qu’il respire, qu’il vive avec son temps. Le système de recrutement est une voie étroite ; par exemple il ne semble pas intégrer que la moitié des hommes sont des femmes. Il n’en recrute pas et nous allons prendre des mesures assez fortes pour modifier cela. On n’a plus besoin de pouvoir monter au feu avec quarante kilos sur le dos quand 84 % des missions sont du secours à personnes. De même, nous avons trop peu de jeunes pompiers venant des quartiers sensibles.
J’ai répondu un peu longuement, car je sais que dans les territoires, on se préoccupe de cette question. Pour conclure, si le modèle n’est pas en danger car on ne manque pas de volontaires formidables qui viennent vers les sapeurs-pompiers, il faut savoir les accompagner, leur donner une part de rêve et bien les former. Le plan comprendra d’ailleurs des mesures pour valoriser à l’extérieur la VAE acquise pendant le temps de sapeur-pompier volontaire. S’il y a une menace, c’est en raison d’un retard que nous avons pris : si nous ne savons pas valoriser notre service de santé, fort de 12 000 personnes, nous risquons un effondrement, à l’instar de ce que l’on constate pour la démographie médicale et paramédicale globale. Nous avons pris des mesures repoussant le problème jusqu’en 2024 ou 2025, mais faute de médecins encadrants et de soignants dans les ambulances, nous nous trouverons collectivement en situation difficile.
J’en viens à la question des risques NRBCE – nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif. Nous avons, dans chaque département, une cellule mobile d’intervention chimique (CMIC), capable d’intervenir sur à peu près tous les risques répertoriés dans ce département. Des cellules spécialisées peuvent venir en renfort. Une de nos forces est d’avoir un système qui ne nécessite pas d’avoir toutes les ressources partout, mais permet de les mobiliser rapidement, de l’échelon local au départemental, zonal et national, voire international. Je n’ai pas d’inquiétude sur les moyens et le nombre de spécialistes dont nous disposons, à condition de veiller à ce que les investissements dans ces domaines se poursuivent. Sur le nucléaire, je me permets de vous renvoyer à notre audition par la commission d’enquête ad hoc. Nous tenons compte du risque global, qu’il soit malveillant – l’attentat – ou accidentel, du site nucléaire ou chimique au transport de matières dangereuses. Nous couvrons en interne, sinon tous les types d’accident, tous les risques d’accident répertoriés dans ces domaines.
S’agissant du réchauffement climatique, il n’y a plus de décideur public qui aujourd’hui conteste le constat, même si certains pays ont encore du mal à l’entendre, y compris en Europe. Cet été au Nord du Continent, les effets du réchauffement ont été patents. Les incendies de forêt entre mai et août dans la partie septentrionale de l’Europe sont un rappel à l’ordre. Ceux qui n’entendaient pas ce que nous disions depuis trente ans, à savoir que cela va brûler de plus en plus et qu’il faut se donner des moyens, doivent se rendre à l’évidence. Selon nos techniciens, la limite des feux de forêt remonte d’environ dix kilomètres par an en moyenne, avec des variantes : Cette année, il y a eu une canicule mais pas de sécheresse et peu de vent, les deux facteurs essentiels pour favoriser des feux de forêt. En revanche, les principaux feux ont eu lieu en dehors de la zone méditerranéenne, y compris en France. En juillet, l’alerte sur le plateau de Langres était très inquiétante, avant que quelques orages y mettent fin. L’action à mener passe par les comportements individuels, les plans de prévention de diverse nature, du schéma départemental d’analyse et de couverture du risque (SDACR) aux plans locaux d’urbanisme. Cela passe aussi par des moyens coûteux. La France est le seul pays à disposer de tout l’éventail opérationnel et à pouvoir engager des avions amphibies, des avions dits « terrestres », des moyens militaires de la sécurité civile au sol, des sapeurs-pompiers, des associations locales de lutte contre les feux de forêt. Il faut s’organiser pour faire face à toutes sortes de problèmes comme les ouragans. L’année 2018 est ainsi l’année record en ce qui concerne les indemnisations pour les dégâts causés par les catastrophes naturelles, avec un facteur très significatif. La commission siège pratiquement tous les quinze jours. Il s’agit aussi d’événements localisés, mais quand dans un village plat, d’un seul coup on se retrouve avec un mètre cinquante d’eau, c’est incompréhensible. Il faut intégrer ces données dans notre planification, l’action et les moyens de l’État et des communes, mais aussi les comportements individuels.
Nous pratiquons le plus possible l’évaluation des risques pour y adapter les moyens – quand la crise est là, il est trop tard. Il faut aussi envisager les choses globalement : devant la montée des eaux, comment va-t-on évacuer les populations, leur expliquer ? La résilience est nécessaire, et l’intérêt de disposer de sapeurs-pompiers volontaires, est aussi qu’ils sont capables d’en parler dans la société. S’agissant du cyclone Irma, on a déjà beaucoup exposé le bilan, à partir des retours d’expérience (RETEX). J’ai la prétention de dire que nous avons été « bons ». Devant le même phénomène aujourd’hui, nous corrigerions certaines choses, mais nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait : nous avions anticipé et déployé les moyens avec professionnalisme. Mais il s’agissait d’un cyclone hors catégorie, avec des vents de plus de 300 km/heure – 80 % des bâtiments ont été détruits ou très dégradés. Il faut donc continuer à travailler pour ne pas être pris en défaut.
Les forces de sécurité civile professionnalisées sont-elles suffisantes, m’a-t-on demandé. La réponse est oui ; bien sûr, si vous interrogez chaque chef de service, il rêve de plus de moyens… Je fonctionne avec un contrat opérationnel sur le plan comptable et j’en rends compte au ministre. Le contrat actuel court jusqu’en 2021, avec suffisamment de moyens. Nous avons fait de très lourds investissements et continuerons à en faire. En tenant compte d’une logique budgétaire et d’une logique humaine, nous sommes parvenus à un niveau de moyens correct, même si l’on peut toujours compléter.
Les associations de sécurité civile, dont les plus grandes sont la Croix-Rouge, la Fédération nationale de protection civile et l’Ordre de Malte, regroupent 70 000 personnes bien formées qui sont indispensables dans notre dispositif. On ne saurait organiser de grande manifestation sportive, culturelle ou festive sans leur soutien pour assurer ce qu’on appellera la « bobologie » sur place. Nous les engageons aussi à nos côtés pour compléter le volet opérationnel dans ce que nous faisons moins bien, c’est-à-dire la post-crise : l’exemple typique est, après une inondation, comment aider un couple d’octogénaires à nettoyer et remettre un minimum en état. Ils le font très bien. Autre exemple, pour les festivités suivant la Coupe du monde de football sur les Champs-Élysées, la Fédération nationale de protection civile, en complément des sapeurs-pompiers, avait installé des postes médicaux avancés. Nous recourons aussi à d’autres associations, et notamment, lorsque le niveau d’alerte est supérieur à la normale, nous intégrons à l’état-major de crise l’association Volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel (VISOV), qui assure une veille des médias sociaux et permet par exemple de détecter les sites non couverts par les secours.
J’en termine par la coopération européenne. Depuis le début des années 2000, elle passe par un état-major européen (l’ERCC) qui permet d’intervenir de manière souple, sans passer par les gouvernements. En cas de problème, nous appelons le centre de coordination de la réaction d’urgence ou ERCC – Emergency Response Coordination Centre – lequel, en moins de deux heures, contacte l’ensemble des pays européens. Nous avons rapidement des réponses, avec une prise en charge financière partielle, etc. Par ailleurs la communauté des directeurs généraux des vingt-sept membres de l’Union plus la Turquie se réunit deux fois par an. Elle progresse, mais c’est encore insuffisant. Suivant la volonté du président de la République, la France est en faveur d’une réforme du mécanisme européen de protection civile. Dans quinze jours, nous serons à Vienne pour mettre la dernière main à ce projet que nous espérons voir porter sur les fonts baptismaux avant la fin de la session du Parlement européen. Nous devrions y parvenir, étant en phase de trilogue. Je peux vous communiquer des documents à ce sujet.
Enfin, s’agissant des statuts, la situation est complexe car il arrive que les sapeurs-pompiers professionnels contestent la capacité technique des volontaires, dont certains ont passé les mêmes diplômes. Nous essayons d’introduire de la souplesse et le plan volontariat comporte des mesures en ce sens. Mais 17 000 professionnels sont aussi sapeurs-pompiers volontaires et ils peuvent avoir des grades différents dans les deux corps, le grade étant lié à l’obtention de diplômes techniques – avec les répercussions sur l’avancement.
M. le président. Merci de ces réponses très détaillées. Nous passons à la seconde série de questions.
M. Stéphane Trompille. Les professionnels de l’urgence sont parfois victimes d’agression – c’était le cas le 4 septembre encore. Selon la presse, le Parlement britannique est en passe d’adopter une loi renforçant les sanctions pénales contre ce type d’agresseurs. Pensez-vous qu’une telle mesure serait efficace ?
Mme Séverine Gipson. Les catastrophes naturelles ne connaissent pas de frontière et la Commission européenne a présenté en novembre 2017 un plan pour favoriser la coopération entre les différentes autorités nationales de protection civile des pays membres. Vous avez abordé le sujet sur le plan opérationnel. S’agissant de prévention, il existe une Agence européenne pour la sécurité maritime chargée aussi de lutter contre la pollution. Où en est-on ?
M. Jean-Louis Thiériot. Monsieur le préfet, vous avez répondu sur la directive relative au temps de travail, mais ayant présidé le conseil d’administration d’un SDIS, j’insiste sur l’angoisse que provoque cette question. Nous ne sommes pas concernés par un litige au niveau européen, certes, mais il y a des litiges individuels.
J’ai trois brèves questions. D’abord, l’article 171 de la loi de finances pour 2018 instaure la gratuité sur les autoroutes pour les véhicules de sauvetage. Où en est le décret d’application ? Ensuite, la demande est forte pour créer un numéro d’appel unique et développer le 112. Qu’en est-il ? Enfin, le président de la République a affirmé sa volonté de voir 80 % des Français formés aux gestes de premier secours. Quel sera le rôle des sapeurs-pompiers et des organismes de sécurité civile dans cette formation ?
M. Jean-Pierre Cubertafon. Monsieur le préfet, je ne partage pas totalement votre optimisme sur le modèle français. Selon vous, il n’est pas en danger. Mais ayant été maire pendant plus de vingt ans d’une commune pourvue d’un centre de secours, j’ai constaté combien le bénévolat recule en milieu rural. S’il n’y avait pas eu les employés municipaux pour répondre dans la journée, certains appels aux pompiers n’auraient pas été pris en charge. J’espère que les propositions du ministre amélioreront la situation. Mais quel est votre avis sur la crise du bénévolat ?
M. Olivier Becht. Monsieur le préfet, vous avez parlé des catastrophes naturelles, mais nous sommes aussi menacés par des catastrophes d’origine humaine, si les technologies font soudain défaut. Dans quelle mesure vos services parviendraient-ils à maintenir leurs capacités opérationnelles si tous les ordinateurs s’arrêtaient ? Et quelle serait, selon vous, la résilience de la société si un black-out de l’électricité durait plus de 72 heures ?
Mme Aude Bono-Vandorme. Depuis la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, les communes dotées d’un plan de prévention ou inscrites dans le cadre d’un plan d’intervention, ont obligation d’élaborer un plan communal de sauvegarde. Actuellement, ces plans doivent être mis à jour tous les cinq ans. Pensez-vous que le législateur devrait imposer un rythme plus fréquent et, surtout, rendre obligatoires des exercices périodiques d’entraînement ? Pouvez-vous également nous donner des éléments sur le déploiement des plans intercommunaux de sauvegarde ? L’intercommunalité vous paraît-elle un échelon plus approprié pour répondre aux risques majeurs ?
M. Jacques Marilossian. Avec 3 000 hectares brûlés contre 12 000 et 8 000 hectares les deux années précédentes, la France a été relativement épargnée par les feux de forêt malgré la canicule. Mais cela risque de devenir l’exception, et sans politique de prévention, nous risquerions de devoir nous limiter au curatif. Cet été, face à des incendies géants, la Californie a aligné 30 000 hommes, dont 13 000 venus d’autres États américains. Des feux de cette ampleur sont-ils possibles chez nous et dans ce cas, aurions-nous la capacité de mobiliser autant de moyens, financiers, humains et logistiques ?
Mme Marianne Dubois. Les pompiers gardent une excellente image, même s’il arrive qu’ils soient mal accueillis, voire agressés dans certains quartiers. Les pompiers de Paris ont développé des initiatives de sensibilisation des jeunes. Pouvez-vous nous en parler ?
M. Philippe Michel-Kleisbauer. En 2003, dans l’est du Var, plus de 50 000 hectares de forêt ont brûlé et trois pompiers, Michel Giovannini, Georges Lahaye, Patrick Zedda, sont morts au feu. Membre de la cellule de crise, j’ai participé aux retours d’expériences du ministère de l’Intérieur et fait des exposés devant des cadres de la sécurité civile. C’était avant la loi du 13 août 2004 instituant les plans de sauvegarde. J’avais même écrit un essai, Affronter les crises majeures, qui retrace les mesures que nous avions mises en place, qui étaient d’avant-garde. Mais une faille est apparue, qui subsiste encore, dans l’approche que les cadres et les élus ont des deux autorités décisionnelles sur le terrain, le COS et le DOS, le commandant des opérations de secours, qui relève du ministère de l’Intérieur, et le directeur des opérations de secours, qui est le maire lorsqu’une seule commune est touchée, le préfet s’il y en a plusieurs. Or des décisions importantes sont à prendre, par exemple l’évacuation et il existe des doctrines à ce sujet. En 2017 par exemple à La Londe-les-Maures, un pompier a fait procéder à une évacuation alors que la décision n’avait pas été prise en amont. Il faut donc clarifier les choses. Pensez-vous que dans les rangs des pompiers sous vos ordres cette distinction est suffisamment connue et respectée ?
Mme Nicole Trisse. L’effondrement du pont Morandi à Gènes a fait 43 morts et soulève, outre beaucoup d’émotion, un certain nombre de questions sur la qualité des ouvrages d’art et sur les secours. Les responsables politiques italiens se sont mutuellement accusés, sans s’intéresser vraiment aux problèmes de fond. Comment avez-vous perçu cette crise et comment travaillez-vous à prévenir une telle situation, éventuellement, dans notre pays ?
M. Jacques Witkowski. Je commence par les agressions contre les personnels. Il y en a en moyenne trois par jour. C’est trop, mais il faut rapporter ce chiffre aux 10 000 interventions effectuées. Le phénomène est récent et c’est depuis un an qu’au vu de statistiques fournies par l’observatoire indépendant du ministère de l’Intérieur, j’ai fait établir un compte rendu en temps réel de l’ensemble des agressions, même mineures, afin de cerner le phénomène et de prendre des mesures. Le ministre a rapidement accepté celles que j’ai proposées. Je n’entre pas dans le détail, mais la majorité des gens qui se retournent contre les professionnels sont les victimes elles-mêmes ou leurs proches. Même dans des cas d’accident de la route, comme à Marseille début juillet, les pompiers peuvent être agressés par un groupe sans raison compréhensible. Sur 68 cas relevés en août, 44 seulement ont fait l’objet de plainte, les professionnels considérant qu’il n’y avait pas lieu de donner suite dans les autres cas. J’ai demandé aux directeurs de SDIS de porter plainte systématiquement désormais. Il y a aussi quelques cas de violences urbaines, mais souvent les pompiers ne sont pas le facteur déclencheur : ils viennent en appui des forces de l’ordre et sont aussi caillassés ou agressés. Seulement, contrairement aux policiers, ils n’ont pas contracté un engagement pour réprimer mais pour sauver. Les violences créent un désarroi. Encore, ces derniers jours, l’agression qui a coûté la vie au caporal-chef Geoffroy Henry était imprévisible.
Pour ce qui est de la prévention de la pollution maritime, nous avons le plan POLMAR et sommes en liaison avec les équipes du CEDRE. S’agissant du mécanisme européen de coopération maritime, je préfère vérifier les données et vous faire une réponse par écrit. En tout cas, nos moyens propres sont tout à fait fonctionnels. Nous avons commencé depuis plus d’un an à participer aux secours de bateaux en haute mer – même si, au-delà de 300 mètres des côtes, la responsabilité incombe au préfet maritime – avec à l’esprit un attentat contre un ferry ou un supertanker. Dans ce domaine, l’unité de marins-pompiers sert de référence.
En ce qui concerne la gratuité sur les autoroutes pour les véhicules de secours, je transmettrai au conseiller concerné, mais le décret relève du ministère des Finances, pas du ministère de l’Intérieur.
M. Jean-Louis Thiériot. Tous les ans, des amendements en ce sens sont votés en loi de finances, mais la mesure n’est jamais appliquée.
M. Jacques Witkowski. S’agissant de la généralisation du 112, le Gouvernement a demandé un audit à l’Inspection générale de l’administration (IGA) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). On cherche à diminuer la pression sur les services de sécurité, car chaque année les pompiers font face à 100 000 ou 120 000 interventions supplémentaires. Un transfert d’appels se produit en raison de l’effondrement du soutien social et médical traditionnel. Sur 80 millions d’appels d’urgence par an, 32 millions s’adressent aux services d’aide médicale urgente (SAMU), 20 millions aux pompiers et au 112 (géré dans 80 % des départements pour les sapeurs-pompiers), le reste aux autres forces. Sur ce total, sans doute 40 % des appels sont injustifiés, ce qui ralentit les secours.
La mission en cours va faire des propositions.
Par décret en Conseil d’État qui devrait pouvoir être publié à compter du 1er octobre prochain, nous créons une agence pour gérer les systèmes d’alerte des services publics qui constituent les SDIS d’une façon partagée adaptée et moderne. Actuellement, chaque SDIS a son système propre. Nous serons les premiers à avoir un système global et partagé dont les services de l’État ont assuré le développement financier. La DGSCGC y a consacré sept millions d’euros en 2018. Ce système très novateur devrait commencer à être déployé pour fin 2019, et le premier SDIS intégré sera celui de Seine-et-Marne. Il nous faut nous adapter au rythme rapide du progrès technologique. Or actuellement, un smartphone peut donner des renseignements que le standard ne peut récupérer automatiquement. Par exemple tous les véhicules nouveaux produits en Europe sont désormais pourvus d’un système automatique d’appel des secours (Ecall) en cas d’accident et pour l’instant, nous passons par des plateformes intermédiaires avec les assureurs pour y accéder. Le déploiement, commencé en 2020, devrait se poursuivre jusqu’en 2025.
Plus globalement, la cybersécurité est un de nos soucis majeurs. Nous souhaitons que les systèmes des SDIS (collectivités territoriales et de la protection civile de l’État) soient intégrés, et les avis techniques sont tous favorables. Il s’est déjà produit des actions informatiques malveillantes contre des standards de services tels que ceux des services de secours. Nous sommes tout à fait conscients du risque que représente un black-out total. Je l’ai vécu deux fois en tant que préfet de Mayotte et une fois encore à l’occasion du cyclone Irma où nous avons tout perdu pendant 48 heures, même les liaisons radio. Soyez sûrs que nous en avons tiré les leçons. La généralisation du 112 correspond à une volonté déterminée du président de la République et nous agissons en conséquence.
Pour le plan relatif aux gestes qui sauvent, attendez l’annonce dans quelques jours, mais sachez que le dossier est bouclé, le plan financé et nous compterons aussi sur quelques bonnes volontés. On agit ici sur la résilience profonde de la société afin que chacun prenne conscience qu’il peut sauver une vie.
Le modèle français de bénévolat est-il en danger ? Je répondrai surtout que nous avons des bénévoles : depuis deux ans, leur nombre global augmente. Mais ce n’est pas le cas partout, la France est diverse. La concentration des compétences au niveau de l’intercommunalité a pu avoir pour conséquence d’éloigner de leur centre de secours des employés communaux qui étaient pompiers volontaires, donc de diminuer la proximité du service. D’autre part, il faut comprendre les employeurs dont un salarié s’absente plusieurs jours de suite pour aller lutter contre un feu de forêt, alors qu’il est requis à son travail. Il n’y a pas de réponse absolue dans ce domaine, et ce n’est certainement pas une seule bonification de point de la fiscalité qui produira une solution à cette contrainte. Nous avons pris contact avec le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) à ce sujet, et il était représenté dans la mission sur le volontariat, dans le but d’élaborer des solutions pragmatiques et adaptées à la nécessité de pouvoir compter sur les sapeurs-pompiers volontaires durant leur temps d’activité en entreprises.
Puisque je mentionne les intercommunalités, faut-il élaborer les plans de sauvegarde à leur niveau ou en rester aux plans communaux ? Avec l’expérience d’un préfet, je vous dirai que les élus savent s’organiser, alors laissons-les faire. Ici ce peut être l’intercommunalité, ailleurs les plans communaux peuvent être préférables, avec cependant un lien logistique à l’intercommunalité. En cas de crise, les deux échelons de décision sont le préfet et le maire, agent communal et agent de l’État. Une de nos grandes forces est d’avoir une unité de direction opérationnelle. Pendant les grands feux en Suède cet été, le gouverneur de la province touchée a fini par prendre en mains une organisation pour laquelle il n’avait pas directement compétence, justement en raison de cette nécessité d’unicité de pilotage de l’action opérationnelle. Il va de soi que cette unité de direction opérationnelle ne se fait pas l’un contre l’autre, c’est une co-construction. Faut-il la renforcer ? Il faut au moins être totalement clair, et pour le reste, aux parlementaires d’agir…
En ce qui concerne les feux de forêts de grande ampleur, d’abord nos forêts ne sont pas les mêmes que celles du grand nord européen ou des États-Unis. À titre de comparaison, l’an dernier nous avions en permanence 29 000 à 35 000 hommes chaque jour luttant contre les grands incendies. Nous n’hésitons pas à frapper fort et à mettre 6 000 hommes pour un feu de 1 000 hectares. Les avions ont leur utilité, mais la guerre aérienne se termine au sol. Il en va de même pour les pompiers. On en revient au volontariat, car on n’aura jamais assez de professionnels dans ce cas. Les unités militaires très techniques ont également un rôle vital et ont développé leurs techniques. Ainsi en Suède, nous avons envoyé des hommes au sol face à un front de feu de 18 kilomètres : ils l’ont éteint en dix jours, mais quand le colonel responsable a expliqué aux autorités opérationnelles suédoises qu’il allait mettre le feu à la forêt pour l’éteindre, il y a eu un certain flottement ! S’il fallait solliciter une aide européenne, nous le ferions. Mais en l’occurrence, nous sommes plus souvent demandés que demandeurs. L’an dernier, une des pires saisons de feux depuis les 60 000 hectares brûlés de 2003, nous avons perdu 24 000 hectares – pour le reste de l’Europe, c’était presque un million d’hectares. Donc quand certains collègues d’autres pays discutent de nos méthodes, notamment de stratégie aérienne, je me dis que les chiffres parlent et qu’on peut se sentir fiers. C’est que nos doctrines sont le fruit d’une très longue expérience, de coups que nous avons pris et d’adaptations successives. Et, en effet, la prévention des risques coûte cher.
L’action envers les jeunes est bien développée. Il y a 28 000 jeunes sapeurs-pompiers qui viennent dans les casernes le samedi. Notre problème, c’est qu’après quatre ans de cet exercice, nous n’en conservons que la moitié. Il faut s’interroger et aussi voir comment les récupérer plus tard. Il existe aussi des cadets de la sécurité civile. Dans le plan volontariat, il y a des actions non pas seulement vers les jeunes des quartiers, mais vers ce que nous appelons les « autres publics », car il y a aussi les jeunes filles, par exemple.
La répartition des compétences entre commandement des opérations de secours (COS) et direction des opérations de secours (DOS) est prévue très clairement dans le code général des collectivités territoriales (CGCT). De notre côté, il n’y a aucune ambiguïté à ce sujet. D’autres services peuvent aussi vouloir interférer avec le COS. On leur rappelle qu’il s’agit d’une responsabilité confiée à un officier de sapeur-pompier par le préfet, lequel officier est formé à des techniques complexes qui requièrent une précision toute militaire, qui ne s’improvisent pas. Le DOS pour sa part a des décisions stratégiques à prendre sur le conseil du COS.
Enfin, face à un effondrement comme celui du pont Morandi à Gênes, nous saurions faire face. Les Italiens sont très bons, notamment pour le déblaiement car le pays subit souvent des tremblements de terre. En cas de gros problème, c’est à des techniciens italiens que nous ferions très probablement appel pour nous appuyer le cas échéant. Sur les causes de l’effondrement, le ministère des Transports suit la question, car c’est un problème de construction. Dans ce domaine, il y a bien sûr un suivi.
M. le président. Nous en venons à la dernière série de questions.
Mme Sereine Mauborgne. Élue du Var, je suis sensible à la reconnaissance de l’utilité des comités communaux de feux de forêt (CCFF), par exemple par l’attribution de médailles, qui dépend de l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Brignoles. Or il semble être un peu un parent pauvre. Par ailleurs, la compatibilité entre les CCFF et le système Antarès pose problème. S’il manque de volontaires ailleurs, nous n’en manquons pas dans cette zone et je tiens à leur rendre hommage.
D’autre part, les conseils départementaux ont parfois du mal à gérer les SDIS faute de vision d’ensemble. Par exemple, vaut-il mieux louer des casernes à des collectivités ou à des organismes privés ? Le paiement des cotisations communales présente aussi des difficultés. Nous souhaiterions des lignes directrices pour la gestion. Enfin, pouvons-nous en savoir plus sur les caméras piétons ?
M. Christophe Lejeune. Monsieur le préfet, vous avez parlé de la directive européenne sur le temps de travail. Je tiens à souligner que dans mon département rural, où les sapeurs-pompiers volontaires réalisent 80 % des interventions, contre 66 % en moyenne nationale, c’est un grave sujet d’inquiétude, qui a occupé grandement le récent congrès départemental.
La France est la première destination touristique mondiale et nombre de touristes partent à l’assaut de sites naturels, sommets et plans d’eau, sans préparation. Parfois sur un pari, ils mettent leur vie en danger, et il arrive aussi que les secours soient pris à partie. Avez-vous des retours d’expérience ? Il faut endiguer ce phénomène. Quelles sont vos propositions ?
M. Charles de la Verpillière. Le président de la République a posé le principe d’un service national universel, et il y a différentes contributions à la réflexion sur les formes d’engagement, depuis les commissions de l’Assemblée nationale jusqu’au rapport du général Ménaouine. Dans votre direction générale existent l’engagement des adultes comme sapeurs-pompiers volontaires, les sections de jeunes sapeurs-pompiers ainsi que les cadets de la sécurité civile. Sur cette base, quelle est votre contribution à la réflexion ?
M. Fabien Gouttefarde. Pouvez-vous faire le point sur le système d’information et d’alerte des populations ? Il y a une dizaine d’années, je travaillais pour le bureau des risques majeurs et on parlait déjà de sa modernisation.
Mme Françoise Dumas. L’aéroport de Nîmes-Garons accueille la base d’avions de la Sécurité civile, dont l’excellence est reconnue en Europe et dans le monde. L’an dernier, y ont eu lieu deux manifestations d’envergure internationale qui ont rassemblé 600 experts de 35 centres de gestion de crise. Pouvez-vous préciser son rôle de coordination et pensez-vous qu’elle puisse se distinguer comme la référence européenne dans le domaine ?
M. Thibault Bazin. Dans votre propos, je suis frappé par l’absence des élus locaux. Pourtant quand le maire ou l’adjoint de permanence est appelé en pleine nuit par le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours (CODIS), c’est que les pompiers comptent sur sa connaissance du terrain pour faciliter une intervention. Je comprends bien que le problème du recrutement des sapeurs-pompiers volontaires est majeur, mais l’absence de « volontaires » pour se porter candidats aux élections municipales est un problème également, et le risque est de perdre de la capacité opérationnelle. Comment appréhendez-vous le travail, la fidélisation des élus, dont le rôle dans la lutte contre les risques majeurs est trop mal connu ?
M. Didier Le Gac. À propos du service national universel, en tant qu’ancien président du SDIS du Finistère, j’y ai tout de suite vu une formidable occasion de répondre à la crise des volontaires. Mais vous venez de nous apprendre que leur nombre est en augmentation. Peut-être, comme vous le dites, ne sommes-nous pas très bons pour conserver les jeunes volontaires sapeurs-pompiers. Mais c’est aussi qu’ils sont mal encadrés, puisqu’ils ne le sont que par des bénévoles, sans vraie structure d’accompagnement.
On parle beaucoup de la réforme de l’État, mais pas beaucoup de celle des SDIS et notamment de cette arlésienne qu’est la mutualisation – fusion, régionalisation… Pourtant il faudrait la faire.
M. Patrice Verchère. Votre Direction générale travaille sans doute en étroite liaison avec les laboratoires P4 – traitant des agents pathogènes de classe 4 – comme celui de Lyon-Gerland, et les installations de l’institut de recherche biomédicale des armées, comme le laboratoire de Grenoble, pour mieux anticiper les crises bactériologiques. Mais ces laboratoires, certainement très sécurisés, peuvent être aussi des cibles pour le terrorisme. Comment travaillez-vous sur les différents scénarios catastrophe ?
M. Lionel Causse. Dans le cadre du plan déminage 2020, vos services ont engagé une restructuration pour mieux répondre à la menace. Certains centres devaient initialement disparaître, comme celui des Landes-Pyrénées, mais vous avez finalement décidé de le maintenir. Avec mes collègues Fabien Lainé et Florence Lasserre-David, nous nous en réjouissons. Mais il faudra désormais neuf agents au lieu de sept. Où en est ce renforcement ? D’autre part, comment les missions de ce type de centre vont-elles s’articuler avec celles des centres dits renforcés dans le plan ?
M. M’jid El Guerrab. Monsieur le préfet, pouvez-vous revenir sur le taux de féminisation des SDIS et parler des mesures que vous prenez en interne pour l’améliorer ?
En tant que député des Français de l’étranger, je trouve exceptionnel le travail que font les associations départementales des radioamateurs au service de la sécurité civile (ADRASEC), en coopération avec les autorités locales. Comment mieux les prendre en considération ?
Enfin, avez-vous un lien avec Facebook pour les alertes de sécurité ?
M. Jacques Witkowski. Que le ministère décore ses officiers, la poitrine du colonel de Villeneuve, qui est ici à mes côtés, le prouve assez ! Les décorations sont une forme de reconnaissance pour les civils et les militaires et les sapeurs-pompiers l’apprécient. On peut toujours se livrer à des comparaisons et trouver qu’ils ne sont pas les mieux servis ou qu’il y a aussi un décalage « par le haut » lorsqu’on récompense ceux qui ont sauvé des vies. Je veille à améliorer la situation. Nous allons créer une médaille commémorative pour ceux qui ont servi en opérations extérieures et j’ai obtenu un quota supplémentaire de décorations du ministère de l’Intérieur.
Antarès pose un vrai problème, que vous connaissez tous en tant qu’élus locaux, qu’il s’agisse des financements, de ponctualité, des compétences, de réalisations techniques qui ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Le système fonctionne où il est bien déployé, mais on ne peut pas dire qu’on ne peut pas faire mieux dans la liaison entre les collectivités et l’État. C’est pourquoi le futur progiciel NEXSIS est conçu très différemment : il sera réalisé en interne, sans qu’on nous impose des technologies, et dans le cadre d’un établissement public à caractère administratif (EPA), avec un financement interne. Ce que nous ne voulons pas, c’est créer un autre Antarès. Il n’allait pas de soi de convaincre de créer une agence autonome, mais le décret paraîtra dans quelques jours. Nous nous intéressons déjà à la suite, le réseau radio du futur qui va remplacer tous les autres, dont Antarès, vers 2020-2025. Ce sera, en fait, plutôt un smartphone qu’une radio. Les SDIS y seront associés sur la base de NEXSIS.
Sur les moyens des SDIS, la question touche surtout, je pense à l’immobilier. Le président du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine s’en est inquiété et la loi de finances 2018 lui donne une réponse sur deux ans. Dans ce cas, le département possède toutes les casernes, pour éviter l’endettement et des transferts financiers. Or la chambre régionale des comptes a estimé que, dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), ce n’était pas possible. L’Assemblée des départements de France (ADF) a soulevé la question et il y a des pistes, mais ce sera au législateur de se déterminer. Etant très attachés à l’autonomie des collectivités, nous ne donnons pas de directive sur la location ou la construction : nous pouvons apporter un conseil, mais les choix relèvent de l’échelon local. Il n’y a pas de mauvais système, mais il est certain, pour répondre à M. Le Gac, qu’il faut mutualiser d’avantage et c’est possible dans l’immobilier, qu’il s’agisse d’entretien ou de construction. Parfois l’échelle pertinente dépasse le département, mais il n’y a pas d’absolu en la matière. Laissons faire les intelligences locales, en tenant compte des habitudes, mais en affichant clairement un objectif commun de mutualisation.
S’agissant des caméras piétons, la direction juridique du ministère de l’Intérieur travaille sur le projet de décret. Les consultations juridiques devraient être terminées en janvier prochain. Le temps d’éditer des éléments de doctrine, par exemple sur la résistance au feu, et que les constructeurs soient en état de livrer, les premiers matériels pourraient être déployés au troisième trimestre 2019. On pensait que peu de SDIS seraient candidats à l’expérimentation, mais il y en a déjà quatorze et d’autres se manifesteront.
M. Didier Le Gac. Qui paiera ?
M. Jacques Witkowski. Le SDIS, pas l’État.
Sur leur utilisation, la presse a fait un certain nombre de commentaires, mais elle est très encadrée. Il faudra les utiliser dans un cadre juridique très précis. À vrai dire, je n’y étais pas initialement totalement favorable, car on peut être amené à enregistrer des situations médicales en intervention très personnelles, sans le consentement des victimes impliquées. Mais sur le plan opérationnel le réseau en a besoin, donc on l’a fait. Ce ne sont pas les SDIS qui traiteront les images sur le plan des événements susceptibles d’engendrer des poursuites. Il faudra un certain accompagnement auprès de personnels qui n’ont pas les habitudes juridiques des forces de l’ordre. Finalement, c’est un très bon système et une très belle mesure, qu’il faudra s’approprier collectivement et progressivement.
Je mesure bien les inquiétudes que soulève la directive européenne sur le temps de travail et, croyez-moi, on en parle tous les jours dans mon bureau. L’arrêt « Matzak » a provoqué un désarroi, presque un traumatisme. Mais, encore une fois, la France n’a pas à réagir à une contrainte européenne. Il faut donc aborder la question avec le sens de la responsabilité collective et pour objectif non de sauver le volontariat – il n’est pas menacé à court terme – mais de l’aider à perdurer et à répondre aux attentes des Français. Je peux vous assurer que le ministre partage cette inquiétude.
S’agissant des activités sportives à risques, la gratuité des secours devient une vraie question pour les sauveteurs. La loi dit qu’il faut accompagner les personnes et fournir les secours. Mais qu’une personne prenne des risques inconsidérés, en fasse courir à d’autres et qu’il faille les secourir est un sujet de société. Les maires et les préfets imposent déjà des règles, parfois critiquées d’ailleurs. En mer comme en montagne, il faut bien dire qu’on observe des comportements parfois « totalement inappropriés ». Faut-il encadrer davantage ? Un débat s’organise. La sagesse du législateur trouve à s’y appliquer.
S’agissant du service national universel, notre direction générale et les autres partenaires du ministère de l’Intérieur ont été audités. Nous avons fait des propositions pour le réseau des sapeurs-pompiers – pas seulement de la sécurité civile – avec un objectif de résilience et un objectif de citoyenneté. Je ne connais pas les arbitrages, mais je serais surpris que le réseau des sapeurs-pompiers ne soit pas mobilisé une fois les arbitrages rendus. Nous voulons nous concentrer sur la remise à niveau des gestes qui sauvent. La totalité de la classe d’âge sortira du système scolaire en 2021 avec le brevet PSC1 – Prévention et secours civiques de niveau 1 – qui est une formation sérieuse. Grâce au service national universel, nous souhaitons faire un rattrapage pour les jeunes qui n’auraient pas pu suivre cette formation et opérer une remise à niveau. Nous sommes aussi un peu intéressés, car ce sera l’occasion d’informer sur les sapeurs-pompiers volontaires des publics que nous n’avons pas l’habitude de toucher.
M. Charles de la Verpillière. Je ne parlais pas vraiment de l’encadrement. Je voulais savoir si le fait d’être ou d’avoir été un jeune sapeur-pompier volontaire sera pris en compte dans les obligations à satisfaire par le jeune.
M. Jacques Witkowski. J’abordais ici les contraintes de formation. Mais le fait d’être sapeur-pompier volontaire après seize ans ou jeune sapeur-pompier est pris en compte dans nos propositions. Il s’agit d’un service encadré d’hyperproximité – le dernier des grands services publics dans ce cas, avec une caserne en moyenne tous les quatorze kilomètres.
Le système d’alerte aux populations se déploie avec des crédits importants. L’objectif est d’installer 5 000 sirènes sur des sites à risque. Nous en avons déployé plus de 2 000 et le budget est exécuté à 77 %. Pour parvenir à l’objectif, en raison des contraintes budgétaires, il faudra allonger un peu la durée du programme. Beaucoup de parlementaires ont mis en avant l’informatique « tout-smartphone ». Mais l’alerte doit se faire par plusieurs moyens. En cas de black-out, comme on l’a envisagé, la sirène, elle, fonctionnera. On l’a vu à Fukushima. Le problème plus global est de savoir si les citoyens comprendront la nature de l’alerte.
La base aérienne de sécurité civile de Nîmes-Garons, ancienne base aéronavale modernisée, est un outil exceptionnel, et nous sommes seuls à posséder en Europe. Nous cherchons à lui donner une dimension internationale et nous organiserons de nouveau en 2019 l’AFF – Aerial Fire Fighting. Nous travaillons avec Nîmes Métropole Agglomération pour aller plus loin, et avec les entreprises, qui prennent beaucoup d’apprentis, par exemple dans l’usine qui sert de référence mondiale pour les hélicoptères Airbus EC 145. Je l’ai dit aux élus locaux, l’étape suivante serait de mettre en place un simulateur de vol full flight à but commercial. Actuellement, nous envoyons nos pilotes se former à Stockholm ou à Milan, avec des coûts significatifs. Or le simulateur serait un investissement de l’ordre de six millions d’euros. Cela étant, Nîmes est notre base de référence, mais ne peut pas être la seule base aérienne européenne. On n’aurait d’ailleurs pas la place d’y baser tous les avions, et les autres pays n’iraient pas forcément dans ce sens. Cet outil novateur progresse, en liaison avec les élus, et nous avons l’intention de transférer un centre de stockage de Marseille vers Nîmes, ce qui procurera de l’activité et des emplois.
Si les élus locaux ont semblé absents de mon discours, j’en suis désolé. Ce n’était nullement mon intention. S’il est un domaine où la collaboration avec les élus locaux est totale, c’est bien la sécurité civile : nous parlions de la liaison entre COS et DOS, et, bien sûr, des SDIS. La gestion de tous les plans de prévention, de la population pendant la crise, après la crise, c’est avec eux – avec vous – qu’elle se fait. Et si nous sommes performants dans la gestion de crise, c’est justement parce que nous la faisons ensemble. On peut toujours améliorer les choses, et d’ailleurs les textes, et les responsabilités, évoluent. C’est quand même une très belle chose que cette co-construction permanente de systèmes de sécurité, financés par les uns, commandés par les autres, dans une entente globale, assez équilibrée et où chacun trouve son intérêt. Pour revenir sur les sapeurs-pompiers, évidemment si les élus locaux ne sont pas convaincus du bien-fondé de ce qui se met en place, rien ne se passera. Ayant quitté le terrain il y a environ deux ans, je sais bien ce que représente la fonction de maire, surtout dans les communes moins importantes. Eux, et leurs adjoints, sont sollicités sans arrêt par tous les services, à commencer par les pompiers. On a besoin d’eux, et on ne peut se passer d’eux.
La réforme des SDIS est un sujet compliqué. À la direction générale, nous pensons que la régionalisation intégrale ne serait pas une bonne chose, alors que la gestion locale des sapeurs-pompiers est indispensable, l’échelon local reste très pertinent. Cela n’empêche pas de penser un peu autrement. Ainsi, nous souhaitons favoriser davantage la mutualisation des achats. En deux ans, nous avons réussi à peser sur les prix, et des gains très significatifs sont désormais constatés. À titre personnel, il me paraît raisonnable de penser au regroupement de certains SDIS à une échelle pertinente. J’ai à l’esprit quatre ou cinq territoires qui travaillent bien ensemble et où cela serait sans doute possible. La DGSCGC a, une attitude ouverte sur cette question. Simplement, il faudra rester à une échelle territoriale pertinente pour que le conseil d’administration conserve sans caractère d’organe de proximité. Cela n’empêche pas de créer des outils de gestion mutualisés, pour les achats, sur le plan administratif. Sans parler de la possibilité de fusioner à l’instar des ministères des Armées, de l’Intérieur, de l’Économie et des Finances, les logiciels permettant par exemple de régler les salaires. La gestion des payes ne doit pas forcément se faire par les services du département. L’agence NEXSIS, que nous mettons en place, se situe au niveau national. C’est l’exemple du possible de cette matière de mutualisation.
S’il est un domaine où, sur le court terme, on pourrait gagner de la ressource financière, c’est la formation, en raison de la multiplication de dépenses trop dispersées. Bien sûr, l’entraînement individuel doit rester dans les casernes, la formation locale, celle « du samedi » doit être de proximité, au plus au groupement. Il y a des formations techniques exigentes qui pourraient être globalisées en s’appuyant davantage sur un niveau national (l’ENSOSP par exemple). Je crois possible de faire des économies tout en visant un taux de compétence supérieur. Ce type de sujet ne va pas aboutir rapidement, mais nous en parlons beaucoup avec Monsieur Olivier Richefou, président de la CNSIS ou avec l’Assemblée des départements de France (ADF). On pourrait être plus performant budgétairement sans révolutionner le dispositif existant.
Les laboratoires P4 et P3 sont gérés par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), c’est lui qu’il faut interroger. Nous sommes intégrés dans le réseau des moyens d’intervention, mais la planification ne m’incombe pas, outre le fait qu’elle est soumise à classification particulière.
D’un mot, je suis l’auteur du plan de déminage 2020. Ce service avait subi la révision générale des politiques publiques (RGPP) de façon importante. J’ai obtenu les moyens de rétablir l’effectif, ce qui sera fait fin 2019. Il faut savoir que ce service intervient une trentaine de fois par jour sur des problèmes réels, pas que sur des colis abandonnés. Il collecte environ 500 tonnes de munitions par an, de tous types d’armes, et il y en aurait encore pour des centaines d’années me dit-on ! Nous avons mis l’accent depuis trois ans sur ce que j’appelle « le déminage de combat » qui est la récupération de tout ce qui n’a pas un caractère historique. Ceux qui exercent ce métier à risque sont tous des fonctionnaires de police qui ont plus de huit ans d’ancienneté et que nous formons sur cinq niveaux. Pour la formation, nous sommes sans doute une référence dans le monde. Les centres étaient, historiquement, installés dans l’arc où l’on trouve des munitions historiques, de La Rochelle à Colmar. Nous en avons installé d’autres comme celui que vous citez. D’autre part, nous avions un peu laissé de côté les grandes métropoles et, en raison de leur développement, il a fallu reprendre les choses en mains pour ne pas y laisser des colis abandonnés sans intervention pendant deux heures. Trois centres sont en sous-activité notable, dont celui des Landes-Pyrénées. Après une concertation avec les organisations professionnelles et syndicales sur ce sujet qui m’a valu une avalanche de courrier d’élus, nous les avons conservés, en les maintenant à leur effectif dès que les mutations le permettront. Évidemment, je ne peux m’engager sur le budget que jusqu’à la fin du quinquennat.
Les associations départementales des radioamateurs au service de la sécurité civile (ADRASEC) sont des partenaires très intégrés à la sécurité civile : elles ont même des locaux dans ceux de la direction générale, au Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC). Par exemple, à Saint-Martin, quand nous avions perdu tout l’équipement, nous étions heureux de pouvoir compter sur des gens qui avaient encore des radios. Et nous les subventionnons.
Enfin, le taux de féminisation reste indigent, à 16 % – et même, si l’on ne tient pas compte des 12 000 personnels des services de santé des SDIS, médecins, infirmières, psychologues, où il est de 30 % à 40 %, il tombe à 8 %. Chez les officiers, il est de 4 %. Contrairement au directeur général de la police et à celui de la gendarmerie, je connais le nom de toutes les colonelles : elles sont quatre ! Je n’en suis pas fier. Il faudra des années pour améliorer la situation et il faut le faire chez les volontaires, mais aussi chez les professionnels.
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Information relative à la commission
La commission a procédé à la désignation de membres des missions d’information suivantes :
Mission d’information relative au suivi des blessés :
– Mmes Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart, rapporteures ;
– MM. Yannick Favennec-Becot et Jean-Marie Fiévet, Mmes Séverine Gipson et Josy Poueyto, membres.
Mission d’information sur le secteur spatial de défense :
– MM. Olivier Becht et Stéphane Trompille, rapporteurs ;
– Mme Aude Bono-Vandorme, MM. Fabien Gouttefarde et Fabien Lainé, membres.
La séance est levée à onze heures quarante.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. François André, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. M’jid El Guerrab, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, Mme Émilie Guerel, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, Mme Patricia Mirallès, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Nicole Trisse, M. Stéphane Trompille, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière
Excusés. – M. Florian Bachelier, M. Didier Baichère, M. Sylvain Brial, M. Olivier Faure, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Laurent Furst, M. Jean-Michel Jacques, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Frédérique Lardet, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Thierry Solère, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson
Assistait également à la réunion. – M. Lionel Causse
Source: Assemblée nationale.