Harcèlement moral et procès à La Réunion

Affecté le 4 août 2001 dans une unité stationnée à La
Réunion, l’adjudant LEBIGRE Jean-Luc se dépense sans compter et fournit un
travail de qualité exceptionnelle. Il est plusieurs fois félicité par son
chef, le lieutenant colonel X qui ne tarit pas d’éloges : « il est
rare de voir un sous-officier aussi compétent et qui s’investisse à ce
point dans son travail ! ».

En octobre 2001, une belle et jeune demoiselle, fonctionnaire
de son état, arrive en renfort au sein du détachement. D’emblée, elle se
fait remarquer tout comme l’adjudant Lebigre par la qualité des travaux qu’elle
produit. Elle sera, elle aussi, félicitée !

L’éloignement du détachement par rapport au centre ville
tend à rapprocher le gentleman célibataire Lebigre, disposant d’un véhicule, de
la jeune fille condamnée à se déplacer à pied. Jusqu’ici, rien d’anormal.

Très rapidement, le lieutenant-colonel X soupçonne une
liaison entre l’adjudant Lebigre et la demoiselle ! Son comportement
change du jour au lendemain et la vie devient infernale pour les deux
subordonnés.

Après six mois de mission, la demoiselle quitte son poste
pour rejoindre la métropole. Son rapatriement est facilité par les raisons
plus que douteuses émises sur son comportement par le lieutenant-colonel X. C’est
bien connu, lorsque l’on veut se débarrasser de son chien, on l’accuse de
la rage !

Quant au traitement infligé à l’Adjudant Lebigre , c’est
un modèle de harcèlement moral ! Tout est mis en oeuvre par l’officier
pour lui rendre la vie impossible.

Voici ce qu’il ressort du dossier :

« Désormais, le lieutenant-colonel X me rend la vie
difficile par la mise en oeuvre d’un véritable processus de harcèlement et
de violence psychologique (discriminations, mise à l’écart, modifications
des conditions de travail).

Il s’adresse à moi lors d’entretiens toujours agressifs,
et dans un contexte fait de sous-entendus. L’accumulation des agressions
verbales, la violence de ses réactions répressives à mon égard et l’acharnement
avec lesquels elles sont mises en oeuvre créent des situations
particulièrement difficiles à vivre.

Craignant aujourd’hui que je dénonce ce processus de
harcèlement il s’ingénie à ce que je sois rapidement rapatrié sur la
métropole.

La pression de ses manifestations de défiance ont pour effet
une dégradation des conditions de travail de plus en plus difficile à
supporter.

Il me retire mes responsabilités en ne m’autorisant plus
à participer aux réunions de travail hebdomadaires.

Il impose au chef de centre une surveillance de tous les
instants à mon égard.

Il cherche à me diminuer aux yeux de mes collègues de
travail par des allégations douteuses.

Il me prononce des citations et des maximes où il prend
plaisir à me voir ne pas comprendre le sens de ses propos.

Il vient lorsque je suis de quart en pleine nuit se cacher
derrière une fenêtre du centre d’interception dans l’espoir de surprendre
un faux-pas.

Il fait fréquemment le tour du bâtiment et épie au travers
des fenêtres.

Il sonne au sas d’entrée du bâtiment puis se cache dans
le renfoncement du mur pour me surprendre lorsque je vais ouvrir la porte.

Il a ordonné aux fusiliers marins assurant la sécurité du
site de noter mes horaires d’entrée et de sortie ainsi que l’identité des
personnes qui m’accompagnent.

Il entre dans le poste de sécurité et questionne le
personnel à mon sujet.

Il a ordonné au chef de centre de retirer de mon quart sans
explication un opérateur avec qui je pratiquais le co-voiturage, me retirant de
la sorte cette facilité de transport.

Son style de commandement à mon égard est axé sur la
répression. Lors des rares entretiens que nous avons, il sort son carnet où
sont inscrits tous mes faits et gestes et prend un malin plaisir à décortiquer
ces notes à mon encontre. La conversation tourne rapidement en monologue, il se
met à trembler et à me crier : « je suis le chef, c’est moi qui
commande. ».

Faut-il préciser que la notation de l’adjudant Lebigre a
été désastreuse pour l’année 2002 ? Qu’ayant 10 ans de grade, il
devient subitement inapte au grade supérieur ? Qu’il est maintenu
anormalement au même niveau depuis plusieurs années ? Que le recours qu’il
a intenté devant la commission des recours a mis dans tous ses états le
lieutenant-colonel X qui est allé jusqu’à le menacer de déposer plainte
contre lui s’il ne retirait pas ce recours ?

Comme toujours dans le cas du harcèlement, la pression mise
sur la victime est telle que celle-ci glisse doucement mais sûrement vers la
dépression nerveuse et les arrêts de maladie.

L’adjudant Lebigre n’a pas échappé à cette phase
portant atteinte à sa santé et à son équilibre.

Il bénéficie d’un congé de maladie de 15 jours et de
deux prolongations de huit jours se terminant le 15 juillet 2002.

Particulièrement vicieux, le lieutenant-colonel X…met à
profit ces jours d’absence de l’adjudant Lebigre pour demander au COMSUP
son rapatriement sanitaire sur la France pour, dira-t-il, lui faire passer une
visite d’aptitude. Le rapatriement sanitaire dans une unité spécialisée en
neuropsychiatrie est finalement fixé au 1er août 2002

Dans le même temps, le médecin-chef de l’unité, sans
consulter l’intéressé, signe un certificat médical autorisant l’adjudant
Lebigre à reprendre son service le 17 juillet. On peut penser que le médecin-chef n’a fait que confirmer le certificat médical délivré par le médecin
civil. Néanmoins, lorsque l’on sait qu’un rapatriement sanitaire est
prévu, la moindre des choses est de s’assurer du bien-fondé de l’aptitude
à la reprise du travail ! N’oublions pas que l’adjudant Lebigre est
dirigé sur un hôpital parisien en neuropsychiatrie…

Surpris par cette décision de rapatriement sanitaire et
confronté aux explications plus que confuses du lieutenant-colonel X et du
médecin-chef, l’adjudant Lebigre a eu la sagesse de s’adresser
successivement à son médecin psychiatre et à un avocat.

Les certificats médicaux sont sans appel :

« L’état de santé de Monsieur Lebigre ne justifie
pas d’hospitalisation, ni de rapatriement sanitaire sur la métropole ».
Mieux, « Que Monsieur Lebigre est apte à reprendre ses fonctions ».

« Malgré tous les certificats et attestations qui
démontrent l’inutilité de cette mesure et malgré l’aptitude de M.Lebigre
dans l’exercice de ses responsabilités professionnelles, sa hiérarchie
persiste dans cette décision. Ce qui médicalement est responsable directement
de son état clinique actuel.  Cette procédure de rapatriement s’inscrit
dans le même registre d’harcèlement professionnel dont il fait les frais et
constitue même la mesure ultime de cet harcèlement ».

On peut saluer au passage le courage du médecin psychiatre.
Pour une fois, le militaire n’est pas confronté à la langue de bois !

Fort de tous ces éléments et se basant sur les articles
R.521-1 et 521-2 du Code de justice administrative, Maître Iqbal AKHOUN, avocat
à la cour a rédigé une remarquable requête en référé devant Monsieur le
Président du Tribunal Administratif de SAINT DENIS.

Le mémoire en réplique produit par le Ministère de la
défense, n’a pas réussi à convaincre le juge des référés puisque par
Ordonnance du 1er août 2002, celui ci a ordonné :

Article 1er : La décision du
commandant du détachement avancé des transmissions de Saint Denis imposant à
M. Lebigre de se présenter à l’aéroport Roland Garros le 1er
août 2002 est suspendue.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M.
Jean-Luc Lebigre et au ministre de la défense.

Cette décision est exemplaire et satisfait pleinement l’ADEFDROMIL.
La subtile manoeuvre montée par le Lieutenant-colonel X avec le concours
bienveillant du médecin-chef de l’unité, pour éliminer l’adjudant Lebigre
de son entourage, n’a pas échappé aux foudres de la justice.

La Commission des recours qui doit statuer prochainement sur
le recours en notation de l’adjudant Lebigre devra tirer toutes les
conséquences de cette ordonnance à défaut du jugement définitif qui, nous n’en
doutons pas, donnera raison à l’adjudant Lebigre.

Commentaires de Michel BAVOIL, Président de l’ADEFDROMIL

Dans cette affaire, le général COMSUP a été induit en
erreur. Il est bien évident que le général fait confiance à ses subordonnés
et que, dans le cas d’espèce, il ne soupçonnait pas une situation de
harcèlement. Sa confiance a été trahie.

Aujourd’hui, il se trouve confronté à un problème qui
doit prendre en compte l’intérêt du service et l’intérêt de la victime.
Il n’est pas question ici de clivage ou d’un rapport de force entre
officier/sous-officier. La même affaire aurait pu se produire entre un
sous-officier et un militaire du rang , entre deux sous-officiers ou deux
officiers. Peu importe le grade et la fonction des acteurs.

Par contre, et c’est humain, tout le monde est à l’affût
du dénouement de cette affaire.

Pour l’ADEFDROMIL qui a une très bonne connaissance de ce
dossier, la victime doit être séparée immédiatement de son harceleur sous
peine de voir le commandement accusé de complicité.

Très souvent, il est plus facile de déplacer la victime que
le harceleur. Mais dans ce cas, il convient d’être très prudent car la
victime a le sentiment d’être une deuxième fois victime.

Dans le cas qui nous intéresse, l’adjudant Lebigre est
reconnu comme étant un spécialiste extrêmement pointu dans son domaine. L’intérêt
du service voudrait qu’il soit maintenu à son poste ou dans un poste
similaire à La Réunion.

Si sa mutation est envisagée, l’adjudant Lebigre ne doit
subir aucune perte de rémunération ni aucun des avantages liés à son
séjour (campagne, solde, primes). Sa mutation doit donc être recherchée avant
tout dans la Zone de l’Océan Indien. Le rapatrier en France serait
inacceptable et reviendrait à le sanctionner !

Ceci est d’autant plus vrai que les agissements du
Lieutenant-colonel X sont désapprouvés par de nombreux personnels de son
entourage. Il a été désavoué magistralement par le juge des référés et a
placé le commandement dans une situation délicate.

Si l’ enquête de commandement qui a été effectuée
confirme le comportement de harceleur de ce lieutenant-colonel placé en
situation de commandement, son déplacement d’office s’impose tout comme s’imposent
des poursuites judiciaires.

Enfin, Il ne fait aucun doute que la notation de l’adjudant
Lebigre a été établie avec partialité. On ne peut que s’étonner du
maintien au même niveau de ce sous-officier. Elle devrait être corrigée pour
la partie lui faisant grief.

L’ADEFDROMIL met en ligne pour ses adhérents :

l’ordonnance rendue sur cette affaire le 1er août par le juge des référés du Tribunal Administratif de SAINT-DENIS, Un extrait du livre « Pour que l’armée respecte enfin la loi » (Michel BAVOIL, 14 rue Fould Sterne 60700 Pont Sainte Maxence ; Prix 20€13 port compris).

MMV/NR
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE SAINT DENIS DE LA REUNION
REPUBLIQUE FRANCAISE

 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° 0200527
 

__________
 

 
Le conseiller délégué du Tribunal
Administratif de Saint Denis de la Réunion,

M.Jean-Luc LEBIGRE
C/
Ministre de la défense
 

 
rend l’ordonnance suivante :

__________

Lecture du 1er août 2002
 

1) Le litige et la procédure

          Par une requête enregistrée au greffe le 31 juillet 2002 sous le
n°0200527, M.Jean-Luc LEBIGRE, demeurant…… 97400 Saint Denis, demande au
juge des référés que soit ordonnée la suspension de l’exécution de la
décision du commandant du détachement avancé des transmissions de Saint Denis
lui imposant de se présenter à l’aéroport Roland Garros le 1er
août 2002 en vue d’un rapatriement sanitaire.

          Il soutient que l’urgence est justifiée par la circonstance qu’il est
porté atteinte à sa vie personnelle, à sa santé et à son équilibre ;
que la décision de lui imposer des soins dans une unité spécialisée en
neuropsychiatrie est une atteinte aux libertés fondamentales ; qu’elle
est entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle est constitutive
d’un véritable harcèlement moral ; qu’elle est manifestement
illégale, dès lors qu’un tel pouvoir relève de la seule compétence du
préfet ; qu’elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation,
dès lors que les certificats médicaux démontrent que son état de santé ne
nécessite pas une telle mesure.

Par un mémoire enregistré le 1er août 2002, le ministre de la
défense conclut au rejet de la requête en faisant valoir que la condition d’urgence n’est pas remplie, l’intéressé ayant eu connaissance de la décision
contestée le 3 juillet 2002 ; qu’il n’est pas porté une atteinte
grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu’il n’est
pas justifié que la mesure constituerait une menace à l’équilibre et à la
santé du requérant ; que la mesure a été prise en application de l’article
19 du décret du 22 avril 1974 relatif aux positions statuaires des militaires
de carrière ; que le médecin-chef de la garnison a estimé que l’état
de santé de l’intéressé nécessitait l’avis d’un médecin militaire
spécialiste en neuropsychiatrie ; que le harcèlement moral n’est pas
démontré ;

          Vu la requête enregistrée le 31 juillet 2002, sous le n°02526, par
laquelle M.LEBIGRE demande que le Tribunal annule la décision susvisée du
commandant de détachement avancé des transmissions de Saint Denis ;

          Vu la décision du président du Tribunal en date du 13 juin 2002 donnant
délégation à Mme Marie-Michèle Vauquelin, conseiller, pour assurer le
fonctionnement de la juridiction pendant la période du 28 juillet au 3 août
2002 ;

          Les parties ont été régulièrement averties du jour et de l’heure de l’audience
qui a eu lieu le jeudi 1er août 2002 à 14 heures ;

          Le conseiller délégué a examiné la requête, la décision attaquée ainsi
que les mémoires et les pièces produits par les parties ;

          Après avoir, à l’audience publique, présenté son rapport, il a entendu :

M. Jean-Luc LEBIGRE, requérant ; Et MM. Roger et Rideau, représentant le ministre de la défense .

2) La décision

          Vu les autres pièces du dossier ;

          Vu la constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule ;

          Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

          Vu le décret n°74-338 du 22 avril 1974 ;

          Vu le code de justice administrative ;

          Considérant qu’aux termes de l’article L.521-2 du code de justice
administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par
l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires
à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale
de droit public … aurait porté, dans l ‘exercice d’un de ses
pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés
se prononce dans un délai de quarante-huit heures » ; qu’aux
termes de l’article L.522-1 dudit code : « Le juge des référés
statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il
lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L.521-1 et
L.521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les
parties de la date et de l’heure de l’audience publique … » ;

          Considérant que M. LEBIGRE, adjudant en poste au détachement avancé des
transmissions de Saint-Denis depuis le 3 août 2001, demande, sur le fondement
de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de la
décision en date du 23 juillet 2002, notifiée sous la forme d’un message
le 25 juillet 2002, par laquelle le commandant du détachement avancé des
transmissions de Saint-Denis lui a ordonné de se présenter à l’aéroport
Roland Garros de Saint-Denis le 1er août 2002 en vue d’être
rapatrié en métropole pour des raisons sanitaires ; que par un message
modificatif en date du 1er août 2002, la décision contestée n’a plus pour
objet le rapatriement sanitaire du requérant, mais son transport sanitaire en
vue de son examen par un médecin militaire spécialisé en
neuropsychiatrie ; que, dans son mémoire en défense, le ministre de la
défense fait valoir que cette décision a été prise sur le fondement de l’article
19 du décret susvisé du 22 avril 1974 aux termes duquel «  le congé
de longue durée pour maladie est accordé dans les conditions fixées à l’article
58 du statut général, par décision du ministre des armées, après avis
médical, sur demande de l’intéressé ou d’office, par période de trois
à six mois renouvelables » ;

          Considérant, d’une part, que si la décision ordonnant le rapatriement
sanitaire ou le transport sanitaire d’un militaire n’est pas, par son seul
objet, de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale, les motifs
sur lesquels se fonde cette décision peuvent, dans certains cas, révéler
une telle atteinte ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment
des certificats médicaux produits par l’intéressé, ainsi que du
certificat en date du 15 juillet 2002 du médecin chef de la garnison
déclarant le requérant apte à la reprise de son travail à l’issue de son
arrêt maladie de quinze jours, que la décision imposant à M. Lebigre de se
présenter à l’aéroport de Saint-Denis a été prise non en raison de l’état
de santé de l’intéressé, mais en raison des relations conflictuelles
existant avec son supérieur hiérarchique
 ; que, dans ces
conditions, elle porte atteinte à la liberté personnelle du requérant, et
notamment à sa liberté d’aller et venir, laquelle constitue une liberté
fondamentale au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du
code de justice administrative ;

          Considérant, d’autre part, que le requérant justifie de l’existence d’une
situation d’urgence, dès lors que l’exécution de cette décision, qui
aurait pour effet de l’éloigner, même temporairement, de son lieu de
résidence à la Réunion, est de nature, eu égard à sa nature et aux motifs
pour lesquels elle a été prise, à bouleverser ses conditions d’existence
et à porter atteinte à son équilibre et à sa santé.

          Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Lebigre est fondé
à soutenir qu’en lui imposant de se présenter à l’aéroport de
Saint-Denis le 1er août 2002 en vue d’un rapatriement sanitaire
en métropole, le commandant du détachement avancé des transmissions de
Saint-Denis a, dans l’exercice de ses pouvoirs, porté une atteinte grave et
manifestement illégale à sa liberté d’aller et venir eu égard aux motifs
pour lesquels ladite décision a été prise ; qu’il y a lieu, par
suite et dans les circonstances de l’espèce, de suspendre l’exécution de
ladite décision ;

ordonne :

Article 1er : La décision du
commandant du détachement avancé des transmissions de Saint Denis imposant à
M. Lebigre de se présenter à l’aéroport Roland Garros le 1er
août 2002 est suspendue.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M.
Jean-Luc Lebigre et au ministre de la défense.

Prononcé à Saint Denis de la Réunion, le 1er août 2002.

Le conseiller délégué,

MM. VAUQUELIN Le greffier en chef,

R.BOURGIN

Extraits du livre « Pour que l’armée restecte enfin la loi » par le Capitaine Michel BAVOIL

« harcèlement moral au travail se définit
comme toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude) qui porte
atteinte, par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité
psychique ou physique d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci
ou dégradant le climat de travail. »

Dans ce même article, il est question du harcèlement dans
la fonction publique :

« Les abus de pouvoir sont fréquents dans la fonction
publique. Il n’y a pas davantage de pervers dans les administrations que dans
le privé, mais ils peuvent sévir plus longtemps puisque les victimes ne
peuvent leur échapper ni par une démission, ni par un licenciement. En cas de
difficultés avec son supérieur hiérarchique direct, il ne faut pas trop
compter sur les médiations informelles car, pour se faire entendre, il est
difficile d’accéder à l’échelon supérieur. On se retrouve à faire des
démarches procédurières, simplement pour faire entendre son point de
vue. »

Il est extrêmement périlleux pour le plan de carrière d’un
subalterne de s’en remettre à sa hiérarchie, directe ou indirecte, pour
formuler des doléances en ce qui concerne les paroles ou les actes de son chef
à son égard ! cela explique que, dans la majorité des cas, les victimes
préfèrent endurer et ne rien dire. Sous cette chape de silence grouille, dans
l’armée traditionnelle comme dans la gendarmerie, de très nombreuses voix
qui, par nécessité, ont choisi de se taire. Cette inadmissible situation doit
être décapitée, car elle jette le discrédit sur l’ensemble des militaires,
mais surtout parce qu’elle muselle des femmes et des hommes, touchés dans leur
honneur, dans leur intégrité d’être, dans leur dignité et sur lesquels, s’ils
prennent le risque de s’exprimer, pèsent les plus lourdes menaces !

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