La France déploie en permanence 30 000 militaires en posture opérationnelle. Parmi ceux-ci, la moitié l’est dans des pays étrangers pour y remplir des missions de stabilisation ou des missions de combat. Ces engagements se déroulent souvent dans la durée sur des terrains éprouvants tant pour les hommes que pour les matériels.
Le volume de nos armées, l’état de leurs équipements, les finances de notre pays et les risques encourus par nos soldats doivent conduire les Français à s’assurer que la stratégie militaire et opérationnelle conduite par nos dirigeants s’inscrit bien dans une stratégie générale, c’est-à-dire dans une politique, claire et de long terme. Cela impose que notre politique étrangère se fasse en cohérence avec les capacités militaires réelles de nos armées : effectifs, disponibilité des matériels, bases et vecteurs de projection permettant des actions dans la durée, …
Proche-Orient : mener une realpolitik
La France contribue, pour des raisons historiques et depuis plus de 40 ans, à la stabilisation du Liban submergé par les réfugiés : Palestiniens ayant été expulsés hier de leurs terres, Syriens et Irakiens fuyant aujourd’hui les massacres.
Depuis la Jordanie et l’Irak, nos avions et notre artillerie ont participé efficacement à la réduction de l’État islamique. Pour autant les terroristes survivants, endurcis par les combats, vont devenir nos ennemis directs au Sahel, constituer un risque important contre nos intérêts et nos ressortissants dans les pays musulmans d’Asie et faire peser une menace meurtrière en France s’ils parviennent à rejoindre le territoire national.
Dans ces conditions la France peut-elle continuer à ignorer, voire à rejeter, le gouvernement officiel syrien, soutenu militairement par les Russes, dont l’armée a repris le contrôle de l’essentiel de la Syrie ? En effet, comment peut-on encore ne pas comprendre que la stabilité du Liban et la sécurité de nos forces qui y sont déployées sous l’égide de l’ONU passent, pour une part, par des échanges d’informations avec le gouvernement de Damas et ses services de renseignement ?
RCA : refuser le chaos silencieux
En 2015, la France est intervenue en République centrafricaine après avoir suivi en direct son invasion venue du nord par la Séléka soutenue par des Tchadiens et des Soudanais armés.
Les massacres qui se sont déroulés peu après, notamment à Bangui, ont contraint la France à intervenir dans le but d’arrêter les bains de sang. Mais, pour ne pas avoir décidé d’agir plus tôt dans le nord dès le début de l’invasion, la France a laissé se détériorer très rapidement une situation au point que les effectifs militaires initiaux envoyés sur place (moins de 1 000 hommes) furent totalement insuffisants pour rétablir le calme à Bangui (800 000 habitants) et dans un pays plus grand que la France (625 000 km2).
Une force militaire aux capacités opérationnelles réduites, envoyée trop tard pour remplir une mission à la fois floue et pour tout dire impossible, telle fut l’expression de la politique française dans ce pays où nous sommes présents depuis l’indépendance en 1960.
Faute d’avoir une vision politique de long terme, la France n’a pas cessé d’y intervenir militairement. Ce pays dont la position est stratégique entre l’Afrique du Sahel et celle de la forêt, à la charnière entre les États qui bordent à l’est l’océan Indien et à l’ouest l’océan Atlantique, ce territoire vaste, sous-peuplé (5 millions d’habitants) au potentiel minier et surtout agricole considérable, est méconnu et oublié des dirigeants français.
Bien connu en revanche par nombre de militaires, ce pays, certes enclavé, mais véritable clef de voûte des pays africains est une proie facile susceptible de devenir rapidement un enjeu pour ses voisins et les grandes puissances (les Russes viennent d’y renforcer leur présence militaire en y envoyant près de 200 coopérants, la Chine y a acheté des terres,…). Il mériterait une politique française de long terme.
L’Europe doit se défendre ou elle disparaîtra
L’OTAN a-elle encore une raison d’être ? La nouvelle situation internationale n’est-elle pas favorable à l’émancipation de notre continent vis-à-vis de l’Alliance atlantique devenue, depuis l’effondrement de l’URSS, un obstacle majeur à la constitution d’une défense européenne indépendante, en donnant à la plupart des États de notre continent l’illusion d’être gracieusement (ou presque) défendus par le puissant allié américain ? La contrepartie est qu’ils acceptent d’être dépendants politiquement et militairement de leur grand allié en restant convaincus que celui-ci viendra à leur secours au moindre bruit de bottes…
En fait l’OTAN, qui intègre en son sein un pays comme la Turquie, n’a plus de véritable raison d’être dans le contexte actuel. En revanche elle maintient de fait les pays européens sous une forme de tutelle assurée par la puissance dominante de l’Alliance. Elle contribue à faire de l’Europe un continent sans voix car sans puissance militaire commune ; pire, donne l’image d’un ensemble de pays alignés sur la politique américaine.
Mais quels pays, en Europe, en dehors de la France, souhaitent réellement l’émergence d’une puissance militaire européenne ? Tant qu’il n’y aura pas de volonté politique de chacune des nations, la situation demeurera. Ne comptons pas sur les États-Unis, ni sur la Grande-Bretagne pour y contribuer, ce serait contre leurs intérêts : « pas de puissance sur le continent européen ».Il nous faut donc convaincre nos alliés européens ; commençons par deux ou trois grands pays et un ou deux petits pays, définissons une ambition politique commune et cessons les querelles sur les sujets secondaires.
La Rédaction de l’ASAF
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