Secret défense et fort de Vaujours

Question écrite n° 06064 de M. Gilbert Roger (Seine-Saint-Denis – SOCR) publiée dans le JO Sénat du 12/07/2018 – page 3415

M. Gilbert Roger attire l’attention de Mme la ministre des armées sur la situation du fort de Vaujours, ancienne fortification militaire qui a été utilisée de 1951 à 1997 par le commissariat à l’énergie atomique (CEA) pour y développer les détonateurs des bombes atomiques de l’armée française. Il est situé à quelques kilomètres de Paris sur le territoire de trois communes : Courtry, Coubron et Vaujours, à cheval sur les départements de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne.
Pendant des années, le CEA y a pratiqué, quatre à huit fois par jour, à l’air libre puis en salle, des essais nucléaires dits sous-critiques (ou tirs « froids »), qui consistaient en l’explosion de bombes factices produites autour de sphères d’uranium 238.
De 2000 à 2002, à la suite d’un long combat politico-associatif, le CEA a accepté que la commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) mène une étude sur le site, qui a démontré l’importance de la pollution sur le fort de Vaujours.
En 2010, l’État a vendu la majeure partie du site à la société BP Placo, en lui laissant la charge de le dépolluer. L’entreprise a pour projet imminent d’y installer une carrière de gypse à ciel ouvert et, pour ce faire, d’y déplacer quatre millions de mètres cubes de terre.
Il a obtenu en 2014 la création d’une commission de suivi de site ainsi que l’intervention de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour superviser la radioactivité du fort de Vaujours.
Dans la réponse apportée le 15 février 2018 (Journal officiel « questions » du Sénat, p. 663) à la question écrite n° 2534 du 21 décembre 2017, elle affirme que « la déclassification des archives relatives aux activités menées par le CEA sur le site n’apporterait aucun éclairage supplémentaire sur le sujet ». Ce n’est pas l’avis de l’ASN qui, au cours de la dernière réunion de la commission de suivi de site le 29 novembre 2017, a affirmé que connaître l’histoire de la pollution du site permettrait d’en réaliser une dépollution exemplaire. Cette déclassification permettrait par ailleurs de couper court à toute polémique.
Aussi lui demande-t-il de bien vouloir réviser son jugement en autorisant la levée du secret défense sur le fort de Vaujours.

Réponse du Ministère des armées publiée dans le JO Sénat du 23/08/2018 – page 4289

Il est tout d’abord rappelé que les opérations d’assainissement du site de l’ancien centre d’études de Vaujours du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ont débuté dès 1997 et ont fait l’objet d’une présentation et d’une enquête publique en mai-juin 2000. S’agissant de la caractérisation et des travaux d’assainissement de cette emprise, des centaines de mesures ont été effectuées par divers organismes spécialisés, dont le Bureau des recherches géologiques et minières et la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD). Ces mesures ont mis en évidence l’état radiologique satisfaisant des eaux et des sols. En 2002, à la demande de la CRIIRAD, une caractérisation chimique a également été pratiquée dans l’eau, le sol et les mousses, portant sur plus d’une vingtaine d’éléments parmi lesquels les métaux lourds et les explosifs. Les résultats obtenus se sont révélés très largement inférieurs à ceux à partir desquels un risque de toxicité chimique est suspecté. De plus, l’assainissement du site a été réalisé, pour les sols et les structures, conformément aux orientations fixées par la direction générale de la santé. Par précaution, des servitudes d’utilité publique ont été mises en place dans le cadre d’un arrêté inter-préfectoral du 22 septembre 2005, pour prévenir tout risque résiduel pyrotechnique et radiologique en cas de travaux de terrassement. Il convient en outre d’observer que les travaux aujourd’hui accomplis par la société Saint-Gobain Placoplâtre sont organisés en relation avec l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, de manière à garantir la sécurité radiologique des travailleurs et l’absence d’impact environnemental et sanitaire. Par ailleurs, il est confirmé que la déclassification des archives relatives aux activités conduites sur ce site par le CEA aboutirait à rendre publiques des informations devenant alors susceptibles d’être utilisées en particulier par des puissances proliférantes. Elle serait en conséquence de nature à constituer une menace pour la sécurité nationale et internationale. Toutes les données nécessaires aux études sanitaires et d’impact environnemental, dont celles se rapportant aux substances utilisées lors de l’exploitation du centre de Vaujours par le CEA, ont néanmoins été largement diffusées auprès des associations dans le cadre des travaux menés par la commission interdépartementale de suivi des opérations d’assainissement mise en place dès 2001. Enfin, il est précisé que quel que soit le niveau de protection qui entoure la réalisation de certaines activités à caractère militaire hautement sensible, ces dernières se déroulent en tout état de cause sous le contrôle d’organismes spécialisés et qualifiés qui veillent notamment, en toutes circonstances, au strict respect des diverses réglementations.

Source: JO Sénat du 23/08/2018 – page 4289

À lire également