(Tribunal Administratif de PARIS du 6 Février 2003 n° 9717226/5)
» En émettant une appréciation défavorable sur la manière de servir du gendarme S du seul fait qu¹il avait usé des voies de recours ouvertes contre plusieurs décisions administratives le concernant, l’autorité investie du pouvoir de notation a entaché sa décision d’une erreur de droit « .
Les attendus du jugement du Tribunal Administratif de Paris du 6 Février 2003 constituent un rappel de principe de la liberté d¹exercice du droit de recours des militaires et de l’interdiction de sanctionner indirectement la mise en oeuvre de ce droit élémentaire sauf à ce que l’usage du droit ne soit » abusif « .
A l’origine de cette situation, le justiciable a régularisé des recours successifs (article 13 du Règlement de Discipline Générale dans les Armées et recours en excès de pouvoir) contre des décisions qu’il estimait injustifiées et qui ont abouti systématiquement à des annulations, soit au titre de l’agrément des recours soit dans le cadre de décisions de justice. L’exercice régulier des voies de recours ouvertes à tout militaire et l’annulation systématique des décisions pourtant valablement contestées a conduit l’autorité de notation à en prendre ombrage et à motiver l’appréciation littérale de la feuille de notation dans les termes suivants : » Sous-officier qui, dans l’emploi confié au Ministère de la Défense, s’attache à donner satisfaction. Entretient, vis-à-vis de l’autorité, un état permanent de défiance qui altère la sérénité de ses rapports avec son encadrement et incite à penser qu’il n’adhère plus qu’en opportunité au statut qu’il a choisi « .
Le Tribunal Administratif a sanctionné cette appréciation littérale en la jugeant contraire aux droits élémentaires du militaire et en particulier au droit de recours garanti par l’article 13 du RDGA.
Si le » devoir d’obéissance est le premier devoir du subordonné » (article 8 RGDA ), le Tribunal Administratif de Paris rappelle in fine à l’autorité militaire que le subordonné a autant de devoirs que de droits et que la mise en oeuvre du droit de recours ne peut être sanctionné directement ou indirectement, a fortiori si l’exercice du droit n’est pas abusif.
Précisément, les subordonnés disposent d’un droit de recours (article 13 RDGA) mais également plus généralement du » droit de s’exprimer librement dans le respect des dispositions du statut général des militaires et de ses textes d’application » ( article 12 du RDGA).
Parallèlement, l¹article 7 du RDGA impose des » Devoirs et responsabilités du chef » » dans l’exercice de l¹autorité » dont le premier est constitué de l’obligation de tout supérieur de » respecter les droits des subordonnés « .
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En conclusion, trente années après l¹institution du droit de recours des militaires et deux années après la création de la Commission des Recours Militaires aussi paradoxal cela soit-il, il ne semble pas vain de rappeler que l’autorité militaire s’impose d¹autant plus qu’elle reste garante des droits des militaires, dont le droit de recours. Les » baïonnettes intelligentes » le seront plus encore et seront d’autant attachées à leur arme que celle-là s’attachera à ce que nul ne soit sanctionné, directement ou indirectement, à raison de l’exercice régulier des recours.
Paris, le 1er Juillet 2003.
Renaud RIALLAND
Avocat à la Cour
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