TA Nancy, 13 juin 2017, n° 1503211, M. D. (avant dire droit)
TA Nancy, 28 novembre 2017, n° 1503211, M. D.
Recours pour excès de pouvoir relatif à la communication de documents administratifs couverts par le secret de la défense nationale. Possibilité pour le juge d’ordonner la saisine de la Commission consultative du secret de la défense nationale (article L. 2312-4 du code de la défense)(oui).
Possibilité pour le juge d’ordonner la communication de tous éléments utiles à la solution du litige à condition qu’elle ne porte pas atteinte au secret de la défense nationale y compris tous éléments d’information sur les raisons de l’exclusion des documents en cause, dans des formes préservant le secret de la défense nationale dans l’hypothèse où le ministre estimerait que la classification et le refus de communication de tout ou partie des rapports demandés seraient justifiés par le secret de la défense nationale (oui).
Si la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) ne peut être saisie que par un juge en vue du règlement du litige porté devant lui, cette faculté offerte au juge, s’il l’estime utile, en application de l’article L. 2312-4 du code de la défense n’est exclue par aucun texte ni aucun principe pour les recours en excès de pouvoir relatifs à la communication de documents administratifs couverts par le secret de la défense nationale, alors même que la Commission d’accès aux documents administratifs est par ailleurs compétente, sur le fondement de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, pour rendre un avis sur la communication de tels documents.
Il appartient au juge administratif, dans l’exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige.
Les dispositions de l’article L. 2312-8 du code de la défense, qui prévoient que l’autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l’avis de la CCSDN, à la juridiction ayant demandé la déclassification et la communication d’informations classifiées, ne font pas obstacle à ce que le juge puisse ordonner la communication de tous autres éléments utiles à la solution du litige à condition qu’elle ne porte pas atteinte au secret de la défense nationale.
Par suite, le juge peut ordonner, par le même jugement avant dire droit que celui demandant la saisine par l’administration de la CCSDN, que soient versés au dossier de l’instruction tous éléments d’information sur les raisons de l’exclusion des documents en cause, dans des formes préservant le secret de la défense nationale, de façon à lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale, dans l’hypothèse où le ministre estimerait que la classification et le refus de communication de tout ou partie des rapports demandés seraient justifiés par le secret de la défense nationale.
Dans le cadre d’une demande d’annulation du refus opposé par l’autorité militaire à une candidature en qualité d’engagé volontaire de l’armée de terre, le ministre de la défense opposait l’impossibilité de communiquer l’avis rendu à l’issue de l’enquête de sécurité sur la base duquel la décision attaquée avait été prise au motif que celui-ci était classé confidentieldéfense.
En l’absence de tout élément permettant de contrôler les motifs de la décision, le tribunal administratif de Nancy a, avant dire droit, invité le ministre de la défense à lui communiquer toutes précisions sur les motifs ayant justifié le rejet de la candidature de l’intéressé, après avoir pris l’avis de la commission consultative du secret de la défense nationale dans les conditions prévues par le code de la défense et après avoir le cas échéant déclassifié les informations en cause. Dans l’hypothèse où le ministre de la défense estimait que certaines de ces informations ne pouvaient être communiquées au tribunal, il devait toutefois communiquer tous les éléments sur la nature des informations protégées et les raisons pour lesquelles elles sont classifiées, de façon à permettre au tribunal de se prononcer en connaissance de cause, sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale.
A l’issue du délai imparti, le ministre a persisté dans son refus de communiquer les motifs de la décision attaquée sans démontrer que cette communication était de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale. Le tribunal en a tiré les conséquences en annulant la décision rejetant la candidature du requérant au motif qu’il devait être regardé comme établissant qu’il présentait les qualités requises pour un tel recrutement.
Cf. CE, 20 février 2012, n° 350382, Ministre de la défense et des anciens combattants.
Source: Lettre de la Cour administrative d’appel de Nancy n° 15 (Février 2018)