Feu la fusion police – gendarmerie (Isabelle Voidey)

Précipitation et absence de débat

La gendarmerie rejoint le ministère de l’Intérieur le 1er janvier 2009, par vote en une seule lecture sur procédure d’urgence, sans que le ministre de la Défense soit représenté, le budget 2009 de la Gendarmerie ayant été voté dans la loi de finances en prenant acte de ce rattachement avant même qu’il ne soit effectif. Puis, en place Bauveau, on accélère le processus de fusion voulue par Nicolas Sarkozy. Pourquoi précipitation et absence de débat démocratique sur un sujet essentiel de la République ?

Les personnages clés dénoncent eux-mêmes les risques pour la République

L’ancien Premier ministre indiquait être « très attaché à ce qu’il y ait deux forces de sécurité » et appelait à être « très vigilant ». « Je sais que vous avez cette conviction de républicaine sur la protection de nos équilibres« , a-t-il lancé à la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, qui défendait le budget de son ministère. Dans une lettre adressée le 21 juillet 2003 au ministre Sarkosy, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, s’insurgeait explicitement contre ce projet . « …j’ai fait part à celles-ci (NDLR les autorités du Premier Ministre) de mes observations et de mon opposition à ce projet que j’estime inacceptable« , « L’évolution institutionnelle de la Gendarmerie que vous préconisez ne me semble en effet ni opportune ni justifiée« , « En effet, plus on rapproche la Police et la Gendarmerie, plus on encourage les surenchères entre les deux corps, et les revendications catégorielles « en échelle de perroquet » qui conduisent à une spirale inflationniste dommageable pour les finances publiques et périlleuse pour la paix sociale« . « Le maintien de la Gendarmerie au sein du ministère de la Défense est en réalité la seule garantie pérenne de son statut militaire, qui est lui-même seul en mesure de garantir l’autorité du gouvernement et la défense des institutions en situation de crise grave. »

L’atout militaire de la Gendarmerie dans la réponse sécuritaire

Fonction de police et sentiment d’insécurité

Comme l’explique le colonel Espié dans sa lettre au préfet de l’Ardèche : « les gendarmes ne sont pas des policiers avec des képis« . La fonction de police rejoint le sens originel d’administration de la cité, le noyau central de la fonction policière étant le monopole de la contrainte légitime, le recours, pour une société, à une force organisée pour imposer l’obéissance.
La gestion politique de la sécurité est plutôt orientée vers l’entretien d’un climat d’inquiétude à l’occasion de faits divers et vers la criminalisation, l’un des cinq processus à l’œuvre dans le sentiment d‘insécurité et la délinquance : pacification des mœurs (réduction de l’usage de la violence interpersonnelle comme issue aux litiges, stigmatisation de la violence, mutation du statut de victime, élévation du seuil de sensibilité), judiciarisation des litiges (recours accru au judiciaire en l’absence de dialogue et de lien social), compétition pour les biens de consommation (crise), ségrégation spatio-socio-économique (cités), criminalisation (de plus en plus d’articles du code pénal et du CPP, ce qui n’était pas poursuivi le devient, et durcissement des articles antérieurs).

Jean-Pierre Raffarin lui-même avait vivement mis en garde le Sénat en décembre 2008.

Emeutes et violences de cités traduisent, outre les enjeux de marchés parallèles et de criminalité, une fracture sociale à la française avec la jeunesse, les forces de l’ordre, les cultures. L’organisation actuelle des forces de police en banlieues gagnerait en renseignement, connaissance du terrain, réduction de l’évitement et du sentiment d’exclusion, en développant la proximité et le contact avec la population. Mais le choix des pouvoirs publics est au repli et à la vidéo-surveillance, au mépris de la problématique liée à la croissance du séparatisme social. La concentration de personnes en situation de précarité socio-économique aggrave leur stress, leur de mal-être, et leur agressivité. Les conséquences dépassent les frontières sociales et mentales (conséquences psychologiques en termes d’identité) avec un impact dans les relations interpersonnelles mais aussi sur le représentations de son groupe, de son avenir, de sa « chance » , et sur les représentations de l’Etat et de la société de consommation.
Or la Gendarmerie, pionnière dans l’art de la police de proximité, a su développer de façon parfaitement acceptée par la population, dans la confiance et le respect mutuel, une culture très fine de dialogue constructif, de protection, de renseignement, mais dans une dimension à la fois plus globale et beaucoup plus précise et riche que le « RG ». C’est l‘héritage, dans la mémoire collective du public et la culture professionnelle de la Gendarmerie, de plusieurs siècles de vraie relation humaine, un patrimoine inestimable. Là où la police semble s’essouffler, prisonnière du cercle vicieux de la tension entre jeunes et policiers, comme l’a encore montré le documentaire « comprendre le monde » diffusé sur Arte le 08 juin 2010, la Gendarmerie ne pourrait-elle pas apporter le changement susceptible de surprendre la dynamique négative et la renverser ? Sa spécificité militaire et sa neutralité politique, ne permettraient-elles pas d’être perçue simplement une structure de la République, et non de l’Etat, active sur les mécanismes du rapport à la loi et du rapport à l’autre ?

Rôle social d’éducation à la citoyenneté des armées : cohésion et paix sociale.

Les relation entre l’appareil policier et l’Etat sont croisées avec la société, troisième pointe du triangle, dont font partie les citoyens, les élus, les médias, acteurs à part entière de l’ordre et de la sécurité.
Depuis l’abandon de la conscription, le rôle social des armées dans l’identité, l’unité, la cohésion et la paix sociales semble s’effacer, pourtant la Gendarmerie s’inscrit dans ce rôle qui participe à la construction de l’esprit citoyen et à la consolidation d’une démocratie responsable.

La nouvelle définition du risque et le rôle de la militarité de la Gendarmerie
L’évolution conjuguée d’au moins trois facteurs piliers conduit à une mutation du risque et à repenser la sécurité. La révolution de la technologie de l’information, la mondialisation, imposent un déploiement de l’intelligence économique, la surveillance de la criminalisation des crises, l‘adaptation à l‘internationalisation du terrorisme, de la criminalité et de leurs ressources. Des changements géopolitiques ont fragilisé des Etats à nos portes, et risquent de provoquer une déstabilisation économique, financière, informatique et sociale des Etats le plus solides.
L’augmentation du nombre et de l’impact des risques environnementaux, sanitaires et technologiques redéfinissent les questions de sécurité des populations.
La société française devient de plus en plus complexe et plus exposée aux risques. Elle traverse une période de transition qui fait appel à une dimension collective inédite de la résilience, cette faculté psychologique individuelle à trouver au fond de soi cette capacité de rebond pour sortir des épreuves et reconstruire. Le livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité intérieure confie à l’armée pour les quinze prochaines années la mission délicate et novatrice de gestion de la résilience collective, confirmant ainsi le rôle social des armées dans l’identité, la cohésion et la paix sociale. Cette résilience sera sollicitée en cas de fracture majeure en temps de paix.

Nouvelle donne du risque sociétal, réponse globalisée

Le modèle de sécurité sociétale : une protection multifocale

La notion de « sécurité globale » détermine « le niveau de prévention et de protection contre les risques de toutes natures et de tous impacts, partout et en permanence, dans les conditions qui favorisent le développement sans rupture des activités de la vie quotidienne » (d’après l’INHES, Institut des hautes études de la sécurité). La réponse implique l’ensemble des forces de la société, d’où l’apparition d’un nouveau modèle, intégrant la « sécurité globale » et mobilisant la société toute entière, y compris de la population, face à une crise, comme le modèle de « sécurité sociétale » nordique, qui s’inspire du concept de « défense totale » issu de la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide. Il s’agit de garantir une capacité de réponse aux ruptures sociétales majeures en tant de paix. C’est le concept qui s’impose internationalement.
Il correspond aussi au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui se réfère aux sept composantes de la sécurité humaine : économique (revenu minimum garanti), alimentaire (accès physique et économique à la nourriture), sanitaire (absence relative de maladies et d’infections), environnementale (accès à l’eau potable, air sain et terres non dégradées), personnelle (face à la violence physique et aux menaces), communautaire (préservation de l’identité culturelle), politique (préservation et des droits humains fondamentaux). Le concept de « sécurité durable », infra étatique apparaît en 2006, combinaison de sécurité humaine, de sécurité culturelle et de régulation des crises.
Les travaux de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) soulignent la pertinence du concept de sécurité globale défini par l’Acte d’Helsinki et inclue les sept dimensions de sécurité humaine.
Dans cette architecture de sécurité nouvelle, une protection multifocale, dont l’une des sources au moins est neutre, apolitique, militaire mais au contact de la population, est indispensable.

Intelligence territoriale, criminalisation des crises financières et informatiques, sortir de crise

Depuis les années 80, la dérégulation des marchés financiers a conduit à des logiques de gestion à court terme visant le profit boursier, le système financier a décroché des règles élémentaires de prudence et plusieurs crises ont provoqué des conséquences graves et durables sur l’économie, l’emploi, la cohésion et la stabilité sociale voire politique des nations. Dans ce contexte, le tissu des pme-pmi reste le socle de la reconstruction économique et sociale, mais il est fragilisé par une exposition aux risques liés aux techniques de circulation de l’information stratégique utile et nécessaire aux acteur économiques. En effet, ce tissu économique vital est pris…

Lire la suite sur le site  www.agoravox.fr en cliquant [ICI]

 

À lire également