Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président
— Audition du général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de programmation militaire
La séance est ouverte à onze heures.
M. le président Jean-Jacques Bridey. Mon général, vous clôturez le programme d’auditions de cette semaine, au cours de laquelle nous avons entendu les chefs d’état-major de l’armée de terre et de la marine, vos collègues, le secrétaire général de l’administration et le délégué général pour l’armement, qui vous précédait à l’instant.
Le sujet est le projet de loi de programmation militaire (LPM), sur lequel vous allez nous donner notre avis, avant de répondre aux questions qui vous seront posées.
Général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis, comme à chaque occasion, très heureux d’être parmi vous ce matin, à l’heure où se dessine un virage important pour nos armées, en particulier pour les aviateurs à la tête desquels j’ai l’honneur de me trouver depuis un peu plus de deux ans maintenant.
Au moment de prendre la parole devant votre commission, je voudrais commencer par rendre hommage à nos blessés, à nos disparus, ainsi qu’à leurs familles. J’ai ainsi une pensée émue pour nos frères d’armes de l’aviation légère de l’armée de terre, tombés en service aérien le 2 février dernier. Alors que je m’apprête à évoquer avec vous ce projet de loi de programmation militaire qui nous réunit ce matin, ce drame nous rappelle qu’avant toutes les considérations techniques d’une loi de programmation, il y a des hommes et des femmes qui ont fait le choix de servir – un service dont on sait qu’il peut aller jusqu’au sacrifice de leur vie pour la protection des Français. C’est tout de même, me semble-t-il, ici la seule vérité qui compte.
Je connais votre soutien à nos armées, et votre attachement aux hommes et aux femmes de l’armée de l’air qui opèrent tous les jours, en première ligne, sur le territoire national, depuis nos territoires outre-mer, au sein de nos dispositifs pré-positionnés, ou encore sur les nombreux théâtres d’opération où la France est actuellement engagée. Je connais l’appui de votre commission et la qualité des travaux qu’elle conduit pour faire face aux enjeux sécuritaires auxquels notre pays et confrontés, et je tenais, en introduction, à vous en remercier.
L’élaboration d’une loi de programmation militaire constitue toujours un moment important pour notre communauté de défense. Elle permet de mettre en cohérence les moyens militaires avec l’ambition décidée par le président de la République. Je crois utile de commencer par rappeler ici l’importance, pour la défense, de ce principe de programmation pluriannuelle des ressources que la Nation entend lui consacrer. J’y vois tout d’abord un engagement de la Nation, que le passage par la loi permet d’incarner. J’y vois également la reconnaissance du temps nécessaire à la construction d’un outil de défense, celui du temps long imposé par la construction patiente de capacités militaires de très haut niveau, reposant autant sur les hommes que sur les équipements, et qui doit, pour ces raisons, échapper aux aléas du temps court des gestions budgétaires. Ce rapport au temps d’une loi de programmation militaire, c’est également un regard confiant posé sur notre avenir, car les choix qu’elle emporte conditionnent notre sécurité, et par conséquent la prospérité de notre Nation pour les décennies à venir, car il n’y a pas de prospérité sans sécurité. J’y vois enfin et avant tout l’annonce d’un choix souverain, adressé autant aux Français qu’au monde entier, à nos alliés, à nos partenaires, mais aussi à nos rivaux et à nos adversaires.
Mesdames et Messieurs les députés, il s’agit en définitive d’un moment important, où la France fait le choix des moyens qu’elle souhaite mettre à disposition de ses soldats pour garantir sa sécurité aujourd’hui et demain.
Je commencerai par vous dire que les différents postes que j’ai occupés au cours de ma carrière m’ont conduit à plusieurs reprises à participer à la construction de lois de programmation militaire, depuis l’officier traitant en état-major jusqu’au chef d’état-major. Ainsi, je dois en être à ma cinquième LPM. Et pour la première fois depuis de nombreuses années, je ne participe pas à la construction d’une loi de programmation militaire de déflation. Je tenais à le souligner. Aussi, je ne vous cacherai pas ma satisfaction à l’égard des travaux de programmation dont nous examinons le résultat aujourd’hui. Ils traduisent la volonté du président de la République d’une remontée en puissance de notre système de forces.
Les aviateurs ont pleinement conscience de l’effort que la Nation consent aujourd’hui à sa défense. Ils sauront mobiliser leur capacité d’adaptation pour exploiter au mieux les ressources qui leur sont confiées, car ces ressources inscrivent l’armée de l’air sur la voie de la régénération et de la modernisation, et permettent aux hommes et aux femmes de l’armée de l’air de regarder l’avenir avec confiance.
Avant de vous présenter les différents éléments de l’armée de l’air, mais aussi la façon dont la LPM traduit l’ambition décidée par le président de la République à la suite de la revue stratégique conduite à l’automne dernier, il me semble important de revenir sur le contexte dans lequel s’inscrit ce projet de loi. J’évoquerai enfin de quelle manière j’entends mettre en œuvre dans l’armée de l’air cette loi de programmation militaire sur laquelle vous allez vous prononcer.
Pour préserver un système d’armée complet, ainsi que notre base industrielle et technologique de défense, dans un contexte de très forte contrainte budgétaire, la loi de programmation actuellement en vigueur avait fait le choix d’une série de compromis difficiles : réduction temporaire de capacités, report de modernisation ; vieillissement de nos équipements et de nos infrastructures ; diminution des stocks de rechange et de munitions ; limitation de l’activité aérienne, etc. Les importantes déflations d’effectifs, débutées avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), se poursuivaient et étaient associées à un vaste plan de restructuration.
À ce contexte est venue s’ajouter une forte pression opérationnelle, successivement : les opérations Serval, puis Barkhane, au Sahel, l’opération Sangaris en République démocratique du Congo (RCA), l’opération Chammal au Levant, puis l’opération Sentinelle, en appui des forces de sécurité intérieure sur le territoire national, à la suite des attentats de 2015. Sont venues s’ajouter également les missions aériennes, fréquentes, en Libye ou sur la façade Est de l’Europe, dans le cadre des missions de réassurance de l’OTAN, ou encore les nombreuses missions d’assistance humanitaire réalisées partout dans le monde. Et je dois également mentionner ici les actions de soutien aux exportations du Rafale, qui résultaient directement de nos choix de programmation et dont la charge, pour l’armée de l’air, s’apparente à une nouvelle mission à part entière.
Cette pression opérationnelle s’ajoutait au socle de nos missions permanentes de dissuasion nucléaire, de protection de l’espace aérien national, d’appui au service public, ou de présence et d’influence partout dans le monde. L’arme aérienne dispose en effet de cette force qui lui apporte l’agilité de son système de combat, permettant de basculer instantanément ses moyens d’une mission à l’autre, d’une région du monde à une autre, pour y faire flotter le drapeau français. C’est pour cette raison que j’insiste aussi sur ces missions de présence ou d’influence dont on parle peu.
Pour faire face à ce niveau d’engagement élevé dans la durée, l’actualisation de la LPM en 2015, puis les décisions du conseil de défense en avril 2016, ont permis d’apporter une première réponse. Cette inflexion budgétaire, indispensable à la protection des Français, a été confirmée et amplifiée grâce à la loi de finances pour 2018 que vous avez votée. Mais c’est également au prix d’efforts d’adaptation sans précédent, et j’insiste sur ce point, que les aviateurs, dans cette période, ont toujours été au rendez-vous de ces opérations sans exception. Même si tout cela ne s’est pas vu, l’armée de l’air a mobilisé ses forces vives pour faire face, dans la durée, à ces évolutions de contexte. En un mot, nous nous sommes réformés.
Nous avons ainsi pris de très nombreuses dispositions en interne. Je pense à la remise à plat de la protection de nos installations, aux efforts considérables pour améliorer la régénération de nos équipements et optimiser nos flux logistiques. Je pense aux rééquipements dans l’urgence d’appareils stockés, à la reconstitution de nos stocks de munitions, à la montée en puissance dans des temps records de la capacité Reaper ou C-130J. Je pense aussi à la réarticulation de notre dispositif « chasse » en opération extérieure à la fin de l’été 2016, pour ne citer que quelques exemples des adaptations que nous avons conduites.
Ces missions ont été réussies, tout en continuant à diminuer drastiquement nos effectifs depuis dix ans, à fermer des emprises, à chercher de nouvelles voies d’optimisation, comme la formation des pilotes de chasse, par exemple, ou à engager résolument l’armée de l’air sur la voie de l’innovation grâce au lancement de plusieurs chantiers innovants.
Je vous le dis très franchement, tout cela n’a pas été simple. Ce n’est pas un satisfecit. Je cherche avant tout à vous faire prendre conscience des capacités d’adaptation exceptionnelles dont les aviateurs ont fait preuve. Je salue leurs efforts, et je voudrais vous faire prendre conscience également de leurs qualités humaines et de leur sens des responsabilités dans cette période. Je reviendrai sur les enjeux concernant les aviateurs.
Cette situation a toutefois généré une usure et des déséquilibres dans notre modèle. Je vous les avais présentés lors de notre dernière rencontre, pour éclairer les enjeux de cette loi de programmation. Il convient aujourd’hui de restaurer la soutenabilité de nos engagements opérationnels tout en accélérant la modernisation de nos équipements.
À l’automne dernier, la revue stratégique a dressé une analyse éclairée de la situation internationale, celle d’un monde plus imprévisible, plus instable et plus violent. « Nous sommes entrés dans une ère de grande turbulence », disait récemment le président de la République. Pour faire face au terrorisme islamiste, la menace qui, ainsi que l’a dit notre ministre, « pèse aujourd’hui le plus directement sur notre territoire », pour faire face également au retour des stratégies de puissance conduites par certains États et au risque de prolifération nucléaire, la revue stratégique a identifié les défis à relever pour notre système de défense.
Pour relever ces défis, sur lesquels je ne reviens pas, le président de la République a arrêté une « Ambition 2030 » pour nos armées. Il a ainsi décidé du maintien d’un modèle d’armée complet et équilibré, capable d’agir dans la durée sur l’ensemble du spectre des missions, dissuasion, protection, connaissance et anticipation, prévention et intervention – condition de l’autonomie stratégique de la France. Cette ambition suppose une remontée en puissance franche, complétée par des coopérations internationales. Elle se fixe 2030 comme horizon.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour l’armée de l’air ? C’est d’abord disposer à cet horizon d’une composante nucléaire aéroportée crédible, exploitant ses atouts spécifiques comme la précision, l’agilité, la capacité de pénétration, ou le caractère démonstratif qui permet le dialogue dissuasif. C’est aussi assurer, contre tout type de menace, la posture permanente de sûreté aérienne, qui sanctuarise depuis plus de cinquante ans notre espace aérien national et ses approches.
Tout en assurant la continuité de ces deux missions fondamentales pour la sécurité de notre pays, il s’agit également d’être capable d’intervenir en permanence, sous faible préavis et dans la durée, partout où la situation l’exige. Cela suppose d’une part de disposer d’une capacité d’appréciation autonome de situation — je vous invite à constater la place centrale qu’occupe dans ce domaine le renseignement aéroporté — puis de projeter, de soutenir et d’assurer la mobilité de nos forces loin du territoire national, à partir de nos bases aériennes de métropole ou prépositionnées. Cela exige par ailleurs un équilibre et une cohérence entre nos différentes flottes d’aéronefs ou systèmes : chasseurs, avions de ravitaillement en vol, avions de transport stratégiques et tactiques, avions radar, hélicoptères, drones, avions de surveillance de tout type, systèmes de commandement, moyens de transmission ou de détection, systèmes sol-air, etc.
Dans le domaine aérien, cette ambition repose donc sur un dispositif permettant d’agir sur l’ensemble du spectre des missions aériennes. Les opérations que nous conduisons démontrent ce besoin. C’est ici que se fonde ce besoin d’un modèle d’armée complet.
Cette ambition repose aussi sur une modernisation de nos équipements permettant de faire face à l’évolution des menaces. Je vous avais décrit, lors de mon audition du mois d’octobre dernier, les aptitudes-clefs propres à l’arme aérienne, indispensables à mettre en œuvre.
Il s’agit surtout d’être capable d’acquérir, puis de conserver la supériorité aérienne, ce que nous, aviateurs, appelons la maîtrise de l’air, parce qu’elle est un préalable à toutes les opérations militaires, qu’elles se déroulent sur terre, en mer ou dans les airs. Il s’agit là d’un fait historique et d’une réalité opérationnelle. Or l’évolution des conditions d’engagement de nos aéronefs en Syrie illustre une évidence : celle d’espaces aériens de plus en plus contestés. Il y a deux semaines, un avion de chasse russe a été abattu. Le week-end dernier, un F16 israélien a été descendu ! Et je pense bien connaître l’excellent niveau opérationnel de l’armée de l’air israélienne.
Je crois simplement que nos adversaires ont compris l’avantage que nous tirions de notre puissance aérienne. Cet avantage a été démontré tout au long des crises auxquelles nous avons eu à faire face depuis près de trente ans. Depuis la première guerre du Golfe, l’aviation a apporté un atout stratégique, voire décisif, dans toutes les opérations que nous avons conduites, encore récemment face à Daech. Aujourd’hui, ces adversaires développent des stratégies de déni d’accès aux espaces aériens de plus en plus robustes. Cette tendance s’étend désormais au niveau des théâtres en raison de la dissémination de ces capacités mise en œuvre par des acteurs régionaux. Cette contestation grandissante des espaces aériens fragilise progressivement notre capacité à entrer en premier sur les théâtres d’opérations, une aptitude intrinsèquement liée aux capacités de notre aviation de combat. J’observe également que cette contestation s’étend désormais au milieu spatial. Nous avons ici un enjeu de défense majeur pour les années à venir : conserver la maîtrise de l’air et notre aptitude à entrer de façon autonome sur un théâtre d’opérations.
Comme pour les autres armées, cette ambition repose également sur notre capacité à soutenir, seuls ou au sein d’une coalition, des opérations intenses et qui durent. La revue stratégique a parfaitement identifié cette problématique. L’exemple du Levant, où nous conduisons encore aujourd’hui une campagne aérienne de longue haleine, au sein d’une large coalition, illustre cette aptitude. Elle exige de disposer d’un réservoir de force suffisant. Cela ne concerne pas que les équipements. J’ai déjà eu l’occasion de parler à cet égard, de façon un peu technocratique, « d’épaisseur organique » suffisante. Un terme dont je revendique modestement la paternité et dont je me félicite qu’il ait fait école !
Il s’agit d’hommes et de femmes suffisamment entraînés, de capacités de régénération adaptables, de stocks de munitions, d’une logistique et d’une infrastructure adaptées sur nos bases aériennes, etc. Cette aptitude repose aussi sur la capacité à opérer et à conduire des opérations aux côtés de nos alliés. Le domaine aéronautique est de ce point de vue naturellement ouvert ce qui a permis aux forces aériennes occidentales d’atteindre un niveau de coopération élevé. C’est pourquoi entretenir un haut niveau d’interopérabilité avec nos alliés et partenaires est évidemment essentiel.
Il s’agit enfin de renforcer la permanence des actions aériennes pour être capables d’occuper les espaces aériens, mais aussi la connectivité, les capacités de recueil d’informations de nos systèmes dont la vocation est nativement – j’insiste sur ce point – le travail en réseau compte tenu des spécificités du système de combat aérien, pour acquérir une supériorité informationnelle sur nos adversaires et garder un temps d’avance dans la planification et la conduite de nos opérations. Je ne développe pas davantage ces thèmes que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer avec vous.
L’ensemble de ces éléments de contexte ou d’aptitudes à détenir constitue à mon sens la grille de lecture pour apprécier ce projet de loi de programmation militaire que je m’apprête maintenant à vous exposer pour ce qui concerne les forces dont j’ai la responsabilité.
Après des années de déflations qui ont usé notre dispositif et généré des lacunes, je considère ce projet de LPM comme une inflexion historique de l’effort consacré à la défense.
La loi de programmation militaire fait aujourd’hui le choix d’accélérer la régénération et la modernisation de nos forces. Tout comme elle fait le choix d’un effort ciblé sur l’évolution de nos contrats opérationnels, et qui s’appuie sur les enseignements tirés de nos engagements ces dernières années : deux à trois théâtres d’opérations simultanément, une dépendance vis-à-vis des capacités alliées dans le domaine du renseignement aéroporté et du ravitaillement en vol, un emploi soutenu de l’aviation de combat.
L’atteinte de ce nouveau niveau d’ambition se traduit dans cette LPM par une augmentation importante de l’effort budgétaire. Sur la période 2019-2023, les ressources des armées augmenteront ainsi de près d’un quart par rapport à la LPM en cours, avec un effort marqué au profit des équipements, de la modernisation et de la préparation de l’avenir de 34 % supplémentaires.
Sur le périmètre du budget opérationnel de programme (BOP) « Air », composé principalement des crédits d’entretien programmé des matériels, l’augmentation en moyenne annuelle de crédits budgétaires entre les deux LPM est de l’ordre de 25 % sur la période 2019-2023.
Cet effort illustre une remontée en puissance équilibrée sur les deux axes que sont la réparation et la modernisation de nos forces.
L’atteinte de cette ambition repose bien évidemment sur une exécution stricte de la loi de finances pour 2018, qui conditionnera les conditions d’entrée dans cette loi de programmation militaire. Elle repose également sur une mise à disposition conforme des ressources tout au long de la LPM. C’est pourquoi je me félicite des mécanismes de sincérisation, qui auront tendance à réduire les risques pesant sur l’exécution de cette LPM. Je pense notamment, à la réduction progressive du report de charge, au financement des surcoûts des opérations extérieures et à une meilleure prise en compte des charges induites par le soutien aux exportations de défense. J’observe également que les ressources de la loi de programmation ne reposent pas sur le recours à des recettes exceptionnelles.
Sur la base de cette trajectoire financière, la modernisation des équipements de l’armée de l’air aura sensiblement progressé en 2025. Je vous avais fait part lors de notre dernière rencontre de mes priorités, en particulier l’aviation de combat, et le besoin d’améliorer notre niveau d’autonomie vis-à-vis de nos alliés dans les domaines du ravitaillement en vol et du renseignement. J’observe que les travaux de programmation s’inscrivent dans cette perspective et font effort sur l’ensemble des cinq fonctions stratégiques auxquelles contribue l’armée de l’air. Les mesures que je m’apprête à vous décrire envoient donc un signal positif de remontée en puissance du système de combat de l’armée de l’air, dans la continuité du budget 2018 qui illustre et amorce cette modernisation, ainsi que je vous en avais fait la démonstration lors de notre précédente rencontre.
Concernant la composante nucléaire aéroportée, dont le renouvellement a été décidé par le président de la République, cette modernisation se poursuivra tout au long de la LPM, avec dans un premier temps, le passage au tout Rafale à l’été 2018, date à laquelle seront retirés du service les Mirage 2000N, et dans un deuxième temps, la rénovation du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) et l’arrivée du standard F4 du Rafale dans les forces.
Parallèlement, les études portant sur le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée qui doit intervenir après 2030 et notamment celles portant sur le missile ASN4G, successeur du missile ASMPA, se poursuivront. Ces études visent à permettre au président de la République de faire un choix d’ici 2021 sur les différentes options envisageables afin de garantir la pérennité, donc la crédibilité de cette composante.
Les forces aériennes stratégiques bénéficieront également du renouvellement des ravitailleurs C135 avec la montée en puissance de la flotte de MRTT Phénix.
Concernant les capacités de ravitaillement en vol, la LPM prévoit l’accélération des livraisons d’avions ravitailleurs Multi Role Transport Tanker (MRTT) et une augmentation de la cible à 15 appareils, soit une hausse de 25 % du format. Vous vous souvenez certainement que j’avais appelé votre attention sur cette question qui constituait une préoccupation majeure compte tenu des risques excessifs que faisait peser l’âge de la flotte C135. C’est pourquoi je me félicite de ce choix.
Il renforcera non seulement notre dissuasion, mais permettra également de redonner de la cohérence à nos capacités d’intervention et de projection. Je rappelle que ces 15 MRTT remplaceront progressivement les C135, mais aussi nos avions de transport stratégique puisqu’ils disposent de cette polyvalence.
Le premier de ces nouveaux appareils sera livré au deuxième semestre de cette année sur la base aérienne d’Istres. D’importants travaux d’infrastructure y sont actuellement conduits pour permettre l’accueil de cette capacité très attendue. Les équipages et mécaniciens ont déjà entamé leur transformation.
Dans le domaine du renseignement aérospatial, l’armée de l’air bénéficiera d’un très net renforcement de ces capacités, gage d’une meilleure capacité d’anticipation et d’appréciation de situation.
Deux systèmes de drones Reaper de moyenne altitude et longue endurance (MALE) seront livrés en 2019, en complément des deux déjà en service. Nous serons alors en mesure d’armer deux théâtres simultanément, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Dans le même temps, les études menées en coopération avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie sur le drone MALE européen se poursuivront avec pour objectif la livraison du premier système à l’horizon 2025. Au-delà des capacités de renseignement, ce programme permettra de renforcer l’autonomie collective de l’Europe sur ce segment clef.
À l’horizon 2030, les capacités drones MALE de l’armée de l’air auront été ainsi multipliées par quatre par rapport à celles détenues actuellement. Je pense que cela mérite d’être souligné.
Au même horizon, l’armée de l’air disposera également de huit avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) et de trois aéronefs de renseignement électromagnétique, il s’agit du programme de charge universelle de guerre électronique (CUGE), en remplacement des deux Transall Gabriel, dont le retrait de service est programmé au plus tard en 2025 compte tenu de l’âge de cette flotte. Je salue ici également les efforts consentis à ces moyens de surveillance aéroportés essentiels à nos opérations : quadruplement de la flotte ALSR, augmentation de 50 % de la cible CUGE.
Pour être complet s’agissant des moyens de surveillance, j’ajoute enfin que le domaine de la surveillance de l’espace exo-atmosphérique verra la modernisation des moyens de veille des orbites basses avec les radars GRAVES et SATAM – acronymes respectifs de « grand réseau adapté à la veille spatiale » et de « système d’acquisition et de trajectographie des avions et des munitions ».
Drones, ALSR, CUGE pour le renseignement d’origine électromagnétique : les efforts considérables consacrés à ces capacités démontrent l’importance du renseignement aéroporté. C’est un fait, il est toujours plus facile d’observer de haut ! Tout ceci répond de manière très concrète à la volonté de renforcer nos capacités de renseignement et ce faisant notre autonomie stratégique. J’observe incidemment que ces capacités de renseignement réduiront notre dépendance aux capacités alliées tout en contribuant également au renforcement de la fonction prévention.
Le renouvellement de notre aviation de transport tactique se poursuivra avec la poursuite de la montée en puissance des flottes A400M et C130J, ainsi que la rénovation de nos C130 H. Vingt-cinq A400M et quatre C130J auront été livrés en 2025. J’ajoute que les deux derniers C130J livrés l’année prochaine disposeront d’une capacité de ravitaillement en vol, qui sera particulièrement utile à la composante hélicoptère de nos opérations spéciales. Vous connaissez l’importance que j’attache à cette amélioration pour accroître les possibilités d’action et l’agilité de nos forces spéciales air. Nos équipages d’hélicoptères sont déjà qualifiés, mais nous sommes aujourd’hui dépendants de moyens de ravitaillement alliés, ce qui présente une difficulté compte tenu de la sensibilité des missions dont il s’agit.
Je me réjouis par ailleurs que la loi de programmation initie également le remplacement des C130H, dont l’exploitation est prévue jusqu’à la fin de la prochaine décennie.
La remontée en puissance de nos capacités de transport aérien tactique repose aussi sur l’amélioration de la disponibilité de l’A400M et l’amélioration rapide de ses fonctionnalités tactiques. Cet avion a montré toute sa plus-value lors de la crise de l’ouragan Irma, en ralliant les Antilles en dix heures de vol sans escale. Il s’agit d’une capacité unique qui nous permet de penser différemment la réactivité de nos forces puisque nous sommes capables de projeter sur un autre continent des moyens et des forces sur tout théâtre depuis la métropole en moins de 24 heures.
Je vous avais fait part de ma préoccupation concernant la faible disponibilité de la flotte A400M. J’attends des efforts de la part de l’industriel pour que le plan d’action global que l’armée de l’air a initié porte rapidement ses fruits.
Sur le segment des hélicoptères de manœuvre de l’armée de l’air, le renouvellement de nos capacités interviendra d’ici la fin de la prochaine décennie avec une commande en 2023. S’agissant en particulier des Caracal, la commande de l’appareil détruit en opération est envisagée en 2018, en attendant le regroupement programmé de cette flotte que son faible nombre rend, à mon sens, nécessaire.
S’agissant du segment des hélicoptères légers, je parle ici du projet d’hélicoptère interarmées léger (HIL), le calendrier pour l’armée de l’air nous donne le temps de la réflexion.
L’aviation de combat connaîtra : la reprise des livraisons de Rafale, pour 27 appareils ; la commande d’une nouvelle tranche de trente Rafale en 2023 afin de compenser le retrait programmé des Mirage 2000-5 après 2025 ; l’entrée en service d’un nouveau standard Rafale ; la modernisation de 55 Mirage 2000D ; le lancement des travaux de renouvellement de la composante nucléaire aéroportée.
Vous connaissez la priorité que j’accorde à ce domaine ; la description du contexte que j’ai faite permet de la justifier. L’ensemble de ces dispositions permettra d’atteindre un format modernisé de 185 avions de combat polyvalents au-delà de 2030.
Notre modèle d’aviation de combat repose en effet sur la pleine exploitation de la polyvalence du Rafale, qui permettra à terme de rejoindre le format cible de 185 avions de chasse. C’est pourquoi nous conserverons un format supérieur, d’environ 210 appareils dans les années à venir.
Afin de renforcer l’efficacité opérationnelle de notre aviation de combat, un effort sera également fait sur les munitions : remontée vers les stocks objectifs de munitions air-sol ; rénovation à mi-vie des missiles de croisière SCALP — acronyme de « Système de croisière conventionnel autonome à longue portée » — ; mise en service du missile air-air longue portée METEOR dont la cible sera augmentée ; commande des premiers missiles air-air MICA NG.
L’effort portera aussi sur les équipements de mission. C’est indispensable pour renforcer la cohérence de notre aviation de combat. Les livraisons de nouvelles nacelles de désignation laser TALIOS débuteront en fin d’année 2018 et un complément d’équipements pour le Rafale sera également commandé, comme des antennes actives supplémentaires par exemple.
Concernant l’aviation de combat, cette loi de programmation militaire sera enfin, et surtout, marquée par les ambitieux travaux visant à étudier l’architecture puis à lancer le développement du futur système de combat aérien dans le cadre d’une coopération européenne. Il s’agit d’un vaste chantier, d’un chantier d’une importance majeure en raison du contexte, car la question du futur de notre aviation de combat, comme je le répète souvent, est un sujet stratégique pour notre défense et, plus largement, pour notre pays. L’aviation de combat constitue en effet un marqueur de puissance et un enjeu de sécurité.
J’observe que les aviations de combat interviennent de façon décisive dans toutes les crises et pèsent sur les rapports de force entre les puissances. Le développement de stratégies de déni d’accès illustre cette situation que les derniers événements en Syrie et de façon générale au Moyen-Orient ne font que confirmer.
J’observe également que tous les grands pays actuellement investissent massivement dans des capacités de dernière génération. Portés par une ambition stratégique, la croissance économique ou en réaction à un réflexe obsidional, de nombreux États accélèrent le développement de leurs capacités aériennes. Je pense évidemment aux Américains, mais également aux Russes, aux Chinois, aux pays du Moyen-Orient. La Russie accélère la modernisation et le renouvellement de sa flotte et alignera en 2030 près de 1 000 avions de chasse de nouvelle génération. Plus près de nous, plusieurs de nos partenaires européens se sont déjà engagés alors que des opportunités existent pour fédérer les besoins restant encore à couvrir chez les autres.
La France a un rôle à jouer dans cette compétition. La relance des investissements dans ce domaine nous permettra de tenir notre place dans cette compétition stratégique, aux côtés de nos partenaires européens. Aussi je me félicite que le projet de LPM prenne la mesure des enjeux liés au futur de notre aviation de combat et initie ses travaux essentiels, autant pour nos opérations, notre sécurité, pour la place de notre industrie de défense, que pour le rang que nous entendons tenir et conserver. Les enjeux dans les espaces aériens que je vous ai décrits justifient cette priorité.
M’étant déjà exprimé dans une audition précédente, je ne reviens pas sur les approches à privilégier pour progresser dans ce dossier complexe où s’entrelacent des dimensions politiques, opérationnelles, technologiques, budgétaires, industrielles et internationales.
Les études relatives au futur missile de croisière et au remplacement de la flotte d’AWACS – acronyme de Airborne Warning and Control System, soit « système de détection et de commandement aéroporté » –, qui seront lancées dans cette LPM, devront également s’inscrire dans cette approche système, en cohérence avec les travaux sur ce dispositif de combat aérien futur qu’elles viendront compléter.
Les équipements sont une chose importante pour une armée technologique comme l’armée de l’air. Mais ils n’ont évidemment aucun sens sans les hommes et les femmes qui les mettent en œuvre.
À cet égard, l’activité et le fonctionnement sont des domaines sensibles, car ils ont un impact immédiat sur le niveau de préparation des forces et sur le moral du personnel. La préparation de nos forces est garante de ce qui distingue l’armée de l’air française et, de façon générale, nos armées. Elle apporte cette « épaisseur opérationnelle » qui fait la différence sur le terrain et l’admiration de nos partenaires. Nous pouvons légitimement en être fiers. Au cœur du moral du personnel se situe le sentiment de pouvoir réussir sa mission ; cela est d’une extrême importance. Voilà pourquoi l’activité des forces est si importante.
L’activité aérienne de l’armée de l’air augmentera tout au long de la loi de programmation d’environ 2,6 % par an, avec un effort particulier sur l’activité transport et de surveillance et de reconnaissance. Cette tendance permettra de rejoindre progressivement les normes d’activité en vigueur.
Qu’il s’agisse de l’aviation de chasse, de l’aviation de transport ou des hélicoptères, nous avons programmé une activité aérienne réaliste et adaptée, qui tient compte du potentiel technique de nos flottes et de la remontée progressive de la disponibilité de nos aéronefs.
Cette programmation s’appuie également sur un retrait partiel de la flotte C160 Transall dont les coûts d’exploitation deviennent excessifs compte tenu de l’âge de ces aéronefs. Cette disposition permettra une bascule d’effort pour favoriser la montée en puissance des flottes A400M et C130.
Cette programmation s’appuie enfin sur la modernisation de la formation des équipages chasse, permise par l’arrivée cette année des premiers PC21 sur la base aérienne de Cognac, synonyme d’une profonde manœuvre de restructuration qui verra d’ici 2021 l’arrêt de l’activité Alpha Jet et la fermeture de la plateforme aéronautique de la base aérienne de Tours. La question du remplacement de nos Alpha Jet se pose à terme. Je me félicite que cette LPM lance d’ores et déjà les études relatives au remplacement de cette flotte à l’horizon 2030. Les premiers retours d’expérience concernant l’emploi des PC21 nous seront utiles pour orienter ce chantier.
À partir de ces éléments, j’estime atteignable l’objectif d’une recapitalisation de l’ensemble des savoir-faire critiques à l’horizon de 2023.
Dans ce contexte, vous comprenez l’importance du chantier lancé par la ministre des Armées relatif au maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs du ministère. L’amélioration de la disponibilité et surtout une meilleure efficacité de la dépense me paraissent des conditions indispensables à l’atteinte de ces objectifs de remontée d’activité.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant votre commission sur ce sujet important. Les axes dont je vous avais parlé rejoignent ceux identifiés dans le cadre de ce chantier.
La situation dans laquelle nous nous trouvons résulte d’une multitude de facteurs : opérationnel, organisationnel, industriel, choix de programmation ainsi que d’une inadéquation dans les LPM précédentes entre les ressources consacrées et les besoins d’activité, opérations comprises.
Aussi je salue l’augmentation sensible des ressources consacrées à l’entretien programmé des matériels dans ce projet de LPM. Avec une augmentation de 33 % en moyenne de ces crédits, nous nous mettons en mesure de corriger la situation.
La création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et les évolutions décidées récemment par la ministre des Armées constituent le pendant organisationnel de ces efforts budgétaires visant à rationaliser le MCO aéronautique. La DMAé, aura la responsabilité de poursuivre les travaux initiés par la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD). Je pèserai de tout mon poids pour accompagner, à mon niveau, cette réforme ambitieuse décidée par notre ministre afin qu’elle porte les fruits attendus. C’est évidemment indispensable.
C’est indispensable pour permettre à nos équipages d’exploiter la pleine polyvalence de leurs appareils. C’est indispensable pour augmenter notre capacité de formation de jeunes équipages, dans le contexte d’une forte concurrence du secteur privé à laquelle sont confrontées de nombreuses armées de l’air en matière de ressources humaines. C’est indispensable pour le moral du personnel. Cette question m’offre la transition pour vous parler des effectifs.
Vous connaissez mon point d’attention en la matière. La situation dans laquelle se trouve l’armée de l’air résulte des excès des déflations des deux lois de programmation militaire précédentes. Je vous le rappelle : l’armée de l’air, à elle seule, a absorbé 50 % des déflations du ministère de la LPM en vigueur. J’ai donc besoin de réparer ces excès en portant une attention aux spécialités que cette situation a placées en difficulté : personnel mécanicien et naviguant, forces spéciales, contrôleurs aériens, spécialistes du commandement et contrôle ou du renseignement, de la sécurité protection, des systèmes d’information, en particulier.
Il faut également couvrir dans le même temps les besoins nouveaux résultant des choix de cette LPM : MRTT, A400M, C130J, drones MALE, ALSR, CUGE, mais aussi renforcement des forces de présence et de souveraineté, cyber, spatial, OTAN, chaine d’organisation territoriale interarmées de défense.
Il s’agit de réduire les tensions issues de ces déficits humains pour maîtriser les conséquences qui en résultent sur la capacité de l’armée de l’air à durer, à fidéliser son personnel et, in fine, à garantir une attractivité suffisante : en un mot, les capacités opérationnelles de demain. L’enjeu est tout simplement de maîtriser les équilibres du modèle de ressources humaines de l’armée de l’air.
Le projet de loi de programmation militaire prévoit une augmentation des effectifs du ministère de 6 000 postes sur la période 2019-2025, dont la moitié sur la période 2019-2023. Il s’agit là encore d’une inflexion remarquable en comparaison des LPM précédentes, alors que l’État cherche à réduire dans le même temps les effectifs de la fonction publique. J’y vois également la reconnaissance des tensions dont je vous avais fait part. Aujourd’hui, le travail se poursuit au sein du ministère pour ventiler cette ressource entre les différents employeurs. En outre, vous savez que Mme la ministre a décidé de lancer une revue des effectifs au sein du ministère.
En fonction des arbitrages rendus et du séquencement des augmentations d’effectifs dont l’armée de l’air bénéficiera, je serai en mesure de dire quels sont les leviers d’action qu’il sera nécessaire de mobiliser en interne et que je pourrai être amené à proposer à notre ministre. En toutes hypothèses, je poursuivrai la recherche de toutes les solutions envisageables afin de desserrer la contrainte RH. Le travail se poursuit au sein de mon état-major.
Après les rationalisations effectuées ces dernières années, j’ai bien conscience, toutefois, que ces marges de manœuvre interne sont désormais limitées. C’est pourquoi j’ai aussi besoin de davantage de souplesse en gestion – je pense au dépyramidage, au contingentement des tableaux d’avancement, etc. – pour fluidifier les processus RH. L’augmentation des effectifs officiers constitue par exemple un point d’attention, compte tenu des spécificités du modèle RH de l’armée de l’air et du cumul de sollicitations et de responsabilités qui s’exercent sur cette population.
Sur le volet de la condition du personnel enfin, je me félicite des efforts déjà réalisés : plan d’amélioration de la condition du personnel militaire (PACP) ; parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), etc., ainsi que le plan « Famille » dont je salue l’initiative prise par notre ministre. Avec les commandants de base aérienne qui sont mobilisés, je mettrai en œuvre ce plan qui répond aux attentes des aviateurs. En outre, de nouvelles mesures ciblées en faveur des spécialités les plus fragiles pourraient s’avérer nécessaires, dans l’attente de la mise en place de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).
Il faut comprendre que la condition du personnel est un tout. La perception par le personnel de ses conditions de vie et de travail dépend en effet de nombreux facteurs : la rémunération, bien sûr, et la reconnaissance que l’institution leur témoigne en compensation de sujétions spécifiques ou l’équité de traitement, mais aussi leur rythme de travail, l’équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle, la qualité des infrastructures mises à leur disposition, la qualité de leur préparation opérationnelle, le sentiment d’avoir les moyens de réaliser sa mission et d’être correctement soutenu pour se consacrer pleinement à ce pourquoi ils se sont engagés. Tout ceci joue aussi pleinement sur le moral.
C’est pourquoi l’augmentation des ressources consacrées à l’infrastructure et aux soutiens aura également un effet positif. Je me félicite de la même manière du travail lancé par le chef d’état-major des armées afin de mieux organiser l’activité des soutiens sous les ordres des responsables des missions opérationnelles, et donc pour l’armée de l’air des commandants de base aérienne.
Pour l’ensemble de ces raisons, cette LPM à « hauteur d’homme », fait de la condition du personnel un enjeu central de l’efficacité de notre système de combat. J’en suis pleinement satisfait car je sais combien les aviateurs et leurs familles y seront sensibles. Je sais aussi combien leur moral contribue à leur efficacité au combat.
En définitive, je considère l’enjeu des ressources humaines de l’armée de l’air comme le plus important des années à venir : il faut en être convaincu, elles sont la clef de nos capacités opérationnelles et elles distinguent l’armée de l’air française.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi de programmation militaire est ambitieux pour nos armées, et pour l’armée de l’air en particulier. Il porte la double ambition de redonner aux aviateurs les moyens de réussir leur mission dans la durée et de préparer l’avenir pour permettre demain à la France de tenir son rang en continuant à exploiter, à son avantage, les atouts décisifs de la troisième dimension. En ce sens, il constitue une réponse adaptée à l’ambition définie par le président de la République, et il envoie un message très positif aux hommes et aux femmes qui ont choisi de servir leur pays.
Cette LPM représente un effort sans précédent de la Nation pour son armée, un effort dont j’estime qu’il m’oblige, et tous les aviateurs avec moi. Comme je le disais au début de mon intervention, l’armée de l’air a déjà démontré sa capacité de mobilisation pour s’adapter et se moderniser. Soumise à une forte contrainte budgétaire, elle n’aurait pas pu réaliser les opérations conduites ces dernières années, sans le plan stratégique « Unis pour faire face », qui a initié sa modernisation en capitalisant sur la mise en place de plateaux d’innovation et le recours aux technologies du numérique – je pense par exemple à des projets novateurs comme Smart Base sur la base aérienne d’Évreux, ou Air Warfare Center (AWC) à Mont-de-Marsan.
Si j’estime que ce plan a atteint ses objectifs, je pense aussi qu’il nécessite aujourd’hui d’être revu, car nous entrons dans une nouvelle phase, celle de la perspective d’une remontée en puissance, et non celle d’une nouvelle déflation, pour laquelle il avait été conçu. Il y a là une différence fondamentale, qui nécessite un changement d’état d’esprit, un nouveau souffle et finalement une nouvelle philosophie. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette LPM nécessitera de piloter simultanément de nombreux chantiers dont il faudra assurer la cohérence, car nos capacités en opération dépendent de l’avancement cohérent de ces chantiers – régénération, modernisation, remontée de l’activité, effectifs, infrastructures, transition numérique, simplification –, qui viendront s’inscrire dans les grands chantiers du ministère : MCO aéronautique, modernisation, innovation, plan familles, etc.
Je sais aussi que la dynamique qui s’amorce demandera de la persévérance, car les cycles sont longs. C’est vrai pour le MCO, mais aussi pour les ressources humaines ou encore pour les équipements. On ne répare pas vingt ans de sous-investissement et de déflation en quelques mois : c’est pourquoi, pour accompagner au mieux la dynamique positive portée par cette LPM dans une démarche volontariste, responsable et innovante, comme nous l’avons toujours fait, je lancerai dans les prochaines semaines un nouveau plan stratégique, afin de préparer l’arrivée des nouvelles capacités et garantir cette cohérence entre les nombreux chantiers de modernisation que je vais engager ou qui sont engagés au niveau ministériel. Je pense en particulier au chantier de l’innovation initié sous l’impulsion de notre ministre – un domaine, comme vous le savez, auquel j’accorde une grande importance.
Il me paraît surtout essentiel de donner un cap, une vision claire de l’avenir aux aviateurs, pour qui cette remontée en puissance suscite une attente forte. Les hommes et les femmes de l’armée de l’air seront à la fois l’enjeu, le cœur et le moteur de ce nouveau plan stratégique, qui accompagnera la remontée en puissance de notre outil de défense. Vous pouvez compter sur ma détermination et l’énergie des aviateurs.
De l’énergie, les aviateurs n’en manquent pas, croyez-moi ! Nos succès en opération, mais également les efforts considérables d’adaptation réalisés ces dernières années, reposent sur leurs épaules et sur celles de leurs familles. Je connais bien leur sens du devoir, leur force morale, leur capacité à surmonter les épreuves, leur enthousiasme aussi et leur volonté d’aller de l’avant, qu’il faut nourrir et ne pas décevoir. Toute leur énergie est tournée vers la réussite de la mission, tel est le véritable ressort de leur motivation. Soyez assurés de leur engagement à servir la France, tout simplement.
C’est pourquoi je n’ai aucun doute sur leur capacité à relever les défis exaltants qui se présentent à nous, portés par une LPM de renouveau et à hauteur d’homme qui leur permet de regarder l’avenir avec confiance.
M. Fabien Lainé. Je vous remercie, Mon général, pour cet exposé particulièrement exhaustif. Nous avons bien noté votre satisfecit quant au fait qu’on retrouve de l’épaisseur organique dans l’armée de l’air. Au sujet du système de combat aérien futur (SCAF), que nous avons déjà évoqué tout à l’heure avec le délégué général à l’armement, la France est engagée dans plusieurs programmes et projets de coopération simultanés. Nous avons un projet de développement d’avions de combat de nouvelle génération dénommé SCAF-Avion-NG avec nos partenaires allemands, ainsi qu’un programme franco-britannique de drones dénommé Future Combat Air System (FCAS) ; enfin, nous travaillons également avec les Allemands en vue du développement à plus long terme d’un avion omnirôles. Pouvez-vous nous préciser comment s’articulent ces différents programmes de coopération ?
Mme Natalia Pouzyreff. Monsieur le chef d’état-major, lors d’une visite de parlementaires à Saint-Dizier, nous avons eu l’occasion de dialoguer sur la nécessité de renforcer les ressources humaines, de maintenir et d’accroître les compétences, mais également de renforcer certaines capacités opérationnelles, notamment pour les opérations de nuit du Rafale. Outre l’arrivée de nouveaux effectifs et le renouvellement des pods, le standard F4 du Rafale doit être lancé cette année, et j’espère qu’il permettra l’amélioration du système optronique secteur frontal (OSF), ainsi que l’arrivée éventuelle d’un viseur de casque. Sachez que nous restons toujours attentifs à vos commentaires et que nous veillerons à la bonne tenue des engagements pris.
J’en viens à ma question, qui porte également sur la feuille de route du SCAF. Nous avons appris par le délégué général pour l’armement qu’une équipe intégrée avait été mise en place entre la DGA et l’état-major en ce début d’année. Il est peut-être un peu tôt pour se prononcer, mais pouvez-vous nous éclairer sur la physionomie que pourrait prendre ce système, et quelles priorités il convient de lui accorder en termes de missions et d’architecture ? Par ailleurs, pouvez-vous nous faire part de votre sentiment sur les possibilités de faire converger les attentes de vos homologues allemands, qui sont en passe de renouveler le Tornado, et celles des Britanniques qui, eux, sont déjà équipés des F-35 ?
M. Jean-Jacques Ferrara. Mon général, j’attends l’annonce de la commande de l’hélicoptère Caracal, qui me tient particulièrement à cœur. Cependant, j’ai encore quelques inquiétudes, au sujet desquelles j’ai interpellé Mme la ministre la semaine dernière. En effet, j’ai l’impression que les hélicoptères sont un peu le parent pauvre de cette LPM. Ne craignez-vous pas que le décalage de la livraison des hélicoptères interarmes légers n’obère nos capacités opérationnelles ?
Comment jugez-vous l’évolution de l’aviation de combat, compte tenu des futurs contrats opérationnel de l’armée de l’air ?
Enfin, vous nous avez fait part de la livraison de deux nouveaux systèmes de drones Reaper en 2019, qui vont venir s’ajouter aux deux dont nous disposons déjà. Quel est, selon vous, l’impact de cette montée en puissance en termes d’activité, de ressources humaines et d’armement ?
M. Christophe Lejeune. La LPM prévoit un effort en faveur de la préparation opérationnelle. À ce titre, il est prévu que chaque pilote de chasse pourra effectuer 180 heures de vol par an. Cet objectif est-il réaliste compte tenu du déficit actuel en appareils ?
M. Bastien Lachaud. Monsieur le chef d’état-major, vous nous avez indiqué que le président de la République prendrait une décision au sujet du missile ASN4G à l’échéance de 2021, en s’appuyant sur les différentes études en cours de réalisation. Selon que le missile sera hypersonique ou non, le porteur ne sera pas le même, et cela aura également une incidence sur le futur porte-avions, d’où le porteur doit pouvoir décoller. Or, on peut lire à la page 35 de la revue stratégique que la question de l’avion du futur – de fait, le futur porteur de la bombe – est liée à la celle de la coopération européenne. Quand on sait que nos partenaires allemands envisagent de se doter du F-35, l’idée que l’avion du futur se fasse dans le cadre de la coopération européenne n’obère-t-elle pas notre dissuasion nucléaire à l’horizon 2030-2040 ? Sans vouloir insister sur l’échec de la coopération européenne sur l’A400M, le fait de devoir attendre vingt ans pour disposer du futur porteur de la bombe ne remet-il pas en question notre dissuasion nucléaire ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer pourquoi les officiers supérieurs de l’armée de l’air partaient jusqu’à présent à la retraite plus tôt que les autres personnels, et ce qui justifie aujourd’hui que ce ne soit plus le cas ?
Général André Lanata. Je constate avec satisfaction que le futur de notre aviation de chasse est au centre de vos préoccupations – comme il est au centre des miennes. L’aviation de chasse est stratégique pour la France car son niveau signe le rang de notre pays, car elle fait appel à des technologies qui nous maintiennent dans la compétition stratégique – je pense à l’hypervélocité, au combat collaboratif, aux technologies de pénétration, à celle des armements ou des contre-mesures, etc. Elle est stratégique car elle délivre des effets militaires et stratégiques, décisifs dans toutes les crises et conflits modernes, depuis la dissuasion nucléaire jusqu’aux missions d’influence, par exemple lorsque nous montrons que nous sommes capables de projeter nos appareils aux antipodes, comme nous le ferons cet été en Asie du Sud-Est, et donc de faire peser la volonté de la France où que ce soit dans le monde.
Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, cette LPM prend la mesure de la complexité de la situation en lançant de nombreux axes d’études, ce qui va nous permettre dans un premier temps de faire des choix et dans un second temps, d’engager les opérations d’armement retenues. En la matière, l’une des difficultés provient du fait que différentes dimensions se trouvent étroitement entrelacées dans cette question : la dimension stratégique avec le renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion, la dimension industrielle, celle de la coopération internationale, la dimension budgétaire – car à un moment ou à un autre se posera la question des équilibres entre nos ambitions et les ressources dont nous disposons. Je précise à cet égard que si nous entendons maintenir le rang de la France dans ce domaine, il faudra investir de façon significative. C’est une question de choix. Enfin, évidemment, la dimension opérationnelle. C’est de cette dernière dont j’ai la responsabilité : les autres m’échappent en partie, même si je les intègre évidemment dans mon appréciation de ce dossier. En d’autres termes, je suis essentiellement fondé à m’exprimer sur les aspects relatifs à nos capacités à réaliser les missions qui seront confiées à l’aviation de chasse de demain.
Je vais commencer par répondre à votre interrogation sur l’entrelacement des actions liées au renouvellement de la composante nucléaire aéroportée d’une part, au système de combat aérien futur d’autre part. Ces deux actions se situent en fait à des horizons différents. En effet, la feuille de route de l’aviation de chasse prévoit que l’avion qui remplacera le Mirage 2000D devra être capable d’emporter le futur missile nucléaire, à l’horizon 2030-2035. À plus long terme, vers 2040, il conviendra de mettre en œuvre le système de combat aérien futur (SCAF) dans le cadre d’une coopération européenne, un nouvel appareil ayant vocation à succéder au Rafale et à l’Eurofighter à cet horizon. Il me semble que nous sommes capables de dissocier les problématiques afin de tenir compte de ces deux échéances calendaires distinctes. Comme vous le voyez, il n’y a pas de télescopage entre les deux sujets.
L’adéquation entre le futur missile et son porteur constitue évidemment une question essentielle. C’est bien pourquoi les études que nous conduisons actuellement concernent non seulement le missile lui-même – vous savez que nous visons ici un objectif ambitieux, celui de l’hypervélocité vers lequel s’engagent les principales puissances, notamment les Russes, très actifs dans ce domaine – mais aussi le couple qu’il forme avec son avion porteur, de façon à intégrer tous les besoins, y compris celui du porte-avions. Je précise au passage que le choix de l’hypervélocité n’induit pas nécessairement un changement ou des adaptations majeures sur le porteur. Les études en cours examinent précisément ce point. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, pour répondre à nos besoins opérationnels, il est vital de continuer à maîtriser la troisième dimension, c’est-à-dire à garantir la supériorité aérienne pour pouvoir ensuite être en mesure de conduire les opérations aériennes – et, plus généralement, toutes les opérations que nous souhaitons mener, y compris sur mer et sur terre. Pour cela, nous devons veiller à conserver un temps d’avance sur les systèmes qui pourraient faire obstacle à nos opérations. Ma préoccupation consiste à être toujours capable d’entrer dans des espaces aériens de plus en plus contestés, comme le démontre la situation en Syrie par exemple, et de pouvoir y maîtriser l’emploi que nous faisons de la troisième dimension, c’est-à-dire empêcher nos adversaires d’en faire autant. Pour entrer dans ces espaces aériens, nous devons avoir la capacité de neutraliser les défenses ennemies qu’elles soient air-air ou air-sol, en disposant pour cela de chasseurs, et de façon générale d’un système de combat d’un niveau supérieur à ceux qui se trouveront en face de nous.
Par ailleurs, nous tirons aujourd’hui de plus en plus notre efficacité d’une maîtrise informationnelle renforcée et d’une plus grande connectivité du système de combat. Au lieu de raisonner exclusivement sur le développement des plateformes, je préconise, à ce stade de la réflexion, une approche également centrée sur l’architecture du système dans son ensemble. Un avion de combat ne produit pas à lui seul les effets nécessaires. Il est dépendant en particulier des informations dont il dispose : cela nécessite de combiner des capteurs, des armements, des moyens de surveillance, des moyens et des normes de communication souvent à très longue distance mais aussi l’appui du ravitaillement en vol, des moyens de détection aéroportés, etc. Il faut donc commencer par évaluer les architectures système et la norme d’échange du système de nature à répondre à nos besoins opérationnels. Nous serons ainsi en mesure de déterminer sur quels secteurs nous devons concentrer nos investissements. Car en faisant l’inverse, nous nous trouverions contraints d’organiser la connectivité entre les plateformes a posteriori, ce qui est évidemment facteur de complexité et de coûts supplémentaires.
J’ajoute qu’avoir une approche fondée davantage sur le système permet d’emblée de prendre en compte la dimension d’intégration de nos partenaires dans le système. Le F-35, qui ne peut être associé qu’à d’autres F-35 aujourd’hui, constitue un système fermé, une sorte de norme à lui tout seul. Ce n’est pas satisfaisant, car il n’est pas logique de devoir acheter des F-35 pour travailler en pleine association et avec efficacité avec ces avions. Notre ambition est de mettre en place un système ouvert, auquel pourront s’associer nos partenaires européens : il y a là une ambition dont la dimension est également politique.
Si, dans la locution « système de combat aérien futur », tous les mots ont leur importance, il ne faut pas avoir peur du mot « futur » au prétexte que ce serait inaccessible technologiquement ou budgétairement, car le système de combat aérien dont je parle existe d’ores et déjà. Dans le cadre de nos opérations au Sahel, par exemple, nous combinons déjà des drones, des hélicoptères, des avions de combat, des moyens de transport, des avions de ravitaillement en vol et des forces spéciales, l’ensemble étant connecté par des liaisons de données et relié en temps réel à nos centres de commandement et de contrôle par l’intermédiaire de communications satellitaires qui permettent de transférer les images à Paris ou en n’importe quel autre point du globe : qu’est-ce là, si ce n’est un système de combat aérien V.1 ? Quand le standard F4 du Rafale arrivera, nous en serons à un système de combat aérien V.2 ; quant au système de combat aérien « futur », il correspond en fait à ce que seront les versions V.3 ou V.4 beaucoup plus puissantes, beaucoup plus connectées et ouvrant de nouveaux horizons – il s’agit de définir où nous souhaitons nous situer à cet horizon.
Je préconise donc simplement un changement d’approche, puisque c’est bien le système qui produit les effets que nous cherchons à délivrer – d’où l’importance de réfléchir aussi sur la « norme système » qui permettra entre autres de travailler avec nos partenaires européens. J’ai peut-être été un peu long sur ce point, mais je pense avoir ainsi répondu à plusieurs de vos questions sur le système de combat.
Pour ce qui est du standard F4 du Rafale, Madame Pouzyreff, je suis ravi de voir que la visite que nous avons organisée sur la base aérienne de Saint-Dizier vous a permis d’appréhender les enjeux du dispositif que nous exploitons aujourd’hui. Je vous précise que le standard F4 comprendra en toute logique, le viseur de casque et la diversification du panel des armements et de leurs effets – il faut d’ailleurs y voir des retombées des marchés export, puisque ce sont les demandes de certains clients du Rafale qui nous ont permis de progresser sur ces points et ainsi d’améliorer nos capacités opérationnelles. Les besoins qui vous ont été présentés à Saint-Dizier sont relativement urgents puisqu’ils seraient utiles dans le cadre des opérations que nous conduisons aujourd’hui. C’est pourquoi nous sommes en train d’étudier si le standard F4 du Rafale ne pourrait pas être délivré par étapes successives, selon une approche incrémentale. Ainsi, chaque nouvelle fonctionnalité serait mise à disposition des forces dès sa mise au point – je pense notamment au viseur de casque, à l’intégration d’un système de communications satellitaires ou à la possibilité d’embarquer des munitions tout temps de 1 000 kilogrammes sur le Rafale.
Les hélicoptères constituent un sujet important pour l’armée de l’air. Sur le plan historique je rappelle que l’armée de l’air a été la première armée à exploiter des hélicoptères. Les missions que nous exécutons aujourd’hui avec nos hélicoptères sont variées et importantes, notamment pour la mobilité de nos forces outre-mer ou sur le territoire national, lors de situations de crise – nos hélicoptères ont démontré leur utilité lors des opérations de secours organisées à la suite du passage de la tempête Irma. Ils nous permettent de prendre part aux opérations de recherche et de sauvetage – en anglais, Search And Rescue (SAR) – au profit de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), mais aussi à des missions de souveraineté et de présence, en particulier avec nos prépositionnements outre-mer dans le cadre de missions de prévention. Enfin, nous participons également à des missions situées plus haut dans le spectre d’intervention, notamment celles de recherche et sauvetage de combat (RESCO, consistant à aller récupérer un équipage derrière les lignes ennemies), celles des forces spéciales – au Sahel, par exemple –, ou encore les missions de sûreté aérienne réalisées avec nos hélicoptères légers sur des cibles lentes, qui ne peuvent pas être traitées par des chasseurs, compte tenu de leur faible vitesse.
Nous disposons de deux segments d’hélicoptère dans l’armée de l’air pour couvrir ces missions, à savoir un segment d’hélicoptères de manœuvre et un segment d’hélicoptères légers. Les hélicoptères légers sont actuellement des Fennec, qui ont vocation à être remplacés par le programme d’hélicoptères légers interarmées (HIL). Si ce n’est pas aujourd’hui une préoccupation prioritaire pour l’armée de l’air, c’est tout simplement parce que le calendrier de remplacement des Fennec se situe à l’horizon 2030, ce qui nous laisse un peu de temps pour y réfléchir. Nous nous inscrivons évidemment dans la démarche d’ensemble des armées, afin d’introduire le besoin spécifique lié aux missions de sûreté aérienne que réalisent ces Fennec, des missions importantes dans le contexte que vous connaissez, où de nouvelles menaces apparaissent dans la troisième dimension sur le territoire national. Quant au segment des hélicoptères de manœuvre, il comprend d’une part les Puma, qui représentent une composante vieillissante – c’est ce qui explique que la LPM prévoie une commande pour 2023 –, et d’autre part les Caracal, dont nous avons déjà parlé dans le cadre du PLF 2018.
Pour ce qui est des Reaper, vous savez qu’ils constituent une capacité désormais incontournable pour nos opérations au Sahel. Leurs capacités de recherche, d’identification et de suivi des groupes terroristes, que nous traquons inlassablement sur un territoire grand comme l’Europe, sont indispensables à l’efficacité des actions de renseignement conduites dans la bande sahélo-saharienne. J’observe que tous les commandants de forces sur les théâtres d’opérations réclament davantage de capacités de ce type. Permanente, discrète, précise, connectée, agissant très loin, les neutralisations de groupes terroristes réalisées récemment ont toutes nécessité le recours à cette capacité. L’introduction de nouveaux capteurs démultipliera son efficacité prochainement en accroissant significativement sa couverture.
J’appelle votre attention sur le fait que nous sommes partis de zéro il y a un peu plus de trois ans et que nous effectuons quotidiennement aujourd’hui des missions de guerre au Sahel avec nos appareils. J’y vois une remarquable performance, car nous partions de loin, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas – vous connaissez l’histoire des drones MALE. Ce contexte nous a imposé d’importants efforts d’adaptation, notamment sur le plan des ressources humaines au cours des premières années. Formés aux États-Unis et ne pouvant initialement opérer que depuis Niamey, nos personnels, très peu nombreux au départ, passaient, en moyenne, plus de huit mois par an en dehors de chez eux, et il nous a été très difficile de garantir nos missions dans la durée. Aujourd’hui encore, nous sommes dépendants des capacités de formation des Américains : dès la fin de leur formation aux États-Unis, nos équipages sont directement envoyés sur le théâtre d’opérations pour valider leurs qualifications.
Depuis quelques mois, nous sommes en mesure d’opérer depuis la base aérienne de Cognac, ce qui nous permet de desserrer la contrainte sur l’entraînement et la mise en condition des équipages. Incidemment, cela nous permet aussi de commencer à exploiter ces moyens de surveillance depuis le territoire national, quand les circonstances l’exigent. Pour des raisons éthiques et de clarté dans l’esprit des équipages, je suis toutefois extrêmement attentif à éviter toute confusion entre mission conduite depuis la métropole et mission de combat, quand bien même la possibilité existe aujourd’hui de réaliser ces dernières depuis Cognac.
Nous disposerons début avril d’une quinzaine d’équipages formés, ce qui est cohérent avec les missions qui nous sont demandées et la tenue d’une orbite en permanence. Les Américains, qui ont une expérience opérationnelle importante sur le sujet, considèrent que pour assurer une orbite permanente, c’est-à-dire pour maintenir H24 la permanence d’un drone au-dessus d’un point donné durant une année, il faut environ seize équipages – en comptant les périodes de repos, la régénération organique, l’entraînement, les périodes d’engagement sur les théâtres d’opération, etc. Cela correspond à notre capacité actuelle, et la montée en puissance se poursuit.
Comme vous le savez, nous avons retiré du service au 1er janvier 2018 nos Harfang, ces drones d’ancienne génération, ce qui nous a permis de basculer de nouveaux équipages, mais aussi des crédits de maintien en condition opérationnelle (MCO), sur la montée en puissance de la capacité Reaper. L’enjeu reste principalement RH, c’est pourquoi nous attendons avec impatience la livraison d’un simulateur de missions à Cognac pour le deuxième semestre de 2018. Cet équipement nous donnera davantage d’autonomie par rapport aux capacités de formation que nous pouvons obtenir auprès des Américains. Notre objectif est de disposer de 36 équipages opérationnels en 2021.
Pour être complet sur la montée en puissance de la capacité Reaper, je précise que la charge utile « renseignement d’origine électromagnétique » (ROEM) nous permettra de renforcer l’efficacité des capteurs « intelligence, surveillance, reconnaissance » (ISR) et radar, en disposant d’un champ de couverture plus large, ce qui sera précieux pour repérer plus facilement des cibles dans un espace aussi vaste le Sahel. Cette nouvelle charge utile ROEM sera commandée en 2019, et mise en service à l’horizon 2020.
S’agissant enfin de l’armement des Reaper, décidé par notre ministre à l’automne dernier, ce dont je me félicite, aucune difficulté n’a été identifiée. Les demandes ayant été transmises aux États-Unis, nous sommes en attente d’une proposition américaine qui devrait arriver d’ici à l’été prochain pour une mise en service opérationnelle à l’horizon 2019-2020.
Concernant plus généralement cette capacité drone, la question du MALE européen et de notre coopération avec les Allemands, les Italiens et les Espagnols est en ligne de mire avec une entrée en service en 2025. Je souligne l’importance de ce projet autant pour la défense européenne que pour notre autonomie stratégique.
Vous m’avez interrogé sur l’activité aérienne des équipages chasse. Dans le cadre de cette LPM, nous avons fait en sorte que la trajectoire d’activité planifiée augmente progressivement pour atteindre les 180 heures de vol par pilote et par an, en intégrant d’une part l’évolution du format chasse et en faisant effort, d’autre part, sur la disponibilité des flottes, les crédits d’EPM et les ressources humaines.
J’en viens à votre question relative à l’évolution de la limite d’âge des officiers généraux du corps du personnel navigant de l’armée de l’air. Du fait de dispositions spécifiques au statut des officiers du corps du personnel navigant, ces derniers ont des limites d’âge différentes des autres corps. Les officiers généraux du personnel navigant quittent ainsi l’institution à 56 ans quand ceux des autres corps ou des autres armées le font à 59 ans. Aujourd’hui, nous avons simplement souhaité harmoniser les régimes des officiers généraux, et uniquement des officiers généraux, car il n’y a plus de raisons à mon sens de ne pas aligner les régimes des uns et des autres à ce stade de la carrière. J’ajoute que ces limites d’âge nous posent actuellement des difficultés pour organiser les parcours de carrière de ces officiers, qui ont un temps plus contraint pour acquérir les compétences ou l’expérience leur permettant de prétendre à des postes de responsabilité de haut niveau. Ils seront ainsi sur un pied d’égalité avec les officiers généraux des autres armées. Le projet d’harmonisation des limites d’âge des officiers généraux me semble donc logique. Il s’agit d’un simple alignement.
M. Jacques Marilossian. Mon général, quels sont, dans cette LPM, et dès la loi de finances pour 2019, vos principaux sujets de satisfaction, de déception et de vigilance ?
Mme Séverine Gipson. Comme vous venez de nous l’indiquer, cette loi de programmation militaire 2019-2025 est marquée par une inflexion historique, après de nombreuses années de déflation. Au terme de plusieurs années difficiles, certains besoins ont dû être reportés, voire abandonnés. Je pense notamment aux infrastructures qui accueillent le matériel, ainsi qu’à leur protection. Dans cette nouvelle phase dynamique et positive, pouvez-vous nous indiquer avec plus de détails les besoins en ce domaine ?
M. Joaquim Pueyo. Vous avez rappelé à plusieurs reprises que l’entretien et le maintien en condition opérationnelle sont fondamentaux pour permettre à nos armées de remplir les missions décidées par la France. Dans le rapport annexé à la LPM, on prévoit une réforme de l’organisation aéronautique. Il est précisé qu’une nouvelle direction devrait voir le jour autour de la maintenance aéronautique. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette réforme, qui devrait permettre de mieux prendre en compte l’organisation des MCO, et nous faire part des évolutions de la gestion du MCO et de l’entretien, notamment dans la relation entre les industriels et nos armées ?
M. Yannick Favennec Becot. Mon général, je souhaiterais vous interroger concernant les systèmes de défense anti-drones. L’enjeu est de taille car comme l’ont montré les récents événements en Syrie, les drones pourraient devenir l’arme principale du terrorisme. La France les utilise déjà comme moyens de frappe ciblée mais il me semble que nous ne sommes pas en mesure de les combattre. Les financements consacrés à la recherche stratégique et technologique dans ce domaine sont-ils selon vous à la hauteur des enjeux des armées à l’horizon 2030 ?
M. Thibault Bazin. Mon général, vous avez évoqué la capacité à accélérer le MCO mais compte tenu des règles applicables aux marchés publics, comment diminuer la part de notre flotte qui reste indisponible – actuellement de 36 % pour les Mirage 2000D, huit Mirage étant ainsi en attente de pièces chaque année ? Vous avez aussi mentionné la difficulté à entrer sur les théâtres d’opération, les espaces aériens étant de plus en plus contestés. La rénovation en milieu de vie des Mirage 2000D nous interroge. Le SCALP reste inchangé et il n’y a aucune amélioration significative de ses capacités de pénétration. Le système de guerre électronique restera lui aussi inchangé d’ici à 2034. Enfin, la polyvalence d’emploi est en baisse. Tous ces éléments nous font courir le risque de réduire notre employabilité à de la gestion de crise. Comment éviter un déclassement alors que les combats se durcissent ? En matière de contrôle de l’espace aérien, un plan devrait être élaboré d’ici à la fin du mois de mars. Allez-vous investir dans la permanence opérationnelle ? Enfin, beaucoup de bases ayant été fermées, quand il faut dérouter dans l’Hexagone, le maillage des bases correspond-il selon vous à un seuil plancher pour notre ambition ?
M. Stéphane Trompille. Une grande partie de ma question concernant les Mirage 2000D vient d’être posée. Pourriez-vous nous préciser à quel rythme ces appareils nous seront livrés et sur quels types de missions ils soulageront les Rafale ?
M. Jean-Pierre Cubertafon. Mon général, les accords de Lancaster House pourraient être remis en cause par le Brexit. Cela étant, que Theresa May multiplie les échanges dans le domaine de la défense et qu’elle ait fait volte-face s’agissant d’un éventuel désengagement montre quand même que Londres est toujours préoccupé par le destin de la sécurité européenne. Nous nous en sommes d’ailleurs rendu compte récemment puisque nous avons reçu, sous l’autorité du président Bridey, des parlementaires britanniques dans le cadre de ces accords. Quelles relations entretenez-vous à votre niveau avec vos homologues anglais ? Comment voyez-vous l’avenir de ces relations ?
M. Olivier Becht. En dehors du programme SCAF, vous avez cité deux autres chantiers numériques : Smart Base sur la base d’Évreux et Air Warfare Center sur la base de Mont-de-Marsan. De quoi s’agit-il ?
M. Claude de Ganay. Mon général, vous avez parlé d’une « inflexion historique », mais également de « compromis difficiles ». À la lecture de la LPM, j’ai un peu le sentiment que votre armée est un peu moins bien lotie que les deux autres. Dans une situation conjoncturelle difficile, compte tenu du retard pris dans la livraison de l’A400 M, un certain nombre d’équipements critiques sont bien prévus dans cette LPM mais ils sont censés n’être livrés qu’en fin de programmation – voire pas avant 2025 pour certains. Cela implique de la part de vos équipages une capacité d’adaptation et des qualités humaines remarquables. Enfin, je souhaiterais que vous évoquiez, dans la composante dissuasion, le vecteur ASMPA.
M. Jean-Michel Jacques. L’usage des drones monte en puissance, si bien que nous devrions être capables de couvrir deux théâtres d’opérations. On peut s’en réjouir, car les troupes au sol apprécieront d’avoir un appui feu rapidement, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce choix de montée en puissance des drones remet-il en question le modèle d’aviation de combat auquel nous sommes habitués ?
Général André Lanata. Si la question de l’étude du modèle de l’aviation de combat a pu être posée eu égard à l’introduction de la capacité d’armement des drones MALE, il me semble que la LPM y répond : le format de l’aviation de combat n’a pas été affecté par l’arrivée de cette capacité. Il y a à cela une bonne raison : ces moyens ne sont pas concurrents mais complémentaires. Les capacités de frappe d’un drone n’ont rien de comparable à celles d’un Rafale. Un drone ne peut neutraliser que des objectifs de petite taille, y compris dans le cadre de nos opérations de lutte contre le terrorisme. On l’a encore vu il y a quelques jours au Sahel : ce sont nos chasseurs qui font la différence, tout simplement parce que l’objectif à traiter est tel qu’un drone suffit rarement à délivrer les effets nécessaires. J’ajouterai un deuxième aspect très important : un drone se déplace à la vitesse d’un drone ! Il y a quelques semaines, au Sahel, nous sommes intervenus en urgence au secours de troupes américaines au sol qui étaient prises sous le feu de l’ennemi. Plusieurs tués étaient déjà à déplorer. C’est bien la réactivité de nos chasseurs et leur capacité à se déplacer très rapidement (trois fois plus vite qu’un drone) qui a permis de les sortir d’une situation inextricable. Si nous avions dû réaliser la même mission avec un drone, le nombre de victimes dans nos forces amies au sol aurait été considérablement plus élevé. En revanche, ce qu’apporte le drone, c’est la permanence de la surveillance – que ne peut assurer un chasseur, sauf à exploiter des moyens de ravitaillement en vol supplémentaires. Quand je parle d’architecture de système à propos du SCAF, c’est à ce type d’équilibre entre les différentes plateformes, entre les différentes composantes du système de combat aérien que je pense par exemple.
L’armée de l’air est-elle assez bien servie ? Quels sont les sujets de satisfaction, de déception et de vigilance ? J’ai déjà évoqué dans mon propos liminaire les aspects positifs de cette LPM : une LPM qui « répare », une LPM qui « prépare », et une augmentation ciblée des formats. J’entends dire que les formats n’évoluent pas : ce n’est pas ce que je constate dans l’armée de l’air, qu’il s’agisse des MRTT, des drones, de l’avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), de la charge universelle de guerre électronique (CUGE), de l’aviation de transport ou encore de l’aviation de combat, qui va rester à plus de 210 avions pendant au moins la décennie à venir. Je ne m’inscris pas dans une logique de concurrence entre les armées, consistant à comparer les scores de ceux qui se seraient mieux ou moins bien débrouillés dans cet exercice de LPM ! Notre pays prend des mesures fortes pour garantir sa sécurité et prend les dispositions, dans tous les milieux, pour le faire du mieux possible. Je pense, encore une fois, que les dispositions qui ont été prises nous permettent de le faire. Par ailleurs, on ne répare pas vingt ans de sous-investissements en quelques mois. La question est donc non seulement de savoir si les dispositions qui ont été prises sont globalement satisfaisantes – la réponse est oui – mais aussi de savoir comment elles sont cadencées et quelles sont les priorités. Nous avons fait le choix de ne pas abandonner l’avenir – et donc de moderniser – et de réparer pour tirer le meilleur parti des dispositifs existants en portant une attention particulière aux hommes et aux femmes qui servent leur pays. Cela me paraît être des dispositions de bon sens. Le reste arrivera au fur et à mesure, à la cadence que prévoit cette loi de programmation militaire. En outre, cela signifie aussi que nous continuerons de notre côté, c’est-à-dire en interne de l’armée de l’air, à nous adapter afin d’accompagner cette remontée en puissance, en procédant aux réglages fins qu’imposeront les circonstances, aux adaptations qui en toutes hypothèses resteront indispensables et en poursuivant les différents chantiers de modernisation que nous lançons actuellement.
Parmi les secteurs dans lesquels nous avons encore des réductions temporaires de capacité, je citerai le transport aérien, domaine dans lequel nous partons de loin car nous avons trop tardé à initier le remplacement de nos flottes anciennes. À cette situation se sont ajoutées les difficultés du programme A400M. Nous avons donc encore du travail dans ce domaine où des dispositions ont été prises, notamment avec l’accélération du programme MRTT qui viendra appuyer notre capacité, ou l’acquisition de C130J. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, il faut aussi absolument que l’industrie trouve rapidement des solutions aux défauts techniques de jeunesse qui handicapent trop la flotte A400M. Un dialogue étroit est engagé avec l’industriel.
Les hélicoptères doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière. La réflexion se poursuit à cet égard et un choix doit être fait, en vue du lancement du programme HIL, dans le courant de cette programmation militaire.
Vous avez évoqué le Mirage 2000D. Je regrette que sa modernisation, décidée il y a quelques années, n’ait pas été plus ambitieuse, mais il faut peut-être prendre un peu de recul et observer les équilibres de l’aviation de combat dans son ensemble. Il n’y a pas que les Mirage 2000D pour faire la guerre, il y a aussi les Rafale, qui vont d’ailleurs être modernisés avec l’arrivée l’année prochaine du standard F3R et le lancement du standard F4. Pour les missions les plus exigeantes, les Rafale seront utilisés préférentiellement. J’observe d’ailleurs que les Rafale sont aujourd’hui employés au Proche-Orient et les Mirage 2000, au Sahel. Demain, nous aurons encore besoin, dans les différentes situations de crise auxquelles nous pourrions d’être confrontés, d’une flotte agissant principalement en gestion de crise sur des théâtres stabilisés et d’autres flottes plus modernes pour faire face à des scénarios d’engagement plus exigeants. C’est à ce besoin que nous voulons répondre avec le standard F4 du Rafale. S’agissant des délais de livraison des Mirage 2000D, les kits de modification seront commandés cette année, pour des livraisons qui s’étaleront entre 2020 et 2024.
S’agissant de la relation franco-britannique et de la façon dont elle évolue dans le domaine qui est le mien, je ne suis guère inquiet sur le plan opérationnel, pour différentes raisons. D’abord, nous continuons, mon homologue et moi, à entretenir la même proximité, et les interactions entre nos deux armées de l’air de premier rang constituent la marque d’une coopération de très haut niveau. J’observe que les Britanniques nous aident régulièrement là où c’est possible : des moyens de transport, des moyens de ravitaillement en vol. Encore récemment, ils ont décidé d’appuyer nos opérations au Sahel avec des hélicoptères de transport lourd. J’observe également que lorsque des bombardiers stratégiques russes se sont présentés dans la Manche, nous n’avons eu aucune difficulté à coordonner l’action de nos chasseurs. Les Rafale français se sont ravitaillés en vol sur des avions anglais, tout ceci sur un simple coup de fil. J’ai actuellement des équipages en échange sur MRTT et C130J britanniques, ce qui permet de faciliter la montée en puissance de nos capacités. Je ne vous dresserai pas la liste des très nombreux échanges et des liens que nous entretenons, mais tout se passe de façon fluide et j’estime que nous sommes parfaitement interopérables. Nous sommes à cet égard capables, si le pouvoir politique le demandait, de déployer une force expéditionnaire conjointe qui a été définie dans le cadre des accords de Lancaster House. Nous allons continuer à entretenir cette capacité dans le temps et donc rester proches sur le plan opérationnel. J’ajouterai en outre que ce n’est pas parce que les Britanniques ont décidé de quitter l’Union européenne qu’ils ont abandonné la défense de l’Europe, tout simplement parce qu’ils restent partenaires de l’OTAN, dont la vocation est aussi la sécurité du continent européen.
Si je ne suis pas très inquiet des conséquences du Brexit sur le plan opérationnel, il faut néanmoins suivre attentivement ce processus qui pourrait avoir des conséquences économiques et politiques, notamment sur la coopération industrielle. Il faudrait probablement interroger le délégué général pour l’armement (DGA) sur ce point.
M. le président Jean-Jacques Bridey. Nous l’avons fait ce matin. (Sourires.)
Général André Lanata. C’est un point auquel il faut veiller car il représente des intérêts majeurs pour nous, qu’il s’agisse de MBDA ou des autres projets que nous conduisons avec les Britanniques. Il faudra conclure des accords nous permettant de continuer à travailler et d’entretenir ce qui constitue une success story de la coopération militaire et industrielle en Europe.
J’en viens à l’infrastructure. Vous avez raison de souligner que ce secteur est en difficulté puisqu’il a souffert d’un sous-investissement chronique ces dernières années. Dans la LPM précédente, les flux budgétaires consacrés à l’infrastructure étaient d’environ un milliard d’euros par an quand le besoin était plutôt de 1,2 ou 1,3 milliard d’euros par an. Toute personne qui a une maison à entretenir sait que lorsque l’on prend du retard dans son entretien, il faut tôt ou tard le rattraper, ce qui nécessite en général des investissements plus importants. Réparer dans ce domaine prendra donc du temps. La LPM prévoit un effort remarquable puisque les crédits consacrés à l’infrastructure augmentent en moyenne de 50 %. De fait, nous avons défini des priorités. La première a été donnée aux hommes et aux femmes, puisqu’il est prévu d’améliorer l’hébergement sur nos emprises et de consacrer une part importante du plan famille au logement. La deuxième priorité est l’accueil des nouvelles capacités et la protection-défense. C’est donc en fin de LPM que les commandes seront passées pour traiter les installations aéroportuaires de l’armée de l’air. Ces dispositions me semblent de bonne gestion et nous allons faire vivre nos infrastructures aéroportuaires sans handicaper les capacités opérationnelles. S’il est nécessaire de procéder à des ajustements ponctuels, nous serons en mesure de le faire.
Vous avez évoqué le maillage des alertes de la permanence opérationnelle, c’est-à-dire la répartition géographique judicieuse de nos alertes de défense aérienne. Si nous en avons besoin, c’est que le facteur temps est critique lorsqu’il s’agit d’intervenir dans notre espace aérien. Les menaces se matérialisant dans des délais extrêmement brefs, il faut avoir accès à tous les points de l’espace aérien et de nos approches aériennes dans des délais inférieurs à quinze minutes. C’est pourquoi nous faisons le choix d’entretenir quatre permanences opérationnelles dans notre pays, réparties entre les quatre secteurs géographiques de notre territoire, et nous coopérons avec nos alliés pour ce qui concerne l’extérieur à chaque fois que cela est nécessaire – encore récemment, par exemple, lorsque des bombardiers stratégiques russes se sont présentés comme je viens de le mentionner. Pour pouvoir maintenir une permanence opérationnelle dans un secteur géographique, il faut une base aérienne sur laquelle cette permanence est mise en alerte – en général, en « sept minutes », c’est-à-dire que les avions doivent pouvoir décoller en moins de sept minutes. Nous pouvons si nécessaire réduire ces délais à deux minutes, voire mettre nos avions en alerte en vol, si les circonstances l’exigeaient. Il faut également un terrain de déroutement au cas où une indisponibilité technique ou météorologique par exemple affectait notre base aérienne. Avec les plateformes aéroportuaires dont nous disposons – il n’y a pas que celles de l’armée de l’air –, j’estime que nous disposons aujourd’hui des emprises suffisantes pour garantir l’efficacité de ce dispositif.
Le domaine du MCO aéronautique souffre, comme d’autres, des sous-investissements des années passées – vieillissement des parcs, stocks de rechanges insuffisants, étalement des opérations de remise à niveau capacitaire, contraintes sur les ressources humaines dont les déflations ont été excessives, etc. Tout ceci pèse sur la disponibilité de nos flottes. À cette situation se sont ajoutées des sollicitations opérationnelles croissantes ces dernières années, qui nous ont amenés à concentrer nos efforts sur nos opérations, accroissant la pression sur le personnel ou les rechanges. Ces facteurs expliquent en partie la faible disponibilité de certaines flottes. La LPM a vocation à les prendre en compte. Je tiens à souligner et à saluer l’engagement remarquable de l’ensemble des acteurs du MCO aéronautique dans cette période. Il a donné lieu à une mobilisation conduisant à de très nombreuses adaptations réalisées souvent en urgence. Grâce à lui nous avons toujours été au rendez-vous de nos opérations. Il constitue incontestablement une part de nos succès opérationnels.
À ces facteurs s’ajoutent des handicaps structuraux auxquels le chantier lancé par Mme la ministre apportera des réponses. Certaines des évolutions identifiées dans cette réforme rejoignent des axes de travail que la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) avait initiés. Je les avais présentés à votre commission lors d’une précédente audition. La réforme engagée avec la création de la DMAé est encore plus ambitieuse. Elle prévoit notamment une plus grande implication de la DGA et une modernisation de notre stratégie contractuelle cherchant en particulier à davantage responsabiliser l’industrie dont nous attendons des efforts symétriques. Les états-majors et la structure de projet DMAé étudient actuellement les évolutions de l’organisation du MCO qui faciliteront la mise en œuvre de ces évolutions.
Ainsi nous voyons bien les deux volets de cette réforme : « réparation » apportée par la LPM en augmentant notamment les crédits d’entretien programmés de nos flottes et modernisation des processus et de l’organisation du MCO aéronautique dans les armées. Ces évolutions sont indispensables car l’amélioration de la disponibilité de nos flottes est un objectif majeur, autant pour nos capacités opérationnelles que pour le moral du personnel.
La lutte contre les drones est effectivement un sujet dont nous nous préoccupons depuis plusieurs années déjà. Comme vous, nous avons constaté une évolution rapide des menaces dans ce domaine. J’estime qu’en trois ans, nous avons beaucoup progressé au point d’être capables de mettre en œuvre des dispositifs de protection opérationnels et efficaces autour d’événements particuliers par exemple.
Les appareils dont on parle ici sont de petits drones, parfois même des drones qu’on trouve dans le commerce, et qui peuvent être opérés à proximité d’installations ou d’événements sensibles. Cette question fait l’objet d’un chantier interministériel piloté par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Lancé il y a deux ans, ce chantier s’applique à traiter le sujet de façon systématique, car ce n’est pas uniquement de capacités de protection et d’intervention dont nous avons besoin. Nous agissons également dans les domaines réglementaire et législatif pour mieux contrôler l’emploi qui est fait de ces machines, pour faciliter leur détection ou responsabiliser les fabricants et les utilisateurs.
Parallèlement à ces dispositions légales indispensables, nous développons des moyens spécifiques de protection pour lutter contre ces drones. Ces dispositifs, déjà en service dans les armées, associent des capacités de détection, de brouillage et de neutralisation cinétique. Nous continuons à étudier de nouvelles solutions, et un programme est en cours de déploiement pour protéger nos bases aériennes sur le territoire national ou sur les théâtres d’opérations. Concernant la protection des autres sites, le principe qui a été retenu veut que chaque opérateur se charge de la protection des emprises sous sa responsabilité. Pour ce qui est de l’armée de l’air, je veille à ce que les dispositifs mis en place par les uns et les autres soient compatibles, dans le domaine du commandement et du contrôle, avec les systèmes de protection antiaériens que nos forces déploient – systèmes auxquels participent désormais systématiquement des moyens de protection contre les mini-drones – dans le cadre d’événements particuliers tels que le salon du Bourget ou le 14 juillet où nous avons mis en œuvre de tels dispositifs.
Vous m’avez interrogé sur notre transformation numérique. C’est un point essentiel : l’armée de l’air développe actuellement des plateaux d’innovation. De quoi s’agit-il ? L’innovation ne se décrète pas ; nous devons créer des conditions favorables. Comment ? En rapprochant les utilisateurs des concepteurs.
De quoi dispose-t-on actuellement ? Les grands systèmes d’armement sont gérés par l’instruction ministérielle n° 1516, qui offre un cadre structuré à nos programmes de long terme. Pour autant, ces grands systèmes hébergent des systèmes d’information, dont la vitesse d’évolution est complètement différente : si l’on ne change évidemment pas la structure du Rafale tous les six mois, son système d’armes, lui, continue d’avoir besoin d’évoluer. Nous devons donc pouvoir agir en boucle plus courte sur l’évolution des infrastructures numériques hébergées par nos grands systèmes.
Comment procéder dans un monde où les technologies évoluent tous les trois à six mois ? Nous devons changer d’approche : nous ne pouvons plus travailler en top down – méthode que nos esprits cartésiens affectionnent ! Auparavant, nous exprimions un besoin opérationnel, il était ensuite transformé en spécifications techniques avant de passer un appel d’offres. Ce cycle prend aujourd’hui trop de temps compte tenu du rythme d’évolution des technologies dont il s’agit.
Par ailleurs, le champ des possibles, ouvert par l’évolution de ces technologies numériques, rend extrêmement difficile l’expression pertinente des besoins. En conséquence, nous devons travailler sur des boucles de temps et des approches différentes, afin d’être en mesure de faire évoluer nos équipements en permanence.
C’est l’objectif des plateaux d’innovation : on y retrouve d’un côté les utilisateurs – ils savent ce dont ils ont besoin, mais ont parfois du mal à l’exprimer compte tenu de la façon dont les technologies évoluent – et de l’autre les concepteurs – qui peuvent leur apporter des solutions par la connaissance dont ils disposent des possibilités offertes par ces technologies. Nous les mettons ensemble, dans une approche bottom up, acceptons ensuite le foisonnement que cela génère, puis nous sélectionnons les innovations pertinentes. Il convient désormais de réfléchir aux moyens permettant de les déployer rapidement et facilement dans les forces, le cas échéant, par le biais de solutions traditionnelles d’acquisition.
Nous expérimentons à Évreux avec Smart Base, afin d’innover dans le domaine du fonctionnement courant de la base aérienne. Je suis persuadé que des applications numériques peuvent aider les aviateurs à mieux faire fonctionner leur base aérienne – en matière de transport, d’énergie, de sécurité, et de services de façon générale. C’est également ce qui a conduit à la création du centre d’expertise aérienne militaire – air warfare center – pour les systèmes d’armes, à Mont-de-Marsan. Je vous invite à le visiter, pour mieux apprécier nos actions conduites en matière d’innovation opérationnelle. À Salon-de-Provence, le centre d’excellence drones (CED) travaille dans ce domaine spécifique en contact avec l’air warfare center de Mont-de-Marsan. C’est aussi ce que nous lançons à Saintes et Rochefort, avec le projet « Smart School », dans le domaine de la formation : des applications modernes peuvent beaucoup nous apporter en la matière en accélérant les cycles de formation et surtout en les rendant plus attractifs.
Le terrain foisonne d’idées et d’initiatives ! Incidemment, c’est un axe fort de notre transformation car cela nous permet de faire adhérer le personnel à notre transformation, en l’impliquant et en faisant appel à lui pour trouver des solutions innovantes.
Les moyens financiers mobilisés dans ces plateaux de développement, restent modestes. Pour quelques milliers d’euros, nos personnels arrivent souvent à trouver des solutions. Il faut ensuite nous aider à les déployer au sein de nos forces. Aussi, c’est sur ce volet qu’il faut aujourd’hui travailler, pour faciliter ce couplage de « l’innovation à l’industrialisation ».
Nous avons du travail mais c’est un sujet qui me tient à cœur. C’est la raison pour laquelle je vous en parle avec conviction !
M. Olivier Becht. Nous viendrons à Mont-de-Marsan !
M. le président. Ces sujets nous tiennent également à cœur, vous pouvez le constater. Olivier Becht est, avec Thomas Gassilloud, le rapporteur de la mission d’information sur les enjeux de la numérisation des armées.
La séance est levée à treize heures.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Louis Aliot, M. François André, M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Stéphane Trompille, M. Charles de la Verpillière
Excusés. – M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, M. Florian Bachelier, M. Luc Carvounas, M. M’jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, M. Christian Jacob, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Sereine Mauborgne, Mme Patricia Mirallès, M. Gwendal Rouillard, M. François de Rugy, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère
Source: Assemblée nationale