Audition de Mme Anne-Sophie Avé, directeur des ressources humaines du ministère des Armées, sur le projet de loi de programmation militaire

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 21 février 2018

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président

— Audition de Mme Anne-Sophie Avé, directeur des ressources humaines du ministère des Armées, sur le projet de loi de programmation militaire

La séance est ouverte à seize heures quinze.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Mes chers collègues, nous recevons Mme Anne-Sophie Avé, directeur des ressources humaines (DRH) du ministère des Armées, pour l’entendre au sujet du volet RH du projet de loi de programmation militaire (LPM).

Mme Anne-Sophie Avé, directeur des ressources humaines du ministère des armées. La nouvelle loi de programmation militaire veut être à hauteur d’homme, et je crois que les ressources humaines doivent également se montrer à la hauteur des ambitions de ce texte. Alors que l’on porte aujourd’hui la plus grande attention à l’utilisation des deniers publics, l’effort consenti en faveur des ressources humaines par le ministère des armées est tout particulier. Il contribuera à l’accomplissement des objectifs de cette loi de programmation militaire : consolider nos armées, et préparer la défense de demain. Il nous appartient d’être à la hauteur de cet effort.

Le titre 2 est doté d’une ressource de 86,5 milliards d’euros sur la durée de la LPM, hors OPEX et hors compte d’affectation spéciale « Pensions ». Le titre 2 pour le ministère correspond à 12 milliards d’euros par an en début de LPM pour atteindre 12.9 milliards d’euros en 2025. Pour la période 2019-2022, nous parlons de 48,2 milliards. Ce montant est supérieur à ce qui était prévu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), car une dotation supplémentaire a été accordée.

La part du titre 2 dans la dotation OPEX doit encore être précisé. Il est actuellement de l’ordre de 245 millions – ce qui est assez proche des dépenses constatées aujourd’hui. Le CAS « Pensions » représente globalement 8,4 milliards d’euros par an

Ce niveau assez exceptionnel nous donnera les moyens nécessaires en matière de ressources humaines pour conduire une bataille que nous espérons gagner : celle des compétences. Pour ma part, je considère que ces moyens humains sont suffisants. Il faudra que nous en fassions le meilleur emploi possible. La LPM comporte aussi des leviers normatifs indispensables pour que nous conduisions une manœuvre RH qui reste ambitieuse.

La DRH du ministère des Armées est une autorité fonctionnelle renforcée. Les ressources humaines au sein du ministère font se croiser deux logiques : l’une dite par « couleur d’uniforme » et gestionnaire – les « terriens », les marins, les aviateurs, les civils… –, l’autre par employeur – l’armée de Terre, la marine, des services interarmées… À l’intérieur du domaine de chaque employeur on trouve plusieurs couleurs d’uniformes. Par exemple, dans l’armée de Terre, on trouve évidemment beaucoup de « terriens », mais également des civils ; dans les services interarmées, on trouve à la fois des « terriens », des marins, des aviateurs et des civils. Le gestionnaire terre gère tous les « verts », qu’ils soient dans l’armée de Terre ou dans un service interarmées. L’une des missions de la direction des ressources humaines du ministère des Armées est de croiser l’ensemble de ces logiques, pour assurer aux employeurs la bonne allocation des ressources des gestionnaires. Ce modèle d’autorité fonctionnelle renforcée, prévu par un décret de 2014, a inspiré la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) lorsqu’elle a souhaité se constituer en DRH de l’État. Nous pourrions aussi inspirer l’évolution de la fonction publique sur d’autres sujets.

La suite de mon intervention abordera trois volets : les effectifs, les mesures normatives et la condition du personnel.

Entre 2008 et 2018, la déflation des effectifs a atteint 53 000 postes, dont 48 000 étaient prévus au titre de la LPM 2009-2014. Pour la LPM 2014-2019, la déflation a été de 5 000 postes sur les 15 000 prévus lors de la 1ère actualisation de la LPM – les attentats de 2015 ont marqué le début d’une remontée en puissance. L’annonce d’une augmentation de 6 000 postes sur la durée de la prochaine LPM est évidemment une excellente nouvelle. À la fin de l’année 2025, cela nous amènera à atteindre une cible de 277 279 équivalents temps plein, hors apprentis et service militaire volontaire. Un chiffre aussi précis ne constitue évidemment qu’une sorte de photographie instantanée, car, en gestion, les entrées et les sorties sont permanentes.

Les effectifs doivent progresser de 1 500 postes sur la période de la LPFP 2019-2022. Les « pieds de colonnes » annuelsprévoient +450 pour 2019 ; +300 pour 2020 ; +300 pour 2021, et +450 pour 2022, sachant qu’en 2018, nous bénéficions d’un schéma d’emploi positif de +500. À partir de 2023, sont prévus +1 500 effectifs par an.

Sur les 6 000 postes prévus pour la durée de la programmation, 1 500 seront consacrés au renseignement, environ 1 500 encore à un bloc cyberdéfense, digitalisation, intelligence artificielle – je les présente en bloc car ces activités font appel à des compétences un peu similaires–, environ 750 pour la sécurité-protection, et environ 400 pour le soutien des exportations (SOUTEX). Un certain nombre d’effectifs renforceront aussi les unités opérationnelles et permettront également d’accompagner la transformation des différents services interarmées – car évidemment, même si nos effectifs augmentent, nous poursuivons cette transformation.

Aujourd’hui, nous employons 61 000 personnels civils qui sont absolument indispensables au fonctionnement de nos armées. À côté des 208 000 personnels militaires, les civils constituent en nombre la « troisième armée ». Les organisations syndicales vous le diront : la complémentarité entre les personnels civils et militaires constitue un véritable enjeu, tant en termes de cohésion qu’en termes de fonctionnement. Les deux populations relèvent de modes de gestion extrêmement différents et leurs périmètres de compétence sont totalement distincts, mais elles nous sont toutes les deux indispensables.

Les personnels civils représentaient 22 % des effectifs en 2017 ; ils sont 23 % en 2018. Nous travaillons à une complémentarité accrue dans une logique fonctionnelle – ce qui a été qualifié à une époque de « civilianisation ». S’il faut évidemment que les militaires continuent d’occuper des postes ayant un contenu plus administratif, car nous avons besoin qu’ils développent des doubles compétences, sur certains emplois plus sédentaires pour lesquels on a besoin de pérennité, nous devons disposer de personnels civils qui ne sont pas soumis à la mobilité intrinsèque au statut militaire – mobilité bien légitime car elle permet de construire des parcours de carrière –, et dont il sera possible d’utiliser, sur la durée, les compétences souvent spécialisées. Un facteur essentiel joue aussi : l’équilibre entre personnels militaires et civils peut permettre aux services de fonctionner quand les militaires sont tous mobilisés en cas d’urgence, de crise ou de projection en mission intérieure ou en opération. Il faut pouvoir à la fois assurer les engagements opérationnels et faire fonctionner le ministère. « La boutique reste ouverte pendant les travaux. »

Nous devons répondre à un véritable défi en termes de recrutement. Je vous l’ai dit, les entrées et les sorties sont permanentes. Depuis la remontée en puissance des effectifs des armées,  environ 26 000 personnels civils et militaires sont recrutés tous les ans. Ce recrutement permet de compenser les sorties dues à l’attrition naturelle, aux fins de contrat, aux départs des personnels civils en fin de carrière, aux départs accompagnés lorsque des compétences sont moins nécessaires…

En 2015, nous avons recruté 2900 personnels civils ; en 2017, 3550, et, en 2018, ils seront 4200. Compte tenu de la pyramide des âges, ces recrutements se poursuivront car, dans les dix prochaines années, environ un tiers de ces personnels partiront. Il s’agit d’un vrai défi RH et d’une opportunité en termes de renouvellement et de transfert des compétences.

S’agissant des militaires, lorsqu’il a fallu porter l’effectif de la force opérationnelle terrestre (FOT) à 77 000 personnels, nous avons su recruter 11 000 personnes en deux ans, en plus du recrutement « naturel » annuel de l’armée de terre. L’outil de recrutement et de formation de l’armée de terre a su s’adapter. Cette dernière s’est mise en ordre de bataille pour relever ce défi – la résilience de nos armées reste leur plus grande force.

Aujourd’hui, 64 % des personnels militaires sont des contractuels. Cette donnée suscite toujours de l’étonnement, en particulier de la part de mes collègues de la fonction publique. Il ne s’agit pas d’une forme de précarisation, mais d’une conséquence de l’impératif de jeunesse qui s’impose aux armées : 100 % des militaires du rang, 50 % des sous-officiers et 25 % des officiers sont contractuels. Cette flexibilité nous est indispensable, mais, qui dit « contractuels » dit aussi « accompagnement ». Nous ne signifions pas une fin de contrat sans qu’elle ne soit préparée et accompagnée !

L’Agence de reconversion de la défense (ARD) accompagne les personnels vers une seconde carrière à la fin de leur contrat, ou lorsqu’ils ont acquis les droits leur permettant de bénéficier d’une pension de retraite à jouissance immédiate et qu’ils souhaitent s’engager dans une deuxième vie professionnelle. Dans ce dispositif, près de sept cents personnes sont au service des personnels militaires et civils du ministère. Dans le cadre du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit « plan famille », l’ARD–ou Défense mobilité- se met aussi au service des conjoints de personnels militaires, de civils et de gendarmes pour les aider à revenir vers l’emploi lors de la mobilité de leur conjoint.

En 2017, l’ARD a réalisé 12 000 reclassements dans plus de quatre cents métiers. Des CDI ont été signés dans plus de 60 % des cas. Les conjoints bénéficient beaucoup plus souvent de CDD car les entreprises (et les intéressés) sont réticents à signer des CDI sachant que ces personnes seront à nouveau amenées à suivre leur conjoint militaire. L’offre en matière de formation a également été développée au sein de l’ARD, qu’il s’agisse de formations qualifiantes ou de formations d’accompagnement. Dans le cadre du plan famille, le budget consacré à la formation a été augmenté de 2,5 millions d’euros, en particulier dans le but d’accompagner les conjoints de personnels militaires.

Nous avons également prévu des mesures ciblées, par exemple de nature indemnitaire, afin d’assurer l’attractivité de spécialités particulièrement tendues et de fidéliser les personnels concernés – cyber, informatique, atomiciens, renseignement…

Le principe d’un plan de requalification de personnels civils de la catégorie C vers la catégorie B a été inscrit dans la LPM.

Je me dois d’évoquer un chantier majeur : la nouvelle politique de rémunération des militaires. En la matière, vous ne pouvez voir, dans la LPM, que l’inscription d’une provision à partir de 2021. Je ne vous décrirai pas les 172 primes et leurs 172 modes de calcul qui ont un peu contribué au dysfonctionnement du logiciel Louvois – même s’il ne s’agit pas de l’unique explication. Un aggiornamento devenait urgent. Il faut néanmoins comprendre que le système indemnitaire est touffu parce qu’il a progressivement compensé des évolutions indiciaires insuffisantes par rapport aux grilles de la fonction publique. Il est donc essentiel de reprendre l’ensemble du dispositif de rémunération, sur le plan indiciaire et indemnitaire, et de lui redonner du sens – nous ne savons plus pour quelles raisons certaines primes anciennes sont distribuées, ni si certaines sujétions sont indemnisées ou non. L’ensemble doit être repensé dans une logique qui visera à favoriser l’opérationnel et à indemniser les sujétions réelles. La ministre, les armées et la DRH s’attellent à ce gros chantier et sont déterminées à le faire aboutir.

La LPM comporte des mesures normatives. C’est avec beaucoup de fierté pour mes équipes que j’ai entendu le Conseil d’État saluer la qualité de nos études d’impact. J’espère qu’elles vous donneront une vision claire de ce que nous souhaitons faire. Je rends hommage aux équipes de la direction des affaires juridiques et de la direction des ressources humaines qui ont travaillé d’arrache-pied. Nous avons accompli ce travail en un temps record. Le dialogue social et militaire a été rapide et fructueux, et le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE) et le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) ont pu s’exprimer.

Nous avons peut-être été précurseurs par rapport à ce que la fonction publique envisage désormais en proposant deux expérimentations destinées à simplifier les recrutements. Une expérimentation concerne les personnels statutaires, uniquement ceux du corps des techniciens supérieurs d’études et de fabrications. Nous voudrions alléger la procédure du concours pour 20 % des recrutements, dans certaines régions particulièrement sous tension, en mettant en place une procédure de sélection un peu moins contraignante. C’est une expérimentation : il ne s’agit pas de casser le statut de la fonction publique, mais de tester la possibilité d’un recours à du recrutement local. Les concours nationaux avec une affectation selon le rang de classement ne permettent pas de pourvoir les postes dans certains territoires pas très attractifs, et ils créent de la concurrence dans d’autres territoires. Le recrutement local constitue un vrai atout, y compris pour les régions concernées.

L’autre expérimentation vise à rendre plus attractif le recrutement sous contrat. Nous proposons d’emblée des contrats pour une durée de trois ans – au lieu d’un an auparavant. Pour certaines professions techniques de catégorie B, il s’agit d’une offre beaucoup plus attractive. Nous verrons si cette solution nous permet d’attirer des compétences – le contrat d’un an semblait souvent trop précaire.

La LPM comporte également des mesures en faveur de la réserve, et d’autres relatives aux leviers d’aide au départ. Ces derniers outils indispensables ont été inscrits en habilitation. Un retour d’expérience (RETEX) est nécessaire les concernant : comment et pourquoi ont-ils aidé et accompagné jusqu’à aujourd’hui la manœuvre RH ? Une évaluation est en cours. C’est la raison pour laquelle ces dispositifs ont été renvoyés à des ordonnances dans lesquelles il sera possible de mieux les adapter lorsque les résultats seront disponibles.

Des mesures d’accompagnement des blessés sont également prévues, ainsi que l’élargissement du congé de reconversion. Par ailleurs, l’article 7 de la LPM, qui permettra aux militaires de souscrire un engagement en tant que réserviste dans le cadre d’un congé pour convenances personnelles, constitue un outil de fidélisation afin de maintenir les compétences des personnels au sein de l’armée d’origine. Un militaire pourra donc se mettre en congé pour élever un enfant de moins de huit ans, revenir dans l’armée durant cette période au titre de la réserve, et acquérir à ce titre des droits à l’avancement et à la retraite. Aujourd’hui, beaucoup d’agents, souvent des femmes, qui reviennent après un long congé parental sans avoir pu entretenir leurs compétences finissent par « poser la casquette ». Nous espérons ainsi retenir les compétences, sans entacher le statut militaire d’éléments typiquement civils – il n’y a pas de temps partiel pour les militaires, ce n’est pas possible, car les militaires sont « tout temps, tout lieux ». La réserve est la seule possibilité pour permettre un temps partiel. Sans toucher au statut militaire, nous avons fait avancer les choses en combinant, tout simplement, deux dispositifs existant.

La transposition aux personnels militaires de ce qui existe pour les civils concernant la durée d’assurance pour l’éducation de l’enfant handicapé constitue une mesure d’équité et de citoyenneté.

Les militaires sont désormais éligibles dans les conseils municipaux des communes d’au plus 3 500 habitants, soit 91 % des communes de France. Le Conseil constitutionnel avait formulé une injonction en ce sens, en 2014, nous laissant jusqu’à 2020 pour ouvrir aux militaires cette possibilité. Nous avons trouvé un équilibre conforme à l’exigence de neutralité des militaires qui ne peuvent pas s’engager dans des partis politiques – s’ils souhaitent le faire ils doivent se mettre en position de détachement. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, ils pourront se faire élire sur des listes sans étiquette ou siéger sans étiquette, ce qui leur permettra d’accomplir une mission citoyenne en préservant leur neutralité.

S’agissant des rémunérations, 3,6 milliards d’euros de mesures dites « catégorielles » ont été inscrits : trois milliards pour les militaires, et 522 millions pour les personnels civils. Parmi les trois milliards, on nous demande de comptabiliser des mesures qui relèvent de l’interministériel : un milliard est donc inscrit au titre de la mise en œuvre du parcours professionnel, carrières et rémunérations (PPCR). Les deux milliards restants permettront de revaloriser des primes versées au titre de la fidélisation et de l’attractivité, et de mener la nouvelle politique de rémunération.

Pour les personnels civils, nous nous sommes rendu compte que nous n’étions plus véritablement concurrentiels par rapport aux autres ministères. Nous avons donc fait un gros effort en termes de complément indemnitaire annuel (CIA) – il s’agit de la part variable du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP), à côté de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) qui est fixe. Notre objectif est de parvenir à verser, grâce au CIA, l’équivalent d’un treizième mois potentiel pour les personnels civils. Nous voulons aussi revaloriser l’IFSE – comme nous avons été les premiers à entrer dans le RIFSEEP, nous n’avions pas pu nous comparer aux autres ministères.

Sur la durée de la LPM, 754 millions d’euros seront consacrés à l’accompagnement social – ce montant était de 462 millions pour la précédente période. Le ministère a la spécificité de disposer d’un réseau d’un millier de travailleurs sociaux : 650 assistantes sociales, et des conseillères techniques des services sociaux. Nous assurons notre propre accompagnement et notre soutien – cela concerne tous les militaires, gendarmes compris. Le budget en question est considérable si on le compare à celui des autres ministères, mais il faut bien comprendre que nos militaires vivent dans les armées, et que leurs contrats d’engagement ressemblent davantage à des contrats de vie qu’à des contrats de travail.

Un effort financier particulier est consenti en faveur des militaires et de leur famille, de l’ordre de 300 millions d’euros pour la période allant de 2018 à 2022, et de 527 millions sur la durée de la LPM. Ces montants s’inscrivent dans le cadre du plan famille dont 70 % des mesures seront en œuvre dès 2018. La moitié de ces mesures est également applicable aux personnels civils. La ministre a nommé une chargée de mission auprès de la DRH-MD afin de piloter et de coordonner la mise en œuvre de ce plan. Cette dernière suit le dossier au niveau ministériel, et elle bénéficie de l’appui des équipes de la DRH – il était plus facile qu’elle travaille au sein de nos services, plutôt que de devoir détacher des personnels sur une mission extérieure, cela nous permet de rester intégrés et très cohérents- et de celui des armées, directions et services.

Le ministère et la DRH-MD n’échappent évidemment pas à la révolution numérique. Source Solde, qui entre en phase de tests en grandeur nature, est appelé à remplacer le logiciel de paie Louvois. La marine nationale sera la première à adopter le nouveau calculateur dans les prochains mois. Nous suivons ce dossier comme le lait sur le feu : vous imaginez que nous ne prendrons aucun risque, et certainement pas celui de vivre un deuxième Louvois. Nous sommes vraiment optimistes : Les tests sont très positifs. Il reste que chat échaudé craint un peu l’eau tiède, donc le taux d’erreurs acceptable avant « bascule » est cinquante fois inférieur au taux interministériel.

Nous mettrons en place l’e-social qui permettra à tout militaire, depuis son smartphone ou un ordinateur d’avoir une connaissance détaillée des dispositifs sociaux. Il peut déjà s’informer sur Intradef, mais cet outil n’est pas suffisamment interactif ni accessible à tous. Il faut aussi proposer un accès numérique aux divers dispositifs de l’ARD. Sans être totalement en retard, nous ne sommes pas encore parfaitement à l’heure du numérique. Nous développons de nombreux outils applications pour simplifier, par exemple, l’organisation des commissions administratives paritaires d’avancement (avec Progressio, modèle salué par la DGAFP), le lien entre l’administré et son responsable RH (avec Libellus), ou encore la dématérialisation des comptes rendus d’évaluations professionnelles (avec Esteve).

L’espace numérique sécurisé de l’agent public de l’État (ENSAP), désormais interministériel, était, à l’origine, une initiative du ministère de la Défense. Nous avons été les premiers à le développer, et nous en sommes très fiers.

Je suis aussi haut fonctionnaire à l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons entamé, avec un directeur de projet, un processus de labellisation Egalité, qui sera étendu à l’ensemble du ministère à l’horizon 2022. J’ai déjà évoqué l’article 7 de la LPM, qui permettra aux militaires de mieux concilier vie professionnelle et familiale. Le télétravail pour les personnels civils sera développé. Nous poursuivons les luttes contre tous les harcèlements et toutes les discriminations et les violences. Le travail de la cellule Thémis, initié dans le cadre du plan d’action de 2014, se poursuit. Nous profitons de chaque occasion pour sensibiliser sur ces sujets – c’est par exemple le cas de module de sensibilisation des jeunes lors de la journée défense et citoyenneté (JDC). Nous avons aussi déployé à l’ensemble des responsables du ministère un grand plan de formation de lutte les violences faites aux femmes.

J’espère vous avoir convaincus que les ressources humaines étaient un domaine essentiel pour nos armées. Notre tempo s’articulera avec la démarche Action Publique 2022. Les bonnes pratiques du ministère des armées, ministère peut-être un peu en avance du fait de la gestion en flux de la population militaire, pourraient inspirer les réflexions d’AP 2022. Pour ma part, je me suis mise à disposition des pilotes de ce projet pour leur expliquer notre fonctionnement.

M. le président. Nous vous remercions pour cet exposé. Beaucoup de nos collègues sont déjà convaincus de la nécessité d’approfondir nos relations avec nos soldats afin d’améliorer les conditions de vie et d’exercice des métiers, ainsi que l’évolution des carrières qu’elles soient civiles ou militaires.

Mme Nicole Trisse. Madame, vous avez entrepris un sacré chantier. Chapeau ! Il faut du tonus.

La reconversion professionnelle est essentielle pour les militaires, nombreux à s’interroger sur leur avenir. Malheureusement, ils exercent parfois des métiers techniques qu’ils ne peuvent pratiquer dans le civil – je pense, par exemple, aux sonaristes. La reconversion semble compliquée pour ces techniciens, car elle impliquerait de repartir quasiment de zéro dans une activité totalement différente. Beaucoup de cas de ce type se présentent-ils ? Comment les traitez-vous ?

Nous entendons souvent dire que les formations dispensées aux militaires ne donnent pas les équivalences nécessaires pour travailler dans le civil afin d’éviter des départs trop nombreux. Fidélisation et reconversion sont-elles incompatibles ?

Mme Émilie Guerel. Outre un renforcement du soutien apporté aux militaires blessés et aux familles de ceux qui sont morts au combat, la LPM prévoit des efforts en faveur de la prise en compte, pour le personnel civil, de toutes les formes de handicap. Pouvez-vous nous apporter davantage de précisions à ce sujet ? Quelles sont les améliorations envisagées ?

Mme Françoise Dumas. Madame la directrice, c’est en effet un beau chantier que nous avons devant nous et nous y consacrerons, les unes et les autres, toute notre énergie, car il y a beaucoup à faire.

Le contexte opérationnel intensif a plusieurs effets négatifs sur la reconversion. Le rythme des activités éloigne en effet les militaires, notamment ceux du rang, du parcours de reconversion idéal, dont la durée est de 18 mois selon les recommandations de Défense mobilité. De fait, les militaires passent, en moyenne, beaucoup plus de 200 jours par an en dehors de leur foyer, que ce soit dans le cadre de l’opération Sentinelle ou en OPEX. Selon vous, l’augmentation du nombre d’abandons est-elle due à cette diminution de la disponibilité des militaires liée à la densification de leurs activités opérationnelles ? Cette intensité opérationnelle peut-elle expliquer en partie la baisse du taux de captation ?

Ma seconde question concerne les Centres militaires de formation professionnelle (CMFP), qui s’adressent aux militaires des trois armées et de la gendarmerie. L’ensemble des formations proposées sont réévaluées chaque année, de sorte que les CMFP restent à l’écoute des besoins du marché de l’emploi et puissent répondre aux exigences des employeurs comme des stagiaires. L’accès à ces formations reste-t-il limité par des contraintes familiales ? Il n’existe que deux implantations à ce jour. Envisagez-vous de créer, à court ou moyen terme, d’autres CMFP afin d’en faciliter l’accès et l’utilisation ?

Mme Patricia Mirallès. Pourquoi est-il choisi, à l’article 15, de recourir aux ordonnances pour étendre le congé du blessé et simplifier les procédures des dispositifs de reconversion dans la fonction publique ?

Par ailleurs, des primes incitatives sont actuellement versées aux réservistes : 100 euros par mois pour un étudiant qui s’engage sur cinq ans et effectue au moins 37 jours de service par an et 250 euros en cas de renouvellement de contrat à raison, là aussi, d’un engagement qui ne soit pas inférieur à 37 jours par an. Pouvez-vous nous dire combien de réservistes ont bénéficié de ces primes ? Un engagement minimum de 37 jours ne vous paraît-il pas trop élevé, surtout pour des étudiants ?

M. Ian Boucard. Ma question a trait à la fidélisation. De fait, si l’on recrute, il faut prendre en compte non seulement les fins de carrière et les fins de contrat mais aussi le turnover qui est, semble-t-il, de plus en plus important, notamment dans les nouvelles générations. Selon le rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), trois raisons majeures peuvent inciter les militaires à quitter nos armées. La première tient, et vous n’y pouvez rien, au manque de moyens économiques qui les empêche de remplir leurs missions. Les deux autres, en revanche, vous concernent directement, puisqu’il s’agit, d’une part, de la conciliation de la vie militaire avec la vie privée et, d’autre part, du rythme des mutations. En début de carrière, celles-ci peuvent être un atout mais, lorsqu’on a une famille, les choses peuvent être plus compliquées, à cause notamment de l’intensification des activités militaires, qui renforce le sentiment de « célibat géographique », expression souvent utilisée dans nos armées. Quelles dispositions pouvez-vous mettre en œuvre pour remédier à ce problème, sachant que les mutations font partie du statut militaire ?

M. François André. Dans son article 5, le projet de LPM vise à déterminer la trajectoire des effectifs qui seront créés année après année – les fameux pieds de colonnes que vous avez évoqués. Mais, contrairement à ce qui est prévu pour les agrégats « Équipement » ou « OPEX », cette trajectoire n’est pas traduite en euros sonnants et trébuchants. Pourtant, la maîtrise de la masse salariale – qui pèse tout de même environ 12 milliards d’euros, hors CAS « Pensions », OPEX ou MISSINT – un enjeu majeur, d’autant plus qu’elle sera affectée, dans les prochaines années, par plusieurs facteurs haussiers : les créations d’effectifs, la rénovation du régime indemnitaire et les efforts en matière d’attractivité et de fidélisation, auxquels on peut ajouter l’inévitable GVT (glissement vieillesse technicité), même si la pyramide des âges devrait être plus favorable dans quelques années.

Dans ce contexte, avez-vous – au-delà des 42 milliards que vous avez évoqués pour la totalité de la période – une idée précise de la trajectoire pluriannuelle de la masse salariale, année après année ? Quels leviers comptez-vous activer pour en assurer la maîtrise dans le temps ?

Mme Anne-Sophie Avé. Vous m’étonnez en indiquant que la trajectoire n’est pas affichée. Pour nous, en effet, la trajectoire du titre 2 est assez claire, puisqu’on a le montant, en extension année pleine, d’année en année et, par-dessus, l’évolution. Il y a à la fois l’effet volume – c’est-à-dire les crédits destinés à financer l’augmentation des effectifs – et les fameux 3,5 milliards de mesures supplémentaires qui vont venir abonder le titre 2 sur la période 2019-2025.

La question de la maîtrise du titre 2 est une excellente question. Vous aurez noté que, depuis la mise en place de l’autorité fonctionnelle renforcée (AFR), non seulement nous sommes sur le trait, mais nous présentons un solde excédentaire de 30 à 40 millions d’euros depuis 2015. Nous ne dépensons donc pas la totalité du titre 2. Cela s’explique tout d’abord par le fait, d’une part, que nous n’avons pas réalisé l’ensemble de notre schéma d’emploi – c’est un véritable défi, mais nous devons y parvenir cette année, et j’utiliserai pour cela tous les leviers de gestion dont je dispose – et, d’autre part, que certaines des mesures catégorielles prévues s’appliquent un peu plus tard en raison des délais de publication des décrets. Certes, me direz-vous, sur une masse salariale de 12 milliards d’euros, ces 30 millions d’euros c’est « l’épaisseur du trait ». Mais c’est plus que le complément indemnitaire annuel (CIA) budgété cette année. Au demeurant, cela ne me fait absolument pas plaisir de rendre 30 millions d’euros. L’enjeu, pour moi, est de les dépenser intégralement. Je rappelle qu’avant l’AFR, nous étions en déficit de 300 millions d’euros par an. Le titre 2 est donc largement tenu, il l’est même trop. C’est pourquoi nous allons desserrer légèrement la contrainte sur les recrutements– ce qui est certes plus facile que de la resserrer !

S’agissant de la fidélisation, vous l’avez bien dit : les mutations sont inhérentes au statut militaire et permettent aux personnels des parcours de carrière. Du reste, certains civils sont également soumis à une obligation statutaire de mobilité. Mais il est vrai que la mobilité peut être assez pénible. C’est pourquoi le « Plan famille » prend en compte la situation des conjoints, les accompagne vers un autre emploi et prévoit de faciliter l’inscription des enfants à l’école ainsi que la recherche d’un logement dans la nouvelle emprise. Mais, encore une fois, la mobilité fait partie du statut militaire, et les personnels qui s’engagent le savent.

Par ailleurs, les militaires ne se plaignent pas particulièrement, me semble-t-il, de l’importante rotation d’engagements en OPEX : ils sont plutôt favorables au fait de tourner. À ce propos, je le rappelle, nous avons créé, il y a deux ans, une prime spécifique qui est versée à partir de 150 jours d’activités dans l’année. Certes, il y a une différence entre une année calendaire et une année glissante, mais ils ne sont pas si nombreux que cela à atteindre 200 jours d’activités. Toutefois, le CEMA vous en parlera certainement mieux que moi, les personnels militaires engagés dans l’opération Sentinelle ressentent une forme de pénibilité nouvelle. En effet, cette forme d’engagement ne correspond pas forcément à ce qu’avaient prévu ceux qui s’étaient engagés en pensant partir surtout en OPEX. En outre, les militaires avaient le sentiment, au début de l’opération, d’être des supplétifs des forces de sécurité publique et d’être astreints à de la garde statique. Mais, aujourd’hui, on a trouvé un rythme de croisière. Dans certaines régions, ils se voient même confier la surveillance du territoire, qui relève vraiment de la compétence des armées. Leur action est donc véritablement complémentaire de celle des gendarmes. En matière d’engagement, la situation est beaucoup plus stable.

La conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle sera toujours un enjeu. C’est la raison pour laquelle nous avons ouvert la possibilité de s’engager dans la réserve dans le cadre d’un congé pour convenance personnelle. En outre, chaque régiment, chaque formation d’emploi a des modalités d’organisation spécifiques, définies au plus près du terrain. J’ajoute que l’attention portée aux subordonnés est une des missions premières de l’encadrement militaire, qui doit être attentif à leurs difficultés et leur permettre éventuellement de partir plus tôt. La RH de commandement, de grande proximité, participe de l’intelligence du commandement, qui doit disposer de certaines marges de manœuvre. L’erreur serait d’imposer une limitation horaire, par exemple. C’est aussi grâce à cette souplesse que les militaires sont capables d’intervenir dans de brefs délais sans compter leur temps. Ils récupéreront en temps voulu, en fonction de leur fatigue. C’est au commandement de savoir à quel moment un militaire doit se reposer ; nous n’avons pas tous le même rapport à la fatigue. C’est extrêmement important.

Pourquoi avons-nous choisi de recourir aux ordonnances pour réformer les articles L. 4139-2 et L. 4139-3 ? En réalité, nous ne savons pas encore tout à fait clairement ce que nous voulons faire. Nous savons qu’il faut simplifier la procédure d’accès à la fonction publique car, actuellement, les procédures, notamment celle de la Commission nationale d’orientation et d’intégration (CNOI), qui valide le passage des personnels dans la fonction publique et dont il faut sans doute revaloriser le rôle, sont un peu complexes. Mais nous ne nous sommes pas encore fait une religion sur le sujet. Aussi avons-nous choisi de recourir aux ordonnances, pour nous donner le temps de la concertation avec les armées, avec les trois fonctions publiques susceptibles d’accueillir des personnels militaires, avec les instances de concertation civiles et militaires et avec le président de la CNOI.

Les questions concernant les réservistes sont d’excellentes questions. Le minimum de 37 jours n’est-il pas trop élevé ? Beaucoup d’étudiants ont-ils été attirés par le dispositif ? La durée moyenne constatée l’année dernière était de 37 jours. Au sujet du dispositif étudiants, le dispositif existe depuis moins d’un an ; nous effectuerons donc un retour d’expérience pour évaluer son efficacité, et pour les réservistes et pour les armées.

L’intensité opérationnelle est-elle la cause des abandons ? Je ne sais pas si, lorsque vous l’avez reçu, le chef d’état-major de l’armée de terre vous en a parlé, mais celle-ci utilise un outil de data mining prédictif pour analyser les causes de ruptures de contrat. Leur panel est suffisamment étendu, car ils ont effectué beaucoup de recrutements et les militaires du rang sont nombreux. Il ressort de cette étude que l’intensité opérationnelle n’est pas un motif d’abandon. De mémoire, les ruptures de contrat ont deux causes principales. La première, et l’on ne s’y attendait pas forcément est l’origine géographique : il y a moins de défections chez les personnes originaires d’une région qui a une culture militaire. L’armée de terre n’évite pas pour autant de recruter des Creusois, par exemple, au motif qu’ils seraient moins empreints de culture militaire : ce n’est pas une science exacte. Mais il est intéressant de savoir qu’à défaut de culture militaire, familiale ou régionale, une phase d’acculturation et de présentation est sans doute nécessaire pour que les personnes qui s’engagent sachent mieux à quoi s’attendre. La seconde cause, c’est le régiment d’affectation. Là, bien entendu, l’armée de terre dispose d’un levier, car cet élément ne dépend pas forcément de la situation géographique ; cela peut être lié à l’encadrement ou aux conditions de vie. Recruter et former de nouveaux personnels coûte plus cher que de fidéliser et de renouveler un contrat, puisque nos militaires du rang sont contractuels. C’est pourquoi perdre des gens en cours de route n’est jamais une très bonne nouvelle.

Vous avez évoqué l’attractivité du centre de formation militaire professionnelle et le fait que tous ceux qui le souhaitent ne pourraient pas suivre ses formations car Fontenay-le-Comte n’est pas forcément accessible. C’est pourquoi, nous avons ouvert une antenne du CMFP à Saint Mandrier à côté de Toulon, afin de couvrir le quart Sud Est. Par ailleurs, il pourrait être envisagé selon une échéance qui n’est pas encore déterminée d’ouvrir le même type de section délocalisée du CMPF afin de couvrir le Nord Est de la France. S’agissant de la prise en compte du handicap, le ministère des Armées recrute des personnels en situation de handicap, et nous sommes particulièrement attentifs à nos blessés de guerre, dont certains sont frappés de handicap ; nous avons de facto, hélas ! une expertise dans ce domaine. Du reste, nous avons, depuis longtemps, une Déléguée nationale au handicap (DNH) et une ergonome, qui nous aident à concevoir des postes adaptés. Par ailleurs, le télétravail est une possibilité pour faciliter, quelques jours par semaine, la vie des personnels pour qui les trajets sont pénibles. Nous travaillons également à l’amélioration de l’accessibilité des locaux. Nous menons donc une véritable politique du handicap. Sophie Cluzel, que nous avons accueillie lors de la présentation de notre dernier plan annuel, a d’ailleurs salué les initiatives du ministère en la matière. Encore une fois, nous avons, hélas ! une expertise toute particulière dans ce domaine.

Enfin en ce qui concerne la reconversion, vous avez parfaitement raison, la certification et la traduction des qualifications militaires en qualifications civiles sont un véritable enjeu. C’est pourquoi les différentes armées se sont engagées à augmenter considérablement le nombre des équivalences : il y en aura une dizaine de plus cette année, et cet effort sera poursuivi pendant les trois prochaines années C’est une tendance que nous devons absolument maintenir.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Madame la directrice, je vous remercie pour la clarté de vos propos. Vous avez en partie répondu à ma question, qui portait sur l’article 18, en indiquant que c’est dans un souci de neutralité politique que vous aviez retenu, pour l’élection de militaires au mandat de conseiller municipal, les communes de moins de 3 500 habitants. Mais pourquoi ne pas avoir étendu la possibilité d’exercer une fonction élective au mandat de conseiller communautaire ?

M. Claude de Ganay. Je comptais vous interroger sur les articles 15 et 16, mais vous avez déjà évoqué, en répondant notamment à Françoise Dumas, la simplification des dispositifs de reconversion, le recours aux ordonnances, la préconisation du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire de créer une nouvelle voie d’accès à la fonction publique et l’amélioration du régime indemnitaire pour remédier aux problèmes d’attractivité rencontrés pour le recrutement sans concours de techniciens. Je souhaiterais donc savoir si la prochaine loi de programmation militaire permettra de porter le niveau des rémunérations du Service de santé des armées (SSA) à un niveau comparable à celui de la fonction publique hospitalière.

M. Bastien Lachaud. Vous avez été, en effet, très exhaustive, Madame la directrice. Je comprends bien vos précautions s’agissant du temps partiel dans les armées. Néanmoins, si une femme – ou un homme, mais ce sont bien souvent les femmes qui sont victimes du temps partiel – veut élever son enfant, je crains que lui imposer de basculer dans la réserve ne la prive des avantages qui peuvent être attachés au temps partiel dans d’autres secteurs. Dans la fonction publique, par exemple, un temps partiel de 50 % peut être rémunéré 60 %. Par ailleurs, certains accords de branche prévoient que l’employeur cotise à 100 % pour la retraite. Actuellement, il existe des statuts différents au sein des armées : contractuels, officiers de carrière… Ne pourrait-on pas, sans pour autant remettre en question le statut des militaires, qui sont appelés à servir « en tout temps et en tout lieu », créer un cadre différent dans lequel le temps partiel serait possible pour que les personnes qui souhaitent élever un enfant de moins de huit ans ne soient pas pénalisées ?

M. Christophe Lejeune. Vous avez évoqué les emplois locaux. Il y a encore quelques années, les colonels commandant les bases avaient la possibilité de recruter localement des personnels civils ou militaires. Cette possibilité était, du reste, fort utile pour pourvoir des postes qui sont actuellement en tension ; je pense particulièrement aux fusiliers-commandos, chargés de défendre les enceintes militaires et qui ont vocation à rester sur site. Puisque vous semblez envisager de rétablir les recrutements locaux, je souhaiterais savoir si vous comptez généraliser l’expérimentation ?

Mme Frédérique Lardet. Comme vous l’avez indiqué, diverses mesures concernent la réserve opérationnelle, à laquelle des moyens financiers conséquents, 200 millions d’euros par an, seront consacrés. Ma question porte sur l’amélioration des procédures de versement de la solde des réservistes, qui n’est pas évoquée dans la LPM. Alors qu’un militaire d’active perçoit sa solde mensuellement, le réserviste opérationnel est, quant à lui, assujetti à un délai plus important, tant pour le versement de sa solde que pour le remboursement de ses frais de déplacement. Comment pourrait-on améliorer cette situation, qui peut légitimement nuire à l’investissement des réservistes opérationnels ?

Mme Anne-Sophie Avé. En effet, Madame Lardet, la LPM est muette sur ce point ; nous aurions pu nous engager, dans le rapport annexé, à simplifier les procédures. En réalité, lorsque le réserviste s’engage pour la première fois, il faut tout d’abord créer un dossier, ensuite attester le nombre de jours de service dans le mois, puis mettre sa solde en paiement. Dans ce cas, qu’il s’agisse d’un agent public ou d’un militaire de l’active, le délai entre le déclenchement du paiement et le versement est au minimum d’un mois et demi à deux mois. Nous nous efforcerons donc de ramener ce délai à deux mois ou un mois et demi, mais nous ne pouvons pas aller en deçà, car c’est le délai nécessaire pour que le service fait soit enregistré administrativement. Néanmoins, il existe une suradministration ; nous devons donc mettre de l’ordre dans les circuits de validation du service fait, puis du déclenchement de la solde.

Nous devons évidemment améliorer le dispositif. Mais payer les réservistes, comme cela a été suggéré, comme des pompiers volontaires, c’est-à-dire de façon forfaitaire, me paraît être une mauvaise idée : ce sont des militaires, et non des pompiers volontaires, et ils doivent donc être payés comme des militaires. Leur processus d’avancement est d’ailleurs similaire au leur. Les rémunérer d’une manière différente les décrocherait de la fonction militaire, ce qui n’est évidemment pas souhaitable. Qu’il faille améliorer la gestion administrative pour accélérer le processus de paiement des soldes, je vous le concède, et nous y travaillons. Ce n’est pas du domaine de la loi, mais nous devons mettre de l’ordre dans ce que l’on appelle la chaîne « RH solde », qui a aussi dysfonctionné dans le cadre de LOUVOIS ; nous y travaillons évidemment d’arrache-pied. Les 53 000 déflations que nous avons connues ont amené le ministère à se réorganiser, parfois un peu brutalement, de sorte que certaines compétences ont disparu. Ainsi, nous pansons les plaies causées par la suppression des centres territoriaux d’administration et de comptabilité (CTAC) de l’armée de terre, suppression qui est en grande partie à l’origine des dysfonctionnements liés à LOUVOIS, puisque les personnels qui avaient les compétences nécessaires pour rectifier les erreurs n’étaient plus là.

Allons-nous généraliser le recrutement local ? J’aimerais bien. Je vais vous donner un exemple. Les ouvriers de l’État peuvent être recrutés par l’établissement dans lequel ils seront employés. Nous devions pourvoir 50 postes à Neuvy-Pailloux. Je n’ai pas de réserves particulières pour les petites villes mais, si j’avais publié une annonce dans Le Parisien, je ne suis pas certaine que j’aurais reçu beaucoup de candidatures. Or, en publiant des annonces locales et en nous appuyant sur le vivier d’apprentis présents dans la région, nous en avons reçu 300 ! Je crois profondément au recrutement local. Si vous dites à une personne qui vit à proximité de Neuvy-Pailloux, veut y travailler et sait qu’un poste y est à pourvoir qu’elle doit aller passer un concours à Paris et qu’elle aura le poste dans un an, il n’est pas impossible qu’elle se décourage. Il faut pouvoir saisir la ressource là où elle est. C’est l’objet de l’expérimentation que nous menons. Si nous pouvions la généraliser, ce serait un véritable atout non seulement pour simplifier ces recrutements mais aussi pour remplir les trous, car une équipe incomplète est une équipe en souffrance. Nous avons tout intérêt à recruter rapidement des gens qui sont heureux de trouver le poste qu’ils cherchent et à compléter ainsi nos équipes.

Bien entendu, nous n’imposerons absolument pas le congé pour convenance personnelle : c’est l’agent qui doit en faire la demande, laquelle sera agréée ou non par son gestionnaire. Pourquoi pas ne pas autoriser le temps partiel ? Le militaire est appelé à servir en tout temps et en tout lieu et, à ce titre, il perçoit une « indemnité pour charges militaires », qui vise à compenser les frais liés à cette disponibilité. Un militaire à temps partiel qui, par définition, ne serait plus appelable à tout moment, serait privé de cette indemnité. Il y perdrait donc beaucoup plus qu’en servant en tant que réserviste, pour une durée qui peut aller jusqu’à 120 jours. Si l’on veut s’arrêter pour élever ses enfants, on doit pouvoir s’adapter ; ce n’est une obligation pour personne. Surtout, ils continueront à accumuler des droits à l’avancement et à la retraite. Cette solution a, du reste, reçu un accueil extrêmement favorable dans les armées. Elle est, en outre, parfaitement compatible avec le statut militaire. Il me semble que si l’on rapprochait la fonction militaire de la fonction publique, nous banaliserions le statut militaire et nous risquerions de le regretter, à terme.

Quant au SSA, vous avez parfaitement raison, c’est une véritable question. À mon niveau, outre que je l’aide autant que possible à recruter, je peux faire deux choses. Tout d’abord, le SSA va passer en avance de phase dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération. Les praticiens seront donc les premiers à bénéficier d’une réforme indiciaire et indemnitaire – nous avons déjà passé une mesure indemnitaire d’urgence au guichet unique, que je pousse en avance de phase. Il s’agit de fidéliser les praticiens et de leur offrir des conditions similaires à celles dont bénéficient ceux de la fonction publique hospitalière. Ensuite, nous allons recruter des contractuels civils, puisque les médecins militaires peuvent être projetés. À cette fin, nous avons négocié avec notre contrôleur budgétaire la possibilité de leur offrir des conditions d’emploi sous statut de contractuel – puisqu’il n’existe pas, pour les médecins, de corps d’accueil dans la fonction publique – et de les rémunérer à des niveaux suffisamment attractifs. Mais il faut que nous réfléchissions également à un « package social » d’accompagnement, comme dans la fonction publique hospitalière, en traitant les questions de logement et de primes dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Vous avez évoqué la proposition du HCECM de créer une nouvelle voie d’accès à la fonction publique, en particulier dans les métiers de la police ou de la sécurité. Sur ce point, une fois n’est pas coutume, je ne suis pas d’accord avec le président du HCECM. Tout d’abord, les voies d’accès sont déjà nombreuses. C’est pourquoi nous voulons rationaliser le dispositif en réformant les articles L. 4139-2 et L. 4139-3. Les ministères ne s’y retrouvent plus et ne savent plus comment recruter. Ensuite, dans le cadre d’une reconversion, nos militaires ont une faible appétence pour le domaine de la sécurité. On leur a offert la possibilité d’être titulaire d’une carte du CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité), et l’on s’aperçoit que cela n’a pas eu d’impact majeur en 2017 sur le reclassement des anciens militaires sur les métiers de sécurité. Ils ont peur, précisément, qu’on les y cantonne. De fait, ils ont des compétences bien plus diverses, qui peuvent être employées dans des métiers bien plus nombreux que ceux de la seule sécurité. En outre, ils bénéficient d’ores et déjà d’un accès à la sécurité privée, grâce à la carte CNAPS, et à la police, par la voie du 4139-2. La voie d’accès aux métiers de la sécurité existe déjà. Il n’est donc pas besoin, selon moi, de créer une voie d’accès particulière, d’autant que cela nécessiterait probablement d’établir un dialogue avec les syndicats de police, ce que nous ne souhaitons pas compte tenu des possibilités actuelles.

Enfin, pourquoi ne pas songer aux fonctions de conseiller communautaire ? Il fallait ouvrir une voie et, comme à chaque fois, dans un premier temps, nous le faisons avec modestie. On ne sait pas quelle appétence vont avoir les militaires pour cumuler, puisque ce sera désormais possible, les fonctions de conseiller municipal avec des fonctions militaires. Ceux d’entre vous ici, nombreux peut-être, qui exercent des mandats municipaux savent l’engagement que cela nécessite, ils ne le font pas à leurs heures perdues ; or nos militaires, dans la mesure où tout ce qu’ils font, ils le font à fond, vont se rendre compte ce que représente comme investissement le fait d’être conseiller municipal. On verra en marchant l’intérêt pour eux d’exercer cette fonction et l’on envisagera ensuite qu’ils puissent également devenir conseillers communautaires.

M. le président. Je puis vous assurer, Madame, en tant qu’ancien maire, que les élus municipaux consacrent tout leur temps à leur tâche.

Mme Anne-Sophie Avé. J’ai moi-même été conseillère municipale et c’est pourquoi j’en parle en ces termes.

Mme Laurence Trastour-Isnart. En ce qui concerne les besoins en compétences rares et hautement qualifiées, l’attractivité de la rémunération n’est pas toujours à la hauteur de ce que peuvent proposer les industriels. Comment réussir à fidéliser des compétences qui sont indispensables à notre armée pour relever ses défis ? Existe-t-il des passerelles entre les armées et les industriels de la défense ?

M. Yannick Favennec Becot. Madame la directrice, je souhaite vous interroger sur le décret du 29 décembre 2017, qui a reporté d’un an les mesures statutaires prises dans le cadre du protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations et à l’avenir de la fonction publique. Alors que la prochaine LPM prévoit des mesures significatives pour améliorer la vie de nos soldats, et nous nous en réjouissons, ce report, qui concerne la rémunération et donc la condition militaire, suscite des interrogations mais également une certaine déception parmi les personnels concernés. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les motifs de ce report ?

M. Olivier Becht. Nous nous félicitons des 1 500 emplois supplémentaires affectés à la cyber-défense et à l’intelligence artificielle. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les effectifs initiaux ? Nous avons du mal en effet à avoir une version consolidée de l’ensemble des emplois consacrés à la cyber-défense et à l’intelligence artificielle dans les armées, et donc à connaître la marge de progression que représentent ces 1 500 emplois.

D’autre part, en matière de transformation numérique de la fonction RH, pouvez-vous nous donner les détails sur le développement des différents logiciels utilisés ? Je comprends que le système LOUVOIS ait un peu refroidi les ardeurs en matière de développement interne, mais l’externalisation préserve-t-elle la souveraineté numérique ? Fait-on essentiellement appel à des logiciels et des entreprises françaises ou européennes ?

Mme Séverine Gipson. Ma question rejoint celle posée par notre collègue Lejeune et concerne l’article 16 du projet de LPM, au sujet de l’emploi local. Pouvez-vous nous donner des précisions sur la détermination des zones géographiques retenues à titre expérimental ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Lors de mes déplacements sur le terrain, on a appelé mon attention sur les difficultés particulières rencontrées par les soldats qui vivent dans les enceintes militaires situées dans des régions où les loyers sont tels qu’ils ne leur permettent pas de louer à l’extérieur ; militaires par ailleurs séparés ou divorcés de leur conjoint et souvent dans l’impossibilité d’accueillir leurs enfants faute d’installations, au point parfois de devoir aller à l’hôtel, ce qui ce qui occasionne des frais supplémentaires difficilement supportables compte tenu de leurs revenus. Ces situations délicates, mais loin d’être isolées et même de plus en plus fréquentes, sont-elles prises en compte ?

M. Philippe Chalumeau. Ma question porte sur l’écart des salaires entre le domaine public – ici, donc, les militaires – et le secteur privé. Des dispositifs, en la matière, sont-ils prévus par le projet de LPM ? Existe-t-il des systèmes de repérage pour tous ces nouveaux métiers pour lesquels les écarts de salaires se creusent ?

M. Thibault Bazin. Comment avez-vous intégré, Madame la directrice, la réforme annoncée des retraites ? Plus particulièrement, l’enveloppe LPM permettra-t-elle des compensations aux sujétions imposées afin que l’armée reste attractive ? Quelle est votre latitude ?

Mme Anne-Sophie Avé. Pour ce qui est des compétences rares, de l’attractivité des rémunérations, des industriels, des écarts de salaire, tout dépend de qui, de quoi, comment et où. Il est clair que quand vous travaillez à l’atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Bordeaux avec une compétence en maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique et que vous avez Dassault à proximité, c’est une vraie question. Au sein de la DRHMD, nous avons organisé des commissions ressources humaines (CRH) de familles professionnelles, qui nous permettent d’identifier les besoins pour l’ensemble du périmètre ministériel, quel que soit le statut, quelle que soit la couleur de l’uniforme ; à partir de là, nous construisons une réponse.

Prenons l’exemple, précisément, du MCO aéronautique qui a été le combat, ces cinq dernières années, de la DRH et du précédent ministre ; combat, dont le cabinet avait compris toute l’utilité, pour le maintien du statut des ouvriers de l’État. Certes, il s’agit d’un statut exorbitant du droit commun, qui permet de liquider assez tôt une retraite à un taux particulièrement intéressant, de bénéficier des dispositions concernant les travailleurs de l’amiante, mais aussi un statut dont les modalités d’avancement sont particulièrement favorables mais reposant sur des examens professionnels – comme s’il s’agissait d’un compagnonnage – sur l’ensemble de la carrière. Ce statut est certes un peu plus attractif en termes de salaire ; surtout, il nous a permis de recruter et de fidéliser des compétences qui seraient parties, sinon, vers l’industrie. J’évoque ici des contrats civils.

Pour ce qui est des personnels militaires, nous réfléchissons, dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération, à l’instauration de primes spécifiques de haute qualification et, à très court terme, nous allons nous efforcer de donner une visibilité aux parcours de carrière et à l’évolution des rémunérations. Les modalités de rémunération ne sont pas tout à fait les mêmes selon qu’il s’agisse de civils ou de militaires. Reste, j’y insiste, que faire preuve d’attractivité vis-à-vis des industriels qui souhaitent capter ces compétences est un sujet de préoccupation.

Ensuite, il faut bien avoir présent à l’esprit, et c’est un phénomène générationnel, que les jeunes qui exercent ces métiers – en particulier ceux liés à l’informatique –, ne souhaitent plus rester chez le même employeur pendant trente-cinq ans. Nous devons donc nous montrer capables de faire ce que nous faisons dans les armées, à savoir proposer des contrats de trois ou six ans à de jeunes geeks qui sortent de l’école pour qu’ils se réalisent pleinement dans des projets qu’ils n’auraient jamais réalisés dans le monde privé : comme la cyberdéfense, au service de l’État, ou le renseignement. Et après, ils iront gagner de l’argent dans les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Nous ne pourrons jamais nous aligner, en matière de rémunération mais, en fin de compte, nous aurons eu des gens très motivés qui, pendant quelques années, nous auront donné le meilleur d’eux-mêmes et auront acquis une expérience. Tous ceux qui ont des compétences et qui sont employables dans le privé savent bien qu’on ne travaille pas pour l’État pour gagner de l’argent – mais nous avons d’autres moyens de motivation qu’il faut savoir valoriser.

Le décret de de report du PPCR, vous le savez, est une mesure générale qui s’est appliquée aux personnels militaires comme aux personnels civils. Le PPCR a connu plusieurs phases, une première a concerné les fonctionnaires et une seconde phase était décalée pour tous les corps en uniforme. Les militaires ne sont donc pas les seuls concernés par ce retard. Ainsi toutes les assistantes sociales, également très sollicitées, sont aussi soumises au décalage d’un an. Il faut rattacher ce retard d’un an à deux éléments : l’un aggravant, l’autre consolant. La fonction publique a en effet systématiquement transposé les mesures indiciaires avec retard pour les militaires. En effet, si le code de la défense précise bien que ces mesures « sont transposées dans les mêmes termes », il ajoute : « sous réserve des adaptations nécessaires » ; or les grilles indiciaires ne comptent pas le même nombre d’échelons, le même nombre de grades et il faut donc les adapter. Reste que cette adaptation a souvent été comprise, pour des raisons de volume et de prix, d’un point de vue calendaire, si bien que les militaires ont l’impression que le report du PPCR ne concerne qu’eux seuls, ce qui n’est encore une fois pas le cas. J’en viens à l’élément consolant : les personnels militaires ont bénéficié, dans le cadre de l’amélioration de la condition du personnel, depuis 2015, de diverses mesures indemnitaires pour un montant global qui sera, en 2019, de 650 millions d’euros. Cet effort assez considérable a été évidemment orienté vers l’opérationnel et la qualification, secteurs où les primes ont été, dans certains cas, doublées ou tout au moins considérablement augmentées. Celui qui n’est plus engagé, qui travaille dans un bureau, qui n’a plus de mission militaire, n’a pas été revalorisé. L’urgence était l’opérationnel, cœur de métiers des armées, et les compétences rares. Pour le reste, nous veillerons à y remédier.

On m’a par ailleurs interrogée sur le stock d’emplois cyberdéfense et renseignement. Si vous me demandez quels sont les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), il va de soi que je ne vais pas vous répondreet si vous m’interrogez sur les autres services de renseignement, je jouerai également les violettes (Sourires). Il est toutefois difficile de déterminer le stock, en volume comme en qualité, car comment savoir où commence et où s’arrête le renseignement : de l’interprétateur de photos aux pérateurs d’écoutes, en passant par de nombreuses fonctions et compétences qui nous échappent à tous ? Je peux néanmoins vous assurer que renforcer ces effectifs de 1 500 personnes est considérable par rapport à la situation actuelle. N’oublions pas qu’une grande partie de ces missions sont exercées par les armées elles-mêmes.

Vous m’avez demandé par ailleurs si nous allions continuer à tricoter à la main nos applications informatiques. Non. Je crois que le in-house a assez vécu. Ce n’est cependant pas une raison pour nous mettre entièrement entre les mains d’un opérateur extérieur. Une mission en charge des projets de transformation de la fonction RH (MTRH), à la DRHMD, est chargée, notamment de réaliser des prototypes, de réfléchir aux cahiers des charges fonctionnels ; ensuite nous passons un marché et nous veillons à ce qu’un de nos services soit capable d’assurer la maintenance de ces systèmes. Nous évitons par conséquent de passer totalement la main – nous n’achetons pas tout sur étagère. Nous avons des contraintes de sécurité et d’hébergement sur certains serveurs qui nous interdisent d’utiliser LinkedIn pour gérer le personnel et les compétences.

Pour ce qui est de l’article 16 du projet de LPM, nous avons repéré les zones géographiques où nous avions le plus de difficultés à recruter. Nous avions initialement imaginé intégrer plus de régions mais comme on nous a fait savoir que le champ d’une expérimentation devait être un peu plus limité, nous l’avons réduit aux quatre régions qui présentaient le plus de problèmes. Vous constaterez que l’Île-de-France en fait partie : nous avons en effet beaucoup de mal à recruter dans cette région – pas à Paris même, où les personnels civils bénéficient des primes de l’administration centrale, mais, par exemple, à Saint-Germain-en-Laye ou à Rambouillet. Il serait plus simple de recruter localement.

M. Thibault Bazin. Il faut délocaliser…

Mme Anne-Sophie Avé. On pourrait délocaliser à Tours. Les personnels de l’administration centrale qui désormais s’y trouvent, malgré quelques réticences à la mobilité, y sont très heureux étant donné leur qualité de vie – et je ne dis pas cela parce qu’il y a parmi vous un éminent représentant de la Touraine.

M. le président. Nous ne nous sommes pas encore délocalisés à Tours pour réunir la commission…

M. Thibault Bazin. Venez en Meurthe-et-Moselle, il y a le TGV !

Mme Anne-Sophie Avé. En effet. Toutes les régions de France ont des atouts.

J’en viens à la question des militaires séparés de leurs enfants. Cette question fait partie du plan famille et, dès le 1er février, nous avons mis en place une aide qui peut aller jusqu’à 3 800 euros par an et qui est versée au militaire pour qu’il puisse accueillir ses enfants, dans le secteur privé ou dans une des nombreuses emprises de l’IGESA (Institution de gestion sociale des armées) avec des studios ou des appartements que les militaires peuvent louer pour leur famille. Cette aide comporte une nouveauté : elle est accordée sur simple demande et nous ferons le contrôle a posteriori. L’idée de cette simplification administrative nous est venue au moment où vous étiez en train d’examiner le projet de loi pour la confiance dans la vie politique, qui prévoyait en particulier le droit à l’erreur. Nous nous sommes dit que nous n’allions pas attendre la décision du juge donnant éventuellement un droit de visite car le moment où l’intéressé a le plus besoin d’être aidé, c’est celui de la séparation, et a fortiori s’il n’y avait pas entre lui et son conjoint de lien contractuel, à savoir s’il n’était ni marié, ni pacsé, mais en concubinage.

En ce qui concerne la réforme des retraites, vous vous doutez bien que dès la lecture des programmes des candidats, nous avons essayé de savoir, selon le cas de figure, comment nous réagirions et comment nous nous adapterions au projet de réforme qui serait engagé. Nous n’avons pas encore une vision très claire de ce que ce sera exactement cette réforme ni comment se passera la période transitoire. Aussi formulons-nous des hypothèses ; nous avons conçu de nombreuses petites matrices pour imaginer comment intégrer les fondamentaux des pensions militaires : les carrières courtes et les bonifications. Nous avons d’ores et déjà quelques idées de compensations possibles. La ministre a rencontré M. Jean-Paul Delevoye, nous-mêmes sommes en contact avec les équipes de ce dernier, même si rien n’est encore fixé. Nous parvenons néanmoins à anticiper : nous avons examiné les dispositifs notionnels tels qu’ils ont été appliqués dans certains pays ; nous y avons interrogé les armées pour savoir comment elles s’étaient adaptées et elles nous ont indiqué les erreurs à ne pas commettre. Bref, nous avons un plan de bataille, mais vous savez bien que la première victime de l’engagement, c’est le plan. Reste que nous nous adapterons. Notre objectif, j’y insiste, est de retrouver nos petits concernant la valorisation des bonifications et les carrières courtes. (Applaudissements.)

M. le président. Merci beaucoup, Madame, pour toutes ces précisions et pour votre clarté sur un sujet très complexe et même parfois bien opaque.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. François André, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Ian Boucard, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, Mme Émilie Guerel, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, Mme Frédérique Lardet, M. Christophe Lejeune, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, M. Gwendal Rouillard, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Nicole Trisse, M. Stéphane Trompille, M. Patrice Verchère

Excusés. – M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, M. Florian Bachelier, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Luc Carvounas, M. André Chassaigne, M. M’jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, M. Christian Jacob, M. Jean-Michel Jacques, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jacques Marilossian, M. Franck Marlin, Mme Sereine Mauborgne, Mme Natalia Pouzyreff, M. François de Rugy, M. Thierry Solère, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson

Source: Assemblée nationale

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