L’Adefdromil publie bien volontiers l’intégralité de l’article « Projecteur, rétroviseur, GPS » du contrôleur général des armées Duval que la Revue de la Défense Nationale (RDN) lui a demandé de réduire pour une publication seulement en Octobre 2010 sous forme de billet.
Le CGA (c.r) estime que la défense de notre pays a des difficutés à faire un outil combiné.
La Rédaction de l’Adefdromil
Projecteur, Rétroviseur, GPS…
Pour décrire la sitution de la défense de la France, trois outils sont de plus en plus utiles en particulier dans l’armée de terre et la marine, armées où le Passé pèse toujours très lourd. Il est vrai que la fidélisation retient sans doute le chef d’état-major de l’armée de terre plus que ses homologues, le rapport du HCECM institué par le dernier SGM (celui de 2005) insiste sur cette question cruciale, mais somme toute logique, voulue par la représentation nationale dont la mission principale est de faire la loi.
Pour tenter de comprendre la situation actuelle, il suffit d’utiliser les trois instruments qui servent de titre à cet article.
PROJECTEUR :
Le projecteur est-il seulement cet outil que l’on perçoit sur les véhicules 4*4 servant à la chasse au gros gibier? Nous ne le pensons pas depuis que, selon le rapport de présentation des dernières lois de programmation, la projection désigne non seulement un banal outil mais aussi et surtout une démarche que l’on pourrait, faute de mieux, qualifier de « prospective ». Mais le projecteur désigne surtout une opération plus qu’un instrument connu des militaires depuis longtemps.
L’armée de façon générale et, l’armée de terre en particulier, est incitée à faire de la projection c’est à dire qu’elle doit avoir une certaine aptitude à être transférée hors de nos frontières hexagonales en un temps très court, on l’a vu lors d’opérations « africaines » lorsque le budget militaire de la France
permettait de louer à la Russie des capacités de transport. Demain si le projet voit le jour, l’armée de l’air aura peut-être les capacités d’enlèvement nécessaire, mais il semble que le CEMAA, car la projection notamment de l’armée de terre est impossible sans le concours de l’armée de l’air ou de la marine, semble exprimer quelques doutes en la matière en posant clairement la question :
« comment satisfaire les besoins opérationnels »…..Cet avion polyvalent s’appelle l’A400M…..En attendant, il convient d’étudier toutes les mesures transitoires possibles et de décider en ciblant bien les effets et en couvrant tout le panel des missions……..L’acquisition ou la location de cet avion (le C130J fait partie des options, dit le CEMAA quelques lignes avant, permettrait de compenser une
partie du déficit en transport tactique, capacité requise, faut-il le souligner, sur tous les théâtres d’opérations. Dans le même temps, nous tâcherons de preserver une partie de la flotte de Transall….. »
Dans ces conditions comment faire de la projection qui soit nationale comme le suggère le livre blanc sur la défense de 2008 et le rapport du Sénat, de façon moins directe, sur le budget 2010.
Selon le site internet de l’Elysée, la projection « en tant qu’intervention extérieure se définit comme l’engagement de moyens civils ou militaires pour faire cesser ou à tout le moins pour limiter une atteinte majeure à la sécurité nationale ou pour remplir nos engagements internationaux en cas de guerre ou de crise internationale. La décision d’une intervention extérieure armée est parmi les plus lourdes que l’autorité polititique doive prendre. »
RETROVISEUR
Cet instrument peut jouer un rôle mais les conditions sont-elles réunies tant l’histoire semble méconnue. La nation n’a t-elle pas fait bloc en sens inverse lorsque le Parlement a voté, semble-t-il, sans faille la suspension de la conscription. L’exposé des motifs de la loi du 28 octobre 1997, tout comme le rapport de M le député Burlaud, suspendant la conscritption est sans appel à ce sujet et peut servir d’illustration à un vieux dicton, bien connu. Tenons nous en à deux intertitres de M Bourlaud = « le service national n’est plus en phase avec l’évolution des besoins militaires » et « les formes civiles ne peuvent justifier le maintien du service national »
Mr Vinçon dit que l’article 112*1 du code « tire les conséquences de la réversibiltité de la suppression de l’appel au contingent, principe sur lequel s’était établi un consensus naturel entre l’Assemblée nationale et le Sénat, dès le printemps 1996, lors des débats relatifs à l’avenir du service national », Notons aussi que M Boyon dès janvier 1997 soulignait que « la transition d’une armée mixte à une armée professionnalisée est délicate, surtout à coût budgétaire total constant. Il n’y a, ni droit à l’erreur ni droit à l’échec. Nous ne pouvons ni exposer nos armées à la désorganisation et au désordre, ni compromettre ou tuer l’esprit civique et l’esprit de défense ».
C’est cela aussi le rétroviseur qui montre que pour plaire à certains on a confondu precipitation et vitesse. Mais il y a plusieurs rétroviseurs : celui de chaque armée et celui du décideur politique : ainsi l’histoire nous apprend que l’Afganistan fut le cimetière de l’armée anglaise tout comme il fut celui de l’armée soviétique ; la catastrophe serait que demain il ne devienne le cimetière de l’OTAN engagée sur cette terre difficile.
Le sercice civique n’est dans ces conditions que la confirmation d’un Acte de démobilisation collective voulue par la nation. Il est vrai qu’on ne peut être et avoir été, selon le « PHILOSOPHE »
Le rétroviseur, outre cet aspect relativement récent (loi de 1997), ne peut être dissocié du fait que l’armée de terre est devenue prisonnière du territoire dans sa définition corrigée de 1873 et subit les conséquences d’une histoire trop tournée vers l’Est,
Tels sont les deux aspects fondamentaux de ce que nous appelons le « rétroviseur »: on ne peut et ne doit jamais faire fi de l’histoire.
GPS
Dans ces conditions n’était-il pas préférable de recourir à cet instrument inconnu hier mais que l’on trouve dans beaucoup de véhicules, aujourd’hui, le GPS. Plutôt que d’assimiler vitesse à précipitation n’était-il pas préférable de faire un peu de positionnement fût-il global c’est à dire relativement imprécis? Lors du vote de la dernière loi de programmation, la représentation nationale a fait, sauf erreur, un large usage du Global Positionning System dans un rapport que nous avons qualifié d’encyclopédie de la défense, on peut ajouter que les sénateurs avaient, semble-t-il, opté pour un examen de même style en présentant le budget de la défense pour 2010.
Le livre blanc 2008 apparaît ainsi, sinon comme un vœu pieux et raisonné mais dans l’inégalité face à la défense de la patrie, tentant de fusionner en un seul instrument trois outils difficiles à assembler pour en faire un bon outil combiné. C’est sans doute ainsi que la défense de la France, parfaitement comprise par des acteurs potentiels avant tout soucieux de leur peau et, sans doute inconsciemment d’une France plongée dans l’inégalité et incités par une médiatique compassionnelle de circonstance en viennent à confondre le projecteur dont ils font partie sans se soucier du rétroviseur (qui a priori ne les concerne pas) agissant ainsi à la façon des représentants réunis de la Nation préfèrant aller dormir en oubliant le troisième outil sur les bancs d’une assemblée nationale éparse, sans âme ou ressort, blasée par ces questions d’un autre temps mais qui sont cependant de pleine actualité.
NOTE : par rapport au texte soumis à la RDN, le CGA (c.r) Duval a modifié une phrase et supprimé une autre. Il attire l’attention sur le résultat du scrutin de quelques lois à caractère militaire, il est assez fréquent qu’on ne trouve pas de scrutin public.
Note de l’Adefdromil:
Le contrôleur général des armées (CR), Eugène-Jean Duval est l’auteur, entre divers titres, de :
– L’Armée de terre et son corps d’officiers, Addim, 1996 ;
– La Couverture du risque en milieu militaire, Addim 1998 ;
– Étapes de la citoyenneté des militaires, société des Écrivains, 2000 ;
– Regards sur la conscription militaire 1790-1997, La Documentation française, 1997.
Il a aussi écrit :
– la révolte des sagaies – Madagascar 1947
– Le sillage militaire de la France au Cameroun (1914-1964)
– Aux sources officielles de la colonisation française en 3 tomes – Editions de l’Harmattan -, le tome 1 a été publié par les éditions Theles.
– Un roman à forte dominante autobiographique, paru chez Theles, et intitulé « à la croisée des chemins ».