Proposition de loi de M. Jacques Myard visant à créer une unité disciplinaire d’insertion pour les jeunes

Extrait de l’Exposé des motifs

Les violences urbaines auxquelles la France fait face depuis plusieurs années ont mis en évidence une crise d’intégration. Une faible minorité de jeunes des banlieues vivent en marge de la société, et développent même un mépris de la France qui s’exprime par une violence faite à l’autorité de l’État et aux fondements du pacte républicain.

Ce phénomène d’exclusion est très complexe et ne s’explique pas par une seule cause : la démission de certains parents de leurs responsabilités dans l’éducation de leurs enfants, l’absentéisme et l’échec scolaire qui en découlent hypothèquent toute chance pour ces jeunes de trouver un emploi et de s’insérer par le travail. Cette marginalisation progressive d’une partie de la jeunesse crée une fracture au sein de la société, et parfois un repli communautariste fondé sur le mépris des valeurs républicaines, avec la violence comme moyen d’expression.

L’école a longtemps été le socle de l’intégration française. Or force est de reconnaître qu’elle n’est plus en mesure de remplir son rôle pour toute une frange de la jeunesse des quartiers difficiles. Les enseignants n’ont par ailleurs pas vocation à se substituer aux parents qui n’inculquent pas à leurs enfants les règles les plus élémentaires de la vie en société.

Or la vie en société ne peut se concevoir sans le respect du principe d’autorité qui permet à tout modèle social de fonctionner. La première incarnation du principe d’autorité se situe au sein des familles. C’est l’autorité parentale. Lorsque les parents n’assument pas leur devoir d’autorité parentale, l’autorité des maîtres à l’école en est d’autant plus affaiblie. Ce processus ne peut aboutir qu’à un rejet pur et simple de l’autorité de l’État, qui, lorsqu’elle est incarnée par la force publique, est perçue comme une agression systématique. C’est ainsi qu’un véritable climat d’affrontement s’installe dans nos banlieues, lorsque des jeunes prétendent s’approprier un quartier dans lequel les forces de l’ordre sont considérées comme des intruses. Il est rare qu’ils ne deviennent pas de multirécidivistes.

Or la prison n’est pas un remède pour ces jeunes qui ne peuvent en sortir qu’endurcis dans une délinquance plus violente, sans aucune perspective de réinsertion. Nombre de délinquants sortis de prison ressortent avec une aura réelle auprès des plus jeunes qui les suivent alors sur la voie de la délinquance. De surcroît, en prison, les jeunes délinquants font la rencontre des intégristes religieux, et se font embrigader.

L’ampleur des violences urbaines de ces derniers mois a montré un nombre insoupçonné de jeunes délinquants qui, bien que ne représentant qu’une minorité des habitants des quartiers défavorisés, ne peut aboutir qu’à une situation de guerre civile dans les années à venir si aucune réponse adaptée n’est apportée par les pouvoirs publics.

L’impunité systématique conduit, quant à elle, à une surenchère de la violence au mépris du droit des victimes. Si la prison n’est pas la solution pour ces jeunes délinquants, l’on ne peut accepter l’impunité systématique qui conduit à la surenchère de la violence au double mépris du droit des victimes et de l’ordre républicain. Dès lors il faut créer des structures nouvelles qui redonnent aux condamnations de la justice leur rôle légitime de sanction et de réinsertion.

La nécessité de placer les jeunes délinquants dans des centres éducatifs adaptés et fermés est connue depuis longtemps, dès lors que ces comportements ont pour origine un défaut d’éducation doublé d’un échec scolaire et d’une marginalisation confortée par la perspective du chômage. Toutefois, les structures existant aujourd’hui n’ont eu que des résultats limités, voire mitigés.

Les centres fermés définis par l’article 33 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante reposent sur un suivi individuel à la fois éducatif et psychologique, doublé d’une contrainte d’enfermement qui ne peut produire de résultats qu’avec l’adhésion du jeune au modèle éducatif proposé. Or cette idéologie angélique du consentement, qui impute tout échec à l’environnement du jeune en le déchargeant de ses responsabilités, ne fonctionne que pour certains types de personnalités capables de discerner leur intérêt à long terme et de légitimer l’autorité de l’éducateur. Dans la majorité des cas, seul un modèle ayant pour préalable et non pour finalité la contrainte visant le rétablissement du principe d’autorité peut produire des résultats.

La discipline d’un type militaire a depuis longtemps montré sa capacité d’intégration et de formation pour les jeunes les plus difficiles. Le service national a longtemps rempli ce rôle pour de nombreux jeunes quelle que soit leur origine. Le succès du modèle d’intégration militaire repose sur la conjonction de deux de ses principes les plus stricts que sont l’égalité face aux contraintes, et l’universalité d’une discipline qui s’impose tant au supérieur qu’au subordonné. La cohésion nécessaire à l’accomplissement de toute mission permet de gommer les inégalités sociales, légitimant le principe d’autorité sur l’expérience et le mérite.

L’opération « Défense deuxième chance » lancée il y a quelques années a pour but de recréer cette possibilité d’insertion par un apprentissage en milieu militaire disparu avec le service national. Toutefois, cette opération est fondée sur le volontariat, et ne peut se substituer à une peine de prison dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve. Elle s’adresse donc non à des jeunes délinquants, mais à des jeunes majeurs « en voie de marginalisation sociale » repérés au cours des JAPD.

En 1986, l’Amiral Brac de La Perrière avait lancé les Jeunes en Équipe de Travail destinés à accueillir pour des stages de quatre mois les mineurs délinquants dans des structures encadrées par des militaires, dans le cadre du placement dans un établissement spécialisé prévu par l’article 10 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. En plus de 15 ans d’existence, cette opération a permis d’accueillir plusieurs milliers de jeunes réputés parmi les plus difficiles, avec un bilan très positif. Toutefois, s’agissant de structures associatives ayant passé des conventions avec l’administration pénitentiaire et le Ministère de la Défense, lequel leur mettait à disposition le personnel d’encadrement, les JET n’ont pas survécu à la professionnalisation des armées dans une période où les effectifs sont comptés pour des raisons budgétaires.

La présente proposition de loi a donc pour objet de créer sous la forme d’Unités Disciplinaires d’Insertion et d’Éducation, une structure permettant l’éducation civique, la formation professionnelle, et la réinsertion des délinquants mineurs ou jeunes majeurs par le biais d’un encadrement et d’une discipline militaires…..

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