Question écrite n° 02195 de M. Christophe Priou (Loire-Atlantique – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 23/11/2017 – page 3629
M. Christophe Priou attire l’attention de Mme la ministre des armées sur la revue stratégique qui doit fixer le cadre stratégique de l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire (LPM). En effet, dans un monde qui réarme, les menaces se multiplient, nous allons devoir faire face à différentes surprises stratégiques. Le monde réarme y compris et surtout dans le domaine naval avec la réaffirmation des États-puissance. C’est en quelque sorte un retour de la compétition militaire. La revue stratégique le souligne : « la Chine et la Russie détiennent des capacités souvent supérieures en nombre aux capacités européennes, mais encore sont engagées dans une politique de modernisation capacitaire et de rattrapage technologique ». Pour nos armées et particulièrement la marine, la multiplicité des menaces oblige à renforcer nos capacités de combat, de démonstration de puissance, et donc à maintenir un haut niveau de protection des unités, sous peine de se voir contester l’accès à certaines zones. Par ailleurs, la protection de nos approches métropolitaines et ultramarines doit constituer un axe d’effort prioritaire. Il pense notamment à la posture permanente de sauvegarde maritime (PPSM) pour la défense maritime du territoire. Il faut que cela se traduise dans la prochaine loi de programmation militaire. De plus, la clé de voûte de notre stratégie de défense repose sur la dissuasion. La France doit donc maintenir et conforter sur le long terme une dissuasion nucléaire reposant sur ses deux composantes : océaniques et aéroportées. Afin d’assurer pleinement nos responsabilités internationales, contribuer à la prévention des crises et défendre nos intérêts, le tout dans un contexte de « durcissement de l’environnement opérationnel », nous avons besoin d’une marine puissante et donc de lui accorder les moyens d’opérer sur tout le spectre des missions qui lui sont assignées. Le réarmement naval dans toutes les parties du monde augmente corrélativement la vulnérabilité de ceux qui auront sous-estimé les enjeux maritimes. La remise en cause de l’ordre établi s’accompagne d’une lutte sans concession pour le contrôle des espaces maritimes. La revue stratégique en fait mention, mais la LPM devra transformer concrètement l’essai. Si l’on veut des partenariats stratégiques forts, il faut, pour la marine, maintenir une présence à l’échelle mondiale : en Atlantique Nord, dans le golfe Arabo-Persique et l’océan Indien, dans le golfe de Guinée et dans le Pacifique. Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement pour garantir à la marine un format et des moyens en cohérence avec toute l’étendue de ses missions et garantir ainsi une présence française sur toutes les mers du monde et tous les points de crise.
Réponse du Ministère des armées publiée dans le JO Sénat du 25/01/2018 – page 303
Comme l’a rappelé la ministre des armées dans son avant-propos à la revue stratégique de défense et de sécurité nationale qui a été remise officiellement au président de la République le 13 octobre 2017, les menaces et les risques identifiés dans le Livre blanc de 2013 se sont manifestés de façon plus rapide et intense que prévu. Outre la menace terroriste sur son propre territoire, la France est aujourd’hui confrontée au retour de démonstrations de puissance militaire à ses portes et doit faire face à une concentration de défis sans précédent depuis la fin de la guerre froide : vulnérabilités persistantes dans la bande sahélo-saharienne, déstabilisation durable au Proche et au Moyen-Orient. Dans ce contexte, la marine nationale joue un rôle fondamental dans la protection de nos concitoyens, la défense des intérêts français et la préservation de la paix. Au titre de sa mission de défense maritime du territoire, elle contribue à la protection des navires transportant des passagers et à la sauvegarde de notre souveraineté, notamment dans les zones économiques exclusives ultramarines. Elle effectue en outre des opérations de sauvetage et d’assistance aux navires, d’évacuation de ressortissants à l’étranger et de lutte contre la piraterie et les trafics de stupéfiants. Sa deuxième mission est la dissuasion. À cet égard, la marine maintient en permanence à la mer au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) pour faire craindre une riposte absolue à quiconque attenterait aux intérêts vitaux de la France. À l’avenir, la dissuasion nucléaire continuera de se fonder sur la posture permanente des deux composantes océanique et aéroportée, indissociables et complémentaires. La marine nationale constitue également un outil de projection de force, comme l’a notamment démontré, dans un passé récent, le déploiement en Méditerranée d’un groupe aéronaval, constitué autour du porte-avions Charles de Gaulle, pour combattre Daech. Enfin, elle veille à prévenir l’apparition de crises, que ce soit par exemple dans le Golfe de Guinée, où la présence permanente d’un bâtiment français contribue à l’entraînement des marines africaines riveraines, ou dans le cadre de la participation à des mesures de réassurance menées auprès des alliés de l’Est de l’Europe, sous l’égide de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Afin de permettre à la marine nationale de répondre à ces multiples enjeux, des mesures ont d’ores et déjà été prises pour renouveler certains de ses bâtiments, comme en attestent la réception de la 5ème frégate multimissions La Bretagne et d’un bâtiment multimissions, ou la commande d’un 5ème sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de type Barracuda, prévues en 2018. Par ailleurs, des travaux sont actuellement menés en vue d’envisager la livraison dès 2021, au lieu de 2025, des premiers patrouilleurs de type BATSIMAR (bâtiments de surveillance et d’intervention maritime) permettant ainsi d’éviter et, à tout le moins, de réduire significativement les ruptures temporaires de capacité. Ces dispositions seront complétées pour permettre à nos forces navales d’accomplir l’ensemble de leurs missions dans les meilleures conditions. Plus globalement, comme l’a souligné la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, la préservation d’un modèle d’armée complet et équilibré est indispensable pour assurer à la France son indépendance nationale, son autonomie stratégique, sa liberté d’action et pour lui permettre de faire face à la totalité des menaces auxquelles elle est confrontée. Les travaux visant à traduire les conclusions de cette revue stratégique en termes budgétaires et capacitaires dans la future loi de programmation militaire sont en cours.
Source: JO Sénat du 25/01/2018 – page 303