LA FORCE SYMBOLIQUE DU « MEA CULPA » DANS L’EXERCICE DE L’AUTORITÉ (Par Me Maumont)

La publication des articles sur le blog de MDMH AVOCATS suscite – et nous en sommes très satisfaits et reconnaissants – de l’intérêt, des commentaires et parfois même des vocations.

C’est ainsi que MDMH AVOCATS a reçu diverses contributions au fil des mois.

Parmi les meilleures, nous avons sélectionné un premier article de « Caron 124 » qui se reconnaîtra et que nous remercions chaleureusement.

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Bonne lecture …

« La force symbolique du « Mea Culpa » dans l’exercice de l’autorité.

Dans le livre bleu sur l’exercice du commandement dans l’armée de terre dans sa version de mai 2016, il est indiqué que le chef militaire doit être « habité par les principes du commandement qui constituent le cœur de sa vocation : l’exigence, la compétence, l’esprit de décision, l’humanité, la justice et la confiance. »

Le principe d’humanité est ainsi détaillé de la manière suivante: « respecter la dignité de chacun est sans doute la première condition du principe d’humanité, renvoyant au devoir moral mais aussi à l’honneur du chef militaire. Par ailleurs, chefs et subordonnés sont d’abord des hommes qui coopèrent en vue de l’édification d’une œuvre commune. À ce titre, ils ont infiniment besoin les uns des autres. Cette dépendance mutuelle fondant la fraternité d’armes, ne saurait s’épanouir en dehors de l’expression sans faiblesse d’une profonde humanité ».

Une « règle du chef » reste quand même assez prégnante au sein de l’Institution, utilisée avec beaucoup d’humour et une certaine forme d’auto-dérision dans la plupart des cas, confortant ainsi le lien naturel de subordination entre le chef et sa troupe.

Article 1 : Le chef a raison.

Article 2 : Le chef a TOUJOURS raison.

Article 3 : Même si un subalterne a raison, les deux premières règles s’appliquent.

Cette « règle du chef » devient en revanche inquiétante lorsqu’un chef hiérarchique de haut rang l’applique « à la lettre », sans considération pour les remarques constructives de ses subordonnés.

L’image charismatique du chef est encore aujourd’hui répandue dans les unités. En matière de formation à l’exercice de l’autorité, nombre de chefs autoritaires font figures de référence, en décryptant leurs forces mais également en mettant l’accent sur les limites à ne pas dépasser.

L’image du général Patton représente un bon exemple de l’attitude du chef, exigeant avec lui-même comme avec ses hommes. Son charisme naturel est mis en exergue. Son intransigeance est quant à elle nuancée voire dénoncée.

Pour autant, certains faits historiques rattachés à l’histoire même de ce chef militaire charismatique et autoritaire sont quelque peu oubliés, du moins de ce côté de l’Atlantique.

En effet, le fait historique suivant « casse » un peu les codes habituels dans la pratique de l’autorité au sein d’une institution militaire.

« Le 3 août 1943, alors qu’il était en visite dans un hôpital militaire sur l’île de Chypre, le général Patton frappa et injuria le soldat Charles H. Kuhl qui souffrait de stress post-traumatique. Le 10 août, le général Patton frappa également le soldat Paul G. Bennett dans des circonstances similaires. Ordonnant que les deux hommes soient renvoyés sur le front, le général Patton écrivit que ses officiers devaient discipliner tout homme se plaignant d’« usure au combat » et que si ces derniers se défilaient, « ils devraient être jugés pour lâcheté et fusillés ».

Après avoir pris connaissance de l’incident, le général Eisenhower réprimanda le général Patton en privé et insista pour qu’il présente ses excuses. Le général Patton s’excusa auprès des deux soldats, des médecins qui avaient assisté aux altercations et de tous les soldats sous son commandement lors de plusieurs discours. Le général Eisenhower étouffa l’affaire dans les médias mais en novembre, elle fut dévoilée par le journaliste Drew Pearson dans son émission de radio. Les critiques envers le général Patton venant de membres du Congrès et d’anciens généraux dont Pershing furent violentes. L’opinion publique était néanmoins plus mitigée et le secrétaire à la Guerre Henry L. Stimson avança que le général Patton ne devait pas être limogé du fait du besoin pour son « commandement agressif et victorieux dans les dures batailles à venir avant la victoire finale ». »(source wikipedia).

Cela atteste ainsi qu’un chef de la stature du général Patton a su se plier à l’exercice du « mea culpa », sachant ainsi reconnaître son erreur quand elle est manifeste.

Cet exemple d’humilité au plus haut niveau de la hiérarchie doit faire réfléchir sur une certaine pratique de l’autorité.

Reconnaître une erreur d’appréciation ne doit pas uniquement être l’apanage du subordonné mais doit également concerner le supérieur hiérarchique, fusse-t-il « haut gradé ».

Malheureusement, dans certains cas, le chef refuse de reconnaître son erreur car cela reviendrait selon lui à créer une « jurisprudence », assimilable à de la « faiblesse ». Le commandement ne veut alors rien lâcher par crainte que d’autres situations similaires ne se reproduisent par la suite.

En matière de contentieux, le commandement préfère alors soutenir un chef à l’origine d’une décision incohérente ou illogique plutôt que de donner raison au subordonné, incriminé à tort.

« Quand on pend quelqu’un, ce n’est pas lui qu’on corrige, c’est tous ceux qui le regarde« .

L’institution militaire n’étant pas une coterie, ce genre de dérive doit être vivement condamné, au risque de voir à terme « l’esprit de corps » remplacé par « l’esprit de coterie ».

Définition d’une coterie, source wikipedia:

« Une coterie est une association entre certains groupes d’individus unis par un intérêt commun qui favorisent ceux qui font partie de leur compagnie et cabalent contre ceux qui n’en sont pas. Phénomène aussi ancien que la société elle-même, l’esprit de coterie est prêt à se défendre par tous les moyens et à sacrifier tous les intérêts contraires à son profit pour mettre une personne, une chose en crédit ou, au contraire, pour la discréditer. »

 CARON 124″

© MDMH – Publié le 12 janvier 2018

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