Publié le 23 Décembre 2017
Madame la Ministre,
Monsieur le chef d’état-major des Armées,
Amiral,
Mon Général,
Monsieur l’ambassadeur,
Messieurs les officiers généraux,
Officiers,
Sous-officiers,
Militaires du rang de l’opération Barkhane.
Alors que débute la période des fêtes, j’ai tenu à venir à votre rencontre, vous qui êtes engagés en mission loin de la France et loin de vos familles.
Depuis mon élection, je me suis déplacé dans les forces à de nombreuses reprises. A Gao dès les premiers jours où j’ai vu nombre de vos collègues, ensuite sur un SNLE en Atlantique, puis se sont enchaînés Tapa en Estonie, Abou Dhabi, Ouagadougou, Al Udeid au Qatar, mais aussi Lorient, Istres, Balard et Lyon.
Partout, j’ai constaté la même force, le même courage, la force et le courage de femmes et d’hommes qui ont décidé de servir, de s’engager. Partout, j’ai rencontré la même détermination à remplir les missions que je vous confie.
Mais ce soir est un moment un peu particulier parce que l’éloignement de vos familles est encore plus durement ressenti qu’à l’habitude. Mais aussi parce que cette trêve de Noël n’apaise pas les tensions et les conflits que vous êtes ici pour désamorcer. Votre mission exige cette mobilisation permanente, et je voulais vous apporter le salut de la nation parce qu’elle sait, et plus encore dans ces moments-là, le poids de vos sacrifices.
Ce n’est pas tout à fait un hasard si je reviens une fois de plus au Sahel. Vous le savez, le Sahel est une priorité ; c’est là que se joue notre sécurité, c’est là que se joue une partie de l’avenir du continent africain, mais également sans doute une partie de notre avenir. Nous ne devons pas laisser le Sahel aux organisations terroristes que nous sommes en train en ce moment même de défaire au Levant.
Et alors que dans quelques mois, je l’espère, nos armées dans le cadre de la coalition internationale gagneront sur le terrain en zone irako-syrienne face à Daech, je ne veux pas que nous cédions la moindre once de territoire aux forces terroristes jumelles dans le Sahel et le Sahara.
Vous êtes ici aux côtés des pays de la région pour les aider précisément à surmonter ce défi. Comme je l’ai dit aux ambassadeurs à la fin du mois d’août dernier, la réponse militaire ne doit pas être la seule ; il nous faut en effet mieux coordonner nos efforts de défense, de développement et nos efforts diplomatiques.Et c’est le cœur de la stratégie que nous déployons ; une action politique, diplomatique dans toutes les zones où nous avons à œuvrer ; une action de développement pour pouvoir agir dans la durée et répondre aux causes profondes des conflits et bien entendu une action militaire lorsqu’elle est indispensable. C’est ici dans le Sahel ce que nous sommes, ce que vous êtes, en train de faire.
Un dialogue politique avec l’Union africaine, comme nous l’avons mené quelques semaines à Abidjan lors du sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne, qui se décline dans la région par le dialogue renforcé que nous avons structuré à travers le G5 Sahel.
Une action de développement dont le cœur est précisément l’Alliance pour le Sahel, l’axe de notre politique de développement structuré autour de l’Agence française de Développement et qui associe ces partenaires européens, internationaux, régionaux.
Et enfin l’action militaire, celle que conduit « Barkhane » en lien étroit, et j’y reviendrai avec la Minusma, et les forces G5 Sahel.
Cette stratégie d’ensemble, ce triptyque, c’est la condition même de notre réussite ; c’est ce qui nous permettra de gagner dans la durée ce conflit face à nos assaillants. S’il n’y a pas une ligne claire sur le plan militaire et diplomatique, il n’y a pas d’action durable : vous le savez, ici même dans ce Sahel. C’est pourquoi je tiens profondément à ce que les accords d’Alger soient appliqués de manière plus rapide, à ce que chacun des pays du G5 fasse sa part du travail dans son pays pour ce qui le concerne et que nous ayons une stratégie très coordonnée avec l’ensemble de ces pays.
C’est aussi ce qui nous a conduits, sur le plan militaire, à décliner cette association politique avec la force G5 Sahel.
Le général m’a présenté tout à l’heure les grands éléments opérationnels, notre volonté de conduire des opérations plus avant mais aussi de nous coordonner précisément avec ces forces du G5, élément indispensable de notre travail sur le terrain.
Ce triptyque se décline par une série d’actions que nous devons construire pour gagner cette bataille durablement face aux terroristes:
La construction de la paix par les accords et leur suivi.
Un travail de démantèlement de tous les groupements terroristes et trafiquants d’êtres humains, de drogue et d’armes, par les coopérations renforcées que nous avons décidées en coopération avec plusieurs États du Sahel et hors du Sahel – c’est le cœur du sommet que nous avons tenu à Paris le 28 août dernier et à Abidjan il y a quelques semaines.
C’est la mise en œuvre des accords d’Alger avec le Mali.
C’est l’action de sécurité et l’action humanitaire, que je n’oublie pas, et qui nous a conduits il y a quelques jours encore à venir apporter la protection que nous devons à des femmes et des hommes qui, fuyant des risques politiques et vitaux, ont été, par nos soins, accompagnés jusqu’en France pour pouvoir bénéficier du droit d’asile, leur droit imprescriptible, celui que nous leur devons.
Dans cette action globale que nous menons avec nos partenaires africains internationaux, vous, militaires de « Barkhane », vous avez une place éminente. Vous portez sur le terrain la mise en œuvre de notre stratégie pour la paix dans cette région. Rien ne serait possible sans votre engagement, sans votre dévouement, sans les risques que vous prenez, sans les gestes désintéressés que vous faites au quotidien dans les grandes comme dans les petites missions. Je sais qu’ici, chaque jour, pour vous , aucune mission n’est innocente et aucune mission n’est sans risque.
Votre commandant d’opération, le général Guibert m’a décrit à l’instant la situation générale et les opérations en cours. Ce soir et demain, je verrai un certain nombre d’entre vous. Ces échanges me sont précieux pour m’informer plus en détail de la réalité de ces opérations, pour mieux comprendre le terrain.
Je veux ici avec vous ce soir rendre hommage à vos camarades qui sont morts dans le cadre de l’opération « Barkhane » ; en 2017, deux soldats ont donné leur vie pour la France sur ce théâtre. Le sacrifice du sergent Julien BARBE et du caporal Albéric RIVETA nous oblige; nous ne les oublierons pas.
Je veux également saluer ceux qui ont été blessés, encore dernièrement pour certains d’entre eux. Ils sont nombreux. Nos pensées et notre affection les accompagnent et je leur souhaite aussi ce soir, avec vous, un rapide et entier rétablissement.
Maintenant avec vous, je voudrais dresser un bilan sur ce qui a été fait jusqu’ici, sur les opérations en cours et sur ce que je veux pour notre engagement.
Depuis 2014, « Serval »puis « Barkhane » ont porté des coups d’arrêt significatifs à l’ennemi. Certes, les groupes armés terroristes sont toujours présents, mais ils n’ont plus la capacité à se réunir en une force significative capable d’ébranler un Etat comme ce fut le cas en 2013.
Certes, tout en évitant nos forces, ils continuent à agir, cherchent à frapper de manière asymétrique, à s’attaquer partout au symbole car ce qu’ils veulent c’est le chaos, qui est le terreau même de la radicalisation. Mais cet adversaire est aujourd’hui contenu; il a été affaibli, il a été divisé ; du terrain a été repris, par votre engagement.
Dans ce combat qui se conduit sur un territoire vaste comme l’Europe où l’ennemi est dispersé en bandes mobiles dont les effectifs sont parfois faibles mais réactifs, où le moindre oued, le moindre rocher, le moindre acacia est une cache potentielle, c’est votre capacité à être présents au bon moment, au bon endroit qui est essentielle. C’est pour cela, comme nous venons de le voir, que le renseignement permanent de plus en plus fin comme l’anticipation sont décisifs ; c’est aussi pour cela que l’agilité, l’adaptabilité, la vélocité de nos interventions le sont tout autant. Il s’agit tout à la fois d’un travail de patience qui, nous le savons, doit se conjuguer avec la fulgurance dans l’action ; c’est cela le défi opérationnel qui est le vôtre et je ne le sous-estime en aucun cas. La ministre des Armées et le CEMA en sont pleinement conscients et c’est bien cette vigilance, cet esprit d’exigence conjuguant ces deux impératifs opérationnels que j’ai retrouvés aujourd’hui sur le terrain.
Les effets du travail que vous menez chaque jour ne se mesurent pas toujours à court terme ou à l’œil nu.Pourtant, cette présence au plus près des populations en partenariat avec les armées locales est aujourd’hui une matrice essentielle à la sécurité des populations sahéliennes et qui permet aussi aux États de mettre sur pied leur propre capacité de riposte.
Ce que je constate également, c’est l’engagement croissant des pays du Sahel. Ils sont en première ligne et c’est l’alliance de leurs efforts qui permettra d’assurer demain leur propre sécurité. C’est aussi pour cela que je me suis engagé fortement, dès le début de mon mandat, pour que les forces du G5 Sahel puissent accélérer. Dès le début de juillet à Bamako et par des déplacements constants de la ministre, du chef d’état-major et de l’ensemble de vos officiers généraux. La semaine dernière encore à Paris, nous avons rassemblé l’ensemble des responsables et le chef d’état-major des forces de G5 Sahel.
C’est aussi la coordination avec la mission EUTM Mali ainsi qu’avec la Minusma qui paie un lourd tribut et que je voudrais tout particulièrement saluer ce soir.
L’engagement collectif sera le marqueur des opérations que nous mènerons dans les prochains mois.
Ce partenariat militaire opérationnel est déjà en cours. Je sais qu’il y a peu certains parmi vous était aux côtés de camarades maliens, burkinabés ou nigériens non seulement pour les former, mais également pour les accompagner en mission.
Cet effort devra se poursuivre ; il devra aussi être marqué par une étroite coordination avec la conduite de nos propres opérations à l’instar de l’opération « Koufra » dont la première phase m’a été présentée, et qui sera, dès le début de l’année prochaine, à nouveau déployée. Je souhaite que cette nouvelle force conjointe connaisse rapidement ses premiers succès face à l’adversaire et que par l’articulation permanente que vous assurez entre « Barkhane » et les forces G5 Sahel, nous puissions multiplier ces victoires sur le terrain.
Pour mener des opérations dans ces immensités désertiques, encore faut-il des bases opérationnelles solidement établies. A cet égard, la base aérienne de Niamey est absolument centrale pour « Barkhane » et pas seulement pour des critères géographiques. Ici en une même unité opérationnelle, ce sont les capacités aériennes de 4 ou 5 bases métropolitaines qui sont concentrées : renseignement, appui feu, ravitaillement en vol, transport tactique et stratégique autant de capacités disponibles et de missions que vous remplissez à Niamey et depuis Niamey pour l’ensemble du Sahel.
Je sais le rythme intense des missions qui s’enchaînent, les contraintes climatiques, l’élongation qu’il faut prendre en compte. Vous disposez pour cela d’un effort conséquent de toute la chaîne de logistique et opérationnelle interarmées et vous l’exploitez au mieux.
Le colonel m’a ainsi présenté à la fois les contraintes mais les formidables défis relevés par la base. Notre capacité aérienne, avions de chasse et drones, particulièrement importante, est souvent à la source du renseignement qui offre les opportunités d’aller chercher l’ennemi jusque dans ses repaires les plus secrets. Nos avions renforcent les troupes au sol qui savent pouvoir compter précisément sur cet appui de tous les instants que la base ici seule permet. C’est aussi par les airs qu’arrive une grande part de la logistique nécessaire à la durée des missions.
La base aérienne est également le hub d’accueil et de départ du théâtre. A chaque relève, elle se transforme en une plateforme de transit avec des effectifs doublés, plus de 40 000 passages sont ainsi comptabilisés chaque année.
L’année qui s’ouvre pour vous toutes et tous sera marquée par de nouveaux défis. Notre engagement ici sera plein et entier parce que l’opération « Barkhane » est essentielle pour notre stratégie dans le Sahel.
L’année 2018 sera marquée par des priorités que nous redonnerons en fonction des évolutions de l’ennemi, de nos choix stratégiques, et des évolutions politiques. Mais l’effort sera maintenu fortement.Les choix que j’aurai à prendre seront guidés par nos objectifs de sécurité et avec une volonté pour l’année qui s’ouvre: obtenir des victoires claires, importantes face à l’ennemi. Nous devons lui montrer que nous sommes là et que nous continuons de gagner du terrain. Nous devons redonner confiance à nos armées partenaires en leur permettant durablement de se rétablir dans plusieurs zones de la région.
Je n’oublie pas que vous partagez votre base avec des camarades allemands engagés comme vous au Sahel et je veux les saluer tout particulièrement. Ils sont parmi nous ce soir, et ils sont le symbole de cette volonté croissante qu’ont les Européens de s’engager pour développer des réponses communes aux crises et développer une même culture stratégique basée sur l’efficacité et l’intérêt général.
Nous avons la semaine dernière lancé la coopération structurée permanente à Bruxelles. Elle trouvera des concrétisations sur le terrain pour faciliter votre vie au quotidien et porter des projets communs.
Je sais également que sont présents parmi vous des militaires américains et canadiens, invités d’un soir et surtout précieux alliés. Ils sont les bienvenus parmi nous car nous savons tous l’importance de leur contribution opérationnelle.
Et je veux aussi saluer nos amis nigériens présents parmi nous. Ce sont nos alliés, avec l’ensemble des militaires des Forces du G5 Sahel, dans cette bataille , qui nous accueillent ici, et dont le rôle est essentiel.
Mais ce soir, je ne viens pas seulement pour écouter et m’entretenir avec vous de vos missions et de vos opérations contre les groupes terroristes, ou encore de coordination des opérations aériennes.
En ce moment même, la France s’apprête à entrer dans cette période qui se veut plus gaie, plus légère, plus familiale, qui parfois est aussi plus grave, plus recueillie, mais qui n’est jamais ordinaire, de ces fêtes de fin d’année et de cette période de Noël.
Votre mission ne s’arrête pas pour autant, parce que pour vous, la trêve n’est pas permise. Et cela, nous ne l’oublions pas. Et c’est pour cela que nous sommes parmi vous ce soir. Demain, beaucoup d’entre vous travailleront à l’appui et au soutien de vos camarades, déployés dans l’immensité désertique de la zone d’opération. Certains voleront, d’autres répareront ou prépareront les missions des jours suivants. Tous, vous serez concentrés et penserez au succès des opérations. C’est pourquoi je viens aussi pour vous exprimer la reconnaissance de nos compatriotes.
Je voudrais également ce soir avoir avec vous une pensée pour vos familles. Elles portent le poids de votre absence. Elles le portent toute l’année, mission après mission, et pour cela, elles méritent notre reconnaissance et notre soutien. Et je sais aussi que lorsque Noël arrive et que la fin d’année advient, il y a des femmes et des hommes et des enfants qui vous attendent, qui ne vous ont pas. Alors, qu’ils sachent que dans ces moments-là, c’est du temps que vous donnez à la Nation. La Nation le sait et les en remercie.
Je peux aussi vous dire que nous ne les oublions pas, au-delà de cette période, chaque jour de l’année.C’est tout l’objet du Plan Familles que j’ai demandé à la ministre des Armées de mettre en place et qu’elle a présenté il y a maintenant plusieurs semaines. Je le sais, cette cause est essentielle à l’idée que la ministre se fait de sa mission.
Ce Plan sera déployé durant les mois et les années qui viennent pour veiller justement à ce que les détails du quotidien soient aussi pris en compte, et la vie des familles améliorée. Plusieurs mesures sont déjà en cours de mise en œuvre, et le calendrier présenté sera respecté.
Mais c’est au sein d’une autre famille que vous passerez ces moments de fin d’année : celle des Armées françaises. Une famille que vous avez choisie, par votre engagement sous l’uniforme. Une famille que l’on envie pour son unité, sa cohésion, pour la considération que chacun reçoit, et pour l’attention que chacun porte à ses camarades. Cette fraternité d’arme, elle ne se décrète pas, elle ne s’impose pas. Tous les chefs le savent bien. C’est vous qui la construisez, pas à pas, jour après jour, mission après mission, dans l’effort, la rigueur, l’accomplissement de votre devoir. Cette fraternité d’arme, c’est celle qui vous tient, c’est celle qui nous rend fiers et c’est celle qui donne chaque jour à tant de jeunes de notre pays l’envie de vous rejoindre.
Je voudrais enfin vous dire toute l’attention que je porte à ce que vous représentez ici, à ce que vous faites, ainsi qu’à vos camarades engagés dans tout le Sahel, au Levant, sur terre ou sur mer, partout où flotte un drapeau ou un pavillon français. Ne réduisez pas votre attention à ma seule présence, ou à un dîner préparé par le chef cuisinier de l’Elysée pour lequel, je peux vous dire, c’est une immense fierté d’être là avec vous ce soir. Mon attention, vous l’avez, tout au long de l’année, que vous soyez en opération ou dans vos garnisons. Vous l’avez à travers l’importance que j’accorde aux comptes –rendus qui me sont faits quotidiennement, à travers les messages que, chaque jour, mon chef d’Etat-major particulier me porte. Vous l’avez au travers de ma volonté de redresser l’effort de défense du pays, et des engagements clairs que je vous présenterai lors des vœux prochains. Vous l’avez parce que vous le méritez.
J’ai confiance en vous et je voulais vous dire ce soir, alors que l’année s’achève, que la France est fière de vous, de ce que vous faites chaque jour. Elle pleure ses morts, elle soigne ses blessés, mais elle est fière de tous ses enfants qui se battent pour elle, pour la protéger et la construire demain.
Vive la République, vive la France.
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