M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, il y a deux ans quasiment jour pour jour, je prenais la parole ici même pour insister sur le rôle déterminant de la France dans le leadership d’une véritable Europe de la défense, seule solution pour faire face aux défis de sécurité du XXIe siècle. Notre groupe « Les Constructifs » ne peut donc que se réjouir de la signature hier à Bruxelles, par vingt-trois États européens, d’une lettre d’intention pour une coopération structurée permanente en matière de défense.
Plus de soixante ans après l’échec de la Communauté européenne de défense, nous formons le vœu que cette première étape soit réellement fondatrice. Aux conflits armés qui se tiennent aux portes de l’Europe, nous devons en effet apporter une réponse européenne. Aux bruits de bottes qui résonnent derrière l’escalade verbale entre certaines grandes puissances mondiales, nous devons apporter une réponse européenne. Au durcissement souvent pulsionnel et imprudent de l’administration Trump sur la scène internationale, nous devons apporter une réponse européenne réfléchie et construite.
La mise en synergie de nos efforts de défense offrirait aux Européens une protection à la hauteur des craintes que nous pouvons légitimement nourrir quant à la stabilité et à la paix internationale. « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise », disait Jean Monnet, père fondateur de l’Union européenne. La crise que traverse l’Europe doit donc être le ferment d’un changement radical de notre approche de sa construction, ou pour mieux dire de sa reconstruction.
Monsieur le Premier ministre, après les déclarations du Président de la République et de votre gouvernement sur les grandes questions européennes, comment la France compte-t-elle, concrètement, être le moteur d’une future Europe de la défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LC et sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, nous vivons dans un monde dangereux, et tout indique qu’il le restera encore pendant de longues années. Dans un tel monde, nous devons penser à notre défense ; nous devons pour cela nous organiser et agir. Hier, à Bruxelles, lors de la réunion du Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne, vingt-trois États membres – dont la France – ont notifié leur intention de participer à la coopération structurée permanente en matière de défense. Cet approfondissement est prévu par les traités ; il a vu le jour à l’initiative de Paris et de Berlin, avec l’aide de la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Mogherini.
Cela faisait longtemps que nous y travaillions avec nos partenaires : l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne. Cette lettre d’intention constitue un signal politique fort ; elle témoigne d’une réelle unité : non seulement l’idée, mais aussi la réalité de l’Europe de la défense avancent.
Les vingt engagements qui ont été pris par les États membres ne sont pas des vœux pieux : ce sont des engagements précis, concrets et contraignants. Je ne les citerai pas tous ; je me bornerai à vous en dire l’essentiel. Il s’agit d’abord du maintien ou de l’augmentation des budgets de la défense en Europe, notamment en matière d’investissements. Il s’agit ensuite du développement en commun de capacités de défense, de la facilitation du financement des opérations que nous menons en commun, et du rapprochement des procédures nationales de décision.
C’est dans cet esprit que le Président de la République a proposé l’initiative européenne d’intervention, qui vise à développer une culture opérationnelle partagée. Cette étape, monsieur le député, est importante, et doit nous permettre d’atteindre l’objectif décisif que nous nous sommes fixé : renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne.
Pour ce faire, nous souhaitons deux choses. Premièrement, que les travaux conduits en parallèle sur le Fonds européen de la défense progressent rapidement afin que les premiers projets puissent être financés dès 2019. Deuxièmement, que les instruments financiers variés déjà prévus pour financer la recherche, le développement conjoint des capacités, le financement commun des opérations et le renforcement des capacités de nos partenaires, en étant pérennisés, se conjuguent et s’additionnent, afin de constituer la base du budget commun de la défense que le Président de la République a appelé de ses vœux lors de son discours à la Sorbonne.
C’est dans cet esprit, monsieur le député, que nous allons travailler. Je me réjouis des avancées qui ont été réalisées dernièrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LC.)
Source: Assemblée nationale . Compte rendu intégral. Première séance du mardi 14 novembre 2017