Audition du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2018.

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 10 octobre 2017

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 07

Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président

— Audition du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2018.

La séance est ouverte à dix-sept heures.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Je suis heureux d’accueillir le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale.

Mon général, comme vous le savez, même si la gendarmerie est rattachée, de manière opérationnelle et budgétaire, au ministère de l’Intérieur, les gendarmes sont placés sous statut militaire, ce à quoi notre commission reste très attachée. Aussi désignons-nous de manière systématique un rapporteur pour avis sur les crédits de la gendarmerie au sein de la mission « Sécurités » – en l’occurrence, une rapporteure, Mme Aude Bono-Vandorme, qui interviendra dès la fin de votre propos liminaire. Vous pourrez ensuite répondre aux questions des députés. J’imagine que nombre d’entre elles porteront sur l’accroissement de la menace terroriste et la montée en puissance de la Garde nationale.

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis ravi d’être cet après-midi devant votre commission. Je me propose d’esquisser pour vous le sens de l’évolution de la gendarmerie et le sens de notre action. Je vous donnerai quelques éclairages sur le contexte et sur notre volonté de nous adapter à une menace aujourd’hui prégnante, celle du terrorisme, mais aussi à toutes les autres menaces, comme celle des phénomènes migratoires et de la délinquance au quotidien. Les questions que vous me poserez me donneront l’occasion de revenir sur tel ou tel point que vous souhaiteriez voir approfondi.

La gendarmerie nationale poursuit son mouvement d’adaptation et de modernisation dans trois grandes directions : d’abord la sécurité des personnes, qui est une mission fondamentale ; ensuite la sécurité des biens, qui est classiquement associée à celle des personnes ; enfin, la sécurité numérique, sur laquelle je m’appesantirai un peu. Ce nouveau territoire que constitue le numérique fait aujourd’hui l’objet d’autant d’espoirs dans son utilisation, que de craintes en raison de ses vulnérabilités. C’est un territoire que nous devons également protéger. En effet, l’ensemble des citoyens peut-être menacé dans l’utilisation du numérique et des nouvelles technologies.

La sécurité des personnes est une mission historique, mais depuis 2015, un cycle nouveau s’est enclenché. C’est celui du terrorisme quotidien qui s’est d’abord manifesté par des actes majeurs, organisés – Bataclan, Charlie Hebdo – et qui s’inscrit maintenant dans le quotidien, avec des moyens extrêmement rudimentaires : avec un couteau, on peut perpétrer un acte terroriste, ou du moins qualifié comme tel. J’observe qu’il y a quelques années, certaines personnes qui auraient simplement été hospitalisées, sont aujourd’hui considérées comme des terroristes, parce qu’elles prononcent la formule « Allah Akbar ».

Cela ne pouvait que nous interpeller et nous conduire à faire évoluer notre organisation et nos modes d’action.

Entre 2015 et 2017, nous avons été conduits à transformer nos capacités.

Nous les avons d’abord renforcées grâce à différents plans – plan de lutte contre le terrorisme et plan pour la sécurité publique.

Nous avons bénéficié d’une dotation budgétaire supplémentaire d’environ 317 millions d’euros sur trois ans, qui nous a permis d’équiper nos personnels, à la fois en termes de protection individuelle, mais aussi en termes offensifs. Par exemple, chaque brigade a été dotée de packs balistiques, qui permettent à chaque patrouille, sur le terrain, de répondre, ou du moins de se défendre face à une action terroriste. C’est important. Il y a quelques années, le terrorisme se résumait à des prises d’otages, avec l’intervention d’unités centrales, groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), unité « Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion » (RAID) ou brigade de recherche et d’intervention (BRI). Mais aujourd’hui, ce sont les gendarmes et les policiers de terrain, les patrouilles, qui sont confrontés à cette menace et doivent être en mesure de réagir et de se défendre.

Nous avons été conduits à revoir nos modes d’action.

Le schéma national d’intervention a permis à l’ensemble de nos unités, au niveau du ministère de l’Intérieur, de s’organiser. Le RAID du côté de la police nationale, la BRI du côté de la Préfecture de police de Paris, et le GIGN du côté de la gendarmerie, s’inscrivent aujourd’hui dans une perspective nouvelle qui est celle de la proximité. Il y a quelques années, on était sur des zones de compétences, chacun intervenant dans la sienne. La cinétique très rapide des crises terroristes nous a conduits à réfléchir à cette organisation et à mettre en avant d’abord le principe de proximité. C’est l’unité la plus proche, quelle que soit sa zone de compétences, qui intervient sur un acte terroriste. Ce qui n’a l’air de rien a toutefois nécessité de grandes discussions. Cela montre la capacité d’adaptation de l’outil dont dispose l’État, face à cette menace nouvelle.

La menace terroriste ne doit pas nous faire oublier la prégnance de la délinquance habituelle qui, aujourd’hui, s’organise également au niveau international. Il y a quelques années, le cambriolage était plutôt un phénomène local. Aujourd’hui, il existe un cambriolage organisé, qui est le fait d’une délinquance de masse, avec des organisations criminelles structurées et des donneurs d’ordre souvent installés à l’étranger – plutôt en Europe de l’Est. Ceux-ci ont décliné sur notre territoire une organisation quasi-militaire, avec des responsables nationaux, régionaux, locaux, puis des hommes de troupe qui sont généralement des mineurs de dix à treize ans – judiciairement, un mineur est beaucoup plus à l’abri qu’un majeur. Ces mineurs sont formés et ont un objectif à atteindre – des dizaines, voire des centaines d’euros à « récupérer » par jour. Tout cela alimente une chaîne criminelle. Nous avons déjà mis à jour un certain nombre d’organisations structurées. Cela signifie qu’aujourd’hui, un cambriolage ne peut plus être traité de manière complètement autonome.

Cela nous impose de mettre en place de structures d’analyse. C’est ainsi que le service central de renseignement criminel (SCRC), installé à Pontoise, analyse la totalité des procédures qui sont effectuées, pour en tirer des éléments de rapprochement, mettre à jour tel ou tel phénomène, et confondre telle ou telle organisation criminelle.

La délinquance de masse prospère, et aujourd’hui, la majorité des atteintes aux biens sont de son fait.

Nous devons le prendre en compte dans le cadre de notre présence sur le terrain. La délinquance de masse s’exprime effectivement sur l’ensemble du territoire national, et il faut être présent. Notre maillage territorial – aujourd’hui 3 100 brigades territoriales – doit répondre à ce besoin de prévention, d’intervention et de proximité.

Cette présence sur le terrain a tout de même diminué de près de 600 brigades depuis une dizaine d’années. Nous avons créé ici ou là des déserts de sécurité. Il est important pour nous de revenir sur le territoire pour assurer notre mission, qui est celle de la sécurité des personnes et des biens.

C’est le rôle de la fonction « contact ». Depuis le 1er février de cette année, nous avons mis en place des « brigades de contact ». Il s’agit de brigades de gendarmerie traditionnelles, à effectifs de quatre, cinq ou six gendarmes, qui auraient pu être dissoutes – au vu des indicateurs d’activité, voire de la directive européenne « Temps de travail », sur laquelle je reviendrai.

Plutôt que de supprimer ces brigades, nous avons décidé de les laisser actives et de revoir leur contrat opérationnel. Ce dernier exclut désormais toute autre activité que celle du contact. L’objectif de chaque gendarme est d’être dehors, d’aller au contact des personnes, des élus, de la population, de manière justement à recréer ce lien de proximité, et de restaurer notre capacité de prévention et de renseignement. Quand on discute avec les gens, on en tire du renseignement, qui permet ensuite de remonter et d’alimenter une logique de renseignement criminel.

Le retour d’expérience sur ces brigades – une trentaine depuis le 1er février – est extrêmement positif. C’est le point de vue de nos élus, que j’ai interrogés parce ce sont d’abord eux, et non mes services, qui vont évaluer ces brigades. Mais c’est aussi le point de vue des gendarmes de ces brigades, qui sont extrêmement satisfaits parce qu’ils retrouvent leur métier. L’ADN de notre métier, c’est la proximité. Pour eux, cette fonction contact est extrêmement valorisante.

Aujourd’hui l’idée est de poursuivre ce mouvement, peut-être en multipliant les brigades de contact, mais surtout en introduisant la « fonction contact » dans l’ensemble des unités existantes. Cela implique d’y former les personnels, dans le cadre de la formation initiale des élèves gendarmes et des officiers. Voilà pourquoi nous introduisons un « module contact » de quatre-vingt-dix heures, pour leur apprendre ce que c’est, ce que l’on attend d’eux, ce qu’il faut faire en arrivant dans une circonscription, quelles sont les personnes à voir et comment on continue à les traiter.

Ensuite, je leur fixerai un contrat opérationnel. Avec les nouveaux outils de type NéoGend, sur lesquels je reviendrai tout à l’heure, nous doterons chaque gendarme d’un smartphone ou d’une tablette, qui leur permettra, d’une certaine manière, d’emporter leur bureau avec eux. À ce smartphone est également associé un numéro de téléphone. Je souhaite qu’à la fin de 2018, chaque élu, chaque élu local et chaque parlementaire, ait un point de contact, c’est-à-dire un gendarme référent.

Chaque élu de notre territoire national aura un gendarme référent qui va les alimenter en renseignements et qui va interagir. Il sera à votre disposition pour répondre sur tel ou tel incident, sur tel ou tel renseignement. Je crois que, fondamentalement, cette relation entre la gendarmerie et les élus est indispensable.

Je vais également demander à chaque commandant de compagnie – au niveau de chaque sous-préfecture d’arrondissement – de convier une fois par semestre l’ensemble des élus, plutôt les maires – mais les parlementaires seront également conviés – pour une réunion de travail – pas un cocktail, ni une inspection annoncée, ni une réception pour fêter Sainte-Geneviève. Au cours d’une demi-journée, la gendarmerie rendra compte devant les élus de son activité durant le semestre écoulé, répondra et échangera avec les élus sur ce qui a marché, ou n’a pas marché, et pourquoi. Nous ne sommes pas là pour nous, mais pour vous et pour la population. C’est un état d’esprit que je souhaite développer au plus près du terrain, c’est-à-dire dans chaque brigade territoriale. C’est l’élément essentiel de la sécurité des personnes et des biens.

Dans le cadre de la sécurité des biens, il convient de prendre en compte l’importante mobilité des personnes et des biens qui circulent sur notre territoire.

Le développement du réseau routier contribue bien évidemment à la multiplication des échanges. On voit circuler des frets de très grande valeur, notamment vers la fin de l’année. Mais il en est d’autres qui empruntent la voie ferrée.

Voici quelques semaines, quatre lance-roquettes antichars (LRAC) d’un convoi qui partait du Sud de la France à destination de Brienne-le-Château ont été dérobés. Il nous paraît essentiel de pouvoir suivre ces convois sensibles, que ce soit en raison de l’importance financière du fret, ou en raison du risque de nuisance.

Nous sommes en lien avec l’état-major des armées, précisément pour travailler sur la géolocalisation de tous les convois de transports d’armes qui ne sont pas escortés, mais qu’il faut pouvoir géolocaliser.

Nous nous sommes également rapprochés d’un certain nombre d’opérateurs, comme la fédération nationale des transporteurs routiers, pour qu’ils mettent à notre disposition les éléments dont ils disposent. En effet, ils ont déjà géolocalisé un certain nombre de matériels, de frets – cigarettes ; tablettes, notamment en fin d’année ; chargements extrêmement onéreux.

Ce qui est important pour nous, c’est de pouvoir recevoir immédiatement l’alerte en cas de difficulté. Aujourd’hui, cette alerte est très diverse, et répartie sur l’ensemble du territoire. Mon objectif est de créer un centre opérationnel de suivi de la sécurité des mobilités, pour récupérer la totalité des incidents, et pour qu’en face de chaque incident, je puisse mettre la patrouille, le gendarme le plus proche. Ce sera possible dans la mesure où les tablettes et les smartphones permettront de géolocaliser les tablettes ou les gendarmes sur l’ensemble du territoire national. À la fin de l’année 2018, j’aurai donc la capacité, grâce à ce centre de sécurité des mobilités, de mettre en adéquation, l’événement, le besoin et le moyen qui est celui de l’intervention du service public de sécurité.

Ce n’est pas au niveau national, mais au niveau local que l’on va faire de la conduite. On pourra ainsi donner l’alerte et activer l’unité la plus proche. En termes de sécurité des biens, cela me paraît essentiel. Les outils existent, nous allons essayer de les agréger et de les coordonner pour améliorer la sécurité sur l’ensemble du territoire.

Tout cela passe évidemment par un décloisonnement des différentes organisations. J’évoquais les transporteurs routiers et les armées. Mais il y a d’autres opérateurs avec lesquels nous travaillons. Par exemple, la SNCF met en place avec nous des partenariats. Elle finance également un certain nombre de nos réservistes qui assurent la sécurité dans les trains, en liaison avec la sûreté ferroviaire. Nous allons continuer à travailler avec l’ensemble des opérateurs pour être présents sur ce domaine des mobilités, qu’elles soient ferrées, routières ou fluviales.

Nous avons aussi le souci de nous inscrire dans la perspective internationale européenne. En matière d’atteinte aux biens, il existe l’office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) qui est un organisme police-gendarmerie, et dont la vocation est de travailler sur tout ce qui concerne la criminalité et la délinquance organisée au niveau international, et sur la délinquance itinérante. L’OCLDI a été désigné par les instances européennes comme leader, dans les trois prochaines années, d’un programme européen de lutte contre les atteintes aux biens. Nous sommes donc leaders de ce programme, au titre de la France, précisément pour tenter d’organiser avec les autres pays européens la réponse globale en matière d’atteinte aux biens.

Nous sommes également leaders dans un autre domaine, celui de la criminalité environnementale, avec l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Celui-ci est chargé, notamment, de diriger et d’animer un travail européen dans le domaine de criminalité environnementale.

La protection des biens est donc diverse. Elle s’applique à un territoire, mais nécessite une vision internationale, dans laquelle nous nous inscrivons évidemment.

Cette lutte contre les atteintes aux biens nécessite également de disposer d’un appui technologique. C’est la transition numérique, que j’évoquais déjà, avec NéoGend. Nous nous y sommes engagés depuis quelques années. Nous avons mis en place, en interne, des dispositifs de dématérialisation, des dispositifs de reporting numérique, avec la base départementale de sécurité publique. Aujourd’hui, chaque gendarme intervient quand il est activé, et fait immédiatement un compte rendu sur son terminal informatique ; ce compte rendu est intégré dans une base, qui est visible par l’ensemble de la chaîne hiérarchique, y compris au niveau central. Ainsi, lorsqu’un gendarme part en intervention, on sait qui l’a activé, quand il arrive, qui il voit, et on n’est pas obligé de l’appeler pour savoir ce qui se passe. On l’a exactement « en visu » à partir du niveau central. Et chaque niveau territorial, chaque niveau de responsabilité, sait exactement où sont ses troupes, puisqu’elles sont aujourd’hui quasiment toutes géolocalisées.

Nous allons parachever cette transition numérique sur le plan opérationnel, en dotant chaque gendarme, soit d’un smartphone, soit d’une tablette – je vous en ai apporté une pour vous montrer ce qu’il y a dedans.

Que trouve-t-on dans ce smartphone et dans cette tablette ? D’abord, la capacité d’accéder aux fichiers. On peut scanner la bande MRZ de toutes les pièces d’identité – carte d’identité, passeport, ce qui permet à l’appareil de reconnaître immédiatement votre pièce d’identité. Il interroge immédiatement tous les fichiers autorisés – le gendarme concerné disposant d’une accréditation – et donne le renseignement en moins de cinq secondes. Ainsi, en moins de cinq secondes, le gendarme a contrôlé la totalité des fichiers pour une personne donnée. Auparavant, il fallait compter dix minutes ou un quart d’heure, avec des risques d’erreurs de frappe, etc. Maintenant, on obtient tout, directement. Si le contrôle débouche sur une procédure, la machine garde en mémoire l’identité, et remplit immédiatement le procès-verbal, s’agissant de la partie initiale concernant l’identité de la personne. Cela accroît de façon très importante nos capacités d’optimisation, notre efficience sur le terrain, dans le cadre du travail de contrôle assuré au quotidien par les gendarmes.

Ce qui est vrai pour les pièces d’identité est vrai également pour les cartes grises. Toutes les pièces d’identité qui ont des bandes MRZ sont évidemment enregistrées, et on peut les contrôler extrêmement rapidement.

Cette tablette permet aussi d’accéder à toute la documentation. D’une certaine façon, le gendarme se déplace avec son bureau. Il a accès à l’ensemble de sa documentation professionnelle : que faire dans telle circonstance, dans tel ou tel cas, quel procès-verbal employer ? Il dispose d’un logiciel de rédaction de procédure. Ce n’est pas très pratique de taper sur une tablette – même si on commence à trouver des tablettes avec clavier – mais sur le terrain, on peut commencer sa procédure. D’autre part, ce que l’on intègre dans la machine ou dans la procédure sur le terrain est conservé gardé en mémoire, et quand on revient à la brigade, il n’est pas nécessaire de le retaper. Ce n’était pas le cas avant. On avait un carnet de déclarations, on notait sur le terrain, et on reprenait les notes à la brigade. Tout cela, c’est du temps gagné. C’est de l’efficience opérationnelle.

Enfin, il y a évidemment là toute la messagerie tactique, à savoir les ordres que l’on donne, et les messages que l’on reçoit.

Cette tablette est donnée, ou plutôt prêtée à titre individuel. 65 000 tablettes ou smartphones seront donc distribués d’ici à la fin de l’année. Les gendarmes disposeront ainsi d’un outil à leur disposition qui – puisque nous avons lancé une expérimentation depuis maintenant deux ans – donne aujourd’hui totalement satisfaction.

L’ensemble des gendarmes est déjà formé pour l’utilisation de cette tablette ou de ce smartphone, qui n’a pas encore donné la totalité de ses capacités puisque nous lui avons intégré récemment le procès-verbal électronique. Ce dernier remplace tous les PDA (Personal digital assistant) que nous payait l’agence nationale de traitement des avis d’infractions (ANTAI).

Avant le gendarme se déplaçait avec son téléphone, avec un PDA de l’ANTAI, avec un lecteur de chronotachygraphe, etc. etc. Aujourd’hui, il dispose d’un seul matériel, auquel nous intégrons la totalité des fonctionnalités

Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur d’autres segments opérationnels, de manière à faire gagner du temps dans l’exécution de la mission. Le temps gagné peut alors être réinvesti dans le contact avec la population, puisque c’est cela la priorité absolue.

La transition numérique, c’est NéoGend. Mais c’est également le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), avec un certain nombre d’innovations et d’avancées technologiques. Je pense à l’ADN rapide, qui résulte de l’invention de l’un de nos capitaines qui a fait sa thèse sur ce sujet. Nous nous engageons aujourd’hui dans une logique de dépôt de brevets, dans une logique de protection de notre innovation, de manière à valoriser le service public et à récupérer des moyens budgétaires pour alimenter notre fonctionnement quotidien.

Cette transition numérique s’inscrit dans une perspective de long terme. J’ai mis en place récemment le conseil scientifique de la gendarmerie nationale, qui est précisément chargé de nous inspirer, de nous orienter et de nous guider pour nous permettre d’évoluer dans les différents domaines, parce que je crois que nous n’en sommes qu’au début de l’histoire.

Pour assurer la sécurité des personnes, des biens et des données numériques, il nous faut aussi travailler la logique des effectifs. Le matériel fonctionne, mais il faut également que nos personnels soient formés.

Au-delà de l’aspect quantitatif, qui est en évolution positive, nous avons le souci de former les personnels dans le domaine du numérique et de la modernisation. Aujourd’hui, nous avons réparti sur l’ensemble du territoire à peu près 2 000 enquêteurs « nouvelles technologies ». Sans être de grands spécialistes, ce sont des gens capables, dans le cadre d’une enquête judiciaire, d’accéder à des données cryptées, d’analyser un disque dur et de faire un certain nombre d’opérations.

Mon objectif est de former, par brigade territoriale, au moins un gendarme capable de répondre à tout citoyen victime d’une cyber-escroquerie ou d’un vol de données numériques. Pour cela, il faut doubler notre capacité de formation, afin de recruter davantage de personnels de culture scientifique. Il me paraît important de faire évoluer l’accessibilité du service public puisqu’aujourd’hui, tout le monde peut être victime de ce genre de délits.

Nous devons être en mesure de répondre, d’accueillir le plaignant, de l’orienter, de le conseiller, et surtout d’intégrer les données de manière suffisamment pertinente pour procéder ensuite à une enquête. Il convient de renvoyer toutes ces données à un organisme central, le centre de lutte contre la cybercriminalité numérique (C3N) – toujours à Pontoise – qui a vocation à les mettre en cohérence, à saisir un parquet, avant de mener une enquête. Les faits isolés sont extrêmement difficiles à résoudre. Mais lorsque l’on agrège les données sur le plan national, on a généralement davantage de chance de résoudre une affaire.

L’important, pour moi, ce sont les effectifs. Il faut leur donner le sens de l’action, du travail, mais aussi de travailler sur le discernement

L’outil numérique que j’évoquais tout à l’heure, NéoGend, nous a conduits à nous interroger sur la manière dont sont formés nos personnels. Jusqu’à présent, on les formait en leur faisant apprendre, par cœur, le code pénal, le code de procédure pénale, etc. Or ce n’est pas à vous que je vais apprendre que le code pénal change sinon tous les jours, du moins assez régulièrement. Aujourd’hui, il y a très peu de gens qui le connaissent sur le bout des doigts, mais nous disposons d’outils qui permettent d’accéder directement à la totalité de Légifrance. Il est donc inutile d’apprendre par cœur. Notre modèle de formation doit être revu. Il ne peut plus être un modèle de capitalisation de connaissances, mais un modèle de réflexion, de discernement et d’intelligence des situations.

C’est un virage important qui, associé aux nouvelles technologies, permettra d’aller plus loin, d’avoir une gendarmerie qui avance et qui, globalement, s’adaptera à la situation locale. Je souhaite rendre aux gendarmes, à la brigade, aux commandants de compagnie, le pouvoir qui est le leur – ce n’est pas de Paris qu’on a les meilleures idées ; les meilleures idées sont sur le terrain. Et il faut leur laisser les clés de la maison.

Voilà pourquoi je leur laisse les clés de la maison. C’est à eux de s’adapter. Mais pour cela, il faut leur donner les moyens d’être bien formés. La formation, qui est un élément important, est en pleine évolution.

J’ai souhaité, dans le cadre du budget 2018, faire un effort très important en faveur de la formation de l’ensemble de mes personnels – officiers, sous-officiers ou gendarmes adjoints volontaires. Ils doivent bénéficier d’une formation de meilleure qualité, mais surtout bénéficier de temps pour la suivre. Et c’est là que je rencontre un petit problème avec les forces mobiles, qui sont très engagées. Théoriquement, dans le cadre de la loi de programmation militaire précédente, 35 jours de formation par an ont été prévus, mais aujourd’hui, nous en sommes à 21 jours maximum, et la durée de cette formation ne cesse de diminuer. La saturation missionnelle constatée sur l’ensemble du spectre risque de nous conduire à faire l’impasse sur l’essentiel. Pour moi en effet, la formation est essentielle parce qu’elle permet d’améliorer les services publics.

Je voudrais maintenant intervenir sur une autre contrainte, la directive européenne sur le temps de travail. Celle-ci nous explique qu’il faut se reposer, principe qui me paraît de bon sens, en tant que citoyen. Mais où est le bon sens quand on traduit ce principe en équations, en normes qui se trouvent en décalage par rapport aux besoins fondamentaux, par rapport à l’urgence et au contexte national ou international ?

Cette directive, qui contient un certain nombre d’items, est équilibrée. Il y est question de 24 jours de vacances par an, de 24 heures de repos par semaine, et de 11 heures de repos physiologique journalier par tranche de 24 heures. On s’aperçoit que l’on est largement au-dessus des 24 jours de vacances par an – quasiment au double – et des 24 heures de repos par semaine – nous sommes au double. Mais cela ne nous dispense pas de respecter le dernier des items, à savoir les 11 heures de repos physiologique. Cela nous met en décalage par rapport aux obligations du service et à la nécessité de lutter contre la délinquance.

Le problème, dans cette directive, c’est qu’elle nous impose de respecter scrupuleusement tous les items, au lieu de se contenter de fixer un cap général, et de laisser libre cours à l’intelligence locale, c’est-à-dire à l’intelligence nationale. Je pense que chaque pays est suffisamment mature pour trouver la juste mesure.

En vue de l’application de cette directive, nous avons diffusé une instruction provisoire depuis le 1er septembre 2016. Et de fait, la mise en place de ces 11 heures de repos physiologiques journaliers nous crée d’énormes difficultés. Le fait de comptabiliser les heures est d’ailleurs tout à fait antinomique avec le statut militaire qui suppose, par construction, une disponibilité totale, en tout temps et en tous lieux. Mais nous y travaillons et nous espérons pouvoir progresser. Évidemment, cela suppose une discussion avec la Commission européenne. Nous y participons, sous la houlette du ministère des Armées, puisque c’est lui qui est le leader dans cette discussion. Il semble toutefois essentiel que nous puissions obtenir, soit une dérogation générale, ou du moins une dérogation telle que notre capacité opérationnelle sur le terrain ne soit pas remise en cause.

Cette directive sur le temps de travail est pour moi une préoccupation : depuis la mise en place de l’instruction provisoire au 1er septembre, l’activité opérationnelle de la gendarmerie départementale est en baisse de 5,5 %, l’activité de nuit en baisse de 3 % ; et l’activité de la gendarmerie mobile en baisse de 12 %. Ces chiffres ne sont pas neutres : une baisse de 5,5 % de l’activité opérationnelle de la gendarmerie départementale représente tout de même l’équivalent de 4 000 équivalents temps plein !

Heureusement, nous pouvons compter sur des renforts supplémentaires. Je pense notamment à nos réservistes : 30 000 réservistes, opérationnels et citoyens, qui assurent aujourd’hui en moyenne une trentaine de jours par an, et effectuent la totalité des missions dévolues à des gendarmes, hormis celle du maintien de l’ordre.

Il y a dix jours, j’ai envoyé une compagnie de réserve territoriale à Saint-Martin. À la suite du cyclone Irma, nous avions lancé un appel à volontaires sur l’ensemble du territoire national. 700 se sont manifestés, pour une période de trois mois, malgré les conditions difficiles. J’ai envoyé une première compagnie, de 73 réservistes, il y a dix jours. Une deuxième compagnie suivra d’ici la fin du mois.

Les premiers retours sur le travail de cette compagnie sont exceptionnels. Cela montre bien l’engagement et la motivation de ces réservistes, jeunes et moins jeunes. Leur tranche d’âge, notamment pour ceux qui sont partis à Saint-Martin, va de trente et un à cinquante-huit ans. Pour moitié, ce sont des personnes qui ont une activité professionnelle. Cela prouve qu’il y a dans notre pays une vraie volonté de contribuer au service public, qu’il nous appartient de capitaliser et d’engager au service de l’ensemble de nos concitoyens. On avait d’ailleurs engagé 16 réservistes opérationnels de Guadeloupe, qui ont été projetés sur Saint-Martin dans les quarante-huit heures suivant le cyclone Irma.

Nous allons continuer à travailler pour consolider cette réserve. Le budget qui m’est alloué ne me permet pas d’augmenter le nombre des réservistes. Donc, j’en resterai à 30 000. La cible initialement affichée était de 40 000. On la garde en mémoire, mais à ce stade, nous sommes sur un horizon de réalisation un peu différé.

Outre l’engagement des réserves, nous avons tiré d’autres enseignements du cyclone Irma.

Le premier enseignement porte sur la capacité d’un outil intégré de projeter ses personnels et sur la capacité du statut militaire de s’adapter aux différentes situations. C’est tout l’intérêt du statut militaire, à la fois pour les forces elles-mêmes, la gendarmerie mobile et la gendarmerie départementale, mais aussi pour le soutien opérationnel. En effet, j’ai pu projeter immédiatement des militaires de corps de soutien pour aller faire, qui du soutien automobile, qui du soutien logistique, qui de la projection. J’ai pu projeter des personnels militaires sur l’ensemble du spectre du soutien opérationnel.

C’est important, d’autant que notre positionnement au sein du ministère de l’Intérieur conduit parfois certains à s’interroger sur l’utilité de ce statut militaire pour un certain nombre de personnels administratifs. À ce propos, je précise que j’ai aujourd’hui sous mes ordres 5 000 personnels administratifs, dits militaires de corps de soutien, et 5 000 personnels civils, soit 10 000 personnels dans la sphère « soutien opérationnel ». J’ajoute que les personnels administratifs militaires ne sont pas habilités police judiciaire, qu’ils n’ont pas de vocation à faire des missions de police judiciaire. Ce sont simplement des missions de soutien opérationnel sur le terrain.

Je pense que le cyclone Irma a démontré avec force l’intérêt de ce statut militaire. Nous devons conserver cette capacité de mobilisation d’un soutien opérationnel à base de militaires, qui ne vient pas en concurrence mais simplement en complémentarité avec celle des personnels civils. Dans le cadre de la résilience et de notre travail sur la continuité des organes gouvernementaux et du fonctionnement de l’État, cette capacité me paraît essentielle, voire indispensable. Si nous l’abandonnons, à un moment donné, nous n’aurons plus la capacité de faire face. Je souhaitais appeler l’attention de votre commission à ce sujet.

Puisque j’évoquais Saint-Martin, je souhaiterais terminer sur les outre-mer, qui sont pour nous un sujet de préoccupation. En effet, le niveau de violence y est en augmentation, avec des situations extrêmement tendues.

Je pense particulièrement à Mayotte. Tous les jours, j’entends parler de caillassages de gendarmes et de véhicules, d’agressions, ou d’opérations de « décasage » du fait de tensions intracommunautaires. La situation à Mayotte constitue une bombe sociale, qui explosera on ne sait pas quand. Mais cela arrivera. Cela a failli arriver en début d’année, pour un problème de manque d’eau. Pendant quinze jours, il y a eu des coupures d’eau deux jours sur trois, alors qu’il faisait très chaud. On a même dû évacuer des gendarmes et des familles. Ce manque d’eau a canalisé les tensions. Elles sont toujours là, et il est certain qu’à Mayotte, un jour ou l’autre, nous serons confrontés à des difficultés. Pour moi, c’est le territoire le plus préoccupant.

La Guyane est, selon moi, le deuxième territoire le plus préoccupant. Certes, la lutte contre l’orpaillage est un souci. Mais je parle d’abord des zones très peuplées, comme Saint-Laurent-du-Maroni, Cayenne et Kourou La situation est assez difficile à Kourou, avec le centre spatial et ses cadres qui ont un niveau de correct, et tout autour, des gens socialement très défavorisés qui ne cherchent qu’une chose : aller chercher l’argent là où il est. Le niveau de violence augmente en Guyane, et je ne vois pas très bien comment les choses peuvent s’arranger, sauf à y envoyer des troupes. Aujourd’hui, j’ai sept escadrons de gendarmes mobiles sur place, en renfort. La Guyane est, de fait, l’endroit du territoire national où il y a le plus d’escadrons en renfort. Je précise que j’ai 109 escadrons au total, et que 25 sont déplacés en permanence en outre-mer.

Pour ce qui est de la situation aux Antilles, elle est toujours marquée par un niveau de violence assez élevé, mais on constate une relative amélioration. La délinquance s’est un peu stabilisée, ce qui s’explique aussi par l’évolution sociologique de la population antillaise, marquée notamment par un certain vieillissement. Ainsi, les ingrédients historiques d’une violence endémique ont tendance à diminuer.

Le dernier territoire méritant une vigilance particulière est la Nouvelle-Calédonie, où le nombre d’agressions repart à la hausse. Depuis le mois d’octobre 2016, vingt gendarmes ont été blessés par balle – ce qui fait de cette île l’endroit du territoire national où l’on compte le plus de blessés par balle –, ayant fait l’objet de tirs directs, avec des projectiles transperçant les blindages des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), ce qui est très préoccupant. On retrouve en fait tous les ingrédients d’une situation que l’on a connue il y a quelques années, et il est certain que le référendum qui doit avoir lieu à la fin du deuxième semestre 2018 ne va faire qu’exacerber les tensions, ce qui doit nous conduire à faire preuve d’une vigilance accrue et à renforcer nos troupes sur place. J’ai actuellement cinq escadrons en Nouvelle-Calédonie, et j’ai projeté les moyens permettant d’équiper rapidement jusqu’à neuf escadrons en cas de nécessité.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis des crédits de la gendarmerie nationale. Général, je vous remercie pour votre intervention extrêmement intéressante et je salue, au nom de tous les membres de notre commission, l’action des gendarmes dans sa globalité.

La gendarmerie va procéder à 1 500 transformations de postes d’officiers et de sous-officiers sur la durée du quinquennat. Cette transformation ne doit pas se faire dans le seul sens du civil : dans les corps de soutien notamment, nous avons besoin de militaires, comme l’a démontré la crise résultant du passage de l’ouragan Irma. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce sujet ?

Ces dernières années, la gendarmerie a fait de gros efforts de mutualisation. Si cette démarche peut être positive, elle ne doit pas se faire au détriment des capacités opérationnelles et de la solidité du modèle : quel bilan en tirez-vous, et envisagez-vous sa poursuite, le cas échéant dans quels domaines ?

En outre-mer, des renforts venus de métropole seront nécessaires, alors même que la situation sécuritaire reste très tendue dans l’hexagone également. Comment vous y préparez-vous ? Enfin, pour ce qui est des outre-mer en général, disposez-vous de l’ensemble des matériels nécessaires – je pense notamment aux blindés ? Un montant de deux millions d’euros a été prévu pour l’acquisition de véhicules lourds en 2018 : les outre-mer vont-ils en bénéficier ?

Général Richard Lizurey. L’objectif global de 1 500 transformations de postes correspond à un objectif annuel de 300 transformations. Dans la feuille de route qui m’a été assignée, j’ai reçu pour mission de transformer 300 postes d’officiers et de sous-officiers en 300 postes civils, mais j’ai appelé l’attention du ministre sur l’importance de garder une capacité militaire, et proposé que la transformation débouche plutôt sur 150 postes civils et 150 postes militaires, et que la même répartition s’applique à la totalité des 1 500 postes. Cela répond à l’idée de retirer des personnels du service dit actif pour en faire des personnels administratifs, mais j’insiste sur le fait que les administratifs militaires constituent un élément très important.

Je souligne au passage que, contrairement à ce que l’on pourrait croire – j’ai fait procéder à des études précises sur le sujet, que je tiens à votre disposition, ainsi qu’à celle du ministre –, l’administratif militaire est moins cher que le civil. Aucune donnée objective ne nous permet de justifier que 300 transformations de postes d’officiers et de sous-officiers en postes civils vont permettre d’économiser des millions d’euros. En réalité, si l’on transforme l’intégralité de ces postes en postes civils, on perd de l’argent, c’est pourquoi je souhaite une répartition par moitié – je précise que les calculs auxquels il a été procédé ont été faits en utilisant les abaques de Bercy.

Nous avons beaucoup mutualisé depuis 2009, notamment en créant des directions communes : la direction de la coopération internationale (DCI), mais aussi le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (STSISI), qui nous a permis de développer à la fois NéoGend et NéoPol, son équivalent pour la police. La mutualisation concerne aussi tous les achats, effectués par un service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), qui passe tous les marchés en commun. Nous avons également des mutualisations et des unités de coordination dans le domaine de la sécurité routière, des forces mobiles et des forces d’intervention.

Il nous reste encore quelques pistes à explorer en matière de mutualisation, qui nous ont été désignées par le ministère : il s’agit notamment de la formation commune des motocyclistes, des chiens et des montagnards. Il est cependant à noter qu’en la matière, la logique de mutualisation se heurte parfois à des impératifs budgétaires. En effet, les chiens de la gendarmerie sont actuellement formés à Gramat, dans le Lot, et ceux de la police à Cannes-Écluse, en Seine-et-Marne ; de même, les motards de la gendarmerie sont formés à Fontainebleau, en Seine-et-Marne, et ceux de la police à Sens, dans l’Yonne, ainsi qu’à Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne. Si l’on souhaite mutualiser, c’est-à-dire réunir physiquement ces personnels, il va falloir construire des infrastructures, donc dépenser de l’argent : d’un point de vue budgétaire, il convient d’y réfléchir à deux fois avant de procéder à une telle opération. Si je suis pour la mutualisation, je souhaite donc qu’il soit procédé à celle-ci avec méthode, en commençant par effectuer une étude d’impact, puis en faisant en sorte d’objectiver les évolutions. L’étude d’impact est souvent l’étape qui fait défaut, et je souhaite qu’à l’avenir, nous puissions objectiver la procédure afin que la mutualisation se traduise par un bilan vraiment positif.

Pour ce qui est des blindés, la gendarmerie dispose aujourd’hui de 83 véhicules blindés, dont 38 sont déployés outre-mer. Nous avons projeté des véhicules blindés supplémentaires – en l’occurrence une dizaine de véhicules de l’avant blindés (VAB) récupérés d’Afghanistan – en Nouvelle-Calédonie, où se trouve désormais stationnée la totalité de la composante blindée, ainsi qu’une capacité de mobilité, c’est-à-dire des véhicules de transport de troupes pouvant équiper jusqu’à neuf escadrons. De cette manière, nous serons prêts à l’action dès le 1er janvier prochain, et j’ai engagé le centre de planification et de gestion de crise de la direction générale (CPGC), qui a procédé à une évaluation initiale avant de planifier cette opération, ce qui nous a conduits à faire en sorte d’être en mesure d’intervenir rapidement, en ayant mobilisé sur place à l’avance les moyens nécessaires. Malheureusement, je ne dispose pas de suffisamment de moyens pour sectoriser partout comme je l’ai fait en Nouvelle-Calédonie : c’est ce qui explique qu’il ait fallu projeter en urgence du matériel et des hommes à Saint-Martin après le passage d’Irma.

Mme Marianne Dubois. À la suite des événements survenus en 2015, la gendarmerie a bénéficié de ressources supplémentaires pour valoriser sa capacité contre-terroriste. Cependant, la mise en réserve à hauteur de 8 % d’une partie de votre budget initial pour 2017 ne vous a-t-elle pas imposé de revoir vos prétentions à la baisse ? La ressource finalement mise à disposition a-t-elle été à la hauteur des enjeux, et certains ajustements ont-ils fragilisé d’autres pans de votre fonctionnement ou certains de vos investissements ?

Mme Séverine Gipson. Général, je tiens tout d’abord à exprimer ici mon admiration pour la gendarmerie, corps d’élite qui, dans les moments difficiles que nous traversons, apporte la preuve de ses grandes capacités. Avec ce projet de loi de finances pour 2018, les moyens de la gendarmerie sont en augmentation, mais comment pourraient-ils ne pas l’être compte tenu de la période particulière que nous traversons ? Je tiens à saluer les orientations prises par le Gouvernement à ce sujet.

Chaque année, des efforts importants sont réalisés en termes d’immobilier et de logement. J’ai le bonheur d’avoir dans ma circonscription d’Évreux, dans l’Eure, le groupement de gendarmerie départementale, doté de logements confortables, très fonctionnels et modernes. Malheureusement, ce n’est pas le cas partout, et nous nous devons de poursuivre l’effort.

Pour ce qui est des véhicules, j’ai eu l’honneur d’échanger récemment avec le commandant Cédric Collard qui, évoquant l’état du parc automobile de la gendarmerie, me disait que les véhicules affichaient en moyenne 150 000 kilomètres au compteur, et que leurs équipements électroniques finissaient, de toute façon, par lâcher bien avant d’atteindre ce kilométrage. De ce point de vue, il me semble que nous ne sommes pas en adéquation avec les risques avérés : quelle est votre appréciation sur ce point ?

La même obsolescence est-elle constatée pour les hélicoptères ? Quel est le format des moyens en hélicoptères de la gendarmerie, de quels types d’engins est-elle dotée et quel âge ont-ils ? Enfin, avez-vous été récemment fournis en appareils neufs ?

M. Bastien Lachaud. Les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) sont en cours de déploiement sur certains sites de la direction des applications militaires (DAM) du commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), ce qui soulève plusieurs questions.

Selon vous, quelles sont les missions que les formations locales de sécurité chargées de la sécurité de ces sites ne sont plus aujourd’hui en mesure d’accomplir, et qui doivent être confiées à des gendarmes ? Avez-vous la garantie que les gendarmes positionnés sur ces sites ne seront pas conduits, en cas d’urgence, à intervenir ailleurs, ce qui pourrait mettre en péril la sécurité de ces sites ? Connaissez-vous le détail du calendrier du déploiement des gendarmes sur les différents sites ?

Enfin, pour ce qui est du déploiement opéré sur le site du Valduc, en Côte-d’Or, il semble que les gendarmes concernés soient logés dans des bâtiments de type Algeco. Nous confirmez-vous ce point ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Pouvez-vous nous indiquer comment vous allez procéder pour renforcer l’attachement des personnels aux métiers et répondre aux attentes des citoyens et des institutions ?

Par ailleurs, vous avez évoqué les brigades territoriales de proximité. Il y a encore quelques semaines, j’étais maire de la commune de Lanouaille, en Dordogne, où une brigade territoriale de proximité a été positionnée à titre expérimental – il y en a deux en Dordogne, et trente sur l’ensemble du territoire. Je voulais vous dire que, de mon point de vue, la gendarmerie de proximité est un succès total : la population et les élus sont enchantés de cette nouvelle formule qui leur permet à nouveau de voir les gendarmes. Cette expérimentation sera-t-elle poursuivie, comme nous l’espérons tous ?

Général Richard Lizurey. Depuis 2015, nous avons bénéficié d’une capacité d’achat de matériel supplémentaire de 317 millions d’euros. Cette somme nous a servi à acheter beaucoup de matériels de protection et d’équipement des personnels, ainsi que des véhicules.

Pour ce qui est de la mise en réserve que vous avez évoquée, c’est un peu la quadrature du cercle. Lorsque je viens devant vous comme je le fais aujourd’hui, au moment de la présentation du projet de loi de finances, j’ai toujours l’impression que le budget alloué à la gendarmerie est correct, ou du moins que nous pourrons nous y adapter au prix de quelques efforts. Malheureusement, à peine le budget a-t-il été voté que l’on m’annonce que nous ne disposerons pas de la totalité des sommes qui nous avaient été promises, une partie de celles-ci devant être mises en réserve. Pour 2018, les 3 % à mettre en réserve sont générés par la totalité de la réserve hors titre 2, ce qui représente 1,3 milliard d’euros, dont 700 millions d’euros de dépenses obligatoires, liées notamment aux loyers. Les loyers produisant une mise en réserve que je ne peux pas faire porter sur le loyer, je suis obligé de la faire porter sur le hors titre 2 manœuvrable, ce qui est à l’origine d’une double peine – le hors titre 2 manœuvrable supportant en tout 7 % de mise en réserve, susceptible d’être annulée à n’importe quel moment, comme on l’a encore vu l’année dernière.

Tous les ans, c’est une décision difficile à prendre que de mettre en place une mise en réserve sur des programmes d’achat qui ne pourront peut-être pas être réalisés dans l’année. Je me félicite que la mise en réserve pour 2018 ne soit que de 3 % alors qu’elle était de 8 % l’année dernière, mais il y aura encore des choix difficiles à faire impliquant de flécher des matériels que l’on achètera que l’année prochaine. Ces choix reviennent au directeur général et au responsable de programme, qui décident généralement de faire porter la mise en réserve sur des programmes au long cours, notamment sur l’immobilier, qui a toujours été une variable d’ajustement – ce qui explique la présence de certains points noirs immobiliers, à Nanterre, à Melun ou à Satory, par exemple : il ne faut pas y voir l’effet du hasard, mais celui du choix, répété à plusieurs reprises, de faire porter les mises en réserve sur l’immobilier, du fait que cette décision n’a pas de conséquences immédiatement visibles.

Pour le projet de budget 2018, j’ai la volonté de sanctuariser les achats de véhicules, en prévoyant l’achat de 3 000 véhicules dans l’année. Cet achat est en effet indispensable pour permettre le renouvellement à long terme d’un parc global de 31 000 véhicules, comprenant 3 000 véhicules ayant déjà atteint les deux seuils de réforme – ils ont plus de huit ans et ont effectué plus de 200 000 kilomètres. Pour ce qui est du parc dans sa totalité, il compte en moyenne entre 130 000 et 140 000 kilomètres. Ce parc est en cours de rajeunissement – une opération qui a tendance à s’accélérer, puisque nous allons acheter 3 000 véhicules pour la deuxième année consécutive, alors que nous n’en étions qu’à 1 000 unités il y a cinq ans. Nous avons aujourd’hui un stock de véhicules anciens relativement important mais en maintenant l’achat de 3 000 véhicules pendant plusieurs années consécutives, nous devrions réussir à rajeunir le parc automobile.

Pour ce qui est des hélicoptères, nous en possédons actuellement cinquante-cinq et nous en aurons prochainement un de plus, commandé afin de remplacer celui que nous avons perdu lors de l’accident survenu à Tarbes l’année dernière. Parmi ces cinquante-cinq appareils, on compte quinze EC145, quinze EC135, le reste étant composé d’Écureuil rétrofités. Cette flotte nous suffit pour exécuter nos missions, étant précisé que les EC145 et EC135 sont les appareils les plus modernes : pour cette raison, la sécurité civile est uniquement équipée d’appareils EC145, permettant de transporter jusqu’à sept personnels équipés et d’intervenir en haute montagne de manière très efficace.

La flotte d’hélicoptères est opérationnelle et affiche un taux de disponibilité supérieur à 90 %, ce qui est assez exceptionnel. Nous sommes soutenus par la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD), qui nous permet d’entretenir nos hélicoptères.

J’en viens à l’immobilier, qui constitue un souci pour moi. Un plan d’urgence immobilier doté de 70 millions d’euros par an est en cours depuis trois ans, et verra son montant porté à 100 millions d’euros – plus cinq millions d’euros pour la sécurisation des bâtiments – dès l’année prochaine. Bon an mal an, je pouvais jusqu’à présent faire procéder à la réfection d’un nombre de logements compris entre 4 000 et 5 000, et le passage à 100 millions d’euros va me permettre de porter ce nombre à 5 900 dès l’année prochaine, en plus d’une quarantaine d’opérations plus lourdes de maintenance et d’entretien du parc immobilier.

Pour ce qui est des pelotons spécialisés de protection basés sur le site du Valduc, les Algeco qu’ils occupent ne sont que des locaux de service : les personnels sont actuellement logés ailleurs, près de Dijon, ce qui nécessite un trajet de trente à quarante minutes, mais nous avons le projet de faire construire une caserne à proximité du Valduc.

Je précise que le déploiement dans les sites de la DAM correspond à une demande, formulée pour répondre à la menace du haut du spectre. Cela n’exclut pas les forces locales de sécurité, qui continuent à effectuer une partie du travail, consistant à assurer la sécurité au quotidien. Ce qui est important, c’est de pouvoir disposer, comme sur les sites des centrales nucléaires d’EDF, d’une capacité d’intervention sur le haut du spectre, c’est-à-dire de type antiterroriste, correspondant aux attributions des pelotons spécialisés – dont le rôle n’est pas d’assurer la sécurité au quotidien. Pour répondre exactement à la question qui m’a été posée à ce sujet, je dois dire que nous ne sommes pas encore tout à fait en phase en termes de déploiement et de calendrier. Cela dit, nous y travaillons, étant précisé que nous n’avons pas vocation à remplacer la totalité des forces locales de sécurité dans l’ensemble de leurs missions : notre rôle consiste simplement à assurer une complémentarité à leur action sur le haut du spectre. Nous vous communiquerons le calendrier définitif dès qu’il aura été finalisé, à l’issue des discussions en cours.

Je remercie ceux d’entre vous qui m’ont fait part d’un retour d’expérience positif sur la fonction de contact. Ma priorité stratégique réside dans l’implémentation dans toutes les unités, toutes les brigades, de cette fonction, dont les brigades « contact » ne sont que l’un des modes : au sein des brigades les plus importantes, il sera possible de créer des groupes « contact ». En tout état de cause, je souhaite que la culture de la proximité et de l’humain revienne dans notre maison. Durant des années, nous nous sommes beaucoup trop concentrés sur l’intervention, négligeant un peu la dimension affective à laquelle nos concitoyens sont très attachés, et sur laquelle nous devons maintenant travailler. Pour cela, nous devons former nos personnels et surtout leur donner le temps de se consacrer à cette mission, ce qui passe par l’élimination de certaines tâches secondaires et par la simplification de certaines procédures pénales – nous avons identifié des pistes dans ce domaine, qui nous permettront de dégager du temps pour nos personnels.

M. Yannick Favennec Becot. Je voudrais moi aussi témoigner de l’expérience menée dans ma circonscription du nord de la Mayenne, au sein de la brigade de gendarmerie de Martigné-sur-Mayenne. Depuis le mois de mars dernier, cette brigade est devenue une brigade territoriale de contact – la seule du Grand ouest –, dont l’une des raisons d’être est de « remettre du bleu » dans nos campagnes. Les gendarmes vont à la rencontre des entreprises locales et des commerçants, auxquels ils donnent des conseils en matière de sécurité. Ils échangent également avec les élus afin de connaître leurs préoccupations, et patrouillent dans les villages, aidant à régler les conflits de voisinage.

Les populations rurales sont très attachées au maillage territorial de la gendarmerie et, de ce point de vue, les brigades territoriales de contact, mises en place en février dernier dans vingt-quatre départements pour une période de six mois, constituent une réponse adaptée aux besoins du monde rural. Pourriez-vous nous faire connaître le bilan de cette expérimentation, et quels seront les moyens alloués au dispositif lorsque sa généralisation sera acquise ?

Mme Françoise Dumas. L’année dernière, lors de votre audition devant la commission de la Défense, vous nous aviez indiqué vouloir développer des unités de contact de la gendarmerie ayant vocation à afficher la présence de l’État et évitant ainsi que ne se constituent des « déserts de sécurité ». C’est en partie chose faite, et je peux moi aussi témoigner, ma circonscription du Gard comprenant une brigade de proximité, du fait que les populations, les élus et les personnels eux-mêmes sont extrêmement satisfaits de cette expérience. Cela montre, si besoin en était, que la mission de la gendarmerie est bien celle de la proximité, et sa présence est particulièrement bienvenue dans un département comme le Gard, marqué par un taux de criminalité élevé. Les personnels sont extrêmement disponibles et toujours disposés à travailler avec les élus locaux – j’ai affaire pour ma part à des colonels particulièrement brillants et à l’écoute –, et je vous adresse pour cela mes plus vifs remerciements.

Pour ce qui est des tablettes et des smartphones dont vos personnels sont maintenant équipés, je m’interroge sur leur utilisation en milieu rural, dans des zones qui sont loin d’être toutes couvertes par les réseaux internet et de téléphonie mobile. Comment pensez-vous remédier à cette difficulté ?

Par ailleurs, les zones urbaines et périurbaines étant parfois difficiles à distinguer les unes des autres, envisagez-vous de partager avec vos collègues de la police les renseignements recueillis sur le terrain, et des avancées ont-elles déjà été effectuées dans ce domaine ?

Enfin, des formations conjointes entre la police et la gendarmerie sont-elles mises en place, ou ont-elles vocation à l’être prochainement ?

M. Laurent Furst. J’aimerais d’abord savoir si les OPEX peuvent concerner la gendarmerie.

La mutualisation a-t-elle permis de réaliser des économies, le cas échéant n’aurait-on pas dû y penser avant, et peut-on aller beaucoup plus loin dans ce domaine ?

Il me semble que vous avez dit, ou laissé entendre, que la gendarmerie doit faire face à une vague de cambriolages perpétrés par des personnes venues d’autres pays d’Europe, ce qui vous donne beaucoup de travail. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?

Enfin, si je calcule bien, en rachetant 3 000 véhicules par an, il vous faudra plus de dix ans pour renouveler intégralement un parc composé de 31 000 unités. Or, un véhicule étant vétuste à partir de huit ans d’âge, l’effort envisagé ne paraît pas suffisant : qu’en pensez-vous ?

M. le président. Nous sommes passés de 1 000 véhicules achetés chaque année à 3 000, cher collègue !

M. Laurent Furst. C’est très bien, mais est-ce suffisant ?

M. Louis Aliot. En 2014, six officiers de gendarmerie ont été nommés à la tête de services départementaux de renseignement territorial dans plusieurs départements, dont un dans l’Aude. Suite à la plainte d’un syndicat de policiers, le tribunal administratif a cassé ces nominations, et je crois savoir que vous avez diligenté une enquête à ce sujet. Dans la période que nous traversons, marquée par la menace du terrorisme, les rapports entre la police et la gendarmerie ne souffrent-ils pas de quelques malentendus ?

Par ailleurs, après la fermeture en 2009 de quatre écoles d’élèves gendarmes, on s’est aperçu que l’on manquait d’écoles, ce qui a nécessité d’envoyer des classes d’élèves gendarmes se former en Espagne, auprès de la Guardia civil. Ce dispositif de formation des gendarmes français à l’étranger est-il amené à se prolonger ?

Général Richard Lizurey. Les brigades de contact étant une réussite, nous ne sommes pas opposés à continuer dans cette voie, étant toutefois précisé que la décision en reviendra aux commandants de groupement, car je considère que l’intelligence est locale. Ce n’est pas moi qui, de Paris, vais décréter qu’il faut créer ou supprimer une brigade à tel ou tel emplacement, mais les commandants de groupement qui doivent se concerter avec leurs commandants de compagnie et les élus concernés, avant de me dire quels sont, selon eux, les besoins réels sur le terrain et l’organisation qui leur paraît la plus adaptée à ces besoins – un groupe « contact » dans une grosse brigade, une fonction « contact », etc. Je souhaite mettre l’intelligence au pouvoir, décentraliser et déconcentrer la totalité de la décision dans ce domaine : de ce point de vue, les commandants de groupement et les commandants de compagnie, qui connaissent parfaitement le terrain, sont les mieux placés pour me dire ce qu’il faut faire.

Mon objectif est de faire en sorte que le temps de relation entre le gendarme d’une part, les élus et la population d’autre part, soit le plus long possible. Dans l’idéal, je voudrais que ce soit 100 %, et si je sais que cet objectif ne peut être atteint, j’aimerais que l’on s’en approche autant que possible, selon des modalités qu’il revient aux commandants de groupement et aux commandants de compagnie de définir : cela peut passer par la multiplication des brigades de contact, mais aussi en recourant à d’autres modes d’organisation. Les moyens qui seront alloués, notamment dans le cadre de l’évolution des effectifs – nous aurons 459 équivalents temps plein supplémentaires l’année prochaine – pourront être en partie affectés à la fonction « contact », en fonction des propositions qui me seront faites par les échelons locaux.

Les zones d’ombre en télécommunication constituent une réelle difficulté, que nous avons en partie contournée en faisant de nos véhicules, disposant de moyens radio performants, des relais pour les matériels portables, notamment les tablettes, dont sont équipés nos personnels. Il subsiste des zones posant problème, dans lesquelles nous sommes parfois obligés de recourir – en accord avec Orange, qui est notre opérateur habituel – à un deuxième opérateur afin de disposer d’une couverture nationale complète.

Le partage des données avec la police est déjà une réalité. Aujourd’hui, toutes les applications et les matériels informatiques sont nativement partagés par la gendarmerie et la police, qui recourent toutes deux au service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure. Bien entendu, le fait que nos applications respectives soient conçues par le même service, et quasiment identiques, les rend parfaitement interopérables.

Nous opérons effectivement dans les zones rurales et périurbaines, tandis que la police est présente en zone urbaine. Dans les franges entre ces différentes zones, nous avons mis au point un dispositif opérationnel permettant des renforts croisés : les policiers peuvent venir renforcer les gendarmes et vice versa, et les deux services peuvent communiquer par radio sans aucun problème, l’interopérabilité des trois dispositifs rattachés au ministère de l’Intérieur – RUBIS pour la gendarmerie, ACROPOL pour la police, ANTARES pour la sécurité civile – étant totale. Nous réfléchissons actuellement au réseau radio du futur, qui sera lui aussi nativement partagé – les trois réseaux que je viens de citer ayant vocation à devenir un réseau unique à l’horizon 2025-2030.

La gendarmerie fait évidemment partie des unités déployées en OPEX. Nous étions en Afghanistan aux côtés de nos camarades des armées et nous y avons vécu des moments forts de fraternité d’armes. Cette opération a montré aux gendarmes qu’ils n’avaient pas perdu leur militarité et aux autres armées que les gendarmes pouvaient prendre part à des opérations militaires. Aujourd’hui, notre participation se fait plutôt dans le cadre de la prévôté, puisque nous ne sommes pas engagés sur les opérations majeures. Cependant, des gendarmes sont déployés sur l’ensemble du spectre, qu’il s’agisse des organisations internationales – les Nations unies et les organisations européennes –, ou de la police civile et militaire. Par ailleurs, le GIGN est engagé en Irak depuis près de dix-huit ans dans le cadre de la protection de la représentation française ; nous sommes également prêts à nous installer en Libye, dans le cas où rouvrirait une ambassade. En tout, j’ai actuellement environ 600 personnels à l’étranger. Si ces hommes ne prennent pas part aux opérations extérieures proprement dites, où l’intervention de la composante gendarmerie n’est pas nécessaire, un escadron est cependant prêt à être projeté à n’importe quel moment en accompagnement des forces, dans le cadre du contrat opérationnel. Je puise d’ailleurs dans un groupement des opérations extérieures des officiers et sous-officiers formés en langue anglaise et pourvus de toutes les certifications OTAN, ce qui me permet de les projeter très rapidement sur n’importe quel théâtre d’opérations.

Les mutualisations permettent-elles des économies ? À cette question, je répondrai que cela dépend : c’est possible uniquement quand les mutualisations sont faites intelligemment. Malheureusement, ce n’est pas le cas de toutes les mutualisations, certaines ayant été faites sans étude préalable ni méthode, mais j’espère que cela ne se reproduira pas à l’avenir.

L’office central de lutte contre la délinquance itinérante a effectivement constaté que des organisations criminelles provenant d’Europe de l’Est sont responsables de certains phénomènes de délinquance en France, qu’il s’agisse des cambriolages de masse, des vols d’engins de chantier – dont l’impact économique est énorme, car ces engins valent très cher – ou encore du vol de matériel d’ophtalmologie. Il s’agit de pratiques très organisées, avec un donneur d’ordre fréquemment basé dans un pays d’Europe de l’Est. Depuis l’an dernier, nous devons également faire face à une organisation chilienne, qui s’est associée aux réseaux d’Europe de l’Est pour faire prospérer ses activités.

Comme l’a relevé à juste titre M. le président, l’effort consistant à acheter 3 000 véhicules par an n’est peut-être pas suffisant, mais il faut se souvenir qu’il y a quatre ans, nous achetions largement moins de 1 000 véhicules ! En maintenant le cap des 3 000 achats par an sur une longue période, nous devrions réussir à reconstituer un parc automobile opérationnel. Nous sommes très intéressés par les véhicules électriques, qui posent cependant le problème de l’autonomie, sur lequel nous devons encore travailler. La Garde républicaine a d’ores et déjà conclu un partenariat avec Renault, qui nous prête gracieusement des véhicules électriques que nous utilisons à Paris – si d’autres constructeurs sont disposés à en faire de même, nous accepterons bien volontiers de leur prêter notre image en contrepartie !

Le service central du renseignement territorial se décline effectivement au niveau de chaque département sous la forme de services départementaux, dont six sont dirigés par des gendarmes. Celui de Narbonne pose problème de longue date en raison de difficultés relationnelles : l’officier de gendarmerie placé à sa tête n’a jamais été accepté. Le syndicat des cadres de sécurité intérieure a déposé un recours administratif contre la désignation d’officiers de gendarmerie à la tête d’unités composées de policiers, et obtenu gain de cause au motif que le poste occupé par l’officier n’avait pas été publié à la bourse interministérielle de l’emploi public. Nous avons donc repris la procédure avec le directeur général de la police national et dorénavant, lorsque nous mettons en place des officiers de gendarmerie à des postes fléchés « police-gendarmerie », nous passons par le circuit normal d’appel à candidatures. En l’espèce, nous avons renommé les mêmes officiers aux mêmes postes, et je veux voir les choses du bon côté en me disant que cette affaire nous aura au moins permis de progresser en matière d’efficacité commune.

Pour ce qui est de la formation, nous avons effectivement fermé des écoles en 2009. Dans le même temps, nous avons acquis la base aérienne de Dijon, où nous allons installer deux compagnies supplémentaires l’année prochaine, afin de répondre à nos besoins en termes de formation. Je précise que la formation d’élèves gendarmes en Espagne ne répond pas à une exigence capacitaire, mais à une logique européenne. Il existe une force de gendarmerie européenne, qui permet à l’ensemble de nos forces de police à statut militaire européennes d’intervenir à l’étranger. Nous sommes ainsi intervenus en Afghanistan, ainsi que dans certaines régions africaines, sous le mandat « Force de gendarmerie européenne » (FGE), et nous nous sommes aperçus que le meilleur moyen pour nous d’être efficaces dans ce domaine était d’être interopérables et de nous connaître mutuellement. Pour cela, il y a deux options : soit on procède à des échanges réguliers, par exemple sous la forme de stages, soit on envoie de jeunes gendarmes se former à l’étranger. C’est ce qui a été fait en début de mois, avec l’arrivée d’une compagnie d’élèves gendarmes à Valdemoro, près de Madrid. Je me suis rendu sur place dimanche, où j’ai pu constater que la greffe prenait bien.

Les personnels de la Guardia civil et les gendarmes français, qui partagent le même statut militaire et les mêmes missions, et sont soumis quasiment à la même organisation, ont 900 heures de formation en commun, comprenant à la fois une formation professionnelle et une formation militaire. Pour ma part, je pense que les 120 élèves gendarmes concernés sortiront de cette formation avec une culture partagée, qui sera d’une efficacité beaucoup plus grande que celle des stages croisés répartis sur la durée de la carrière. Ils seront affectés principalement à la région du Grand Sud-Ouest, où nous sommes fréquemment amenés à interagir avec nos camarades espagnols. La coopération avec l’Espagne me paraît extrêmement importante, à la fois en matière de lutte contre le terrorisme – où l’Espagne a une longue expérience, issue des années de lutte contre l’ETA – et contre le trafic de stupéfiants, où l’Espagne constitue un point de passage pour la drogue provenant du continent africain. Dans ces deux domaines, nous avons un grand besoin d’interopérabilité et de culture partagée, qui justifie pleinement la présence d’une compagnie d’élèves gendarmes en Espagne, dans une logique d’intégration et de partage de la compétence professionnelle s’inscrivant dans le cadre de la force de gendarmerie européenne.

M. Thibault Bazin. Dans l’affaire dramatique de la disparition de la petite Maëlys, survenue fin août, la gendarmerie a mobilisé des moyens impressionnants – équipes cynophiles, cellule de lecture automatique des plaques d’immatriculation, spéléologues, brigade nautique, drones de la gendarmerie des transports aériens permettant de dresser une carte en 3D du secteur –, qui n’ont malheureusement pas permis de retrouver l’enfant. A posteriori, estimez-vous que certains outils vous ont fait défaut, et quel regard portez-vous sur la manière dont les recherches ont été menées ?

Ma deuxième question a trait à la gendarmerie de l’armement, qui joue un rôle essentiel sur treize sites sensibles, notamment ceux de la direction générale de l’armement (DGA). Comment appréhendez-vous les menaces représentées par des drones civils transformés en armes ?

M. Christophe Lejeune. Député de la deuxième circonscription de la Haute-Saône, je souhaite vous poser une question liée à la spécificité de mon territoire, dont la commune principale compte moins de 10 000 habitants. Puisque vous avez dit que les meilleures idées venaient du terrain, et que vous laissiez bien volontiers les clés de la maison aux acteurs locaux, vous serez sans doute intéressé par cette initiative prise par des réservistes sous la responsabilité du colonel chef de groupement du département. Ces réservistes, dirigés par un commandant ayant récemment pris sa retraite et un jeune lieutenant qui vient d’obtenir son diplôme d’expert-comptable, se sont inspirés d’une approche marketing en écoutant la base, c’est-à-dire les habitants de ce territoire assez isolé, à qui ils ont demandé ce qu’ils souhaitaient. Selon les résultats de l’enquête effectuée, 85 % des personnes interrogées étaient intéressées par un contact dit présentiel avec la gendarmerie, en dehors de toute nécessité de porter plainte ; par ailleurs, 65 % des sondés ont déclaré être intéressés par un lien SMS avec la gendarmerie. Les sondeurs ont été agréablement surpris par l’accueil favorable qui leur a été réservé, ainsi que par la curiosité manifestée par les personnes interrogées au sujet de la création d’un réseau SMS.

C’est un projet porté uniquement par des réservistes. La brigade a créé une force de liaison et d’action qui offre une proximité différente selon les besoins. Entité non permanente constituée d’une quinzaine de réservistes volontaires issus majoritairement du territoire, la force a pour vocation de renouer des liens distendus avec les usagers de la zone. Orientée vers l’information du public, la facilitation de démarches administratives, la résolution de problèmes et la constatation des petites infractions, la force n’a pas vocation à recevoir des appels d’urgence ni à conduire des enquêtes complètes. C’est une approche dite « omnicanal ».

Ils ont constitué, sur proposition des habitants, des liens SMS qui fonctionnent très bien. Il y avait ce dimanche un comice agricole ; ils étaient présents et les habitants allaient vers eux pour leur communiquer leurs numéros de portable. C’est un lien direct peu coûteux pour vos services. Entendez-vous aller plus loin dans le lien par réseaux SMS ? Je vous invite en tout cas à venir les rencontrer car ce qu’ils font est extraordinaire.

Mme Frédérique Lardet. Le 1er janvier 2017, les circonscriptions une et deux de la Haute-Savoie ont vu la naissance de la nouvelle commune d’Annecy résultant de la fusion de six communes, dont deux se trouvaient en zone de police et quatre en zone de gendarmerie. Le décret du 6 mai 2017 relatif à la répartition des forces de sécurité de l’État dans les communes nouvelles prévoit que, par exception, le ministère de l’Intérieur peut, dans les communes placées sous le régime de la police d’État, confier à la gendarmerie nationale, par arrêté, après avis du conseil municipal, l’exécution des missions de sécurité et de paix publique à la gendarmerie nationale sur une partie du territoire de ces communes. La nouvelle commune d’Annecy entre dans le champ d’application de ce décret mais aucun avis n’a été formulé par le conseil municipal à ce jour, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes, notamment quant au devenir des trois brigades des anciennes communes de Seynod, Annecy-le-Vieux et Meythet. L’absence d’avis du conseil municipal sous-entend-elle la fermeture prochaine de ces brigades ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. Où en est la mise aux normes des infrastructures immobilières et la réfection des logements ? Je crois par ailleurs savoir, d’après le retour que j’ai dans les territoires, que la gendarmerie a des retards dans le paiement de ses loyers aux propriétaires bailleurs. Le budget 2018 permettra-t-il d’équilibrer ce chapitre, voire d’apurer les retards accumulés ?

Général Richard Lizurey. Dans l’affaire Maëlys, la mobilisation est exceptionnelle : nous avions le devoir de faire le maximum. Je ne pense pas qu’il y avait besoin de moyens supplémentaires. Ce ne sont pas les moyens qui nous ont fait défaut mais la preuve irréfutable d’une culpabilité. C’est plus une logique judiciaire qu’une logique de moyens. Je ne vois d’ailleurs pas ce que l’on aurait pu faire de plus. Les éléments recueillis, que vous avez pu voir dans la presse, n’apportent pas à ce stade la preuve irréfutable d’une culpabilité.

Les drones civils transformés en armes sont une menace que nous voyons sur les théâtres d’OPEX. Nous avons mis en place au sein du ministère de l’Intérieur un comité de pilotage « drones », que la gendarmerie anime. Nous avons également créé un dispositif de brouillage, dont le service des technologies et des systèmes d’information a la charge. À l’occasion de la journée du patrimoine, nous avons d’ailleurs neutralisé un drone civil au-dessus d’un palais national. Il faudra multiplier cette capacité de brouillage directionnel. Nous sommes depuis peu chargés par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de mettre en place un réseau interministériel sur les drones coopératifs : nous allons créer un système d’immatriculation des drones de plus de 800 grammes vendus sur le territoire national, qui sera dirigé par la gendarmerie. Il est important de continuer à travailler de manière unie, c’est-à-dire en interministériel et notamment avec les armées ainsi qu’avec la DGA, qui possède une avance technologique en la matière.

Je partage votre analyse s’agissant du réseau SMS car cela correspond exactement à l’idée que je me fais du contact, qui doit avoir lieu sur la totalité des spectres. Je félicite les réservistes qui se sont engagés dans cette opération, je les inviterai à poursuivre et leur apporterai tout le soutien nécessaire. Ils se sont adaptés aux besoins locaux. Nous avons par ailleurs, avec Facebook et Twitter, des outils d’information de la population. Chaque groupement a aujourd’hui sa page Facebook et certains animent un fil Twitter. Nous nous inscrivons dans la logique des réseaux sociaux, et le SMS est une expression de ce contact.

Pour répondre sans détour à la question concernant la commune d’Annecy, oui, nous allons partir de la commune, car c’est la loi. Nous sommes dans l’illégalité depuis le 1er janvier 2017 puisque les dispositions combinées du code de la sécurité intérieure et du code général des collectivités territoriales conduisent à ce que, dans les communes nouvelles, dès lors qu’au moins une commune ancienne appartenait à une zone de police nationale la totalité de la commune devient de compétence police nationale. Puisque, dans le cas de cette commune nouvelle, personne ne demande à être rattaché à la gendarmerie, le ministre de l’Intérieur n’a aucune raison de prendre un arrêté. L’absence de délibération du conseil municipal est évidemment bloquante pour moi et j’ai d’ailleurs demandé au commandant de groupement, le colonel Labrunye, d’engager un dialogue de gestion individuel avec les gendarmes des trois brigades concernées, car nous allons les dissoudre. Nous avons assez demandé de délibérations et suscité de dialogues ; au 1er janvier 2018 je vais être obligé d’appliquer la loi – ce qui est le minimum pour un gendarme – et de partir de cette nouvelle commune où je ne suis plus compétent. Cette incompétence ne manquerait d’ailleurs pas de susciter des nullités de procédure si je persistais.

L’immobilier est la variable d’ajustement classique. Environ 60 % de notre parc, toutefois, est locatif et cette partie locative est généralement bien entretenue. C’est la partie domaniale qui pose problème car c’est là que s’appliquent les mises en réserve et l’ajustement. Nous avons des retards de loyer pour la simple raison que j’ai une dette de 92 millions d’euros, résultat de l’année 2016-2017 et de l’annulation de cette année. Nous essaierons de rembourser cette dette au plus vite mais ce sera difficilement gérable sur une année budgétaire.

M. Loïc Kervran. Je souhaite tout d’abord rendre hommage aux gendarmes blessés ces dernières semaines dans le Cher, au cours de différents événements. Je suis persuadé que la culture de proximité que vous avez évoquée est aussi de la responsabilité des élus, et nous ne manquerons pas de prendre contact avec les gendarmes et leurs commandements quand ce type d’événements se produit.

Ma question porte sur l’impact de la directive européenne relative au temps de travail. Vous avez évoqué la diminution de la capacité opérationnelle entraînée par son application. Ces nouvelles contraintes ont-elles reçu une traduction budgétaire, en termes d’effectifs ? Vous avez avancé le chiffre considérable de 4 000 ETP pour seulement une partie du problème.

M. Patrice Verchère. Depuis les attentats de 2015, la gendarmerie a développé, notamment dans le cadre d’un plan de lutte contre le terrorisme, le renseignement territorial afin de détecter les signaux faibles de radicalisation. Des gendarmes sont donc chargés de la lutte contre la radicalisation en captant un maximum de renseignements et en traitant des signalements sur la plateforme téléphonique. Ce sont soixante-quinze structures qui devaient être installées entre 2015 et 2017, généralement au niveau des compagnies. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Allons-nous développer encore ces structures ? Quels problèmes rencontrez-vous, notamment en termes de formation ? Dans certains endroits, comme le département du Rhône, ce sont deux gendarmes pour tout un département : est-ce suffisant ?

Par ailleurs, des véhicules saisis ont-ils été affectés en 2017 à la gendarmerie nationale, pour permettre à celle-ci d’atteindre à terme le nombre idéal ?

M. Didier Le Gac. Pouvez-vous nous communiquer le taux de fidélisation de vos personnels ? Nous en avons encore parlé récemment avec Florence Parly, ainsi qu’avec le chef d’état-major des armées. Nous avons pu évoquer, par exemple, la situation des bateaux anglais qui restent à quai car il n’y a plus personne pour les armer. Élu local depuis une quinzaine d’années, j’ai le sentiment de voir un turnover important parmi les gendarmes ; beaucoup de jeunes gendarmes quittent la gendarmerie, souvent d’ailleurs pour la police municipale où il y a moins de contraintes. Avec le chef d’état-major, nous avons également évoqué le plan famille des armées : avez-vous la même chose à la gendarmerie ? Comment faites-vous pour fidéliser les gendarmes ?

M. Charles de la Verpillière. Je souhaite poser quatre questions. Tout d’abord, vous avez parlé de « saturation missionnelle » mais vous n’y êtes pas revenu. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Pour dégager plus de temps aux officiers de police judiciaire (OPJ) pour le contact et l’action sur le terrain, quelles sont vos propositions en matière d’allégement et de simplification des procédures judiciaires, ainsi que dans les relations avec les parquets ?

Quelles leçons tirez-vous du déploiement des pelotons spéciaux de protection de la gendarmerie pour les centrales nucléaires ?

Enfin, une loi récente pénalise les clients de prostituées : vos troupes ont-elles dressé beaucoup de procès-verbaux à cet égard ? Si je vous pose la question, c’est que je connais la réponse.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si l’État français fonctionnait comme la gendarmerie, nous serions le premier pays au monde.

Au cas où vous ne souhaitez plus perdre de gendarmes en direction des polices municipales, je suggère que vous diligentiez des enquêtes sur le nombre de maires qui payent au-delà de ce qu’ils ont droit les policiers municipaux ex-gendarmes.

J’exprimerai deux souhaits. Pour avoir été longtemps maire d’une ville qui accueille une caserne de gendarmerie mobile, je souhaite que vous laissiez, en zone urbaine, le plus possible ouverte, en fonction de Vigipirate, la gendarmerie sur le civil. Ce que vous avez comme clubs sportifs et foyers, même si cela peut être économiquement contraignant, c’est aussi ce qui fait que la gendarmerie est bien intégrée dans la ville.

Je pense, ensuite, qu’il faut conduire un travail sur ce qui se produit en cas de séparation de couple dans la gendarmerie. J’ai très souvent reçu des femmes qui se retrouvent sans logement. Des instructions devraient être données aux commandements pour qu’il y ait des discussions avec les villes, car ces situations dramatiques ne sont pas acceptables de la part de votre institution.

M. Pierre Cordier. Membre de la commission des Affaires étrangères, je suis très heureux d’être parmi vous ce soir.

Les informations, Mon général, passent bien, et c’est rassurant, entre vous et vos commandants de groupement : j’étais hier avec le commandant de groupement des Ardennes, qui a pu développer ce que vous avez évoqué au sujet de l’informatique et des référents. J’ai retrouvé dans votre bouche ce que j’ai entendu hier.

La proximité, les référents, les contacts avec les élus locaux, ce n’est pas quelque chose de nouveau. J’ai été maire d’une commune rurale pendant une petite vingtaine d’années. Il y a dix ans, ont déjà été mis en place des référents locaux, des hommes de chez vous qui étaient les interlocuteurs privilégiés des élus sur leur secteur. Si cela revient, tant mieux car c’était tombé un peu en désuétude.

Dans la discussion du projet de loi de lutte contre le terrorisme, on a retiré aux maires la possibilité d’être informé d’un certain nombre de choses, sur des sujets certes délicats, mais que des maires ne soient pas informés de ce qui se passe sur le territoire de leur commune me semble problématique.

Enfin, les collectivités territoriales, notamment les conseils départementaux, ont beaucoup investi en direction des gendarmeries locales. Vous avez évoqué votre dette de 92 millions d’euros. Les finances des conseils départementaux ne sont pas non plus dans un état bien réjouissant. Comment voyez-vous les choses, sur les court, moyen et long termes, concernant le remboursement des loyers aux conseils départementaux ?

Général Richard Lizurey. La directive sur le temps de travail réduit en effet notre capacité opérationnelle. Il n’y a pas de réponse budgétaire. Nous avons obtenu 2 327 promesses de postes d’ici à la fin du quinquennat mais ce n’est pas directement lié à la directive.

Ce sont soixante-treize antennes de renseignement territorial qui sont mises en place. Ces gendarmes – à Lunel, par exemple, ils sont quatre – ne sont pas pour l’ensemble du département : ils sont intégrés dans le service départemental de renseignement territorial dont ils dépendent fonctionnellement. Ce sont des postes avancés du service départemental de renseignement territorial, qui se trouve au chef-lieu. Ces postes sont soit dans les territoires soit en zone aéroportuaire. Nous travaillons avec la police nationale et le service central de renseignement territorial en vue d’augmenter le nombre de ces antennes, dont le retour d’expérience est très positif. La formation dispensée à ces personnels est une formation classique en matière de renseignement ; nous nous sommes associés aux services de la police nationale mais aussi à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) pour l’assurer. Nous allons chercher la compétence là où elle est. Une partie de nos gendarmes participe à une partie du cursus de l’Académie du renseignement.

Ce sont aujourd’hui 729 véhicules saisis qui sont utilisés par mes personnels. C’est une piste intéressante et d’ailleurs assez morale, s’agissant d’argent volé. Nous allons essayer d’augmenter ce nombre mais ce n’est pas toujours simple.

La fidélisation a été évoquée dans un rapport récent du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM). Même si un certain nombre de gendarmes partent avant la limite d’âge, nos sous-officiers restent beaucoup plus longtemps que nos camarades des armées. En ce qui concerne les 12 000 gendarmes adjoints volontaires, il s’agit de contrats de six ans ; ils partent souvent entre trois et quatre ans, et une grande partie est d’ailleurs absorbée par le corps des sous-officiers, après concours. Une partie d’entre eux part, c’est vrai, vers la police municipale mais je pense qu’il est bon d’avoir une filière sécurité qui irrigue les polices municipales, car cela contribue à une logique de partenariat partagé.

Nous sommes bien sûr intégrés à la réflexion sur le plan famille des armées, même si nous n’avons pas nécessairement les mêmes sujets. Nos contraintes en termes de mobilité, par exemple, sont moindres.

J’ai évoqué rapidement la saturation missionnelle. Elle a un impact sur la formation. Les escadrons sont déplacés en moyenne 230 jours par an, nous n’avons donc aucune marge de manœuvre en matière d’escadrons ou de forces mobiles. Cette saturation missionnelle est vraie aussi pour la gendarmerie départementale, certes dans des proportions différentes selon qu’il s’agit de zones rurales ou périurbaines.

Un travail d’allégement des procédures judiciaires a été engagé par la garde des Sceaux en liaison avec l’ensemble des parquets locaux et le ministre de l’Intérieur. Nous avons formulé des propositions : par exemple, que la compétence OPJ soit une compétence nationale, que les agents de police judiciaire (APJ) puissent avoir des compétences supérieures, qui n’engagent pas la coercition, que la procédure soit simplifiée par la révision des différents cadres d’enquête… J’ai avec moi le procès-verbal relatif à une enquête de flagrance sur des dégradations. Comme vous pouvez le voir, il y a sept signatures par page, sur cinq pages. Il me semble que, sans mettre en cause les droits de la défense, des pistes de simplification de bon sens peuvent être envisagées.

Les PSPG datent d’une vingtaine d’années. Dans un premier temps, on avait réparti les personnels chargés de la sécurité des centrales nucléaires dans les brigades alentour, puis, il y a une dizaine d’années, nous avons convenu avec EDF qu’il fallait que les gens soient à l’intérieur, de manière à disposer d’une capacité de riposte immédiate tout en pouvant compter sur un renfort rapide. Un PSPG, c’est cinquante personnes qui sont chargées de la partie contre-terrorisme. Quand Greenpeace nous dit qu’ils vont venir, nous ne leur tirons évidemment pas dessus. Ils passent les barrières et déploient leurs banderoles, mais c’est un jeu de dupes. Médiatiquement, cela devient : « Les centrales nucléaires ne sont pas protégées », sauf que si on tire un jour sur un militant de Greenpeace, on nous dira : « Pourquoi avez-vous tiré ? Ce n’était pas un terroriste. » Nos personnels des PSPG sont formés dans le haut du spectre. Ils entrent dans les unités d’intervention spécialisée au même niveau que les antennes GIGN.

La pénalisation des clients de prostituées n’est pas, très sincèrement, ma priorité. La loi s’applique mais je préfère que l’on s’occupe de délinquance au quotidien et de lutte contre le cambriolage. C’est un point de vue personnel qui n’engage que moi mais je l’assume. Il m’appartient de faire des choix opérationnels en fonction des moyens dont je dispose.

Nous avons des infrastructures sportives ouvertes au civil. La piscine de Satory mobilise huit ETP pour son entretien, quelques centaines de milliers d’euros de fonctionnement, pour une utilisation de 15 % par le service. Ai-je vocation à financer des activités extérieures non liées au service ? La réponse – là aussi c’est un choix – est non et c’est pourquoi j’ai prévenu, depuis deux ans déjà, le maire concerné que j’allais fermer la piscine, en lui proposant de reprendre l’activité à sa charge. Le budget ne permet pas d’accommodements, j’ai besoin de me concentrer sur l’essentiel, de donner à mes gendarmes les moyens de travailler.

Je suis en revanche très sensible à ce que vous avez dit concernant les couples. On ne peut pas, dans le cas d’une séparation, maintenir l’épouse dans un logement concédé mais nous allons étudier votre suggestion.

Les gendarmes référents ont déjà existé mais, à l’époque, ils n’avaient pas un téléphone chacun. Aujourd’hui, chaque gendarme a un téléphone de service et je peux lui demander de donner ce numéro à un élu.

En ce qui concerne le projet de loi de lutte contre le terrorisme, je ne vois pas bien à quelle disposition vous faites référence.

M. Pierre Cordier. Il y a eu un débat dans l’hémicycle sur la question de savoir s’il fallait ou non transmettre aux maires des informations relatives aux affaires de terrorisme, et il a été décidé que les maires ne seraient pas destinataires de ces informations.

Général Richard Lizurey. Il y a des enquêtes sensibles dans le haut du spectre du terrorisme dont nous ne sommes nous-mêmes pas au courant, et nous découvrons une intervention de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le jour même. Je ne suis pas sûr qu’il soit souhaitable d’informer tout le monde de tout. Cela dépend des cas d’espèce, il peut y avoir des cas où il est opportun de prévenir le maire.

S’agissant de l’immobilier, j’en profite pour remercier l’ensemble des collectivités locales qui nous aident pour le logement des gendarmes. Nous ne pourrions fonctionner sans cette aide. Nous essayons de maintenir le volume global des loyers ; nous devons être autour de 500 millions d’euros de loyers par an. Dans le cadre des constructions, l’objectif, quand on s’engage dans une construction sous le régime du décret de 1993, est que la collectivité soit à l’équilibre au bout de treize ou quatorze ans de loyer. Cela suppose qu’elle ait les moyens de financer la construction et les premières années de fonctionnement.

M. le président. Merci, Mon général.

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La séance est levée à dix-neuf heures dix.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Louis Aliot, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Florian Bachelier, M. Didier Baichère, M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Ian Boucard, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne-France Brunet, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Jean-François Eliaou, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Laurent Furst, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. Christian Jacob, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Frédérique Lardet, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Trompille, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Olivier Becht, M. Luc Carvounas, M. André Chassaigne, M. M’jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Sabine Thillaye, Mme Nicole Trisse

Assistait également à la réunion. – M. Pierre Cordier

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