Postures
Le 8 mai, après avoir rejoint très symboliquement l’Arc de Triomphe en command-car pour présider la cérémonie du ravivage de la Flamme, le président de la République a rendu hommage aux soldats blessés en opérations à l’hôpital militaire Percy. Puis le 19 mai, il s’est fait présenter au Sahel les forces de l’opération Barkhane à qui il a tenu à « exprimer le salut et le respect de la Nation » ajoutant : « je ne risquerai pas vos vies pour rien, je respecterai les impératifs humains et techniques de l’outil militaire ». Enfin, sa récente plongée en SNLE au large de l’Ile Longue lui a permis d’afficher la place qu’il accorde à la dissuasion nucléaire.
Ainsi le président de la République s’est affirmé comme le chef des Armées par des paroles et des gestes symboliques. Il ne peut en rester là et va devoir maintenant les traduire dans les faits par des choix et des décisions. Il lui faudra d’abord trancher très vite le « conflit » concernant le budget 2017 entre Bercy et le ministère des Armées et assurer que ce dernier ne se fera pas imputer les surcoûts OPEX et OPINT, soit 850 M € non budgétés, au prétexte du respect de la règle des 3% de déficit. Il lui faudra ensuite fixer le niveau de l’effort à consentir en 2018 pour amorcer l’indispensable remise à niveau de nos forces classiques (dissuasion, protection et projection) et initier l’effort de modernisation de la dissuasion nucléaire.
Urgence
Est-il utile de rappeler une fois de plus l’état de paupérisation de notre armée, comme n’ont cessé de le faire les chefs d’état-major des armées lors de leurs auditions devant les commissions de la Défense, relayés par de trop rares journalistes et par des officiers généraux en 2e section que le ministre précédent cherchait à faire taire au nom du devoir de réserve ?
Les armées ont dû abandonner des capacités opérationnelles importantes, en principe temporairement, faute de moyens financiers ; elles sont utilisées depuis des années au-delà des contrats opérationnels pour lesquels elles sont dimensionnées ; elles usent leur matériel plus vite qu’elles ne peuvent le réparer et ne le modernisent pas aussi vite que la sécurité des hommes, l’efficacité au combat et leur âge l’exigeraient.
L’armée est en situation d’appauvrissement accéléré et, à ce rythme, il ne sera plus possible de maintenir le niveau actuel de nos engagements, ni de reconstituer un ensemble de forces cohérent tant il est long et coûteux de restaurer des capacités militaires perdues, qui combinent souvent haute technologie, savoir faire individuels, entraînement et expérience opérationnelle.
Antécédents
De 1980 à nos jours, la part du PIB consacrée à la Défense a été divisée par 2, passant de 3% à 1,5% (hors pensions, civiles et militaires, du ministère). Ce sont donc des centaines de milliards d’euros qui ont été prélevés sur les budgets de la Défense pendant près de quatre décennies, désarmant la France tandis que la dette ne cessait de croître.
A partir de 1991, la France tire les « dividendes de la paix » ; en agissant ainsi, elle oublie de préparer l’avenir. La part de la Défense est encore, à cette date, de 2,5% du PIB (hors pensions). Avec la professionnalisation des armées en 1996 et après une réduction drastique des effectifs, la part du PIB consacrée à la Défense est fixée à 2%. Hélas, ce niveau ne sera pas maintenu.
Aujourd’hui, avec 1,5% de son PIB (hors pensions), le budget militaire de la France est dépassé par celui de l’Allemagne qui ne possède pourtant pas d’armement nucléaire et n’est pas engagée aussi intensément qu’elle dans les opérations extérieures.
Aucun autre ministère n’a supporté autant de coupes tout en étant aussi sollicité pour de nombreuses opérations. Cela n’est pas sans conséquences. Nos armées sont exsangues.
Elles attendent donc du Président et du gouvernement non seulement qu’il n’y ait plus de réductions budgétaires mais aussi que s’inverse enfin et dès maintenant la pente uniformément décroissante de notre effort de Défense. Le taux de 2% du PIB (hors pensions) en 2025 (3 ans après la fin du mandat présidentiel actuel !) annoncé par le Président et rappelé par le Premier ministre n’est qu’une étape que des évènements dramatiques à venir pourraient précipiter.
Comparaisons
Le 14 juillet, quand il accueillera le président Trump pour la cérémonie du 14 juillet marquant le 100e anniversaire de l’arrivée des troupes américaines en France, monsieur Macron devra se rappeler que chaque Américain dépense 2,5 fois plus que chaque Français pour sa défense et que le budget militaire américain est 20 fois celui de la France, c’est-à-dire que le budget de nos armées représente 5% de celui des Etats-Unis.
Alternative
Dans les mois qui viennent, soit la réserve, les gels, et autres « surgels » sont annulés, un collectif finance les surcoûts des opérations et le budget 2017 est maintenu intégralement comme le demandent formellement les chefs d’état-major, soit les paroles et les gestes du chef des Armées ne sont que de la communication et du théâtre. Dans ce cas, il ne restera plus aux armées, une nouvelle fois trompées et sacrifiées au nom de la répartition des efforts entre les ministères, que de réduire de moitié les moyens engagés dans les opérations en cours : nombre d’avions déployés au Moyen-Orient dans le cadre de l’opération Chammal, effectifs de Barkhane et de Sentinelle. Elles ne feront alors qu’appliquer le principe de base enseigné dans toutes les écoles militaires : « il n’y a pire indiscipline que de donner un ordre inexécutable ».
C’est pourquoi l’ASAF souhaite que le Président s’engage personnellement et fortement afin que le ministère des Armées dispose de l’intégralité des ressources financières prévues cette année pour permettre dès 2018 une remontée budgétaire de 2 milliards à partir d’un budget 2017 strictement préservé.
Dès maintenant, l’ASAF propose aux Français, conscients des risques qui pèsent sur notre armée, de la rejoindre pour exprimer avec plus de force et de détermination, le soutien à nos soldats trop souvent oubliés.
La REDACTION
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