Conséquences des essais nucléaires en Polynésie
M. le président. La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Mme Maina Sage. Monsieur le Premier ministre, il y a tout juste un an, dans cet hémicycle, j’appelais l’État et la représentation nationale à un devoir de mémoire et, surtout, de réparation des conséquences de trente années d’essais nucléaires réalisés en Polynésie française. Le premier tir y a été réalisé le 2 juillet 1966, voici cinquante et un ans.
Il est vrai que l’on connaît plus la Polynésie pour ses paysages, mais n’oubliez jamais que ce territoire a servi au plus haut point la nation, lui permettant de devenir une force de dissuasion nucléaire. Vous savez combien celle-ci est importante pour préserver la paix dans le monde.
Il ne s’agit pas de quelques tirs : ce sont 193 tirs nucléaires qui ont eu lieu dans notre territoire pendant trente ans. Aujourd’hui, cinquante ans plus tard, il revient à notre génération d’en payer le prix mais, surtout, de trouver des solutions pour en réparer les conséquences. Celles-ci sont graves, du point de vue sanitaire, en premier lieu, mais aussi environnementales.
À la fin de la précédente législature, je suis intervenue pour modifier la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Cela a été chose faite au mois de février 2017.
Monsieur le Premier ministre, entrée en vigueur le 27 février, cette loi n’est toujours pas appliquée. Aujourd’hui, j’en appelle à vous, à l’ensemble du Gouvernement ainsi qu’à toute la représentation nationale, pour obtenir des actes clairs de réparation.
J’ai entendu cette semaine vos discours portant sur la confiance et le devoir de vérité. C’est précisément ce qui m’anime aujourd’hui et ce qu’attendent les Polynésiens. Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous demande de vous engager pour que nous puissions enfin avancer cette année, tant sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, de notre hôpital, de notre caisse de sécurité sociale que sur la surveillance des sites ayant servi aux essais. Monsieur le Premier ministre, comme toute la Polynésie, j’attends votre réponse. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la députée, comme vous l’avez rappelé, la Polynésie française vient de commémorer le premier essai nucléaire effectué sur son territoire. Comme chaque année, les associations se sont mobilisées pour rappeler les attentes fortes des Polynésiens. Elles se sont mobilisées parce que l’État a tardé à reconnaître les conséquences des essais nucléaires et à en indemniser les victimes.
M. Olivier Faure. On l’a fait !
Mme Annick Girardin, ministre. C’est aujourd’hui chose faite : par l’accord du 17 mars 2017, signé à l’Élysée, l’État a reconnu solennellement la contribution de la Polynésie française à la constitution de sa force de dissuasion nucléaire. Comme vous l’avez rappelé, madame la députée, l’État a aussi reconnu – cela est important – que les expérimentations nucléaires ont eu un impact économique, sanitaire, environnemental et social.
Oui, les attentes sont fortes et le Gouvernement est attendu. La mise en œuvre de la loi Morin en 2010 n’était pas satisfaisante. Seule une cinquantaine de dossiers d’indemnisation a été déposée, dont treize par des victimes originaires de Polynésie.
La loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a supprimé la notion contestée de risque négligeable, un combat que vous avez mené, madame la députée, ce dont nous vous félicitons. Aujourd’hui, le Conseil d’État a lui aussi confirmé que ces nouvelles dispositions étaient d’application immédiate.
Si des inquiétudes subsistent en Polynésie – vous les avez relayées ici, madame la députée –, sachez que le Gouvernement est mobilisé, sachez que nous serons à vos côtés.
M. Serge Letchimy. Passons à l’acte !
Mme Annick Girardin, ministre. Nous passons aujourd’hui à l’acte : le Premier ministre a souhaité que le comité de suivi de la loi, présidé par ma collègue Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, se réunisse immédiatement, comme la commission prévue par la loi EROM. Enfin, le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires – CIVEN – devra reprendre l’ensemble des dossiers qui ont été refusés.
Madame la députée, nous serons à vos côtés et, comme vous, nous ne lâcherons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LC, REM et MODEM.)
Source: Assemblée nationale, Compte rendu intégral, Séance du mercredi 05 juillet 2017