Publié le 20 Mai 2017
Gao (Mali) – Vendredi 19 mai 2017
Madame la Ministre des Armées,
Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,
Monsieur le Chef d’Etat-Major des Armées,
Madame l’Ambassadrice,
Monsieur le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies,
Monsieur le Général commandant l’opération Barkhane,
Officiers,
Sous-Officiers,
Militaires du rang,
Mesdames et Messieurs,
Parmi les forces vives de la nation que, dès mon installation, j’ai souhaité saluer, j’ai voulu donner le premier rang aux armées françaises. Dimanche dernier, après avoir ravivé la flamme du Soldat inconnu, entouré d’anciens combattants, manifestant en cette occasion nouvelle et solennelle la continuité de notre admirable lignée militaire, je me suis rendu, avec le chef d’état-major des armées, à l’hôpital PERCY.
J’ai apporté à vos camarades blessés l’hommage fraternel de la France toute entière. La bravoure qu’ils témoignent dans l’épreuve n’a d’égale que celle qu’ils ont démontrée au combat, que celle que vous démontrez au combat. Leur force morale est soutenue par le dévouement de leurs familles et ici, devant vous, c’est à toutes les familles de militaires que je voudrais adresser le salut reconnaissant de la France car leur courage garantit le succès de vos missions.
Je sais qu’en cet instant, comme à chaque instant, vous pensez à elles et elles pensent à vous avec une légitime fierté. Nombre de familles ne reverront hélas jamais ce fils ou cette fille, cet époux ou cette épouse tombés à l’ennemi. Je sais ce qu’est pour vous l’immense tristesse d’un frère d’armes manquant à l’appel, même si vous avez choisi pour défendre la France d’être prêts à donner votre vie.
Je songe ici aux 19 soldats français morts pour la France au Sahel depuis le début des opérations. Je songe en particulier à la mémoire du sergent Julien BARBE tué au combat le 5 avril dernier et qui appartenait à votre groupement. Il avait 27 ans et il laisse une veuve et deux enfants. Je sais que ces derniers bénéficient du soutien de toute l’armée, de ses chefs et de vous tous ici, ses frères d’armes. Votre solidarité sans faille est un exemple pour tous les Français.
Malgré la distance, malgré les soucis du quotidien, sachez bien qu’il n’est pas un seul Français qui ne sache ce qu’il vous doit. C’est ce que je tenais à vous dire en personne dès mes premiers jours de fonction. Il n’est pas un seul Français qui ne sache que la sérénité de nos existences, la sécurité de nos enfants, les joies de chaque jour ont un prix, c’est celui de vos sacrifices. Aucun de nos compatriotes ne l’ignore. Ces sacrifices vous honorent et ils honorent la France.
Comme chef des armées, j’en porte l’insigne fierté et l’immense responsabilité. Je suis venu aujourd’hui vous exprimer le salut et le respect de la nation mais aussi l’assurance que je serai pour nos armées un chef exigeant, lucide, toujours présent. Je ne risquerai pas vos vies pour rien, je respecterai les impératifs humains et techniques de l’outil militaire mais ma détermination dans l’action sera totale car la France porte des valeurs et des principes que le cours du monde met aujourd’hui en péril. Les nouvelles menaces, celles que vous affrontez chaque jour, ne s’exercent plus seulement à l’échelon régional. Une menace née à quelques kilomètres d’ici viendra très rapidement frapper les femmes et les enfants de France si nous n’interposons pas notre action résolue et puissante. Cela, vous le savez. Cela, c’est ce qui vous a motivés. Cela, c’est ce qui vous tient debout.
Vous êtes plus que jamais nos sentinelles et notre rempart contre les débordements du terrorisme, de l’extrémisme, du fanatisme. Ici, vous êtes l’avant-garde de la République, comme avant vous le furent sur ce continent tant de générations de militaires. Depuis la meurtrière opération Limousin jusqu’aux plus récentes opérations Licorne, Atalante, Sangaris ou Serval pour ne citer qu’elles et nombre d’opérations auxquelles plusieurs d’entre vous ont, par le passé, participé, vous êtes les héritiers de cette longue lignée de soldats venus servir sur ce continent dans les airs, sur mer, sur terre et vous faites honneur à cette lignée.
Mais vous êtes aussi confrontés à des formes nouvelles de menace, à des modes opératoires nouveaux, plus complexes chaque jour, à des ennemis plus agiles, souvent mieux équipés, connaissant vos propres réflexes et vos propres comportements.
Je souhaite que notre politique de défense prenne en compte avec la plus grande vigueur les exigences des nouvelles conditions de combat, réponde à vos attentes, notamment en termes de matériel et vous permette de mener à bien vos missions dans de bonnes conditions car le niveau de menace restera élevé et votre engagement restera de haute intensité ici, au Sahel, comme sur les autres théâtres d’opération.
Le général de WOILLEMONT m’a présenté vos opérations et m’a rendu compte de vos objectifs, il m’a aussi parlé des conditions éprouvantes dans lesquelles ces opérations se déroulent, de l’excellence professionnelle qu’elles exigent de chacun d’entre vous au quotidien. En m’entretenant avec vos camarades, j’ai pu constater avec quelle intelligence et détermination vous remplissez cette mission nécessaire à la stabilité du Mali, plus largement du Sahel et donc à notre sécurité.
En janvier 2013, le Mali était en danger. Ce danger aurait pu s’étendre à ses voisins d’Afrique de l’Ouest. Les groupes armés terroristes qui asservissent le nord du pays voulaient alors marcher sur Bamako. A la demande du gouvernement malien, la France, avec notamment l’appui du Tchad et du Niger, les a arrêtés et je veux ici saluer la courageuse décision d’intervenir du président François HOLLANDE, je veux saluer le travail conduit depuis lors par nos forces, sous l’autorité jusqu’à il y a quelques jours de Jean-Yves LE DRIAN, aujourd’hui devenu ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.
En quelques semaines d’un engagement opérationnel intense, grâce à la combativité, à l’audace, à l’énergie de vos camarades, nos forces ont remporté un succès militaire remarquable. Je pense à ce raid foudroyant de près de 1 000 kilomètres et aux opérations aéroterrestres qui ont permis de prendre Gao, de libérer Tombouctou. Je pense à ces violents combats où vos camarades, avec les forces tchadiennes, sont allés déloger des centaines de jihadistes repliés et retranchés dans leur sanctuaire de l’Adrar des Ifoghas et dans la vallée de l’Ametettaï. Par ces combats victorieux, nos armées ont renversé une situation qui semblait alors compromise et ont offert une condition possible pour la transition politique.
C’est dans la continuité de ces efforts que s’est déployée la mission des Nations unies, la Minusma, ainsi que la mission européenne EUTM qui aide les forces armées maliennes à se reconstruire et je veux ici saluer l’ensemble des armées européennes qui, à nos côtés, se battent. Je salue leur implication qui a été permise par des décisions politiques courageuses. Les Pays-Bas et la Suède, que je salue, ont montré la voie. L’Allemagne a répondu présent et démontre aujourd’hui, au travers de la présence à nos côtés de nos amis soldats allemands, son sens des responsabilités et son esprit de solidarité.
J’étais lundi dernier à Berlin où je me suis entretenu avec la Chancelière et nous avons longuement évoqué le Sahel, nous avons longuement parlé de vous, nous avons décidé de renforcer encore notre coopération en vue d’aider les pays de la région, nous le ferons dans les tout prochains mois car il faut sortir du cycle des violences et créer les conditions d’une paix durable au Mali. Créer les conditions d’une paix durable, cela implique de notre part, de la part de l’ensemble de nos partenaires des décisions nouvelles, des actions résolues.
D’abord, l’accord conclu entre les Maliens, avec l’aide des Etats voisins et de la communauté internationale, a permis de tracer ce chemin vers la paix et la réconciliation que le Mali souhaite et dont il a besoin. Nous devons aller au bout des actions et des décisions prévues par ces accords. Je l’ai redit ce matin au président du Mali, il est indispensable que toutes les actions prévues soient conduites par les uns et les autres pour qu’efficacement, votre présence, votre travail, votre engagement soient accompagnés de ce que les uns et les autres sont en devoir de faire.
Le regroupement ici, à Gao, de militaires maliens et de membres de groupes armés – ce qu’on appelle le mécanisme opérationnel de coordination – démontre que cette réconciliation peut se faire malgré les oppositions d’hier. Les groupes terroristes ne veulent pas de cette réconciliation, ils l’ont encore démontré avec ce terrible attentat qui a frappé la force mixte à Gao le 18 janvier dernier et ce drame démontre que les ennemis de la paix sont prêts au pire pour provoquer le chaos. Mais votre présence ici, aux côtés de vos camarades maliens, et surtout votre détermination à poursuivre les patrouilles et entraînements communs signent leur défaite.
Ce que j’ai vu aujourd’hui me conforte dans ma conviction qu’il est urgent que les acteurs politiques maliens soient tous au rendez-vous et mettent en œuvre cet esprit de réconciliation. Le chemin qui mène à une paix durable est long. Il faut le parcourir avec détermination, avec constance. Il suppose d’abord la sécurité. Il suppose la présence des forces armées, vous. Il suppose ensuite une feuille de route politique, diplomatique fixée clairement, mise en œuvre avec détermination, ce sont les Accords d’Alger pour lesquels l’action à conduire doit s’accélérer et toutes les responsabilités doivent être prises. Il suppose aussi que nous soutenions le développement de l’Afrique en associant les acteurs publics et privés.
C’est en chassant du continent la famine, le manque d’éducation, la grande pauvreté que nous éliminerons le plus sûrement ce qui germe sur ce sol : l’islam radical, les trafics de drogue et d’êtres humains, le terrorisme. Vos ennemis, nos ennemis, se nourrissent de cette misère. Notre action doit donc aussi être une action de développement, une action qui consistera à aider, au-delà du Mali, l’ensemble des Etats du Sahel à vivre mieux ici pour assécher tout ce qui donne des raisons au terrorisme islamiste de continuer à poursuivre ses actions.
C’est pourquoi, au-delà de cette action militaire, je conduirai résolument une action de développement de la région. Je suis venu aujourd’hui avec le directeur de l’Agence française de développement et ce que nous allons faire, c’est créer un véritable continuum entre votre action et l’action de développement. Je sais que d’ores et déjà aujourd’hui, le CEMA et le directeur général travaillent main dans la main sur ce sujet. Nos armées ont à cet égard un long savoir-faire. Seuls les moins informés réduisent leur action au combat et je n’ignore pas que nos militaires apportent aux populations là où ils interviennent un esprit de dialogue, de pacification. Nous devons en effet continuer à articuler plus fermement les bienfaits de cette présence avec ces initiatives de développement dans une Alliance pour le Sahel.
Je veux que ces routes du terrorisme, de la guerre, de la nécessité deviennent des routes de la liberté et ce qui rendra cela possible, c’est votre action militaire, c’est notre action politique, c’est notre travail en matière de développement. Il conviendra évidemment d’associer à ces initiatives d’autres acteurs, notamment privés, en lien avec les gouvernements, car l’Afrique doit devenir un continent propice à l’investissement dans l’éducation, la santé, la culture, l’accès aux grandes infrastructures. C’est cela le travail que vous préparez et c’est aussi cela ce que je voulais vous dire aujourd’hui. Vous n’êtes pas simplement en train d’éradiquer nos ennemis, ceux qui fomentent les pires actes terroristes contre nos enfants, ceux qui aujourd’hui déstabilisent un Etat et toute une région, vous êtes aussi en train de préparer les conditions de la paix et de la prospérité de demain pour le Sahel tout entier.
Mesdames et Messieurs qui constituez la force Barkhane, la mission que je vous demande de poursuivre comporte plusieurs volets : combattre directement les groupes armés terroristes qui subsistent et qui cherchent à chaque instant à se reconstituer, développer le partenariat qui permettra à l’armée malienne qui se renouvelle et aux armées des autres Etats du Sahel de contrôler leur territoire, apporter aux forces de l’ONU le soutien militaire dont elles ont besoin pour assumer pleinement leur tâche, mais aussi apaiser, pacifier pour que les populations puissent retrouver la voie de l’harmonie qui permet seule de construire une société.
Après avoir servi au sein de cette force Barkhane et comme vos camarades qui vous ont précédés, vous rentrerez en France, vous retrouverez vos familles et vous repartirez vers d’autres missions, forts d’une expérience irremplaçable. Vous aurez appris qu’à côté du combat contre les groupes armés terroristes qui demande d’opposer la force à la violence, il s’agit de gagner la confiance des populations, de les aider, il s’agit d’accompagner les autorités dans leurs responsabilités, en fonction de leurs besoins et de leurs demandes, au service de leur peuple. C’est cela ce qui fait la beauté et la grandeur de votre métier, son exigence aussi et qui vous vaut la reconnaissance des Françaises et des Français car ils savent que vous accomplissez votre mission pour leur sécurité, pour leur protection en portant haut les valeurs de la République. Vous êtes ici celles et ceux qui servez, selon le bon mot de MAC ORLAN, « sous l’ancre de miséricorde ».
Chef des armées, je salue ce que vous faites ici et, plus généralement, ce que font vos camarades de par le monde à terre, en mer, dans les airs, du Levant au Sahel, de la Méditerranée à l’océan Indien, sur notre territoire métropolitain comme dans notre outre-mer. Nous nous retrouverons régulièrement. Durant les cinq années qui viennent, je recroiserai souvent nombre des visages que je vois ici devant moi car, à tout instant, je serai avec vous, je protégerai l’institution militaire, je guiderai vos interventions avec rigueur et vigilance, dans le respect absolu des vertus qui nous ont forgés.
Ma confiance en vous est totale. Je sais pouvoir compter sur vous en toutes circonstances comme vous pouvez compter sur moi. Je veux que vous sachiez ici, alors que dans quelques instants, nous repartirons, que les Françaises et les Français vous regardent avec admiration, avec respect, parce que vous demeurez pour chacun des exemples. Vive la République, vive la France !
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