Question écrite n° 22316 de M. Roger Madec (Paris – Socialiste et républicain)
publiée dans le JO Sénat du 16/06/2016 – page 2630
M. Roger Madec attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur des solutions qui permettraient de réaffecter les fonctionnaires de police et de gendarmerie sur leur cœur de métier : les missions de service public et de sécurité. Si cela semble être un objectif partagé, les solutions pour y parvenir font débat. Deux profonds changements de pratiques pourraient être étudiés. On pourrait tout d’abord accélérer le transfert des tâches indues ou périphériques à d’autres administrations afin de permettre aux fonctionnaires de retrouver le terrain : procurations électorales, surveillance statique, escorte des personnes mineures au sein des foyers, gardes de personnes détenues en secteur hospitalier… Le poids des missions périphériques est en effet pointé du doigt comme une des causes de la crise identitaire que traverse la police nationale et de la démotivation qui gagne parfois les personnels. Les actes effectués en garde à vue ou en audition libre pourraient donner lieu à des enregistrements sonores (notification des droits, auditions de la personne mise en cause et des éventuels témoins) ainsi qu’à l’établissement d’un procès-verbal de synthèse dans lequel figurerait notamment le résumé de chacune des auditions de la personne. Pour certaines infractions, la nouvelle procédure de l’enquête pénale pourrait se traduire par un gain de temps significatif pour les services enquêteurs. Par ailleurs, la contraventionnalisation de certains délits (conduite en état d’ivresse, sans permis ou sans assurance, occupation des halls d’immeubles…) permettrait de débarrasser la police et la gendarmerie de tâches périphériques et de la lourdeur des procédures qui les empêchent d’être sur le terrain. Il lui demande ce qu’il pense de ces propositions et quelles sont les siennes pour remettre les forces de sécurité sur le terrain.
Transmise au Ministère de l’intérieur
Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 11/05/2017 – page 1822
Recentrer les forces de sécurité sur le cœur de métier et assurer une présence accrue des gendarmes et des policiers sur le terrain est une priorité de longue date des gouvernements successifs, qui ont déjà pris de nombreuses mesures en ce sens, par exemple dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP).
L’objectif de recentrage des forces de sécurité sur leur cœur de métier a ainsi été atteint par des moyens complémentaires.
Tout d’abord, des mutualisations ont été mises œuvre, associant la police et la gendarmerie (et dans certains cas la sécurité civile) dans le domaine des achats et de la logistique, des technologies de l’information et de la communication, ainsi que d’autres fonctions de soutien.
En complément, la suppression des tâches indues et le transfert de certaines missions vers des exécutants plus légitimes se sont poursuivis.
Il convient ici de noter que le transfert de mission ne saurait être envisagé qu’après une étude approfondie, car il implique le transfert des effectifs correspondants à l’administration qui reprend la mission.
Ainsi, le transfert de la mission des transfèrements judiciaires du ministère de l’intérieur au ministère de la justice, dont la réalisation s’échelonne jusqu’en 2019 se traduit par un transfert à l’administration pénitentiaire de 1200 ETP (420 pour la police et 780 pour la gendarmerie).
En revanche, les gains en effectifs des forces de sécurité consécutifs à des mesures d’optimisation prises dans le cadre de la MAP sont intégralement redéployés sur les missions de cœur de métier de la police et de la gendarmerie.
Il s’agit essentiellement de renforcer les capacités d’action dans les zones les plus sensibles et de mettre en œuvre les priorités ministérielles, en particulier dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation.
S’agissant des mesures dans le domaine de la simplification de la procédure judiciaire et de la contraventionnalisation, elles font pour l’essentiel l’objet d’études, voire d’expérimentations.
Le transfert à l’administration pénitentiaire des gardes de détenus hospitalisés ainsi que la simplification du code de procédure pénale doivent encore faire l’objet de discussions avec le ministère de la justice.
La question de l’enregistrement sonore des actes, effectués en garde à vue ou en audition libre, fait l’objet de réflexions avancées dans le cadre d’un groupe de travail et devrait prochainement donner lieu à une expérimentation.
Si cette proposition s’intègre dans le cadre des priorités actuelles d’allègement des tâches, de recherche d’efficience et d’amélioration de la qualité des auditions, elle devra toutefois faire l’objet d’une étude complète afin d’éviter toute perte d’efficacité et tout risque d’incertitude juridique.
Sur la question de la contraventionnalisation de certains délits, l’Assemblée nationale a voté le 18 mai 2016 l’instauration d’amendes forfaitaires pour sanctionner les délits de conduite sans permis et sans assurance.
Les modalités pratiques de mise en œuvre de cette forfaitisation des délits font l’objet d’échanges.
Pour que cette évolution juridique se traduise par un gain de temps pour les forces de l’ordre, il convient de s’assurer que techniquement ces délits forfaitisés puissent être relevés en bord de route et que la date de mise en œuvre de la mesure, qui doit être précisée par décret d’application, soit coordonnée dans le temps avec la mise à jour du système actuellement déployé.
Par ailleurs, le ministère de l’intérieur mène actuellement des travaux visant à alléger la charge de travail des policiers et des gendarmes dans le domaine des procurations de vote.
Ce sujet implique une pluralité d’acteurs et nécessite, en lien avec le ministère de la justice, une prise en compte interministérielle des obstacles juridiques et techniques.
Ces mesures redonnent de la capacité d’initiative aux services de sécurité publique. Pour la gendarmerie, elles ont été complétées par la « feuille de route » du directeur général de la gendarmerie nationale.
Cette démarche de modernisation donne largement l’initiative aux unités de terrain qui sont amenées à formuler des propositions novatrices.
Cette dynamique a permis de recentrer les gendarmes sur la production de sécurité à travers plus de 350 mesures, articulées en trois axes.
Il s’agit ainsi, d’une part, de renforcer l’action opérationnelle et la production de sécurité (géolocalisation des personnes en détresse, application pour la prise de notes en mobilité…), d’autre part, d’alléger les tâches liées à la gestion administrative et au fonctionnement des unités (simplification de procédures RH, dématérialisation des demandes…) et enfin de valoriser les personnels et les compétences (formation en ligne, aide à la mobilité…).
L’objectif est de rendre du temps, de l’initiative et de la liberté d’action aux personnels assurant des missions de sécurité publique.
Divers autres chantiers ont été mis en œuvre depuis plusieurs années.
À titre d’exemple, peuvent ainsi être citées, pour la police nationale, la suppression des recherches dans l’intérêt des familles et la réduction des gardes statiques des préfectures, qui doit se poursuivre dans certains départements.
Par ailleurs, la réduction de la charge qui incombe à la police nationale dans le cadre des opérations mortuaires a été actée par la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
Enfin, il convient de souligner que les mesures de simplification de la procédure pénale annoncées par le Premier ministre le 14 octobre 2015 dans le contexte de la manifestation policière de ce même jour permettront aux forces de l’ordre de limiter les tâches sans valeur ajoutée et de dégager du temps pour les missions d’investigation et de présence sur la voie publique.
La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale comporte de premières mesures de simplification du déroulement de la procédure pénale (possibilité pour le parquet d’autoriser la transmission par voie électronique des procès-verbaux, etc.), qui seront complétées par ordonnance et par des textes réglementaires.
Source: JO Sénat du 11/05/2017 – page 1822