Question écrite n° 25527 de M. Jean-Noël Guérini (Bouches-du-Rhône – RDSE-R) publiée dans le JO Sénat du 23/03/2017 – page 1166
Rappelle la question 23678
M. Jean-Noël Guérini rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question n°23678 posée le 27/10/2016 sous le titre : » Traitement judiciaire des viols « , qui n’a pas obtenu de réponse à ce jour.
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 04/05/2017 – page 1600
Les dispositions de droit pénal et de procédure pénale permettent d’ores et déjà de réprimer efficacement les crimes et délits de nature sexuelle, notamment lorsqu’ils sont commis à l’encontre de mineurs.
Ainsi, la préconisation du Haut Conseil à l’égalité tendant à définir plus précisément les éléments constitutifs des agressions sexuelles n’apparaît pas opportune, dans la mesure où une trop grande précision des éléments constitutifs des infractions de viol et d’agression sexuelle risquerait d’aboutir à l’inverse de l’effet recherché et de conduire à une acception plus restrictive de ces notions.
La définition actuelle des éléments constitutifs du viol et de l’agression sexuelle permet en effet au juge d’appréhender la totalité des faits susceptibles d’être poursuivis.
S’agissant de la proposition visant à lutter contre la correctionnalisation des viols, il convient de distinguer la correctionnalisation en droit de la correctionnalisation en opportunité.
La correctionnalisation en droit intervient lorsque les éléments de preuve, s’ils démontrent la réalité d’une agression sexuelle, sont en revanche insuffisants pour établir une pénétration sexuelle. Il s’agit là d’une décision juridictionnelle, susceptible d’être contestée par les voies de recours prévues par la loi.
S’agissant des décisions de correctionnalisation en opportunité, il convient de préciser que cette pratique a reçu une assise légale avec la loi du 9 mars 2004. Cette loi a modifié l’article 469 du code de procédure pénale pour prévoir que le tribunal correctionnel, saisi par le renvoi ordonné par la chambre de l’instruction ne peut renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir s’il estime que les faits poursuivis sous une qualification délictuelle sont de nature à entraîner une peine criminelle, dès lors que la victime était constituée partie civile et assistée d’un avocat lorsque le renvoi a été ordonné.
La victime a donc la possibilité de contester la correctionnalisation lors de la phase de règlement du dossier.
L’appel de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel lui est d’ailleurs ouvert de manière dérogatoire sur la base de ce motif (article 186-3 du code de procédure pénale).
Par décision du 7 janvier 2009, la Cour de cassation a d’ailleurs estimé que ces dispositions étaient conformes aux articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (Cass. crim. 7 janvier 2009).
Conforme à la loi, le mécanisme de la correctionnalisation est nécessaire pour lutter contre l’encombrement du rôle des cours d’assises, qui ne permet pas de renvoyer devant cette juridiction l’ensemble des affaires, sauf à entraîner des délais de jugement qui ne seraient pas raisonnables et nuiraient à la prise en charge des victimes.
S’agissant de la proposition de fixation dans le code pénal d’un seuil en dessous duquel un enfant est présumé ne pas avoir consenti à une relation sexuelle avec un majeur n’apparaît pas plus opportune, compte tenu, d’une part, du caractère arbitraire du choix d’un âge seuil et, d’autre part, du risque d’effet contre-productif de l’effet de seuil, qui serait susceptible d’aboutir à ce que les mineurs de plus de 13 ans soient moins protégés qu’ils ne le sont actuellement, les professionnels appréciant de la même façon les conditions du viol concernant l’ensemble des mineurs, quel que soit leur âge, étant rappelé que la loi protège déjà particulièrement les victimes mineures de 15 ans.
Introduire une présomption irréfragable en matière pénale apparaît de plus incompatible avec le principe de présomption d’innocence, nonobstant l’impératif de protection des mineurs. Il en résulterait également l’impossibilité de prise en compte des circonstances de chaque cas d’espèce.
Pour les mêmes raisons, il n’apparaît pas opportun d’introduire dans la loi une présomption d’absence de consentement du mineur pour l’ensemble des atteintes sexuelles qualifiées d’incestueuses par la loi.
Enfin, s’agissant de la proposition du Haut Conseil relative aux délais de prescription, il peut être observé que le régime de prescription des viols et agressions sexuelles commis au préjudice de mineurs, qui est fortement dérogatoire au droit commun, en ce qu’il fait courir un délai de prescription, selon les cas, de dix ou vingt ans à compter de la majorité de la victime, paraît satisfaisant. Il n’a du reste pas été modifié par la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.
En revanche, s’agissant des viols ou des agressions sexuelles commis sur des majeurs, cette loi, comme pour l’ensemble des crimes et des délits, a conduit à doubler les délais de prescription, qui sont donc désormais de vingt ans pour les viols et de six ans pour les agressions sexuelles.
Source: JO Sénat du 04/05/2017 – page 1600