Mémoire des naufragés du paquebot « Afrique »

Question écrite n° 22222 de M. Pierre Laurent (Paris – Communiste républicain et citoyen) publiée dans le JO Sénat du 09/06/2016 – page 2455

M. Pierre Laurent attire l’attention de M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire sur le naufrage du paquebot « Afrique » dans la nuit du 12 au 13 janvier 1920. Parti de Bordeaux, ce navire comptait à son bord quelque 600 passagers, membres d’équipage, missionnaires, familles de colons ainsi que 190 soldats de l’armée coloniale, tirailleurs sénégalais en majorité, qui rentraient en Afrique après avoir pris part aux combats de la Première Guerre mondiale. Ce naufrage auquel 36 personnes seulement ont survécu, dont 7 tirailleurs, a été considéré comme la plus grande catastrophe maritime française. Il reste aujourd’hui oublié des mémoires et des commémorations françaises. De plus en plus de citoyens se mobilisent pour qu’un hommage soit rendu aux victimes en général et à ces tirailleurs disparus en mer, dans le cadre de leurs missions en particulier. Ignorés de tous, ces soldats n’ont fait l’objet jusqu’ici ni d’aucun hommage, ni d’aucune reconnaissance pour leurs services rendus à la France.
Il lui demande ce qu’il compte faire en vue de l’organisation d’un tel hommage.

Transmise au Secrétariat d’État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire

Réponse du Secrétariat d’État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire publiée dans le JO Sénat du 30/03/2017 – page 1272

Le paquebot Afrique, transportant au départ de Bordeaux environ 600 passagers à destination de Dakar, parmi lesquels de nombreux tirailleurs sénégalais démobilisés en 1919, a sombré à environ 40 kilomètres des terres entre Les Sables-d’Olonne et l’île de Ré, dans la nuit du 12 au 13 janvier 1920. Seules 36 personnes ont survécu à cette catastrophe maritime. Ce dossier est bien connu du secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire puisque des représentants de l’association bordelaise « Mémoires et Partages », qui souhaite voir honorer la mémoire de ces naufragés, ont été reçus par son cabinet au mois de novembre 2016. Un site internet associatif [1] détaillant notamment la liste des passagers et retraçant leur parcours a été créé par les descendants des disparus. Un documentaire évoquant cet épisode maritime tragique, coproduit par Eliocom et France 3, a en outre été réalisé, en 2014, avec le soutien de la région Poitou-Charentes et du département de la Charente-Maritime. S’agissant d’un hommage particulier à rendre à ces militaires africains démobilisés, il convient de rappeler que la politique de mémoire mise en place par le ministère de la défense s’attache prioritairement à perpétuer le souvenir des soldats tombés au cours des conflits contemporains auxquels la France a participé et, en particulier, de ceux d’entre eux qui se sont vu décerner la mention mort pour la France, ce qui n’est pas le cas des victimes du naufrage du paquebot Afrique. Toutefois, de nombreux monuments ont été élevés en France afin de rappeler et de mettre en valeur la participation héroïque des tirailleurs sénégalais aux combats de la Première Guerre mondiale : dès 1924, un monument dédié « Aux héros de l’Armée noire » a été érigé à Reims pour rendre hommage aux tirailleurs sénégalais qui avaient défendu la ville depuis le fort de la Pompelle en 1918. Détruit par les allemands en 1940, un nouveau monument a été construit dans cette ville en 2013 ; au lendemain de la Grande Guerre,  quatre monuments ont été élevés dans le jardin tropical de Paris dont l’un rend hommage « Aux soldats noirs morts pour la France » ; un « Mémorial de l’armée noire » a été érigé à Fréjus, en 1994 ; en septembre 2007, une œuvre intitulée « Constellation de la Douleur » a été inaugurée au musée du Chemin des Dames, à la Caverne du Dragon (Aisne). Ce monument sera au cœur des commémorations du centenaire de la bataille du Chemin des Dames, en 2017 ; à Menton, un « Mémorial du Tirailleur » a été inauguré dans le carré d’Orient du cimetière du Trabuquet, le 1er novembre 2012 ; en 2014, un panneau a été installé sur le site de la nécropole nationale du Natus, à La Teste-de-Buch (Gironde), recensant les noms des 940 soldats africains qui y sont inhumés ; un monument rendant hommage au 61e bataillon de tirailleurs sénégalais a été inauguré en mai 2015 à Merfy, dans la Marne. Par ailleurs, les 21 et 22 octobre 2015, en présence du président de la République du Mali, le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire a quant à lui rendu hommage aux 170 000 tirailleurs sénégalais engagés dans l’armée française pendant la Première Guerre mondiale, en ravivant la flamme du soldat inconnu à l’Arc de Triomphe et en participant à une cérémonie militaire organisée à Fleury-devant-Douaumont. De plus, depuis 2014, plusieurs projets et manifestations en lien avec l’histoire des tirailleurs sénégalais ont été labellisés et subventionnés par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. Au nombre de ceux-ci peuvent être mentionnés : l’exposition documentaire itinérante « Frères d’Ames, héritages croisés de la Grande Guerre », créée par la Fondation du Mémorial de la Traite des Noirs, qui s’est tenue du 28 juin au 14 décembre 2014 dans divers lieux culturels en Aquitaine ; un colloque international intitulé « Les Tirailleurs sénégalais dans la Grande Guerre : Europe, Afrique, mise en perspective de la Grande Guerre et des enjeux géopolitiques en Afrique », qui s’est déroulé à Dakar les 19 et 20 novembre 2014 ; le spectacle « Des Tirailleurs sénégalais chez Lucie Cousturier » présenté dans le département du Rhône par la compagnie La Poursuite ; l’exposition « Les Tirailleurs sénégalais » organisée par l’association Mosaïque en Basse-Normandie ; le spectacle « Diaba, l’ange Tirailleur – Destin d’une femme africaine pendant la Grande Guerre » proposé dans le Vaucluse par l’association Occitan Africa. D’autres initiatives en ce sens sont susceptibles d’être soutenues par la Mission du centenaire au cours des prochains mois. Enfin, il est souligné que, le 20 décembre 2016, le Président de la République a pris l’engagement de faciliter le dépôt et l’étude des demandes de naturalisation formulées par les anciens tirailleurs sénégalais. Un travail de recensement des candidats potentiels a en conséquence été conjointement entrepris par le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense, tandis que des instructions étaient adressées aux préfets susceptibles d’être concernés par cette procédure exceptionnelle. Au terme de l’examen des demandes des intéressés, les décrets de naturalisation leur seront remis à l’occasion d’une cérémonie qui permettra de rappeler que le continent africain a été l’un des acteurs de la libération de l’Europe et de rendre hommage à ces tirailleurs qui, au péril de leur vie, ont contribué à ce que la liberté puisse nous être rendue. [1] http://www.memoiresdelafrique.fr/memoiresdelafrique-soldats.html

Source: JO Sénat du 30/03/2017 – page 1272

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