Question écrite n° 25011 de Mme Marie-Noëlle Lienemann (Paris – Socialiste et républicain)
publiée dans le JO Sénat du 16/02/2017 – page 570
Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la situation des traducteurs afghans qui travaillaient pour l’armée française en Afghanistan.
Nos soldats ont quitté l’Afghanistan en décembre 2014, après 13 ans de présence, en laissant derrière eux 700 Afghans qui ont travaillé toutes ces années avec des militaires français. Mécaniciens, manutentionnaires, hommes de ménage ou encore interprètes… Ils ont tous contribué d’une façon ou d’une autre aux opérations des soldats français dans ce pays miné par la guerre.
Un tiers de ces 700 Afghans travaillaient comme traducteur. Au total, 100 des 252 interprètes afghans de l’armée française ont obtenu un visa pour gagner la France, grâce à un processus de relocalisation entamé en 2015. Les autres sont restés en Afghanistan.
Le mardi 10 janvier 2017, une trentaine de ces anciens interprètes de l’armée française ont manifesté sur l’esplanade des Invalides pour réclamer légitimement des visas pour leurs compatriotes. Certains d’entre eux, restés en Afghanistan, se dirigent actuellement clandestinement vers l’Europe selon le président de l’Association des anciens interprètes afghans. Les autres ont peur, déménagent et se cachent dans leur propre pays. Plusieurs de ces interprètes ont fait l’objet de représailles, certains ont même été décapités ; d’autres sont l’objet quotidiennement de menaces de mort. Des engagements avaient pourtant été donnés à ces personnes : la France ne les laisserait pas dans une situation dangereuse. De surcroît, on comprend difficilement pourquoi certains ont pu obtenir des visas et d’autres non.
L’Association des anciens interprètes afghans pointe les critères choisis, selon elle, par la France pour accorder les visas : « Avoir effectué un travail fructueux avec l’armée français, ne pas représenter une menace pour la France et avoir travaillé au moins cinq ans pour l’armée ». Mais les talibans ne font pas la différence entre trois ou cinq ans de travail avec les militaires français.
Le collectif d’avocats qui soutient la cause de ces anciens interprètes multiplie les recours lorsque les procédures juridiques sont encore en cours.
La France ne peut pas en rester à la situation actuelle ; elle a un devoir moral envers ces personnes qui l’ont aidée et qui sont aujourd’hui en danger de mort pour ces motifs.
Le ministre a déclaré en juin 2016 : « La France est soucieuse de garantir la sécurité des personnes ayant servi dans les forces armées françaises en Afghanistan (…), ainsi que celle de leurs familles ». Manifestement, on observe une certaine inadéquation entre cette déclaration et la réalité qui ne saurait perdurer.
Aussi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le gouvernement français compte prendre pour répondre à la demande légitime des citoyens afghans qui ont assisté l’armée française durant les treize années de sa présence dans leur pays et ce dans de très brefs délais.
Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international
publiée dans le JO Sénat du 02/03/2017 – page 823
Une délégation de l’association des anciens interprètes afghans de l’armée française a été reçue au ministère des affaires étrangères et du développement international le 10 janvier dernier. Le MAEDI a réitéré la reconnaissance de la France aux personnels afghans qui ont travaillé aux côtés des forces armées entre 2002 et 2014. Le Gouvernement est soucieux de garantir leur sécurité ainsi que celle de leurs familles, et de répondre avec humanité et de façon responsable aux inquiétudes suscitées après le départ du contingent français d’Afghanistan. Afin de pouvoir examiner la situation de ces personnes avec toute l’attention requise, les autorités françaises ont instauré une procédure, prévoyant le cas échéant une possibilité d’accueil sur le sol français. Une commission interministérielle s’est rendue en Afghanistan, a reçu en entretien chacun des demandeurs de réinstallation, vérifié les éléments objectifs de leur situation et a apprécié la légitimité de chacune des demandes. À ce jour, plus de 103 anciens personnels civils afghans, accompagnés de leurs familles (soit en tout 377 personnes), ont été accueillis en France. Ils ont bénéficié d’un visa, d’un billet d’avion pour la France ainsi que d’une prise en charge, comprenant un hébergement et un accompagnement social personnalisé pendant un an. Certaines demandes de visa ont été refusées car elles ne correspondaient pas aux cas de délivrance prévus par le droit applicable. La commission de recours et/ou le tribunal administratif de Nantes ont pu être saisis en cas de contestation.
Source: JO Sénat du 02/03/2017 – page 823