Question écrite n° 24689 de M. Yannick Botrel (Côtes-d’Armor – Socialiste et républicain)
publiée dans le JO Sénat du 19/01/2017 – page 151
M. Yannick Botrel appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les conséquences de l’évolution du temps de travail des personnels de la gendarmerie nationale.
Depuis le 1er septembre 2016, la gendarmerie nationale doit appliquer la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Cette directive prévoit onze heures de repos physiologique par tranche de vingt-quatre heures et quarante-huit heures maximales de travail hebdomadaire par agent. L’application de ce texte entraîne donc des difficultés en matière de disponibilité des gendarmes, dans un contexte où ces derniers sont pourtant grandement sollicités. Sur le terrain, cela se traduit donc par des complexités administratives conséquentes.
Par exemple, pour la gendarmerie mobile qui sert outre-mer, les temps de trajet étant comptabilisés en heures de service, un gendarme se rendant en Nouvelle-Calédonie se voit octroyer un jour de repos à son arrivée et un jour de repos à son retour.
De manière plus générale, un gendarme qui assumerait une garde à vue de quatre-vingt-seize heures, situation relativement fréquente, disposerait par la suite d’une période importante d’indisponibilité susceptible de perturber le bon fonctionnement de son unité.
Il ne saurait s’agir de nier le droit à repos et récupération des gendarmes qui s’engagent avec conviction pour notre pays et méritent respect et attention. Néanmoins, l’application de cette directive engendre des rigidités de gestion qui inquiètent légitimement.
Concrètement, l’application de cette directive entraîne une baisse de la capacité opérationnelle de la gendarmerie, qui vient contredire l’effort réalisé récemment de création de postes. Auditionné le 18 décembre 2016 par la commission de la défense de l’Assemblée nationale, le directeur de la gendarmerie estime qu’elle entraîne une « dégradation [de] 3 à 5 % [du] temps de service ». Il convient en ce sens de trouver des solutions concrètes pour répondre à ces difficultés.
A fortiori, il faut noter que la même problématique va se poser lorsque la directive sera appliquée aux autres composantes de nos forces armées, hors cas de déploiement en opérations extérieures.
Ainsi, il l’interroge sur les intentions du Gouvernement en la matière et sur les leviers dont dispose la France pour garantir une capacité opérationnelle optimale de ses forces armées.
Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 02/03/2017 – page 923
Faisant suite à une procédure de demande d’information de la part des services de la Commission européenne, le ministère de l’intérieur (pour ce qui concerne la gendarmerie nationale) est effectivement engagé, aux côtés du ministère de la défense et en lien étroit avec le secrétariat général des affaires européennes, dans le processus de transposition de la directive européenne n° 2003/88/CE. À terme, ce processus devrait aboutir à un décret statutaire concernant l’ensemble des militaires. Dans ce cadre, la négociation actuellement menée avec les services de la Commission vise à transposer cette directive aux forces armées françaises de manière raisonnée, eu égard aux spécificités du statut militaire et du contexte de menace terroriste durable. C’est dans l’attente des conclusions de cette négociation que la direction générale de la gendarmerie nationale applique depuis le 1er septembre 2016 une instruction provisoire compatible avec la réglementation européenne, en instaurant notamment un principe de repos journalier de onze heures consécutives, assorti de dérogations. S’il est encore tôt pour mesurer de façon précise l’impact de la directive européenne n° 2003/88/CE sur la gendarmerie, les travaux de transposition se poursuivant devant la Commission européenne, une baisse de 6 % de l’activité est d’ores et déjà constatée sur le dernier trimestre 2016 suite à la mise en œuvre de l’instruction provisoire mentionnée supra. Pour autant, la gendarmerie conserve sa capacité de montée en puissance face aux événements grâce à son dispositif d’astreinte, inchangé. Tout l’enjeu du futur dispositif sera de contrôler la nécessaire consolidation des temps de récupération des militaires de la gendarmerie et la nécessaire souplesse qu’il convient d’adopter dans l’engagement des effectifs sur le terrain, en particulier dans un contexte de menace élevée. Cette conciliation, complexe à réaliser, ne devra pas se faire au détriment de la sécurité des Français.
Source: JO Sénat du 02/03/2017 – page 923