Mort de Rémi Fraisse et lutte contre les violences policières

Question écrite n° 22815 de Mme Esther Benbassa (Val-de-Marne – Écologiste)

publiée dans le JO Sénat du 21/07/2016 – page 3259

Mme Esther Benbassa interroge M. le ministre de l’intérieur sur la lutte contre l’usage excessif de la force par la police et la gendarmerie.
La nuit du 25 octobre 2014, Rémi Fraisse, jeune botaniste de 21 ans, était tué sur le site du barrage de Sivens, dans le Tarn, suite à un tir de grenade d’un gendarme.
Plus de dix-huit mois plus tard, l’instruction est toujours en cours et le site d’information Reporterre vient de publier une enquête très documentée qui contredit totalement la version de la gendarmerie.
Il y a plusieurs mois, l’ACAT-France (association chrétienne contre la torture et la peine de mort), organisation non gouvernementale (ONG) luttant contre la torture et la peine de mort, publiait un communiqué intitulé : « décès de Rémi Fraisse : violences policières, vers un non-lieu de plus ? ». Une responsable de l’ONG rappelait que, dans cette affaire, plusieurs demandes d’actes d’enquête avaient été refusées comme la reconstitution des faits sur place ou l’audition du préfet du Tarn. L’impartialité des gendarmes locaux en charge de mener les investigations posait aussi question selon les avocats de la famille. Elle ajoutait : « Ces entraves dans l’accès à la justice et ces doutes quant à l’impartialité des enquêtes sont symptomatiques de l’existence d’une culture de l’impunité en France en ce qui concerne les violences policières. Obtenir vérité et justice relève souvent du parcours du combattant pour les victimes quand la police ou la gendarmerie est en cause ».
Il y a quelques semaines, alors que les manifestations d’opposition au projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ont été encore l’occasion de violences commises par les forces de l’ordre, le comité contre la torture de l’organisation des Nations unies (ONU) relevait « des allégations d’usage excessif de la force » par la police et la gendarmerie en France.
Dans son rapport du 10 juin 2016, le comité recommande notamment à la France de « renforcer la lutte contre tout usage excessif de la force par la police et la gendarmerie et de veiller à ce que :
a) les mesures nécessaires soient prises pour garantir que, dans la pratique, les victimes de violences policières puissent déposer plainte, que celles-ci soient enregistrées et que, le cas échéant, les plaignants soient protégés contre tout risque de représailles ;
b) dans tous les cas qui lui sont signalés, une enquête prompte, impartiale, indépendante et transparente soit menée dans des délais raisonnables ;
c) des poursuites puissent être engagées et, en cas de condamnation, des sanctions proportionnelles à la gravité des faits soient prononcées ;
d) des données statistiques complètes et ventilées soient établies sur les plaintes déposées et les signalements pour faits de violence et d’usage excessif de la force, et sur les enquêtes administratives ou judiciaires ouvertes concernant tant la police que la gendarmerie, les poursuites engagées, les condamnations et les sanctions prononcées, les décisions de non-lieux et les classements sans suite. »
Dans le contexte d’un climat de plus en plus tendu, ces mesures paraissent plus que jamais urgentes et nécessaires.
Dès lors, elle souhaite savoir quelles mesures il compte prendre pour satisfaire aux recommandations du comité contre la torture de l’ONU ainsi qu’à celles de l’ensemble des ONG concernées.

Transmise au Ministère de l’intérieur

Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 02/03/2017 – page 900

La gendarmerie dispose d’une circulaire relative à l’aide aux victimes d’infractions pénales (n° 6700 DEF/GEND/OE/EMP/PJ du 26 septembre 2011) qui vient compléter la politique publique en la matière. L’obligation de recevoir toutes les plaintes (article 15-3 du code de procédure pénale) est précisée. Aucun cas de représailles des plaignants pour violences policières n’a été signalé. L’IGGN est dans la majorité des cas chargée des plaintes pour usage excessif de la force par les militaires de la gendarmerie ; elle engage ses enquêteurs quel que soit le canal de saisine : doléances de particulier, courrier au directeur général ou à l’inspecteur général de la gendarmerie nationale, sois-transmis du parquet. Cependant, certains procureurs confient l’enquête aux sections de recherches des régions. À l’occasion de ses enquêtes administratives, l’inspection générale peut donner avis au procureur de la République, par application de l’article 40 du CPP, des faits qui pourraient être de nature à constituer des délits « d’usage excessif de la force » afin que des poursuites puissent être engagées contre les militaires de la gendarmerie susceptibles d’avoir commis des violences sur autrui. L’inspection générale est en mesure d’indiquer le nombre de dossiers de violences traités par ses bureaux d’enquêtes judiciaires ou administratives mais les suites judiciaires ne sont pas toujours connues. Au niveau de l’administration centrale et depuis la mise en œuvre de la procédure Evengrave, qui date de plusieurs dizaines d’années, l’ensemble des mises en cause pénales (pour des faits perpétrés en ou hors service) donne lieu à l’établissement d’un message initial d’information, avec des actualisations confiées à la responsabilité des échelons déconcentrés (région et groupements de gendarmerie) dès lors qu’une procédure de suivi est décidée.  Depuis 2013, la direction générale de la gendarmerie nationale assure à son niveau un suivi exhaustif de toutes les mises en cause pénales de gendarmes et ce jusqu’au terme des procédures judiciaires et disciplinaires. À ce titre, les dénonciations de violences perpétrées par des militaires de la gendarmerie dans l’exercice de leur fonction (lors de gardes à vue, mais également en dehors de toute mesure de restriction des libertés publiques) sont identifiées dans un répertoire dédié. À ce jour, la gendarmerie dispose donc d’une information complète pour les événements arrivés au terme du suivi.

Source: JO Sénat du 02/03/2017 – page 900

À lire également