La réparation juridique du dommage corporel est une approche médicale très spécifique qui nécessite un minimum de connaissances juridiques afin de pouvoir conseiller utilement les éventuels bénéficiaires.
De par leurs fonctions, les militaires sont concernés par ces problèmes d’indemnisation, que ce soit à titre personnel ou à titre de conseiller pour des victimes.
Il est donc apparu intéressant de développer cette information pour sensibiliser et renseigner le maximum de personnes en la matière. Aussi différents aspects du problème seront abordés pour sensibiliser sur l’importance de cet enjeu peu connu qu’est la réparation juridique du dommage corporel.
Chaque individu peut être concerné par ces types d’indemnisations selon quatre possibilités.
La plus connue, l’accident de service, prise en charge par l’Etat qui indemnise le militaire selon des règles particulières par le biais des ACVG (anciens combattants et victimes de guerre). La procédure est connue de tous et les règles bien établies font que chacun peut faire prévaloir ses droits à indemnisation, même a posteriori, lorsqu’il a été victime d’un accident de service.
Les accidents du travail rentrent dans un cadre particulier qui ne concerne pas les militaires qui eux bénéficient de l’accident de service. Les règles sont totalement différentes, notamment l’accident doit être déclaré à l’employeur dans les trois jours après le fait accidentel.
Un autre aspect, moins connu en milieu militaire mais tout aussi important, la réparation en droit commun. C’est le cas par exemple d’une victime d’un dommage pour lequel un auteur est connu, cette indemnisation peut se cumuler avec celle de l’accident de service dans certains cas bien précis et sous certaines conditions que nous envisagerons ultérieurement.
Enfin un quatrième volet d’indemnisation, la réparation contractuelle, où les règles sont définies par le contrat (par exemple AGPM, GMPA…), tout y est écrit et seules les clauses contractuelles font loi. Cela explique la grande disparité de tous les contrats et la grande difficulté de pouvoir les comparer entre eux, chaque contrat indemnisant avec ses propres règles qui ont été définies lors de la signature du contrat.
En somme, toute réparation passe notamment par l’évaluation d’une invalidité, qui se définit en fonction du cadre juridique dans lequel la victime se trouve, à l’aide de barèmes indicatifs propres à chaque cadre juridique. Le taux d’invalidité n’est donc pas le même pour l’accident de service (barème des ACVG) que dans le droit commun ou droit contractuel. Ainsi par exemple l’amputation de dernière phalange de l’auriculaire sera considéré comme une séquelle minime en accident de service ou en droit commun mais dans le cas des contrats sera indemnisé par exemple à 100 % d’invalidité pour un pianiste professionnel qui aurait assuré ses deux mains.
L’accident de service
L’accident de service ouvre des droits statutaires aux victimes. Chacun connaît le droit d’être pensionné pour des séquelles survenues à l’occasion et par le fait du service avec un taux d’invalidité reconnu par les anciens combattants et les victimes de guerre (ACVG).
Ce taux spécifique est fixé après expertise à l’aide d’un barème indicatif du code des pensions militaires. Il ne peut donc en aucune façon se comparer à d’autres taux d’invalidité car l’accident de service n’indemnise que les séquelles fonctionnelles à l’exclusion des autres préjudices.
La reconnaissance d’un accident de service est simplifiée: un extrait du registre des constatations bien renseigné et la lecture du dossier médical permet aux ACVG d’étudier et faire valoir les droits de chacun. Il est donc indispensable de consulter rapidement le médecin militaire pour que tous les éléments médico-administratifs soient inscrits sur le livret médical de l’intéressé. En outre, pour les affections indemnisables, il est important de faire une demande de pension aux ACVG car c’est la date de la demande qui constituera le point de départ de la pension et des avantages accessoires dont le droit aux soins gratuits pour l’affection pensionnée et l’ouverture des droits à 100% par la sécurité sociale pour les autres affections.
Les ACVG n’indemnisant pas tous les préjudices il est tout à fait licite et concevable de se faire indemniser par un tiers responsable les préjudices qui n’ont pas été pris en compte par les ACVG. Ainsi, en accident de service, avec un tiers responsable, les préjudices personnels seront indemnisés par le tiers ou son assurance.
L’accident du travail
Au ministère de la Défense, la dénomination » accident du travail » concerne les personnels civils ouvriers d’état. Pour les fonctionnaires, c’est une autre procédure qui s’applique en la matière, celle des accidents de service qui n’obéit pas aux mêmes règles que pour l’accident de service du militaire vu précédemment. Pour ces personnels civils, c’est l’instruction 98-01/DEF/SPA/SDC qui s’applique. Elle définit clairement les droits et les responsabilités de chaque acteur (la victime, l’employeur et le médecin de contrôle) pour l’élaboration et le traitement de ces dossiers. La victime, ouvrier d’état, doit déclarer par tout moyen, dans les 24 heures sauf cas de force majeure, son accident à l’employeur pour bénéficier de la présomption d’imputabilité (ce qui n’est pas le cas du fonctionnaire), passé ce délai, elle devra faire la preuve de l’accident. Ensuite, le taux d’invalidité est fixé par le médecin de contrôle selon le barème (UCANSS) de la sécurité sociale pour les agents de l’Etat non fonctionnaires et par un médecin agréé par l’administration pour les fonctionnaires.
Dans le cas d’accident occasionné par un tiers, la victime a le droit de lui demander au titre du droit commun un complément de réparation égal à la différence entre le préjudice total qu’elle a subi et la réparation forfaitaire allouée au titre de la législation des accidents du travail.
En somme pour un même accident, selon le cadre juridique dans lequel se trouve la victime militaire, civil, fonctionnaire ou non, les taux d’invalidité reconnues et les indemnisations ne seront pas les mêmes, chacun bénéficiant d’un statut et d’un régime d’indemnisation particulier.
Le droit commun
C’est la réparation » intégrale » qui doit indemniser tous les préjudices et rien que les préjudices de la victime. Tous les préjudices sont pris en compte, à savoir les préjudices patrimoniaux (soumis à l’action récursoire des caisses) et les préjudices extra patrimoniaux (non soumis aux actions récursoires).
Les préjudices patrimoniaux comportent l’I.P.P., le manque à gagner, les dépenses, la perte de salaire correspondant aux incapacités, en somme tout ce qui peut être chiffré sur le plan financier. Ils ne seront perçus par les victimes qu’après que les organismes sociaux se soient remboursés (action récursoire) des débours occasionnés par l’accident (frais d’hospitalisation, médicaux, pharmaceutiques, coûts pour l’employeur …).
Les préjudices extra-patrimoniaux appartiennent à la victime. Il s’agit des préjudices de la douleur, esthétique, d’agrément et moraux. A titre d’exemple, le préjudice de la douleur s’indemnise entre 0 et 200 000 F, le préjudice esthétique de 0 à 150 000 F. Le préjudice d’agrément correspond au dommage qui résulte de l’atteinte portée aux satisfactions des plaisirs de la vie et il est indemnisé avec des montants plus faibles. Le préjudice moral concerne aussi les proches de la victimes et peut donner des chiffres plus importants.
En somme, tous les préjudices personnels ne sont pas indemnisés dans le cadre des accidents de trajet, de travail et de service et sont donc indemnisables par le tiers responsable. Ainsi lors d’un accident de service avec un tiers responsable, la victime pourra se faire indemniser par les ACVG pour un accident de service, par le tiers responsable pour les préjudices personnels et enfin par l’assurance personnelle qu’il aurait souscrit.
Les assurances
Dans ce cadre contractuel, tout dépend du contrat que l’intéressé a signé. Les termes du contrats valablement signé entre les co-contractants tiennent lieu de loi. Il est ainsi très difficile de pouvoir comparer les différentes assurances, chacune ayant ses clauses d’exclusions spécifiques, un barème d’I.P.P. propre et un taux d’indemnisation particulière, prévues dans le contrat.
Ainsi par exemple une clause d’exclusion fréquente est la définition de l’aptitude au travail. L’inaptitude à tout travail ou à son travail n’est pas la même chose.
Après un accident, la victime infirme dans une chaise roulante et non autonome s’est vue refuser le bénéfice de son contrat pour l’inaptitude au travail car l’exemption à tout travail est très restrictive et le fait d’être dans un fauteuil roulant n’empêche pas de coller des timbres et d’avoir une activité rémunératrice.
En somme, dans ce cadre il est indispensable avant de signer de connaître sur quoi l’on s’engage et bien lire toutes les lignes du contrat. Dans les causes d’exclusion ,par exemple il faut bien vérifier que l’on est assuré pour la perte de son travail et non pas tout travail, sinon l’assurance invoquera la possibilité d’une activité rémunératrice pour s’exonérer de payer ce que la victime espérait. En outre, il faudra bien vérifier les définitions des invalidités notamment des taux d’IPP, qui sont définis dans le contrat, nous avons vu le problème de l’assurance pour l’amputation de l’annulaire qui ne donne pas les mêmes indemnisations, il est préférable de signer un contrat tel le pianiste pour son propre travail et non pas pour le travail.