Questions au Gouvernement: Organisation des services de renseignement

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe Les Républicains.

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre de l’intérieur, la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, que j’ai conduite avec notre collègue Sébastien Pietrasanta, a formulé à la quasi-unanimité quarante propositions, dont la principale, à mes yeux, est la refonte complète de l’organisation de nos services de renseignement chargés de déjouer les attentats.

Or aussi bien vous que votre prédécesseur êtes restés totalement opposés à cette réforme, pourtant absolument nécessaire. Dois-je vous rappeler que les patrons de la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et de la direction générale de la sécurité extérieure – DGSE – ont honnêtement reconnu, devant notre commission d’enquête, que les attentats de janvier et de novembre 2015 constituaient bien un échec de leurs services ? Dès lors, je m’interroge sur les raisons à ce manque de volonté politique, à l’instar, d’ailleurs, de deux journalistes, qui publient aujourd’hui même un ouvrage intitulé Où sont passés nos espions ?, dans lequel ils dénoncent le déni du Gouvernement sur les failles de nos services de renseignement.

Malgré tout, vous persistez : dans le cadre d’une mission de suivi de nos préconisations, vous venez une nouvelle fois de nous faire clairement connaître votre refus de renforcer la coordination des différents services, en rejetant d’emblée la création au plus haut niveau de l’État d’une agence nationale de lutte antiterroriste, déjà qualifiée avec un certain dédain par votre prédécesseur de « plum-pudding ». Pour vous, monsieur le ministre, il ne faudrait donc toucher à rien. Selon vous, « le poids des enjeux liés à la lutte antiterroriste n’autorise pas à envisager de supprimer ce qui fonctionne bien en la matière ».

Comment osez-vous prétendre que nos services fonctionnent bien quand, depuis janvier 2015, 230 victimes sont tombées sous les balles de terroristes islamistes, pourtant identifiés et qui ont pu passer à l’acte ? Faudra-t-il donc, monsieur le ministre, se résoudre à attendre l’arrivée d’une nouvelle majorité pour qu’une telle réforme, défendue notamment par le candidat François Fillon, soit enfin mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Thierry Solère. Et bientôt de l’extérieur !

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, il est vrai que vous avez, avec Sébastien Pietrasanta, remis un rapport qui contient un certain nombre de propositions en matière de procédure et de gestion de ces moments de crise très particuliers que sont les actes terroristes, appelant nécessairement à la réflexion.

S’agissant des propositions en matière d’organisation et de réorganisation, je vous confirme la position exprimée par le Premier ministre dans une lettre datée du 11 juillet dernier, qui détaillait très précisément la façon dont nous entendons aujourd’hui donner des moyens supplémentaires à nos services de renseignement. Je ne répéterai pas son contenu – vous le connaissez – mais il est utile de rappeler que nos services de renseignement sont bien organisés.

D’ailleurs, puisque vous avez évoqué les victimes déplorées dans notre pays, pour lesquelles nous avons tous une pensée, je tiens à indiquer que, au moment où nous parlons, la DGSI et les services de renseignement territoriaux établissent des levées de doute, procèdent à des arrestations et bâtissent des procédures sur la base des informations dont ils disposent. Ils le font avec tous les services de renseignement du premier cercle, du second cercle et les unités de coordination que sont l’UCLAT et l’EMOPT – l’unité de coordination de la lutte antiterroriste et l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme –, qui assurent la cohérence de tout le dispositif.

Ce dont ont besoin nos services de renseignement et de lutte antiterroriste, c’est de stabilité et d’un lien étroit entre le travail de coordination réalisé au niveau national, en particulier par la DGSI et la DGSE, et le renseignement territorial. Ce lien avait malheureusement été bien trop mis à mal – je ne m’appesantis pas sur ce point – à la suite de votre décision, en 2008, de supprimer la direction centrale des renseignements généraux, ce qui a occasionné un manque dans notre dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Jacob. Cela n’a absolument rien à voir !

M. Bruno Le Roux,ministre. Ce dont nous avons besoin, c’est de cette cohésion et de cette cohérence entre les renseignements du terrain et les signaux forts qui peuvent être détectés par les services centraux. Pour cela, nul besoin de procéder à une réorganisation en créant une agence qui ne correspond pas à notre modèle. Il convient en revanche de donner des moyens supplémentaires aux services de renseignement, ce qui est incompatible avec votre programme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

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