Réforme de la prescription en matière pénale

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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Réforme de la prescription en matière pénale

Deuxième lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant réforme de la prescription en matière pénale (n4135, 4309).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, Guy Carcassonne, brillant constitutionnaliste, professeur apprécié à l’université de Paris X, dont la parole nous manque tant aujourd’hui, avait l’habitude de dire que « le Parlement a tous les pouvoirs » et il l’encourageait à utiliser ces pouvoirs.

Je suis heureux de participer à des débats qui auraient pleinement satisfait Guy Carcassonne puisque cette proposition de loi est une initiative strictement, totalement et pleinement parlementaire, conduite de manière remarquable et habile par ses rapporteurs à l’Assemblée nationale et au Sénat, aidés par les représentants des groupes qui, dans un effort commun, ont construit un édifice remarquable. En effet, à l’issue des travaux en première lecture à l’Assemblée nationale, le 10 mars dernier, et au Sénat, le 13 octobre dernier, c’est l’esprit transpartisan qui a remporté une victoire.

Un esprit efficacement incarné dans cette assemblée par Alain Tourret et Georges Fenech, qui ont uni leurs intelligences et leurs efforts pour analyser une situation dont chacun reconnaissait la complexité et ont proposé un chemin qui, tout en étant escarpé, s’est avéré praticable.

C’est le même esprit qui avait prévalu au Sénat dans les travaux entamés par Hugues Portelli, Richard Yung et Jean-Jacques Hyest, prolongés par ceux du rapporteur François-Noël Buffet.

Cette œuvre de réflexion collective donne tort à Montesquieu qui écrivait que « les lois rencontrent toujours les passions et les préjugés du législateur ».

Lorsque le temps de la réflexion est pris – ce qui a été le cas –, lorsque les auditions de toutes les parties prenantes sont rigoureusement menées – ce qui a été le cas –, lorsque l’intelligence de l’un est fécondée par l’intelligence de l’autre, alors la raison dépasse la passion et la responsabilité dépasse le préjugé.

Le texte adopté par l’Assemblée, enrichi par le Sénat, confirmé par le vote unanime de votre commission des lois, aboutit à un travail parfaitement équilibré.

L’exercice était vraiment compliqué car il obligeait à se poser une question grave : celle de la mémoire et du passé, de l’oubli et du présent. Les règles légales et jurisprudentielles de la prescription en matière de répression des infractions étaient devenues inadaptées aux attentes de la société, mais également aux besoins des juges. Les incohérences et l’instabilité du droit étaient devenues préjudiciables à l’impératif de sécurité juridique.

Il était donc nécessaire de réfléchir à la manière de faire évoluer les règles de la prescription, d’entendre les juges, de prendre en considération les besoins de la société et ce qu’elle est en droit d’attendre en matière de justice.

De ces constats et de ces questions, la proposition de loi tire des conclusions de bon sens.

Elle inscrit dans la loi les règles dégagées par la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de prescription des délits occultes. Cela renforcera la sécurité juridique et améliorera la lisibilité du droit, sous réserve que le cas des délits dissimulés soit également traité de manière appropriée. Chacun doit en effet pouvoir connaître plus facilement les règles applicables en consultant la loi, sans être un expert ni devoir analyser la jurisprudence. La proposition de loi rassemble dans un même code des dispositions qui étaient jusqu’alors éparpillées et contribue ainsi à améliorer la lisibilité de la loi. Enfin, elle clarifie et améliore l’efficacité des règles de prescription – durée de la prescription, modalités de calcul des délais, règles de suspension ou d’interruption de la prescription.

Pour la première fois, mesdames et messieurs les parlementaires, c’est une proposition de loi construite sur une vision globale et une cohérence d’ensemble qui est présentée. Je vous redis donc combien je suis heureux que ce texte nous parvienne ce matin pour une discussion ultime.

En 1772, la romancière Marie-Jeanne Riccoboni écrivait qu’« une longue attente est un long supplice ». Mesdames et messieurs les députés, le temps ne doit pas, le temps ne peut pas devenir l’ennemi de la justice. Ce sera l’honneur du législateur que d’apporter enfin une réponse sage et juste à cette grave question. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en 1808, l’Empereur est au faîte de sa puissance. Il y a eu la paix d’Amiens en 1802, le couronnement en 1804, Austerlitz en 1805, Iéna en 1806, Friedland en 1807, et en 1808, l’Empereur dicte le code de procédure pénale.

Les règles de la prescription alors établies n’ont pas bougé depuis cette époque. C’est dire la stabilité de notre code de procédure pénale !

Le problème est que les choses ont évolué alors que le code, lui, n’a pas été réformé. Le poids de la législation économique et celui des affaires ont tout changé et sont apparus un certain nombre de délits ne présentant pas les caractéristiques des délits habituels, des délits pour l’essentiel dissimulés et non susceptibles d’être poursuivis parce que précisément, ceux qui les commettent s’arrangent pour interdire toute possibilité de poursuite dans des délais normaux.

En 1935, pour la première fois, la Cour de cassation estimait qu’en matière d’abus de confiance, le point de départ pour la prescription du délit n’était pas celui de la commission des faits mais celui de leur révélation. Un arrêt de règlement aurait pu être pris pour signifier que cette règle valait en toute matière économique. Tel n’a pas été le cas. En conséquence, si pour une partie des délits économiques, c’est bien la nouvelle règle de la Cour de cassation qui s’applique, à savoir celle qui fixe le point de départ pour la prescription du délit au jour de la révélation des faits – vote de l’assemblée générale, décision des actionnaires… –, ce n’est pas le cas pour tous, en particulier en matière de faux. Il n’y avait donc plus aucune sécurité juridique. Or le droit, ce doit être la sécurité.

Le législateur lui-même est parti dans des folies qui l’ont amené à répondre point par point, dossier par dossier, aux émotions du peuple et à partir de ce moment-là, nous avons connu tout et n’importe quoi en matière de règles de prescription.

Qu’est-ce que la prescription et quelles en sont les règles ? La prescription est l’impossibilité, après un certain délai, de mettre en mouvement l’action publique de façon que l’oubli l’emporte sur la nécessité de la répression.

La France était le seul pays à distinguer la prescription de l’action publique et celle des peines, prévoyant de surcroît trois règles différentes pour les contraventions, les délits et les crimes. Il existait donc six règles de prescription. Cela remontait certes loin dans le temps, aux assises du droit romain. Et Saint-Louis, le premier dans notre ancien droit, avait relevé la différence des délais de prescription selon qu’il s’agissait de contraventions, de délits ou de crimes.

Là où il aurait fallu s’en tenir à une règle claire, il n’en a rien été, si bien que certains délits se sont trouvés prescrits par vingt ans alors qu’ils le sont normalement par trois ans et que des crimes l’ont été par trente ans alors qu’ils le sont normalement par vingt ans. C’était tout et n’importe quoi, du fait même des fautes commises par le législateur.

Le procureur général près la Cour de cassation, M. Marin, a estimé que jamais le « chaos judiciaire » – ce sont ses termes – ne pourrait être mieux stigmatisé que par nos règles de prescription qui partaient dans tous les coins.

L’honneur du Parlement, des députés et particulièrement de Georges Fenech, dont je salue le travail qu’il a mené à mes côtés, a été de se lancer dans une intense écoute de tous les milieux : le milieu judiciaire, celui des associations et de tous ceux qui avaient un rôle à jouer. Nous avons remis un rapport d’information de plus de 600 pages, que la commission des lois a bien voulu adopter à l’unanimité.

Après quoi, nous avons déposé ensemble une proposition de loi que nous avons travaillée avec le président de la commission des lois – il s’agissait alors de Jean-Jacques Urvoas –, et avec le soutien du garde des sceaux, d’abord Christiane Taubira, puis l’actuel.

Nous sommes parvenus à un juste équilibre. La première règle est que la prescription ne doit pas être un moyen général d’impunité. Il faut pouvoir sanctionner. La prescription doit donc être une exception, et non une manière d’échapper à sa propre responsabilité. C’est pourquoi nous avons considéré, prenant exemple sur les autres pays européens, qu’il était nécessaire d’allonger les délais, en matière de délit, de trois à six ans, et en matière de crime, de dix à vingt ans. C’était le bon sens. Avec Georges Fenech, nous avons enregistré un accord quasi global en la matière.

Se posait le problème de l’imprescriptibilité. Celle-ci n’existe que pour ce qui relève de la Shoah, du génocide, du crime contre l’humanité. Veut-on banaliser la Shoah, ce à quoi l’on arrive si l’on opte pour l’imprescriptibilité ? Certains pays l’ont admis. Nous estimons au contraire que l’imprescriptibilité doit être réservée à quelque chose d’essentiel dans la vie de l’humanité, notamment dans ce que la France a connu pendant cette période terrible. Nous nous sommes donc convaincus, avec Georges Fenech, que l’imprescriptibilité devait rester ce qu’elle est actuellement.

Nous avons envisagé, compte tenu des règles de la Cour pénale internationale, de rendre les crimes de guerre imprescriptibles. Nous y avons beaucoup réfléchi, Georges Fenech et moi-même. La garde des sceaux Christiane Taubira nous poussait dans ce sens. Nous avons constaté l’absence d’un consensus en la matière, notamment auprès des forces armées. On nous citait l’exemple du Rwanda, qui soulevait nombre de questions, car il s’agit là d’une loi d’application immédiate.

La question était difficile. En outre, il fallait définir les actes interruptifs. Nous devions aussi régler le problème de la date butoir, comme le Sénat nous en a proposé une. L’affaire était si complexe que le président de la commission des lois a saisi le président de l’Assemblée nationale lui-même, lequel a saisi le Conseil d’État.

Pour la première fois au cours de cette législature, un texte d’origine parlementaire, émanant de la commission des lois, a été soumis au contrôle, à l’accueil et au conseil de la haute juridiction.

Avec Georges Fenech, nous avons été entendus pendant dix-sept heures par le Conseil d’État, qui honore le système judiciaire français et le système de conseil de notre gouvernement ainsi que de l’Assemblée nationale. Le Conseil d’État a rédigé un rapport de plus de dix-neuf pages, faisant droit à ce que nous prévoyions et appelant notre attention sur le problème complexe de la sous-prescription, lorsque l’action publique est engagée. Le procureur général près la Cour de cassation, M. Marin, tenait à ce que, sans l’éteindre, nous restreignions la nouvelle prescription à trois ans. Le Conseil d’État nous a mis en garde. Nous avons finalement renoncé.

Nous sommes donc revenus devant la commission des lois de l’Assemblée nationale puis en séance publique. Notre texte a été voté à l’unanimité, y compris pour les dispositions concernant la délinquance sexuelle. Fallait-il porter le délai de prescription de vingt à trente ans ? Fallait-il opter pour l’imprescriptibilité ? Cette dernière ne me semblait pas envisageable.

Nous nous en sommes tenus à la règle des vingt ans, plutôt que d’envisager un délai spécifique de trente ans, auquel cas, dossier par dossier, il aurait fallu rediscuter de toutes les prescriptions. Or nous voulions simplifier et parvenir à des règles générales.

Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous pensions que le Sénat adopterait le texte à l’unanimité, mais celui-ci a voulu tout rediscuter – ce qui est son droit.

Pour parvenir à un accord entre son texte et le nôtre, nous avons demandé l’arbitrage du garde des sceaux lui-même, qui a joué le rôle de facilitateur. Nous avons trouvé, à la Chancellerie, un texte global retenant l’ensemble des propositions faites par chaque chambre.

Le problème du délai butoir était très important, puisqu’on risquait d’aboutir à une imprescriptibilité de fait, une fois qu’une procédure était lancée. Le Sénat avait fixé ce délai à douze ans pour les délits et, pour les crimes, à vingt ans.

M. Georges Fenech. À trente ans !

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est une bonne décision. Elle empêche qu’on échappe au « délai excessif ». N’oublions pas nos obligations européennes en matière de « délai raisonnable ». Grâce au délai butoir, nous revenons dans les limites du délai raisonnable.

Restait le problème des prescriptions en matière de presse. Dès le départ, nous avions pensé, Georges Fenech et moi-même, qu’il ne fallait pas toucher à la presse. Et notre premier texte ne contenait aucune disposition sur le sujet. Le Sénat, lui, n’acceptait de conclure un accord avec nous qu’à condition que le délai de prescription pour les infractions commises par les sites de presse en ligne passe de trois mois à un an. Finalement, c’est un délai plus court qui a été retenu puisque lorsqu’une insertion figurera à la fois dans la presse écrite et sur internet, l’écrit l’emportera. C’est donc le délai non d’un an mais de trois mois qui s’appliquera.

Alors que nous étions parvenus à un accord à la Chancellerie, j’ai appris le dépôt d’un amendement scélérat tentant de mettre par terre l’ensemble de la loi. J’appelle en effet votre attention sur le fait que son adoption ferait tomber tout le texte. En votant cet amendement, on donnerait une sacrée chance à toute la délinquance économique, qui échappe aux poursuites, parce qu’il n’est pas possible actuellement qu’elles s’exercent sur les infractions dissimulées ou complexes. Voilà la réalité !

Je me demandais comment le milieu économique allait réagir à notre proposition, qui représente un danger pour lui – les avocats d’affaires en étaient les premiers convaincus. J’ai compris ensuite que c’est par cet amendement qu’il tenterait de parvenir à ses fins. Toutes les tentatives de modifier la loi en matière de prescription ont échoué. Mazeaud a échoué. Hyest a échoué. Tous se sont cassé les reins sur les délits économiques. Et voici que les résistances réapparaissent, comme le monstre du Loch Ness, non en tant que telles, mais à la faveur d’un amendement dissimulé concernant les sites en ligne.

Je le répète avec force : il s’agit d’un amendement scélérat. S’il est voté, on m’assure qu’on pourra revenir en arrière. Voire ! On voudra vous nourrir de belles paroles. Si le garde des sceaux, qui a toute ma confiance, nous le confirme, c’est qu’il y a peut-être une possibilité, mais au fond je n’y crois guère. On nous avait de même dit en juin dernier que le texte serait adopté conforme sans encombre. On voit ce qu’il en a été.

Je vous le répète donc avec force, chers collègues : ne votez pas l’amendement. Si vous le faites, c’est toute la loi qui tombe. Or il s’agit d’un grand texte, d’initiative parlementaire.

Mesdames et messieurs les parlementaires, ne cédez pas à l’exécutif ! Monsieur le garde des sceaux, ne cédez pas au Premier ministre ! Battez-vous ! Battez-vous, monsieur le garde des sceaux, qui étiez jadis président de notre commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Alain Tourret, rapporteur. Rappelez-vous votre action d’alors ! Et vous, monsieur le président actuel de la commission des lois, battez-vous également ! Ne vous inclinez pas devant l’exécutif !

Qu’est-ce que cela veut dire que cette VRépublique qui abandonne tous les droits des parlementaires, c’est-à-dire les droits du législatif ? Battons-nous ! Résistons sur ce front ! Nous vous proposons une loi superbe, et vous la casseriez par un amendement scélérat ? Je vous le répète : non ! J’ai confiance en vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Lellouche. Bravo !

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la révolution est en marche, mais, pour ma part, je vais tenter d’y apporter un peu de calme.

Nous nous retrouvons ce matin à l’occasion de la journée réservée du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, auquel j’appartiens afin d’examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi de notre éminent collègue révolutionnaire Alain Tourret…

M. Paul Giacobbi. Radical seulement ! (Sourires.)

M. Jacques Krabal. ….proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale.

Ce texte, voté en première lecture par notre Assemblée à l’occasion d’une journée réservée de notre groupe, le 10 mars 2016, et par le Sénat, le 13 octobre 2016, est le résultat d’un travail en premier lieu transpartisan. J’en remercie notre collègue Georges Fenech, car notre groupe est favorable à l’esprit transpartisan ! Nous approuvons la volonté de travailler pour l’intérêt général, ce que nous avons fait avec le soutien et l’encouragement du garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, et l’appui de l’ensemble de nos collègues.

Nos collègues Alain Tourret et Georges Fenech ont mené de nombreuses auditions et effectué un travail approfondi afin de répondre à la critique adressée par l’ensemble des praticiens à la complexité des règles en matière de prescription pénale.

En effet, comme le rapport d’information sur la réforme de la prescription pénale publié en mai 2015 avait pu le préciser, l’action de la justice en droit pénal se voit grevée par deux formes de prescriptions : celle de l’action publique, antérieure à la condamnation définitive, et celle de la peine, postérieure au prononcé de la sanction par le juge. L’action publique ne peut plus être enclenchée après l’écoulement d’un certain temps depuis le jour de la commission de l’infraction. Pour la peine, une fois expiré un certain délai, la puissance publique se voit empêchée d’exécuter les sanctions définitives prononcées par le juge.

Le point de départ du délai de prescription pour l’action publique est fixé au jour de la commission de l’infraction, et pour la peine, la prescription court à compter de la date de la décision de condamnation définitive.

Or, comme nos collègues l’ont précisé, la prescription participe de la régulation de l’action de la justice pénale, le droit à l’oubli existant et une infraction ne pouvant être poursuivie ad vitam aeternam. En effet, notre système judiciaire ne peut poursuivre les infractions indéfiniment, d’abord faute de moyens, la France étant seulement, selon le rapport Nadal de 2013, le quarantième pays sur les quarante-sept expertisés. Il y a donc là des efforts à entreprendre, parce que la lenteur des lois pour rendre justice, en dehors de ces délais de prescription, est en soi un vrai problème.

Aussi, pour la prescription de l’action publique, les délais sont actuellement d’un an pour les contraventions, trois ans pour les délits et cinq ans pour les crimes, et en matière de prescription de la peine, de trois ans pour les peines contraventionnelles, cinq ans pour les peines délictuelles et dix ans pour les peines criminelles.

Mais tout principe mérite exception, et en matière de prescription pénale les exceptions sont plus que nombreuses : délais allongés ou abrégés en fonction de la nature de l’infraction et de la qualité de la victime, mais aussi computation des délais avec report du point de départ du délai de la prescription, et possibilité d’interruption ou de suspension de la prescription.

Toutefois, et malgré ces multiples allongements jurisprudentiels ou législatifs, les délais actuels de prescription de l’action publique applicables en France apparaissent extrêmement courts comparés à ceux en vigueur dans les pays de l’Union européenne. Ces délais n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation au niveau européen comme certains l’auraient souhaité.

Au-delà de ces aspects, la réforme des délais de prescription de l’action publique et de la peine est particulièrement opportune. Le dispositif de l’article 1er prévoit en ce sens que l’action publique se prescrive par vingt ans pour les crimes, par six ans pour les délits et par un an pour les contraventions.

Des exceptions restent prévues, comme en matière de terrorisme où la prescription est alors de trente ans. En effet, face à la complexité et à la gravité des nouvelles menaces pesant sur notre pays, un allongement du délai de prescription par rapport au délai de droit commun se justifie pleinement.

Le rapporteur a consenti par pragmatisme, à son habitude, à d’autres exceptions. Ainsi a été créé dans le code de procédure pénale un article 9-2 prévoyant le report du point de départ de la prescription de l’action publique pour les infractions occultes ou dissimulées. Dans ce cas, « la prescription court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice, la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique ». Le Sénat a précisé que ce délai de prescription ne pouvait toutefois excéder, à compter du jour où l’infraction a été commise, douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes.

L’article précise ensuite qu’« est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime, ni de l’autorité judiciaire » et qu’« est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ».

Ce report existe notamment dans le cadre des infractions économiques et financières, en cas d’abus de confiance ou d’abus de bien social. Ces infractions économiques et financières, par nature clandestines, complexes et difficiles à démontrer, doivent pouvoir être poursuivies dans des délais plus longs en raison des enjeux financiers colossaux qui en résultent.

Si le droit à l’oubli est nécessaire et primordial, y compris pour les victimes, nous pensons cependant, à l’instar du rapporteur, qu’il ne faut pas prévoir un délai dérogatoire allongé en matière d’infractions sexuelles commises sur les mineurs. Nous avons entendu les témoignages de personnalités ou d’anonymes victimes d’une amnésie traumatique, état les privant de la conscience des faits qu’elles ont subis. Nous le comprenons, mais nous restons convaincus qu’un droit à l’oubli doit exister. Le texte de notre collègue Alain Tourret vise à une harmonisation des délais de prescription. En matière d’infractions criminelles ou délictuelles sexuelles commises sur les mineurs, il prévoit une prescription de vingt ans commençant à courir à compter de la majorité des victimes, soit jusqu’à leurs trente-huit ans révolus.

Par ailleurs, si en matière de presse, le principe introduit par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est un délai de prescription de trois mois, le Sénat a prévu un allongement de cette prescription à un an pour les infractions de presse commises sur internet, en raison des contraintes liées à la mise en ligne sur support numérique de ces informations. Je sais que cette disposition pose un problème d’ordre juridique, mais dont l’importance est mineure au regard de l’enjeu fondamental que représente une réforme réussie du régime de la prescription pénale. Nous y reviendrons lorsque cet article sera examiné, mais je vous suggère d’ores et déjà, mes chers collègues, d’adopter conforme cette proposition de loi, quitte à laisser au Conseil constitutionnel le soin de la débarrasser d’éventuelles scories juridiques.

L’article 4 précise quant à lui que l’adoption de la loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, auraient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique. Cette proposition de loi n’est donc pas rétroactive : elle n’a vocation à s’appliquer qu’aux infractions qui seront découvertes après sa promulgation.

Ce texte vise tout bonnement à faire respecter le principe de légalité des délits et des peines, parce que la prescription doit aussi prendre en compte le jugement et l’application des peines, souvent attendus par les victimes et les accusés et bien souvent dénoncés comme trop lents. Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, évoquait ce sentiment de fuite de la justice dont certains habitants nous font part dans Conseil tenu par les rats :

« Ne faut-il que délibérer,

La Cour en conseillers foisonne ;

Est-il besoin d’exécuter,

L’on ne rencontre plus personne ».

Si l’épreuve du temps n’est pas toujours favorable à un procès équitable, il est alors nécessaire de changer la loi, puisqu’en vertu du principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire, il est impossible d’enjoindre aux magistrats du siège de juger conformément à une prescription, quelle qu’elle soit.

L’ensemble des dispositions adoptées par le Sénat ont été votées conformes par la commission des lois de notre assemblée. Comme l’a précisé Cécile Untermaier, cette réforme a été saluée par les praticiens comme une initiative bienvenue apportant clarté et simplicité face à une jurisprudence foisonnante et à un empilement des dispositions législatives. Il apparaît donc nécessaire d’adopter ce texte au plus vite afin de permettre son entrée en vigueur avant la fin du mois de janvier et de faire enfin en sorte – comme vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux – que le temps ne soit plus l’ennemi de la justice.

Vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera conforme la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et rejettera donc, comme nous y a invités avec force Alain Tourret, l’ensemble des amendements qui ont été déposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Georges Fenech. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la modification des règles régissant la prescription pénale apparaît aujourd’hui nécessaire en raison de la multiplication des régimes spéciaux et des évolutions jurisprudentielles tendant à modifier régulièrement les règles, voire à les contourner.

En première lecture, notre assemblée a adopté à l’unanimité cette réforme qui répond à une attente des acteurs du monde judiciaire, confrontés à la stratification des règles et à l’incohérence du régime de la prescription.

Nous avons souscrit à la clarification de ses règles sans supprimer le principe même de la prescription, qui constitue un dispositif nécessaire d’apaisement social et répond à des considérations évidentes de bonne administration judiciaire.

Les dispositions essentielles de la réforme ont été approuvées par nos deux assemblées. Tout d’abord, l’allongement de la durée des délais de prescription de l’action publique de trois à six ans pour les délits et de dix à vingt ans pour les crimes s’avère justifié et cohérent avec les évolutions scientifiques et sociales. Notons en revanche que les délais de prescription allongés ou abrégés restent inchangés.

De même, la durée du délai de prescription des peines correctionnelles a été portée de cinq à six ans. Seront ainsi alignés les délais de prescription de l’action publique et des peines de droit commun régissant les infractions criminelles et délictuelles.

Nos deux assemblées ont également consacré la jurisprudence de la Cour de cassation relative au report du point de départ du délai de prescription de l’action publique en cas d’infraction occulte ou dissimulée. Il s’agit là d’une avancée importante face à la complexité et à l’opacité de certaines infractions telles que l’abus de biens sociaux ou la grande corruption internationale, qui sont commises par de simples jeux d’écritures ou par la fabrication de faux très difficiles à déceler. La courte prescription en matière délictuelle de trois ans, même portée à six ans, constituait un obstacle majeur à la poursuite et à la nécessaire lutte contre la corruption.

Notons à cet égard que le Sénat a introduit un délai butoir pour l’exercice des poursuites à compter de la commission des faits, « afin de ne pas rendre imprescriptibles de facto certaines infractions ».

S’agissant des infractions sexuelles commises sur les mineurs, la réforme maintient le report du point de départ à la majorité de la victime. Cette disposition, qui constitue un acquis ancien et constamment réaffirmé dans notre législation depuis 1989, est essentielle à la protection des mineurs.

Nous nous réjouissons de la consécration de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la suspension du délai de prescription en cas d’obstacle de droit ou de fait à l’exercice des poursuites.

Enfin, nos assemblées ont confirmé les actes interruptifs de prescription. Le Sénat a cependant retenu une définition plus restrictive de ces actes en établissant une liste limitative, et il a supprimé le caractère interruptif de la plainte simple.

S’agissant de l’extension de l’imprescriptibilité aux crimes de guerre, nous regrettons les évolutions intervenues à l’Assemblée puis au Sénat. Dans notre assemblée, celle-ci a été restreinte aux seuls crimes de guerre connexes à un crime contre l’humanité. Au Sénat, tous les crimes de guerre ont finalement conservé leur caractère prescriptible.

Nous déplorons que la proposition initiale des auteurs n’ait pas été retenue. Celle-ci nous paraissait pleinement justifiée au regard de la conception unitaire des crimes internationaux dégagée par le droit international. L’affirmer dans notre droit pour les crimes de guerre aurait permis de mettre en conformité le système juridique français avec la Convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale.

J’ai entendu les motivations de notre rapporteur, mais comme en première lecture, je veux dire mon regret que la question des délais de prescription spécifiques pour les agressions sexuelles ne soit pas envisagée par le texte. On sait que les agressions sexuelles peuvent entraîner des traumatismes profonds et une prise de conscience tardive chez les victimes. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé en 2011 une proposition de loi visant à allonger le délai de prescription. Je ne souscris pas à l’argument du droit à l’oubli avancé par notre collègue Jacques Krabal.

Enfin, le texte allonge le délai de prescription de l’action publique et de l’action civile des infractions de presse de droit commun lorsqu’elles sont commises sur internet. Le délai passerait ainsi de trois mois à un an. Nous soutenons cette réforme, dans la mesure où le délai de prescription de trois mois apparaît aujourd’hui insuffisant pour permettre aux victimes de constater l’infraction, d’identifier l’auteur et de mettre en mouvement l’action publique. D’autre part, comme le souligne le rapport sénatorial relatif à l’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à l’épreuve d’internet, la « persistance des contenus dans l’espace public » et l’amélioration de leur accessibilité à n’importe quelle personne, toutes deux permises par le développement des technologies de l’internet, remettent en cause « la justification d’une courte prescription, qui repose en partie sur le caractère éphémère et temporaire d’un écrit ou d’une parole ». L’allongement du délai à un an apparaît à la fois justifié et proportionné, d’autant qu’il ne s’appliquerait pas si le contenu est diffusé à la fois en ligne et sur support papier.

J’ai bien entendu l’appel de notre rapporteur à monter les barricades contre l’amendement en question ; nous y répondrons.

Du reste, soulignons que cette réforme, si elle permettra sans doute d’apporter une réponse judiciaire à plus d’infractions, n’accélérera pas le temps de la punition par rapport à l’infraction. La question de la garantie d’être jugé dans un délai raisonnable reste posée, et la nécessité d’octroyer les moyens humains et matériels nécessaires à la justice impérieuse.

En définitive, en dépit de quelques réserves, les députés du Front de gauche réitèrent leur vote favorable à cette réforme qui restitue au régime de la prescription pénale de la cohérence et de la prévisibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Georges Fenech. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ne perdons jamais de vue que nous écrivons la loi pour assurer une protection réelle, efficace et durable à l’ensemble de nos concitoyens.

Réformer le droit de la prescription en matière pénale était un très vaste chantier, dont nous commençons enfin à voir l’issue. Pour mémoire, nous sommes à ce jour sous l’empire de délais fixés sous Napoléon Ier. Je tiens à renouveler mes félicitations à M. le rapporteur, ainsi qu’à M. Fenech, pour leur combativité, leur constance et leur opiniâtreté. Mes remerciements et ceux du groupe socialiste, écologiste et républicain que je représente vont aussi à M. le garde des sceaux qui, conscient de l’urgence qui s’attache à l’aboutissement de cette réforme, a incontestablement joué dans l’examen de cette proposition de loi un rôle très positif de médiateur, qui nous aura finalement permis de concilier les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La réforme clarifie et modernise le droit de la prescription sans toucher à sa logique originelle ni à ses deux piliers : le premier, puisque la durée des délais respecte bien la répartition tripartite des infractions – contraventions, délits et crimes – en ce qui concerne tant la prescription de l’action publique que celle de la peine ; le deuxième, puisque le point de départ du délai de la prescription reste fixé au jour de la commission de l’infraction, et à la date de la condamnation définitive pour la prescription des peines.

Au fil des ans, ces règles de base sont devenues de plus en plus illisibles et ont été bousculées par des interventions législatives et jurisprudentielles qui ont fait du droit de la prescription un ensemble normatif particulièrement complexe et totalement illisible. Dans sa frénésie coutumière, le législateur a multiplié les délais de prescriptions dérogatoires au droit commun, qu’il s’agisse de délais très allongés ou de délais très abrégés. Les règles de computation se sont diversifiées par rapport au point de départ et aux conditions d’interruption et de suspension des prescriptions, qui ont aussi considérablement évolué.

Mais la prescription reste toujours un régulateur de l’action publique, même si – j’emploie des guillemets – ce « pardon légal » est de moins en moins bien accepté par le corps social. Il y a vraiment urgence à ce que ce texte soit adopté avant la fin de la législature. Urgence face à l’inadaptation des règles légales et, surtout, jurisprudentielles – je rappelle que nous sommes en matière pénale et que c’est bien la loi qui doit fixer les règles applicables, et non la jurisprudence. Urgence, donc, face à des incohérences jurisprudentielles. Urgence également, je viens de le dire, face à une demande sociale très forte. Urgence, surtout, car notre devoir de législateurs est tout de même, fondamentalement, d’assurer la sécurité juridique, qu’il s’agisse des victimes mais aussi des auteurs d’infractions. Je rappelle que l’on parle ici – excusez du peu – d’engagement de poursuites et d’exécution des peines. Les acteurs judiciaires – nous l’avons tous dit, nous allons tous le dire – attendent ce texte depuis bien trop longtemps. Deux missions parlementaires ont été conduites, la première en 2007, la seconde en 2014 : nous arrivons au terme d’une décennie de réflexion.

Permettez-moi de rappeler les principales avancées de ce texte : multiplication par deux des délais de prescription de l’action publique, qui passent de trois ans à six ans pour les délits, et de dix à vingt ans pour les crimes ; clarification – enfin ! – des modalités de computation des délais ; allongement de cinq à six ans du délai de prescription des peines délictuelles ; et, surtout, ce qui va simplifier les choses pour nous tous, harmonisation de la durée des délais de prescription, tant de l’action publique que des peines, en matière criminelle et délictuelle.

Deux points méritent d’être approfondis dans cette discussion générale.

Premièrement, le Sénat a fait l’effort de présenter une énumération limitative des actes qui sont susceptibles d’interrompre le cours de la prescription. C’était nécessaire, tant la jurisprudence est fournie et disparate en la matière. Là encore, la sécurité juridique est réellement à ce prix. Je préfère ne pas rappeler ici certaines affaires très célèbres, dans lesquelles ce sont bien des approximations juridiques qui ont permis, et d’engager des poursuites, et d’obtenir des condamnations. Ainsi, grâce à ce travail, il n’y aura plus d’incertitude, tant pour les auteurs que pour les victimes et, surtout, les acteurs judiciaires pourront travailler en toute sécurité. Gagnant en lisibilité, ils gagneront en efficacité. Il me paraît ensuite tout à fait logique d’avoir supprimé de la liste des actes interruptifs les plaintes simples, car elles seules ne permettent pas d’engager l’action publique. Un autre point très positif tient aussi à l’information par écrit de la victime des règles de prescription de l’action publique, ce qui va vraiment dans le bon sens.

Deuxièmement, je souhaiterais revenir sur l’étrange amendement, porté par les sénateurs, qui a pour objet l’allongement du délai de prescription de l’action publique concernant les infractions de presse commises exclusivement – j’insiste sur ce mot – par internet. Ces dispositions sont de nature à introduire un certain déséquilibre dans la loi de 1881 sur la presse. Elles instituent une différence, pour ne pas dire une discrimination, entre la presse écrite et la presse en ligne, entre l’éditeur ne travaillant que sur un support papier et l’éditeur numérique. Cela pourrait créer une réelle insécurité juridique, voire une forme d’inégalité. À cet égard, je tiens à rappeler que, dans une décision du 10 juin 2004 sur la loi pour la confiance dans l’économie numérique, le Conseil constitutionnel a indiqué qu’il ne peut y avoir une trop grande différence de régime entre la presse papier et la presse numérique en matière de délais de prescription.

Reste, ensuite, l’amendement porté par Mme Maina Sage, visant à modifier le délai de prescription de l’action publique pour certains crimes. Autant, sur le fond, madame, j’entends votre intention – je juge d’ailleurs, comme vous, cette question primordiale – autant je pense que ce que vous proposez ne peut pas être la solution. Nous nous en sommes déjà très longuement expliqués. Je préfère, en tant que praticien du droit, qu’une victime reste victime, plutôt que, par l’effet d’une sorte de rouleau compresseur, plus de trente ans après les faits, elle ne passe de victime à menteuse – si ce n’est pire – et se trouve elle-même poursuivie, tandis que l’auteur des faits pourrait acquérir un statut de victime.

Mme Catherine Coutelle. Tout à fait !

Mme Colette Capdevielle. Je préfère que nous travaillions pour amener les victimes à parler le plus tôt possible, afin que l’action publique puisse être engagée. Car vous avez tout à fait raison : il faut que la vérité judiciaire puisse être établie. Nous reviendrons plus longuement sur cette question tout à l’heure, mais permettez-moi d’ajouter qu’à mes yeux, comme l’a dit l’orateur précédent, on ne peut pas fonder le rejet de votre amendement sur le droit à l’oubli, car, de fait, les victimes n’oublient pas. Cet argument ne peut donc pas, à mon sens, être retenu.

Le Gouvernement a pris l’engagement de réinscrire ce texte à l’ordre du jour dans le peu de temps qu’il nous reste avant la fin de la législature. Le groupe socialiste, écologiste et républicain en prend acte et a toute confiance à cet égard. Encore une fois, monsieur le garde des sceaux, c’est sur vous que nous comptons pour que ce texte aboutisse enfin : nous avons noté la volonté du Gouvernement sur ce point. Il s’agit d’un grand texte, bien qu’il ne comporte que cinq petits articles, preuve qu’il n’est pas besoin de loi bavarde pour clarifier notre système juridique, qui avait tout de même grand besoin de cette intervention. Je remercie, au nom du groupe, toutes celles et ceux qui y ont travaillé pour faire avancer notre droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois – permettez-moi de saluer également M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation qui vient de nous rejoindre –, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai l’honneur, au nom du groupe Les Républicains, de soutenir sans réserve, au cours de cette deuxième lecture, la proposition de loi sur le régime des prescriptions pénales, qu’avec Alain Tourret, nous avons défendue en séance publique le 10 mars 2016. Après son intervention enflammée (Sourires), que pourrais-je ajouter pour vous convaincre ?

À l’approche du terme de la XlVlégislature, est soumis à votre vote – que j’espère unanime, comme en première lecture – un texte d’importance, puisqu’il modifie en profondeur des règles de prescription datant pour l’essentiel de 1808. Je rappellerai que cette proposition de loi a recueilli un avis favorable du Conseil d’État, saisi par le président Claude Bartolone à votre initiative, monsieur le garde des sceaux, qui présidiez alors la commission des lois. Ce texte d’initiative parlementaire a reçu votre totale approbation et je tiens à vous renouveler ma gratitude d’avoir bien voulu, une fois n’est pas coutume, et à notre demande, tenir le rôle original d’amiable compositeur entre le rapporteur du Sénat, François-Noël Buffet, et nous-mêmes. Je n’ignore pas, bien entendu, le devoir de solidarité gouvernementale qui est le vôtre, mais je suis intimement convaincu que vous ferez confiance à la sagesse de cette assemblée pour statuer définitivement sur cette grande et belle loi. Vous avez d’ailleurs, dans votre propos, salué la victoire d’un esprit transpartisan, consacrant une justice qui nous rassemble et non qui nous divise. Votre intervention a été décisive, puisqu’elle a abouti à un accord entre nos deux assemblées.

L’essentiel a, de fait, été préservé, notamment l’allongement de la durée du délai de prescription de l’action publique de trois à six ans pour les délits, et de dix à vingt ans pour les crimes. De même, ont été maintenus les délais plus longs pour les infractions contre les mineurs, les actes de terrorisme ou encore le trafic de stupéfiants. Je voudrais de nouveau rappeler brièvement les circonstances qui ont présidé à la naissance de cette proposition de loi. Nous sommes partis d’un double constat. D’abord, notre perception du temps, au XXIe siècle, y compris du temps judiciaire, n’est plus celle des contemporains du code napoléonien. Nous vivons à l’heure d’internet, de la mémoire conservée, mais également de l’allongement de l’espérance de vie – plus de 80 ans aujourd’hui –, quand elle n’était que de 45 ans environ sous Napoléon Ier. Dès lors, une société de la mémoire ne pouvait plus se satisfaire de l’oubli consacré par de trop courtes prescriptions, notamment pour les crimes les plus graves.

C’est également vrai pour les délits de presse commis exclusivement sur les réseaux internet, dont le délai de prescription de l’action publique passerait de trois mois à un an. Sur ce point particulier, nous sommes saisis d’un amendement de suppression de notre collègue Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Alain Tourret a qualifié tout à l’heure cet amendement de « scélérat ».

M. Patrick Bloche. On voit là toute la mesure de M. Tourret, bien connue dans cet hémicycle !

M. Georges Fenech. Le dispositif qui revient du Sénat est issu d’une très longue réflexion et maturation de la Chambre haute ; il n’est pas le fruit de travaux de dernière minute. J’ai entendu, comme vous tous, les craintes émises par les organisations professionnelles de presse, qui s’inquiètent d’une atteinte portée à la liberté d’expression. Je voudrais essayer de les rassurer. Je dois rappeler tout d’abord que cette disposition particulière modifiant la loi de 1881 sur la presse, qui est issue, comme je l’ai dit, d’une initiative du Sénat, n’avait pas, à l’origine, retenu ici notre attention. Nous nous sommes ralliés à la position du Sénat, car nous considérons que cette disposition est aujourd’hui une nécessité. Je la défends donc avec conviction. J’espère d’ailleurs qu’elle rappellera à la presse un certain nombre de règles déontologiques fortes, comme le fait que la liberté de blâmer n’est pas nécessairement celle de lyncher, et que des journalistes doivent aussi répondre de leur responsabilité, dans le cadre, bien entendu, d’une liberté d’expression à laquelle nous sommes tous extrêmement attachés.

Je rappelle que la loi de 1881 a déjà fait l’objet de plusieurs modifications : elle n’est pas gravée dans le marbre. Nous avions ainsi allongé à un an le délai de prescription de certaines atteintes graves, notamment la provocation « […] à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, à une nation, une race ou une religion déterminée […], de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap […] ». Nous avions également allongé le délai de prescription s’agissant de la contestation de l’existence d’un ou de plusieurs crimes contre l’humanité. Plus récemment encore, nous avons allongé à trois ans la prescription concernant les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme, qui sont d’ailleurs sortis de la loi sur la presse pour être intégrés dans le code pénal.

En ce qui concerne plus précisément les délits de diffamation commis sur internet, force est de constater que les technologies numériques « accroissent […] la persistance des contenus dans l’espace public » et « facilitent leur accessibilité » – pour citer les propos de deux sénateurs. Dès lors, disparaît la justification d’une courte prescription reposant sur le caractère momentané et éphémère d’un support papier ou audio.

M. Michel Françaix. C’était valable il y a vingt ans, ça !

M. Georges Fenech. Je précise cependant que cet allongement du délai ne s’appliquerait pas si la mise en ligne faisait suite à la diffusion papier, le délai de prescription restant en ce cas de trois mois. De même, le point de départ de la prescription restera celui du jour de la mise en ligne, et non celui de sa cessation, ce qui évitera une forme d’imprescriptibilité non souhaitable.

Par cette modification, mes chers collègues, la protection sera renforcée à l’égard des quelque 40 millions d’internautes non soumis aux règles déontologiques de la presse, et la liberté d’expression, consubstantielle à la liberté de la presse, sera préservée.

Monsieur le ministre, je souhaiterais vous faire part d’une réflexion personnelle. Je crois que ce sujet mériterait que la Chancellerie s’en empare une fois pour toutes, afin d’envisager éventuellement une dépénalisation de ces délits de diffamation. Tel est, en tout cas, le vœu que je formule. De fait, comme chacun le sait ici, on constate quotidiennement l’instrumentalisation pénale de débats politiques, que ce soit devant la 17chambre du tribunal de grande instance de Paris, ou devant les cabinets d’instruction. On dépose une plainte devant le doyen des juges d’instruction pour allumer des contre-feux ; cela se termine généralement, plusieurs mois ou plusieurs années après, par des relaxes. Faisons-en sorte que la diffamation relève de la juridiction civile : nous aurons ainsi contourné tous ces obstacles.

J’en reviens au cœur des dispositions de notre loi. À l’époque des rédacteurs du code d’instruction criminelle, il n’y avait pas, non plus, de police scientifique. On ne connaissait pas l’empreinte papillaire, et encore moins la trace génétique. Ce deuxième fondement des courtes prescriptions – la disparition ou le dépérissement des preuves – ne tient plus aujourd’hui, à l’heure des formidables progrès de la preuve scientifique : expertise génétique, balistique, expertise des voix et même des odeurs, nous a-t-on expliqué. Dès lors, que reste-t-il aujourd’hui de ces fondements – l’oubli et le dépérissement des preuves – pour justifier une prescription bien trop courte – de dix ans en matière criminelle et de trois ans en matière délictuelle ? Il n’aura échappé à personne, d’ailleurs, que les magistrats cherchent, sans le dire ouvertement, tous les moyens pour éviter la prescription, notamment en cas de crime grave. Dans l’affaire des disparues de l’Yonne, que chacun a en mémoire, pour éviter de constater l’extinction de l’action publique, les juges ont utilisé – disons-le tout net – un subterfuge juridique, en considérant qu’un simple soit-transmis du parquet adressé à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, soit un acte administratif, avait interrompu la prescription. C’est ainsi qu’Émile Louis avait été appelé à répondre de ses actes monstrueux.

Soyons-en convaincus, la grande loi de l’oubli a perdu de sa force dans une société de la mémoire, qui plus est lorsque celle-ci est entretenue par de nombreuses associations de victimes, relayées par les médias, prompts à dénoncer, parfois à juste titre, une forme de déni de justice par incapacité ou, plus grave, inaction de l’institution judiciaire. Il était donc devenu urgent que le législateur intervienne dans le cadre d’une réforme d’ensemble pour mettre fin à l’insécurité juridique et aux incohérences.

Nous nous félicitons également de la consécration législative de l’ancienne jurisprudence de la Cour de cassation sur le report du point de départ de la prescription de l’action publique en matière d’infractions occultes ou dissimulées. C’était un point sensible, à l’origine de l’échec de toutes les précédentes tentatives de réforme des prescriptions pénales. L’alternative était simple : soit nous intervenions pour mettre un terme à cette jurisprudence qui remonte à 1935, soit nous consacrions la jurisprudence de la Cour de cassation, option que nous avons choisie en conscience et conformément au souhait de la grande majorité des acteurs judiciaires.

C’est pourquoi nous vous proposons de consacrer l’arrêt de principe rendu le 10 août 1981 par la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui énonce que le point de départ de la prescription est fixé « au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique ». Cependant, il ne fallait pas non plus rendre ces infractions imprescriptibles ; nous avons donc rallié la position du Sénat, qui consiste à fixer un délai butoir de douze ans en matière d’infractions occultes ou dissimulées et de trente ans en matière criminelle. L’imprescriptibilité est préservée, comme l’a parfaitement dit Alain Tourret, pour le crime le plus grave, celui commis contre l’humanité.

Voilà, mes chers collègues, l’aboutissement d’une belle et grande réforme, qui a l’ambition non seulement de rendre cohérent, harmonieux et moderne notre régime de prescription pénale, mais également, d’une certaine manière, de redonner confiance à nos concitoyens envers une justice qui a sans doute trop tardé à entrer dans le XXIsiècle (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Alain Tourret, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons en deuxième lecture l’examen d’un texte important, fruit du travail colossal fourni par la mission d’information sur la prescription en matière pénale, conduite par nos collègues Alain Tourret et Georges Fenech, que nous tenons à saluer.

Le principe même de la prescription reste fondé et nécessaire, mais il se trouve aujourd’hui fragilisé. Fragilisé, d’une part, par les progrès de la science et la difficulté, légitime, à considérer comme une réalité les remords des auteurs d’infractions. Fragilisé, d’autre part, par l’incohérence des règles qui régissent la prescription, devenues en partie inadaptées aux attentes de la société en matière de répression des infractions et de sécurité juridique. Raccourcissement ou allongement des délais, diversification des points de départ du délai, les modifications des règles et la multiplication des exceptions ont fait perdre au droit de la prescription sa simplicité et sa clarté initiales. Nous partageons le diagnostic de nos rapporteurs et soutenons la démarche de fond visant à réformer en profondeur et à harmoniser notre droit en la matière. Nous approuverons donc cette proposition de loi.

Au stade de cette deuxième lecture, malgré la difficulté de la tâche, l’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un compromis sur les différentes mesures de cette proposition. Nous nous félicitons que nos deux assemblées s’accordent sur l’évolution de la durée des délais de prescription, les modalités de computation des délais de prescription de l’action publique et les clauses générales de suspension des délais.

Au-delà de ces points de convergence, l’Assemblée a également tenu compte d’un certain nombre d’évolutions voulues par le Sénat. Faute d’accord, elle a notamment renoncé à étendre l’imprescriptibilité à certains crimes de guerre. Le groupe de l’UDI se félicite de ce compromis et approuve l’ensemble des mesures proposées. Pour autant, au regard de la particularité de certains délits et de certains crimes, nous continuons de penser que des dispositions essentielles manquent dans cette réforme.

Mes chers collègues, je tiens à vous rappeler la proposition de loi déposée par notre groupe en 2014, qui visait à allonger les délais de prescription en matière d’agressions et de crimes sexuels. La garde des sceaux de l’époque, Mme Christiane Taubira, avait elle-même indiqué que le sujet devait être abordé dans le cadre d’une réforme plus globale des délais de prescription en matière pénale.

M. Pierre Lellouche. Absolument, je m’en souviens très bien !

Mme Maina Sage. C’est pour cette raison que nous avions retiré notre proposition. Bien que je reconnaisse l’effort important effectué pour réviser et harmoniser l’ensemble des prescriptions, je trouve dommage que nous passions à côté de ce que je considère une priorité. En 2016, trop de femmes, d’enfants, de jeunes hommes et de jeunes femmes ont subi des crimes et des agressions intolérables dans notre société.

M. Pierre Lellouche. Absolument !

Mme Maina Sage. On doit s’interroger sur les causes de cette situation.

Le Haut conseil à l’égalité – HCE – entre les femmes et les hommes a rendu, en octobre dernier, son avis « Pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles ». Selon le HCE, 84 000 femmes et 14 000 hommes sont victimes chaque année, je dis bien chaque année, de viol ou de tentative de viol. Combien osent déclarer ces actes ? Seulement 10 % !

Mme Catherine Coutelle. Eh oui, hélas !

Mme Maina Sage. Malgré la réforme de 2014 et les avancées gigantesques, reconnues par tous, qu’elle contient pour permettre aux victimes de porter plainte, pourquoi le résultat est-il toujours le même ? Nous en avons longuement débattu au sein de la Délégation aux droits des femmes où nous avons reçu quantité d’experts. Certes, nous manquons de recul pour évaluer les effets de la loi, et peut-être faut-il disposer de plus de temps, faire plus de communication et renforcer la formation des spécialistes qui accueillent les victimes dans le monde judiciaire ou médical.

Cependant, le résultat est là : notre société n’est pas encore prête à « changer de logiciel » sur ce sujet. Voilà pourquoi nous insistons sur la nécessité d’accorder une place particulière à ce type de délits et de crimes en matière de prescription. Une telle évolution contribuera à aider les victimes. Il faut reconnaître que les délais actuels sont tout de même importants, puisqu’ils courent jusqu’à vingt ans après la majorité, soit jusqu’à l’âge de 38 ans. Notre droit a donc reconnu une place particulière à ce type de crimes.

Pour autant, le texte que nous examinons aujourd’hui, dont je reconnais le caractère fondamental, est paradoxal car les délais de prescription des crimes de droit commun, portés de dix à vingt ans, seront identiques demain à ceux applicables aux crimes sexuels commis sur des mineurs. Nous avons du mal à concevoir que l’on puisse traiter de la même manière des crimes sexuels commis sur des adultes et des crimes sexuels commis sur des mineurs.

En outre, s’il est vrai que le délai actuel est déjà long, permettre que l’action publique puisse être enclenchée jusqu’à trente ans, et non pas seulement vingt ans après la majorité des victimes, soit jusqu’à l’âge de 48 et non plus de 38 ans, ne revient pour nous qu’à changer un chiffre, je l’avais souligné en première lecture. Les arguments relatifs à la disparition des preuves et aux risques encourus par la victime ne tiennent pas, car ces risques sont les mêmes, qu’elle porte plainte à 38 ou à 48 ans. En revanche, il existe bel et bien une différence pour elle, d’ailleurs démontrée par les études statistiques, selon qu’elle peut le faire jusqu’à 48 ans ou jusqu’à 38 ans seulement. Je sais que ce texte constitue une urgence absolue et que nous recherchons l’adoption d’un texte conforme. Mais aujourd’hui, nous devons trancher entre deux urgences : celle qu’il y a pour les victimes de faits aussi graves et celle de réformer notre droit.

Chacun d’entre nous devra faire un choix personnel. Quelle que soit l’issue de nos débats, le groupe UDI soutiendra l’adoption du texte. Que notre échange permette au moins d’ouvrir le débat et d’alerter les consciences ! Je ne doute pas que notre assemblée soit capable un jour d’avancer sur ce sujet. Je vous garantis que passer de 38 à 48 ans change énormément de choses pour les victimes, car, comme cela a été prouvé scientifiquement, les amnésies traumatiques sont souvent révélées à la suite de la fondation d’une famille. Or les femmes, qui représentent près de 90 % des victimes, fondent aujourd’hui leur famille plutôt après l’âge de 35 ans. C’est pour cela que souvent, elles ne se sentent assez mûres et suffisamment en confiance pour faire ce pas que dans la quarantaine.

Voilà les éléments que je souhaitais partager avec vous. Nous menons une action de fond et gardons l’espoir que ce message soit un jour entendu. Je suis pour ma part favorable à l’imprescriptibilité de ces crimes…

M. Pierre Lellouche. Très bien ! Vous avez raison !

Mme Maina Sage. …au risque de heurter ceux qui sont attachés à ce symbole fort de notre droit. La nature de ces crimes est exceptionnelle. Ces crimes et ces délits ne sont pas des crimes et délits comme les autres, et nous devrions permettre aux victimes de saisir à tout moment la justice. Il n’y a pas de raison de reconnaître de droit à l’oubli dans ce domaine. Je sais que cette position n’est pas partagée par tous, mais je tenais à vous expliquer en profondeur les raisons pour lesquelles je soutiens un allongement maximal des délais de prescription pour ces crimes.

Mes chers collègues, le groupe UDI soutiendra ce texte qui porte une réforme de fond très attendue. Il résulte d’un travail équilibré et sérieux, effectué avec l’ensemble des acteurs concernés. Nous ne doutons pas que son adoption aidera à faire progresser notre droit et notre justice. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi est très attendue des associations féministes, qui nous alertent depuis longtemps, et Maina Sage vient d’en parler avec beaucoup d’émotion et de conviction, sur les difficultés des victimes de crimes et de délits sexuels à prendre conscience et à porter plainte.

La délégation aux droits des femmes a été fréquemment confrontée, au cours d’auditions consacrées aux violences faites aux femmes, à cette problématique. Comment libérer la parole des femmes, emmurées dans le silence ? Comment dépasser l’amnésie traumatique qui peut perdurer des années après l’agression ? Les associations, les avocats et les avocates que nous avons pu rencontrer, les victimes elles-mêmes, nous ont dit tout le temps qu’il fallait pour y parvenir. Du temps pour comprendre et sortir du silence. Du temps pour être accompagnées et protégées. Du temps pour la bataille juridique.

Je vous invite, chers collègues, à regarder l’excellent reportage diffusé la semaine dernière par le service public et intitulé Harcèlement sexuel, le fléau silencieux. Quatre victimes d’agressions sexuelles au travail ont accepté de témoigner de leur très, très long combat judiciaire.

Cette proposition de loi permet d’apporter une réponse dans cette course contre le temps qu’il faut gagner, mais il ne s’agit à nos yeux que d’une première réponse. Le texte prévoit de doubler les délais de prescription, ce qui est une bonne chose. Permettez-moi, chère Maina Sage, de vous faire observer que le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes n’a pas pris parti sur l’imprescriptibilité.

Voilà ce que dit le Haut Conseil en 2016 : « […] les règles de la prescription de l’action publique sont devenues non seulement inadaptées aux attentes sociales et aux besoins des juges en matière répressive, mais également incohérentes et ne garantissent donc plus l’impératif de sécurité juridique. » Vous n’avez rien dit d’autre, monsieur le rapporteur, et je pense que nous sommes tous d’accord sur ce constat.

Chacun en est convaincu : un effort pour plus de lisibilité et une prolongation des délais de prescription s’imposent. Il me semble toutefois que le plus important dans cette bataille – je pense aux violences et agressions sexuelles faites aux femmes en particulier, mais pas seulement – est que cette réforme soit accompagnée de trois orientations : mieux prévenir, mieux accompagner, mieux punir.

En matière de prévention, le Gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation très importante, « Stop – ça suffit », qui permet de mettre des mots sur des situations de violence, tant il est vrai que tant qu’on n’a pas compris ce que l’on vit, on ne va pas porter plainte. En matière d’accompagnement, la loi permet depuis 2014 la formation de tous les acteurs qui reçoivent des victimes. Nous avons permis la libération de la parole et affirmé la nécessité pour tous les professionnels de recevoir une formation. Concernant la répression, enfin, je reprendrai, monsieur le garde des sceaux, la citation que vous nous avez livrée : « une longue attente est un long supplice. » Dans le film documentaire que je mentionnais précédemment, nous voyons les femmes vivre ce supplice de manière dramatique.

Nous avons amélioré l’information sur les droits pour mieux accompagner les victimes. À l’occasion de la loi travail, nous avons demandé que l’information des salariés soit améliorée et nous avons inversé la charge de la preuve, ce qui n’a sans doute pas été vu, et c’est pourquoi je le rappelle. Dorénavant, les victimes de harcèlement sexuel n’ont plus à prouver les faits ; elles doivent simplement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ou d’une discrimination. Ce sont les auteurs présumés qui ont la charge de prouver que les faits n’ont pas été commis. L’interdiction de tout agissement sexiste doit également être rappelée dans le règlement intérieur des entreprises. Mieux former, mieux informer, c’est permettre d’agir plus rapidement et dans les délais de prescription.

Il se trouve, et j’aimerais en discuter avec Maina Sage, notamment, que certaines associations féministes souhaiteraient aller plus loin, premièrement sur la question des délais de prescription pour les crimes et délits sur mineurs, deuxièmement sur l’imprescriptibilité pour les violences sexuelles.

Avec la réforme présentée aujourd’hui, le choix est de maintenir le délai de prescription dérogatoire au droit commun pour les mineurs en cas de viol, qui est de vingt ans à compter de la majorité de la victime. L’équilibre qui a été trouvé, que l’on peut juger difficile, me paraît être un bon équilibre dans l’état actuel du droit. Il clarifie toutes les prescriptions et unifie les délais. Je trouve cependant difficilement acceptable, monsieur le rapporteur, qu’en matière de prescription on ne parle d’un droit à l’oubli que pour les victimes de violences sexuelles ; c’est du moins comme cela que j’ai compris vos propos. Je ne vois pas pourquoi celles-ci auraient à faire le travail de l’oubli.

Mme Chantal Guittet. Très bien !

Mme Catherine Coutelle. Des femmes victimes de violences, même si elles n’obtiennent pas gain de cause devant la justice, n’oublient jamais. En revanche, elles souhaitent rester victimes, et ne pas être considérées par la suite comme coupables. En effet, lorsqu’un non-lieu est prononcé, la personne qui a été accusée peut se retourner contre sa victime.

Cette proposition de loi, qui n’a pas été étudiée par la délégation aux droits des femmes en tant que telle, permet un équilibre entre la nécessité de laisser du temps, indispensable pour surmonter l’amnésie traumatique des victimes, et la nécessité de garder des preuves et des témoins qui acceptent d’accompagner la victime – je le dis en particulier à l’adresse de Maine Sage –, car le temps efface les preuves.

Hier, la délégation auditionnait la chercheuse Christelle Hamel, qui nous a transmis les premiers résultats de l’enquête Virage – Violences et rapports de genre –, très grande enquête nationale sur les violences faites aux femmes. Savez-vous que ces douze derniers mois, en France, plus d’un demi-million de femmes ont été victimes d’agressions sexuelles et 62 000 femmes et 2 700 hommes ont été victimes de viols et tentatives de viols ?

Au-delà de ces débats, la présente proposition de loi constitue une réelle avancée pour les droits des femmes, et je vous en remercie, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Maina Sage. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, chers collègues, je vous présente tout d’abord mes meilleurs vœux.

La proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale a été déposée à l’Assemblée nationale le 1er juillet 2015 par nos collègues Alain Tourret et Georges Fenech. Le texte réforme la prescription non seulement de l’action publique mais également de la peine. Il s’agit d’une initiative parlementaire transpartisane qui a été élaborée à la suite d’une mission d’information rigoureuse et sérieuse des deux rapporteurs, que je voudrais saluer chaleureusement. Nous l’avions déjà fait en première lecture, mais ce travail mérite nos encouragements. Il est assez rare, en effet, que des familles politiques siégeant sur des bancs différents au sein de cet hémicycle se retrouvent sur un travail d’une telle qualité.

Nous le savons, ce texte bénéficie du soutien du ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas. Vous avez organisé, monsieur le ministre, une réunion de conciliation entre les rapporteurs du texte des deux assemblées avant le débat en séance au Sénat. Pour l’essentiel, ce texte propose de doubler les délais de la prescription pénale. Désormais, la prescription des délits exposerait les auteurs supposés à des poursuites jusqu’à six ans après les faits, sans compter les causes d’interruption faisant courir à nouveau ce délai de six ans. En matière criminelle, la prescription passerait de dix à vingt ans.

Le texte voté par le Sénat a apporté des modifications importantes sur lesquelles je voudrais revenir en quelques mots. Elles concernent d’abord les délits financiers dissimulés pour lesquels le délai de prescription court à compter non pas du jour de la commission de l’infraction mais du jour où celle-ci est connue. La proposition des rédacteurs élargit le champ et consacre deux types d’infractions cachées : l’infraction occulte, « qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime, ni de l’autorité judiciaire », et l’infraction dissimulée, « dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ».

Nos collègues sénateurs ont ajouté au texte un délai butoir : douze ans pour les délits et trente ans pour les crimes. Par conséquent, un délit dont on découvre l’existence plus de douze ans après sa commission sera prescrit, alors qu’auparavant il était, dans les faits, imprescriptible. Pour ma part, je considère que cette disposition est source de confusion, et sa définition apparaît très vaste. Je propose dans un amendement une définition plus restrictive. Par ailleurs, je regrette également que la question des crimes de guerre ait été abandonnée par le Sénat, sans doute en raison des inquiétudes sur le risque de poursuites contre des militaires français présents au Rwanda pendant le génocide.

Je voudrais également dire un mot sur l’allongement de la prescription des infractions commises en ligne. Après une tentative, finalement vaine, lors des débats sur le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, le Sénat a réussi à intégrer une prescription d’une année pour ces infractions en lieu et place des traditionnels trois mois jusqu’alors en vigueur. Ce délai ne s’appliquerait toutefois pas « en cas de reproduction du contenu d’une publication diffusée sur support papier », ni en cas de diffusion à la fois en ligne et sur support papier. En la matière, nous aurons donc deux prescriptions différentes selon le support du média. Pour un texte dont les objectifs sont de redonner à la matière sa lisibilité et sa cohérence, je ne crois pas que ce soit une avancée. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé avec ma collègue Isabelle Attard un amendement pour revenir sur cette disposition. Rien ne justifie cet allongement, qui est de nature à entraver la liberté d’expression et la liberté de la presse, ce qui, nous le savons, n’est pas l’intention des auteurs à l’origine de ce texte.

Aurait pu se poser par ailleurs la question d’aller plus loin sur les crimes sexuels perpétrés sur les mineurs. Ces crimes bénéficient déjà d’une exception : le délai de vingt ans court à partir du moment où la victime atteint la majorité. Des questions subsistent. La réponse pénale sera-t-elle satisfaisante au-delà d’un temps raisonnable ? Peut-on élever de fait les crimes de droit commun à un niveau d’imprescriptibilité proche de celui des crimes les plus graves, tels les crimes contre l’humanité ?

Le 24 février 2015, le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, lors de son audition par la mission d’information sur la prescription en matière pénale, soulignait : « […] il existe un risque de voir la durée des procédures s’accroître dès lors que la combinaison des différentes techniques de rallongement des délais de prescription, notamment celle des interruptions successives, permet que l’action engagée devienne, dans les faits, quasiment imprescriptible. »

La mission sur les délais de prescription concernant les crimes sexuels sur mineurs que Mme Rossignol a confiée à un magistrat et à une animatrice victime de violences peut être l’occasion, sur un sujet délicat qu’il a été décidé de ne pas traiter dans ce texte et sur lequel les positions sont tranchées, d’aboutir à des propositions partagées. C’est une piste qu’il faut encourager.

Mes chers collègues, cette proposition de réforme intervient paradoxalement quelques années seulement après la réforme du 17 juin 2008, qui a raccourci les délais de prescription en matière civile. Il s’agit d’un grand enjeu de politique pénale parce qu’elle touche à la relation entre la justice et le temps dans une société médiatique où le temps numérique bouscule tout, où les moyens d’identification sont toujours plus performants et où la loi de l’oubli est de plus en plus contestée. Il nous incombe, en tant que législateur, d’élaborer des règles claires, plus lisibles et moins imprévisibles. Je crois que c’est le sens et l’ambition de ce texte, que je soutiens.

Avant de conclure, je voudrais porter à votre attention que ni Cécile Duflot ni moi-même ne sommes signataires de l’amendement n7 déposé par notre collègue Eva Sas, qui, je pense, va le retirer.

Mme Isabelle Attard et Mme Eva Sas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, dernière oratrice inscrite.

Mme Chantal Guittet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dès 2007, trois sénateurs, Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung ont élaboré un rapport dans lequel ils appelaient déjà de leurs vœux un droit de la prescription « moderne et cohérent ». En 2008 est intervenue une loi pour réformer la prescription en matière civile, mais pour une raison qui ne m’est pas connue le chantier n’a pas été ouvert en matière pénale. C’est maintenant chose faite avec la présente proposition de loi, et je tiens à féliciter nos collègues Alain Tourret et Georges Fenech qui, avec ce texte, clarifient un système juridique qui avait grand besoin d’une intervention législative.

Les règles de prescription en matière pénale pouvaient paraître simples ; elles n’avaient pourtant que l’apparence de la simplicité. Ainsi que ma collègue Colette Capdevielle l’a rappelé, la loi est intervenue à plusieurs reprises pour établir des régimes dérogatoires. Quant aux juges, ils ont contribué à assouplir la jurisprudence sur les actes susceptibles d’interrompre le délai de prescription. Le droit de la prescription est par conséquent devenu assez illisible.

La présente proposition de loi vise à clarifier le droit de deux façons : d’une part, en renforçant les droits des parties civiles par un allongement, au moins partiel, des délais de prescription, et, d’autre part, en donnant des définitions claires des notions utilisées pour fixer le point de départ du délai ou de sa suspension. Comme beaucoup l’ont dit, ce texte renforce ainsi la sécurité juridique en retenant les définitions claires données par la Cour de cassation, qui auront désormais un fondement législatif incontestable.

Sécuriser les droits des victimes en leur donnant les moyens tangibles de les faire respecter était évidemment le souhait des associations d’aide aux victimes. Elles demandaient un allongement de la prescription des crimes. Elles demandaient des procédures plus simples, plus claires. En inscrivant ces avancées dans notre législation, nous répondons à cette demande sociale, sociétale, qui est très légitime.

Bien évidemment, la solution ne se trouve pas uniquement dans l’allongement ou l’harmonisation de la prescription. Elle réside également et surtout dans la prévention. Nous devons encore travailler sur l’accompagnement des victimes – Catherine Coutelle l’a très bien expliqué –, sur la formation et la sensibilisation du personnel qui les accueille dans les hôpitaux, dans les commissariats, dans les tribunaux pour leur faciliter le dépôt de plainte. Tous ces personnels doivent en effet connaître le système d’emprise dans lequel vivent ces victimes.

La prise en charge des victimes de viol en France reste très problématique. On le sait, peu de victimes osent porter plainte, souvent à cause de pressions, d’intimidations ou de chantage affectif dans le cadre familial, où ont très souvent lieu ces crimes. Avec l’allongement des délais de prescription, il conviendrait donc que le Gouvernement poursuive ce travail d’incitation au dépôt de plainte précoce, ainsi que la sensibilisation des victimes aux bons réflexes permettant aux services de police de constater l’infraction. C’est grâce à cette prévention, couplée à la mise en œuvre de dispositifs justes et concrets, comme l’harmonisation des délais de prescription, que nous réussirons à aider ces victimes à dépasser leur traumatisme. Si celui-ci ne peut s’oublier, il peut être dépassé.

Avec ce texte, nous renforçons le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles de sécurité juridique, nous renforçons l’accessibilité du droit et la confiance légitime que doivent avoir nos citoyens et nos citoyennes dans la justice.

Pour conclure, je reprendrai les mots du garde des sceaux, et ce ne sera pas un plagiat puisque je mentionne ma source. Celui-ci affirmait en première lecture que nous avions réussi avec cette proposition de loi à « proposer un équilibre entre l’effectivité de la peine et le souhait qu’a la société d’être certaine d’être défendue, un équilibre entre la proportionnalité et le sens éducatif de la peine et la prévention de la récidive. »

Pour toutes ces raisons, je voterai cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche, inscrit sur l’article.

M. Pierre Lellouche. Avec votre permission, madame la présidente, n’étant pas inscrit dans la discussion générale, j’aimerais formuler quelques remarques de portée générale sur le texte. Tout d’abord, je remercie M. le garde des sceaux et les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat d’avoir rédigé une bonne loi, dont il faut répéter qu’elle est destinée aux victimes. C’est pour elles que nous travaillons aujourd’hui. Cette proposition de loi modernise notre droit en matière de prescription. Beaucoup a été dit sur l’harmonisation ainsi réalisée, et dont je me félicite.

Ensuite, je développerai deux remarques, l’une sur la prescription des infractions de presse qui fait l’objet d’un amendement déposé par M. Bloche, l’autre sur un sujet qui me tient à cœur : les crimes à caractère sexuel commis sur les enfants et le problème que soulève leur prescription. S’agissant donc de l’amendement de M. Bloche relatif aux infractions de presse commises en ligne, il est un peu paradoxal qu’une presse qui dénonce en permanence les liens entre la politique et les affaires utilise un débat parlementaire pour défendre ses propres intérêts.

M. Paul Giacobbi. Tout à fait !

M. Pierre Lellouche. Il est en outre parfaitement injuste qu’internet ignore l’oubli. Une fois qu’un propos est publié sur internet, il s’y trouve de façon imprescriptible. Je dis bien imprescriptible. N’importe quelle rumeur, n’importe quelle – pardon – saloperie sur quelqu’un reste à vie sur internet, qu’elle concerne un homme politique ou tout un chacun, et il sera impossible à la personne concernée de demander qu’on l’efface, même si elle a obtenu une décision de justice.

M. Patrick Bloche. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Noël Carpentier et M. Rudy Salles. Si c’est le sujet !

M. Patrick Bloche. Aucun rapport !

M. Pierre Lellouche. Par conséquent, demander l’allongement du délai de prescription des infractions commises par une telle presse, alors même que l’information diffusée dans la presse écrite ou parlée est naturellement éphémère…

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Le problème reste celui de l’effacement physique !

M. Patrick Bloche et M. Michel Françaix. Hors sujet !

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas du tout hors sujet, c’est le sujet ! Sous cet angle, je considère que cet amendement est très malvenu. Quant au second point…

Mme la présidente. Monsieur Lellouche, vous êtes inscrit sur l’article 1er et vous évoquez là un amendement portant sur l’article 3. Vous demanderez sans doute à nouveau la parole lorsque nous en débattrons et vous l’aurez. Quant aux autres sujets, organisons nos discussions de façon claire et respectons l’ordre des amendements déposés par nos collègues.

Nous en venons aux amendements.

La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement n4.

Mme Maina Sage. Conformément à ce que j’ai annoncé lors de la discussion générale, cet amendement vise à porter de vingt à trente ans le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur des mineurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Selon nous, l’état du droit applicable est satisfaisant. Les crimes mentionnés à l’article 706-47 du code de procédure pénale, en particulier l’assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, et à l’article 222-10 du code pénal, notamment les violences commises sur des mineurs ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, sont prescrits à l’issue d’un délai de vingt ans. Le délai de prescription court à compter de la majorité des victimes. Le droit actuel permet donc à l’autorité judiciaire de poursuivre, longtemps après les faits, des personnes coupables de certaines infractions très graves commises sur des victimes mineures.

Nous avons entendu de nombreux responsables d’associations et d’administrations telles que la protection judiciaire de la jeunesse. Je vous invite, chère collègue, à vous reporter au compte rendu de leurs auditions. La plupart d’entre eux ont appelé de leurs vœux le maintien en vigueur des règles actuellement applicables à la prescription des infractions commises sur des mineurs. La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, en particulier, a tenu des propos tout en nuances. Si elle a rappelé la nécessité d’un régime dérogatoire visant à tenir compte de la spécificité des infractions sexuelles commises sur des mineurs compte tenu de la très grande fragilité des victimes, elle ne demandait pas la modification du délai de prescription, estimant qu’il n’y a pas de raison d’attendre les 48 ans de la victime plutôt que ses 38 ans.

En fin de compte, la seule logique, c’est l’existence ou l’absence d’imprescriptibilité. J’ai déjà expliqué pourquoi nous ne souhaitions pas y recourir : l’imprescriptibilité doit selon nous demeurer réservée aux actes de génocide et de crimes contre l’humanité. C’est pourquoi nous proposons le rejet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est identique à celui formulé en première lecture, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement afin de ne pas entretenir de faux espoirs sur la possibilité de juger convenablement des affaires après de tels délais, qui en l’espèce peuvent courir plus de quarante ans après les faits. Chacun comprendra que l’échec d’un procès ou l’acquittement faute de preuves d’une personne mise en cause provoquent des dégâts au moins aussi importants et dévastateurs que ceux auxquels les victimes sont déjà confrontées.

Mme Chantal Guittet. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En vertu du principe de proportionnalité et au regard des impératifs de sécurité juridique et de conservation des preuves, le Gouvernement est donc hostile à cet amendement, comme d’ailleurs à tous ceux qui avaient déjà été déposés en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat.

M. Sergio Coronado. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Si je n’ai pas déposé d’amendements sur ce texte, c’est précisément pour éviter qu’il ne disparaisse. Compte tenu de l’avancement de la quatorzième législature, il ne me semble pas nécessaire d’ouvrir ce débat dans le cadre de l’examen du texte mais simplement d’en poser les termes.

Depuis plus de quinze ans, je m’efforce de faire évoluer les esprits sur ce sujet et je suis heureux que Mme Sage ainsi que d’autres se joignent à moi. Au cours de ma vie parlementaire, j’ai découvert, grâce aux courriers que j’ai reçus et aux gens avec lesquels je me suis entretenu, que les crimes commis sur des enfants reviennent souvent à la surface trente ou quarante ans après avoir été commis.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Mais comment les prouver ?

M. Pierre Lellouche. Ils sont indélébiles, dans la vie des gens. Il faut donc trouver le moyen de rendre justice aux victimes tout en adressant aux auteurs de ce genre d’actes le message qu’ils pourront être poursuivis tout au long de leur vie. À la fois pour des raisons de dissuasion et pour rendre justice aux enfants qui ont été victimes d’un viol et le paieront toute leur vie, il me semble nécessaire d’ouvrir ce débat.

Je connais l’argument reposant sur la Shoah et les crimes contre l’humanité, mais je tiens vraiment, monsieur le garde des sceaux, à ce que vous gardiez à l’esprit ces raisons à l’avenir. Le plus simple est peut-être de vous donner lecture d’un courrier reçu hier qui m’a été adressé par une résidente de ma circonscription. Elle est jeune, mais d’autres âgées de 60 ou 70 ans m’ont aussi écrit.

Voici ce qu’écrit cette femme : J’ai 35 ans. Je suis maman d’une petite fille de 7 ans. J’ai été victime, entre 4 et 9 ans, de viols commis par un grand cousin. Leur souvenir est remonté à ma mémoire par flashs dès mes 16 ans, mais il était trop difficile à accepter pour le conserver en conscience. Depuis presque vingt ans, malgré mes efforts pour effacer de ma mémoire cette période de ma vie, elle se rappelle à moi. J’ai eu la chance de me faire aider pour simplement fonctionner. J’ai bientôt 36 ans et cette histoire qui est la mienne, je l’accepte depuis seulement un an. J’en ai à peine parlé à ma famille. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela signifie. C’est très difficile. Je suis très loin de me sentir capable d’aller en justice. Je suis terrorisée à l’idée de le faire. Le déni a été mon bouclier : faut-il qu’il me tue à présent ? Il est aberrant de conserver un délai de prescription pour ce genre de crime.

Voilà ce que je voulais vous dire, mes chers collègues, monsieur le garde des sceaux. Le débat sur le délai de prescription des crimes commis sur des enfants est un vrai débat. Je me suis battu pour l’imposer à Mme Taubira, qui a botté en touche et l’a renvoyé au projet de loi DDADUE. Bref, on n’en sort pas et on s’entend toujours dire ce que j’ai été triste d’entendre aussi de la bouche de M. Tourret : non il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur, de banaliser la Shoah ni de mettre dans le même sac les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes commis sur les enfants ! Il s’agit d’un vrai sujet de société. Ces crimes existent et lèsent à vie des centaines de milliers de personnes. Il faut donc faire évoluer le droit sur ce point comme ce texte le fait évoluer sur d’autres. Il n’y a pas de raison d’être plus efficace en matière financière qu’en matière de droits des citoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. J’entends les arguments avancés par M. le rapporteur et M. le garde des sceaux, mais je maintiens cet amendement. Par-delà le risque d’entretenir de faux espoirs que vous évoquez, je vous encourage, monsieur le ministre, à rencontrer les victimes qui n’ont pas obtenu gain de cause en raison du manque de preuves. Interrogez-les à ce sujet, vous constaterez que la plupart ne renonceraient jamais à ce droit, même si la justice n’a pas pu leur donner raison, car le simple fait de pouvoir parler et porter plainte contribue aussi à leur rétablissement. Tel est le constat que j’oppose aux arguments techniques selon lesquels la victime risque en effet de ne pas pouvoir se défendre correctement faute de preuves. Cela, je l’entends mais j’entends aussi toutes les victimes qui ont pris ce risque et qui estiment, même face à un échec, qu’il est tout de même plus important de pouvoir exercer ce droit. Peut-être ne sommes-nous pas prêts à franchir ce pas, mais à rebours des faux espoirs invoqués, j’entretiens pour ma part l’espoir d’évolutions très rapides sur ce sujet.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Le groupe SER partage le diagnostic dressé par Mme Sage à propos des victimes, qui le sont en effet à vie et n’oublient jamais ce qui s’est passé. J’insiste néanmoins sur les deux risques auxquels nous les exposerions si nous devions voter cet amendement, ce que nous ne ferons pas.

Le premier consisterait à faire croire aux victimes qu’il est possible de juger des faits relevant de l’intime et qui se sont produits il y a plus de quarante ans, des faits terribles à répéter à l’envi lors de confrontations et qui seraient jetés dans le broyeur judiciaire. Il faudra expliquer non seulement les faits, mais surtout d’avoir gardé le silence pendant plus de quarante ans. On fouillera tout et, comme il s’agit de faits très particuliers, on fouillera l’intimité de la vie privée, on interrogera le conjoint présent et les précédents, par exemple sur les pratiques sexuelles de la victime.

Voilà ce dont il faut aussi informer les victimes, qui ne sont pas toujours prêtes à subir ce travail sur leur intimité ! J’ajouterai une autre réalité : les certificats médicaux les plus éloquents, les plus précis et les plus détaillés, les déclarations les plus sincères et les plus crédibles ne feront jamais condamner, quarante ans après les faits, un auteur clamant haut et fort son innocence. Je n’ai jamais rien vu de tel et aucune étude n’existe sur ce point. Si le procureur classe la plainte sans suite, je puis vous assurer, chers collègues, que la victime ressentira le rejet de sa plainte comme une terrible injustice.

Si le juge, à l’issue d’une instruction criminelle ou délictuelle, prononce un non-lieu, ce sera vécu comme une insulte par la victime. Et si la cour d’assises acquitte le bourreau, qui deviendra alors victime et pourra même demander à être indemnisé, quelle deviendra la place de la victime de départ ? Elle sera, comme je l’ai dit tout à l’heure, soit menteuse soit coupable de diffamation, ce qui sera pour elle un anéantissement. Il importe donc, dans l’intérêt des victimes, d’intégrer cette dimension au débat, fût-elle moins médiatique que d’autres.

Par ailleurs, il existe un risque juridique. Il ne faut pas perdre de vue la nécessaire proportionnalité entre la gravité des infractions et leur délai de prescription. Il faut également maintenir l’égalité entre victimes mineures et victimes majeures. En effet, on ne peut pas complètement délaisser une victime âgée de 18 ans passés de quelques jours au moment des faits, qui ne serait plus protégée comme une victime mineure ayant fait l’objet du même délit.

Enfin, comment expliquer qu’un assassinat, qui est un meurtre aggravé puni de la réclusion criminelle à perpétuité, présente un délai de prescription inférieur à celui applicable à ce crime ? Il me semble que nous devons cette lecture du débat à toutes les victimes, car si nous ne devons pas demeurer dans la posture à leur endroit, nous ne devons pas non plus leur donner de faux espoirs et leur cacher la vérité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je ne dirai que quelques mots après cet excellent plaidoyer. La question de la prescription a commencé à se poser lorsque des magistrats ont livré un combat acharné pour permettre qu’Émile Louis soit traduit en justice. Beaucoup d’entre nous, ici présents, ont vécu ces moments. Nous voulions alors faire évoluer le droit et nous avions regardé, au travers de quelques cas que l’on avait bien voulu nous confier, ce que l’allongement du délai de prescription produirait en termes de réponse d’un procureur ou d’un tribunal. C’est là que le temps joue contre la victime : au bout d’un certain nombre d’années, trouver des preuves devient très difficile.

Le législateur, grâce à une proposition de loi transpartisane, accomplit aujourd’hui un grand progrès. La société française tout entière doit se saisir de cette avancée, et, pour que ce délai soit utile, permettre à l’ensemble des victimes de parler plus vite. C’est en faisant ce travail que la société progressera. Cela explique que, tout en le comprenant, nous voterons contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je veux dire à Pierre Lellouche que l’on peut voter contre cet amendement et être tout à fait sensible à la question des crimes sexuels, notamment sur mineurs, et à la difficulté que peuvent éprouver les victimes pour en parler et assumer ce qui s’est passé.

Le débat qui a été posé par la proposition de loi Jouanno ne trouvera pas de conclusion aujourd’hui. Nous devons saluer la décision prise par le Gouvernement de lancer une mission d’information pour aboutir à des propositions convergentes : c’est une piste. Mais dans cet hémicycle, sur cette question, notre religion n’est pas faite.

Pour ma part, c’est l’argument développé par le garde des sceaux et que vient d’évoquer Marylise Lebranchu qui m’a conduit à voter contre cet amendement dès la première lecture : l’institution est-elle en mesure de faire justice si longtemps après la commission d’un crime, sans témoignage, sans preuve, avec pour seule base la parole de la victime ? C’est une question importante, car un procès qui aboutirait à un non-lieu serait également destructeur pour la victime elle-même.

Par ailleurs, aligner les délais de prescription des crimes de droit commun sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre pose question quant à la philosophie qui guide les pas du législateur.

Ce n’est donc pas parce que nous sommes insensibles que nous voterons contre cet amendement. Nous pensons que ce débat, légitime, n’a pas permis de déboucher sur des solutions idoines, sur une traduction législative ou une mesure juridique qui seraient incontestables.

(L’amendement n4 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Eva Sas. Je veux d’abord saluer l’initiative d’Alain Tourret et Georges Fenech qui, par cette proposition de loi, visent à rétablir plus de cohérence dans notre droit en matière de prescription pénale. Cet amendement n’a pas vocation à modifier l’esprit ayant présidé à l’élaboration de ce texte, mais à l’améliorer sur la question spécifique des violences sexuelles, en introduisant une rétroactivité dans ce domaine.

Il vise en effet à tenir compte du caractère particulier des crimes et délits sexuels, et notamment de la difficulté des femmes victimes de harcèlement ou de viol à parler. Néanmoins, j’ai entendu l’appel du rapporteur sur la nécessité d’adopter conforme ce texte et partage sa préoccupation. Le plus important est que l’allongement des délais de prescription pour les crimes et délits soit adopté définitivement, et ce, dès aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je retire cet amendement.

M. Jean-Noël Carpentier. Très bien !

(L’amendement n7 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 15.

La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement n5.

Mme Maina Sage. Il s’agit de porter de dix à vingt ans le délai de prescription de certains délits de violences sexuelles commis contre des mineurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n15.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Il n’y a pas d’argument nouveau. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Sage, maintenez-vous l’amendement ?

Mme Maina Sage. Je le maintiens.

Mme la présidente. Et vous, monsieur Le Fur ?

M. Marc Le Fur. Je le retire.

(L’amendement n15 est retiré.)

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n10.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Par cohérence, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Reiss, maintenez-vous l’amendement ?

M. Frédéric Reiss. Je le maintiens.

(L’amendement n10 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Maina Sage. Cet amendement vise à allonger de vingt à trente ans le délai de prescription de certains délits de violences sexuelles commis contre des mineurs. Je souhaiterais faire quelques remarques sur les arguments qui ont été avancés. Il est vrai que la difficulté à réunir des preuves est un problème, mais c’est déjà le cas avec le délai actuel, dérogatoire, de vingt ans après la majorité. À moins donc que l’on m’explique que, techniquement, il est vraiment plus facile de trouver des preuves au bout de vingt ans qu’au bout de trente, je pense que cet argument ne tient pas. Mais il me semble, partant des cas connus, qu’il n’y a pas une si grande différence technique, et qu’il n’est pas plus difficile pour une victime d’engager un procès et de faire face à tous ces obstacles avec dix ans de plus.

Il nous faudra nous interroger à nouveau sur ce délai. Car si les difficultés, qui sont tout à fait réelles, sont les mêmes après vingt ou trente ans, ce n’est pas du tout la même chose pour une victime de pouvoir ester en justice jusqu’à l’âge de 48 ans. Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, il est démontré que les femmes, à cet âge, sont plus en capacité de franchir le pas qu’à 38 ans. L’exemple cité par Pierre Lellouche le démontre.

Je garde l’espoir que nous parviendrons un jour à porter ce délai à trente ans. Je comprends que nous recherchions un vote conforme, car ce texte, très important, comporte des mesures urgentes. Mais j’espère que nous pourrons revenir rapidement – peut-être après les conclusions de la mission d’information ? – et affiner les textes afin que les victimes puissent être véritablement entendues.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est la dernière fois, je crois, qu’une proposition de loi entérine la prescription. La force des choses nous mène à l’imprescriptibilité. J’ai indiqué pourquoi je n’y étais pas favorable. Je préfère donc que nous en restions à ces dispositions qui, pour les personnes que nous avons auditionnées, sont à la limite de ce qui est acceptable aujourd’hui. Relancer une procédure vingt-cinq, ou même quarante-cinq ans après les faits ne fait qu’aggraver les choses, me semble-t-il, pour les victimes qui ont souffert dans leur chair et qui découvrent ce qui leur est arrivé. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Je veux ajouter un point à notre débat, après avoir entendu le garde des sceaux et sa prédécesseure s’exprimer sur cette question. Cela fait quinze ans, depuis que j’ai déposé en 2002 une proposition de loi sur l’imprescriptibilité des crimes sexuels commis contre les enfants, que j’entends les mêmes arguments.

Mme Colette Capdevielle. Mais qu’a fait Rachida Dati ?

M. Pierre Lellouche. D’abord, on explique que l’on ne peut pas mélanger ces délits avec les crimes jugés à Nuremberg – ce qui se discute. Ensuite, on démontre qu’il est dans l’intérêt de la victime de ne pas risquer de voir sa plaie se rouvrir en allant au tribunal. J’entends, mais il sera tout de même compliqué d’expliquer à cette personne, qui demande qu’on lui rende justice, qui demande d’avoir le droit de soulever cette question, qu’il est dans son intérêt qu’elle ne puisse ester en justice.

C’est tout de même assez curieux ! Je connais des personnes qui ont vu leur vie entière ruinée. À 60 ou 65 ans, elles veulent qu’on leur rende justice. Allez-vous leur dire que c’est trop douloureux ? Mais elles ont souffert toute leur vie ! Je ne comprends pas.

Ayez conscience que l’on ne peut pas dire aux gens qu’ils n’ont pas le droit d’aller en justice parce que cela risque d’être un peu difficile pour eux. Cela ne tient pas. Monsieur Tourret, monsieur Fenech, je comprends évidemment que l’on ne doive pas toucher à ce texte. Mais je vous en prie, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, faites en sorte que cette question revienne à l’ordre du jour de l’Assemblée quel que soit le vainqueur de l’alternance – du moins si alternance il y a, ce que je souhaite.

Mme Colette Capdevielle. Vainqueur de l’alternance ? Que cela signifie-t-il ?

(L’amendement n6 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 11, 12, 13 et 14.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour les soutenir.

M. Sergio Coronado. Je souhaite les retirer, madame la présidente.

(Les amendements nos 11, 12, 13 et 14 sont retirés.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je demande, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à midi.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, inscrit sur l’article.

M. Paul Giacobbi. Permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de notre président de groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, terrassé par la grippe. Heureusement, ce n’est pas un délit, et cela se prescrit en huit jours. (Sourires.)

Je voudrais m’attacher à exposer les trois raisons pour lesquelles nous allons nous opposer aux deux amendements présentés à cet article.

Tout d’abord, l’adoption de ces amendements ferait tomber la proposition de loi, ni plus ni moins. En l’absence de vote conforme, il ne sera pas possible de voter ce texte pendant cette législature et tout devra être repris ab initio au cours de la prochaine, sans savoir quand car cela pourra prendre beaucoup de temps.

Deuxième raison, juridique cette fois. J’ai eu la surprise d’entendre citer le Conseil constitutionnel. Or, la décision dont il est question va à l’encontre de ce que l’on annonce. Après avoir constaté la jurisprudence constante en vertu de laquelle le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que des règles différentes s’appliquent à des situations différentes, le Conseil constitutionnel, à propos d’une affaire concernant un délai de prescription variable selon le cas d’une publication dans la presse ou d’une publication sur internet, énonce qu’« il était loisible au législateur de prévoir un aménagement approprié des règles de prescription dans le second cas » – c’est-à-dire celui d’internet.

Simplement, dans l’affaire dont le Conseil a eu à connaître, la durée de la prescription était soit de trois mois, soit reportée à l’infini, puisqu’il s’agissait de la faire commencer au moment où la publication cesse d’être accessible sur internet, c’est-à-dire, comme l’a fait remarquer Pierre Lellouche, jamais. Celui qui parviendrait à démontrer qu’une publication a cessé d’être présente sur l’internet se retrouverait en effet sur-le-champ à la tête de l’internet mondial : personne n’y est jamais arrivé !

En matière de prescription, certes, « rien ne sert de courir, il faut partir à point », mais lorsque l’on n’arrête pas de courir, cela peut durer longtemps…

Enfin, soutenir qu’il n’y a pas de différence entre l’écrit publié et l’écrit digital témoigne d’une totale méconnaissance. Du temps du manuscrit, il n’y avait par définition pas d’imprimatur. Puis vint l’âge de Gutenberg, où nous sommes encore quoique de moins en moins, et maintenant l’âge digital. Ces âges sont fondamentalement différents, même s’ils reposent toujours sur vingt-quatre lettres. Les cavaliers ne sont plus ceux de Gutenberg mais ceux de l’électronique… (« Très bien ! » sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Je ne fais pas tout à fait la même lecture que M. Giacobbi de ces amendements visant à supprimer la modification apportée par le Sénat à l’article 3. Il me semble que la disposition sénatoriale procède d’une louable intention : celle de poursuivre la lutte contre les abus de la liberté d’expression que l’on rencontre en particulier, c’est vrai, sur les réseaux sociaux. De ce point de vue, on peut comprendre nos collègues sénateurs. Cela étant, cette disposition fait peser un risque important sur la liberté de la presse, qui, elle, s’exerce en toute transparence. Et selon nous, la liberté d’expression vaut aussi bien sur internet que dans la presse imprimée.

S’opposer au principe de neutralité des supports en créant une discrimination entre presse imprimée et presse en ligne, et même, en quelque sorte, entre éditeurs de presse papier et éditeurs numériques, est-ce vraiment la bonne solution ? En tout cas, cela paraît un peu « hors sol » par rapport aux méthodes modernes des rédactions. Les rédactions actuelles sont multiples. Lorsqu’elles traitent les informations qui leur arrivent, elles ne savent pas a priori quel support sera choisi pour les publier. Or le texte provoque une rupture d’égalité entre support papier et support numérique, et c’est fâcheux.

M. Giacobbi évoquait le Conseil constitutionnel. Pour ma part, je considère que cette disposition ne doit pas entacher le reste de ce texte, qui est extrêmement important et que nous voudrions voir adopté. C’est pourquoi je conseillerais volontiers aux acteurs de la presse de déposer une question prioritaire de constitutionnalité : c’est un des moyens envisageables.

En tout état de cause, il revient à la majorité qui se dégagera sur ces bancs de décider. Il serait fâcheux, j’en conviens, de reporter notre texte. J’appelle cependant votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur le fait qu’il existe un vrai débat à ce sujet. Certes, c’est le Sénat, peut-être un peu malgré lui, qui a introduit cette disposition, mais nous devons en discuter ici, quand bien même la question serait ensuite renvoyée devant le Conseil constitutionnel.

Mme la présidente. Nous en venons donc aux amendements identiques nos 2 et 3.

Sur l’amendement n2, je suis saisie par le groupe socialiste, écologiste et républicain d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n2.

M. Paul Giacobbi. Et voilà le garde-chiourme !

M. Jean-Noël Carpentier. On se croirait à la caserne !

M. Patrick Bloche. En dépit de certains qualificatifs entendus ce matin, je tenterai de présenter cet amendement avec toute la sérénité souhaitable.

Les dispositions que nous voulons supprimer, mes chers collègues, sont totalement anachroniques. Comme l’indiquait Christian Kert, elles ne prennent pas en compte ce que sont la réalité du travail de la presse aujourd’hui et l’indifférenciation qui s’est établie entre les supports papier et les supports numériques. Bien sûr, on peut toujours déposer une QPC et porter devant le Conseil constitutionnel cette rupture d’égalité injustifiée entre supports papier et numériques. Mais gardons à l’esprit que la loi de 1881 sur la liberté de la presse – et, plus largement, sur la liberté d’expression –, grande loi républicaine, est à cet égard parfaite puisque tout à la fois elle garantit la liberté de la presse et la liberté expression et en sanctionne les abus.

Il n’est donc pas étonnant que toutes les organisations professionnelles de presse – non pas le seul syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, mais aussi ceux de la presse quotidienne nationale et de la presse quotidienne régionale – soient vent debout contre ces dispositions.

Permettez-moi de vous rappeler la cohérence qu’il y aurait à les supprimer : l’automne dernier, à l’initiative de Marie-Anne Chapdelaine, nous avons déjà été amenés à voter la suppression de dispositions identiques introduites au Sénat dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

De ce fait, cet amendement qui a reçu le soutien de mon groupe, ce dont je remercie tous mes collègues ici présents, vise lui aussi à supprimer ces dispositions.

Pour terminer, et quittant le texte pour le contexte, je veux saluer en tant que président de commission le travail essentiel effectué par la commission des lois sur la prescription, notamment pour répondre aux attentes des associations de victimes et, comme le rappelait Catherine Coutelle, des associations de lutte pour les droits des femmes. Fort heureusement, il reste quelques semaines avant la fin de la session, ce qui laisse la possibilité d’une navette complète…

M. Paul Giacobbi, M. Pierre Lellouche et M. Michel Sordi. Mais non !

M. Patrick Bloche. …à l’issue de laquelle l’Assemblée aura le dernier mot. En ne votant pas ce texte conforme, c’est-à-dire en votant mon amendement, je pense que nous pouvons combiner la préservation de cette liberté démocratique fondamentale qu’est la liberté de la presse et l’inscription dans la loi de tous les apports positifs de ces dispositions relatives à la prescription.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n3.

Mme Isabelle Attard. Je souhaite revenir sur l’intervention de M. Lellouche concernant les diffamations et rumeurs qui circulent sur internet. C’est justement sur internet qu’il est facile de trouver des atteintes à la personne, des diffamations. Il est donc beaucoup plus facile de porter plainte, alors qu’auparavant, avec la seule presse papier, on pouvait passer des mois à éplucher toutes les feuilles de chou de France et de Navarre pour essayer d’y détecter des propos diffamants ou des rumeurs – et ce n’était pas possible, on en loupait !

Bref, internet n’est pas un facteur aggravant, comme on l’affirme beaucoup trop souvent ici depuis le début de la législature : c’est au contraire, dans ce cas précis, un facteur facilitant lorsqu’il s’agit de pouvoir porter plainte. C’est pour cette raison que j’ai déposé, avec quelques collègues écologistes, cet amendement qui est identique à celui de Patrick Bloche mais qui le complète pour ce qui est de son argumentaire. Il est nettement plus facile de surveiller des publications dont le support est numérique, puisqu’un moteur de recherche vous permettra, en un clic et en quelques secondes, de voir si des propos traînent sur la Toile. Ce n’est pas le cas de la presse papier.

Vraiment, je ne comprends pas cette tendance que nous avons à considérer que du moment qu’il s’agit d’internet, il y a systématiquement un facteur aggravant. Internet est un support de communication comme un autre. Pour autant, nous devons être fermes : il ne s’agit pas d’y laisser traîner quoi que ce soit. Notre groupe a d’ailleurs montré qu’il était favorable à cette fermeté lorsqu’il a défendu, avec le groupe socialiste, l’établissement d’une peine sanctionnant le revenge porn. Sergio Coronado, ici présent, peut en témoigner. En l’occurrence, il fallait faire quelque chose car la circulation numérique des images peut dans certains cas constituer une circonstance aggravante. Il en va tout autrement pour le sujet qui nous occupe.

Certes, comme l’évoquait M. Christian Kert, il nous est loisible d’attendre la décision du Conseil constitutionnel, mais il nous est aussi loisible de faire confiance au rapporteur et au ministre pour assurer une navette rapide…

M. Alain Tourret, rapporteur. Ça…

Mme Isabelle Attard. …du moins alors au ministre, pour que nous puissions voter ce texte rapidement, et tel que le groupe RRDP l’a souhaité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Il est défavorable, et je vais expliquer pourquoi.

Revenons d’abord sur ce qui a conduit à cette situation. À la suite du rapport d’information que nous avait demandé la commission des lois, Georges Fenech et moi-même avons déposé une proposition de loi. Ce texte ne posait pas de problème relatif à la prescription prévue dans la loi de 1881 car, dès le départ, nous avions estimé qu’il ne fallait pas toucher à cette loi. Nous avons reçu tous les organes de presse, nous connaissons leur puissance et nous savons à quel point les députés s’assujettissent à la presse. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Valérie Corre. Mais ça suffit ! Ça suffit !

M. Alain Tourret, rapporteur. Dès lors, il était inutile de l’attaquer.

M. Patrick Bloche. Arrêtez !

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est pourtant l’évidence. Bref, voilà pourquoi nous n’avons pas touché à la loi de 1881.

Après avoir été adopté à l’unanimité par l’Assemblée, le texte est arrivé au Sénat. Et là, Georges Fenech et moi-même avons été quelque peu effondrés de la prise de position de la Haute assemblée. Autant le consensus à l’Assemblée était favorable, autant il a été défavorable au Sénat. Nous avons rencontré le rapporteur, M. François-Noël Buffet, et ce n’est qu’après un travail intense que nous avons réussi à infléchir un peu la position sénatoriale sur notre texte.

C’est alors qu’intervint le garde des sceaux, auquel nous avions signalé que la situation était bloquée, que nous n’arrivions plus à rien tant le Sénat était défavorable à notre proposition. Devait-on envisager une nouvelle navette parlementaire ? Les délais étaient tels que c’était d’ores et déjà impossible. On nous avait assuré que le Sénat accepterait d’aller rapidement…

Mme la présidente. S’il vous plaît, mon cher collègue…

M. Alain Tourret, rapporteur. Il faut tout de même que j’explique, madame la présidente. Le sujet est important !

Le Gouvernement avait donc inscrit notre proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat, lequel avait immédiatement adopté une motion de renvoi en commission à laquelle ni nous ni le Gouvernement n’avons pu nous opposer, si bien que l’affaire a été renvoyée après l’été.

Arrive alors le garde des sceaux en qualité d’amiable compositeur. C’est ainsi que la commission adopte le texte qui vous est proposé aujourd’hui, y compris le passage de trois mois à un an de la prescription des infractions de presse en ligne. Nous nous étions tous mis d’accord sur ce point. L’affaire ne posait pas de problème lorsqu’elle a été portée devant la commission. Et voilà que nous apprenons au dernier moment le dépôt d’un amendement de Patrick Bloche – que j’apprécie d’autant plus que nous fûmes tous deux signataires, en 1997, de la proposition de loi instaurant le PACS. Je n’ai rien contre lui, on le voit. Sauf à propos de cet amendement ! (Sourires.)

On nous parle d’assurances données par le Gouvernement au cas où ces amendements seraient votés. C’est oublier que le Sénat existe ! Vous vous dites certain que le Sénat acceptera cela, mais il ne le veut pas ! Nous savons ce qu’il en a été au mois de juin dernier : c’est le contraire qui s’est produit, ni plus ni moins. Beaucoup, ici, souhaitent qu’il n’y ait qu’une seule Chambre, mais il y en a deux, que voulez-vous que j’y fasse ? Le Sénat a ses propres règles. Vous pourrez toujours essayer de passer en force mais vous aurez contre vous vos sénateurs socialistes qui, au mois de juin, ont déjà estimé, voulu et exigé que l’affaire soit renvoyée en commission. Telle est la réalité.

Quant à moi, je vous propose de ne pas voter ces amendements et de saisir le Conseil constitutionnel, lequel peut l’être par une question prioritaire de constitutionnalité – ce qui en l’occurrence ne dépend pas de nous – mais aussi par soixante députés socialistes ou le président de l’Assemblée. Saisissez-le ! Vous verrez alors si nous nous apprêtons à voter une disposition contraire à la Constitution.

Mme la présidente. Merci, monsieur le rapporteur…

M. Alain Tourret, rapporteur. Voilà la solution que je vous propose de ce point de vue-là.

Mme la présidente. Vous avez été extrêmement clair.

M. Alain Tourret, rapporteur. Je termine : surtout, n’oubliez pas que si vous votez ces amendements, la loi s’effondre. Vous devrez en rendre compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe Les Républicains.– Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Patrick Bloche. C’est honteux !

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le rapporteur a tout dit sur ce texte, madame la présidente, sa genèse, sa construction, et le fait que les deux assemblées, chaque fois, ont voté à l’unanimité de tous les groupes. Il s’agit donc bien d’un débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Dans cette affaire, le Gouvernement a été constant : nous étions contre cette disposition, également discutée dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

M. Sergio Coronado. Tout à fait.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’amendement avait alors été repoussé. Il a été déposé au Sénat et le Gouvernement a demandé son retrait mais nous avons été battus. Voilà la réalité, telle que l’a décrite Alain Tourret – la fougue en plus ! Il en a appelé tout à l’heure à l’insubordination du garde des Sceaux face à son Premier ministre, mais telle n’est pas exactement ma conception du gouvernement de la France.

Le Gouvernement est favorable à l’adoption de ces amendements. Il s’engage à utiliser les moyens à sa disposition pour faire en sorte que l’Assemblée soit à nouveau saisie.

M. Paul Giacobbi. Elle ne le sera pas.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il s’agit ici d’une obligation de moyen.

M. Pierre Lellouche. Et pas de résultat, évidemment !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je ne peux pas prendre une obligation de résultat. Il s’agit d’une obligation de moyen.

M. Alain Tourret, rapporteur. Tout est dit.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je ferai valoir au Sénat, en cas de renvoi en commission, une réinscription dans les délais permis par son règlement afin que le texte soit discuté et donc rejeté par la chambre haute. Une nouvelle lecture à l’Assemblée sera alors nécessaire. Le Gouvernement étant maître d’une partie de l’ordre du jour, je m’engage fermement – tel est le mandat confié par le Premier ministre – à ce que le Gouvernement utilise tous les moyens pour que l’Assemblée soit à nouveau saisie.

M. Paul Giacobbi. C’est fini. La proposition de loi est enterrée.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Les choses sont absolument claires.

J’ai dit tout à l’heure que cette proposition de loi était faite d’abord dans l’intérêt des victimes, comme tous les textes relatifs à la prescription. Si ces amendements sont adoptés, tout le travail – auquel M. Urvoas a tout à l’heure rendu hommage – accompli pendant des mois de façon bipartisane et bicamérale sera jeté aux orties et son retour devant nous probablement repoussé aux calendes grecques, tout simplement parce que M. Bloche invoque la loi de 1881.

Je tiens à dire deux choses à ce propos.

Tout d’abord, peu de personnes sont plus que moi attachées à la liberté de la presse – j’ai eu une carte de presse pendant dix ans, avant d’exercer mes fonctions ici. Ensuite, personne n’est plus attaché que moi à la liberté des internautes : je me suis battu contre les limites posées par la loi sur le renseignement, contre l’avis de mon groupe, c’est dire !

Mais, monsieur Bloche, votre raisonnement sur la loi de 1881 ne tient pas. S’ils avaient connu internet, nos illustres prédécesseurs auraient bâti une toute autre loi. Internet change tout dans le monde de la presse.

M. Patrick Bloche. Mais non !

M. Pierre Lellouche. Tout, et notamment les règles en matière de prescription. Nous sommes ici dans un secteur où la prescription n’existe pas. Il n’y a pas de prescription de l’information, ce qui constitue d’ailleurs un problème majeur pour nous tous, pas seulement la classe politique mais l’ensemble des citoyens.

J’ajoute que la puissance d’internet est telle, aujourd’hui, que de nouveaux problèmes se posent, par exemple dans la lutte antiterroriste. Les serveurs sont aujourd’hui les premiers complices des commissions d’actes terroristes. Il n’existe pas la moindre législation en la matière !

N’allez donc pas me dire que votre amendement protège une liberté de la presse qui, par ailleurs, est parfaitement respectée. Il est dans la nature des choses que des règles un peu différentes puissent exister en matière de prescription…

Mme la présidente. Je vous remercie…

M. Pierre Lellouche. …entre la presse écrite et la presse sur internet. Probablement que la prescription telle que prévue dans le texte est d’ailleurs insuffisante, mais peu importe.

Mme la présidente. Merci, monsieur Lellouche…

M. Pierre Lellouche. Voter ces amendements reviendrait à compromettre un texte utile à la nation, ce qui serait vraiment dommage. Nous savons tous, le garde des sceaux le premier, qu’aucune nouvelle lecture de la proposition n’aura lieu pendant la législature.

M. Paul Giacobbi. Bien évidemment !

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Nous avions commencé cette séance dans une belle unanimité, nous félicitant tous d’un travail à l’honneur du Parlement me semble-t-il.

M. Paul Giacobbi. Et nous terminons par un sabotage.

M. Georges Fenech. Cette proposition de loi est très attendue – dans la salle des Quatre colonnes, de nombreux journalistes sont présents – et nous allons devoir expliquer que l’Assemblée a subi, s’est soumise à des pressions de lobbies professionnels. Je trouve que ce n’est pas à la hauteur de notre Assemblée. Je vous le dis : je vis très douloureusement cette situation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Georges Fenech. Nous parlons de prescription, nous parlons de crimes, nous parlons d’atrocités, nous parlons de terrorisme : c’est cela, que vise notre loi ! Et vous allez nous faire croire, et faire croire à l’opinion, que le passage de trois mois à un an du délai de prescription des délits commis sur internet remettra en cause les fondements de notre démocratie ? À qui le ferez-vous vraiment croire ? Je trouve que cette séance, aujourd’hui, n’est pas à l’honneur de notre Parlement.

J’entends les propos du garde des sceaux s’engageant sur une obligation de moyen mais, comme moi, vous savez décoder : ce ne sera pas possible.

Encore une fois, vous devrez rendre compte à nos concitoyens de la façon dont nous travaillons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. À mon tour, je tiens à rendre hommage au travail qui a été accompli, en effet de manière unanime sur ces bancs, ce qui prouve l’importance que nous accordons tous à cette question.

M. Paul Giacobbi. On rend hommage, et on détruit.

M. Olivier Faure. Le dilemme auquel nous sommes confrontés est absurde : nous n’allons pas, entre nous, arbitrer entre deux droits, celui des victimes et celui de la presse. Comme M. Lellouche, nous sommes tous attachés à l’un et à l’autre. Nous n’allons pas ce matin mener ce débat ridicule opposant le droit des uns à celui des autres ! C’est le calendrier parlementaire que nous connaissons qui en fait l’absurdité.

Le garde des sceaux vient de dire qu’il a une obligation de moyens. Eh bien, moi, je voudrais que nous lui donnions ensemble ces moyens. Monsieur le garde des sceaux, vous vous engagez à tout faire, comme le Premier ministre, pour que le texte revienne en discussion. Je vous en donne acte. Vous le savez, le règlement du Sénat prévoit qu’en cas de renvoi en commission, vous pouvez le faire revenir dans la journée même afin qu’il soit à nouveau discuté.

En outre, si malgré nos efforts nous avons des difficultés à terminer cette discussion, je prends l’engagement solennel, devant vous, que ce texte sera inscrit à l’ordre du jour réservé au groupe SER à la fin du mois de février. Je vais même plus loin : si cette niche parlementaire ne permettait pas d’achever la discussion, j’annonce dès à présent au Parlement et au Gouvernement que je demanderais une prolongation de la session, puisque rien n’interdit que nos travaux continuent après la fin du mois de février. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Dans ces conditions, personne ne pourra dire que nous n’avons pas tout fait en faveur de ce texte et qu’il n’aura pas été possible d’aller au terme de sa discussion.

Ne restons donc pas dans cette situation absurde, j’allais dire débile, qui consisterait à choisir entre deux droits que nous respectons et que nous voulons renforcer ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Nous avons tous bien compris combien ce débat est délicat et difficile. J’aimerais ne pas avoir à choisir. Je n’ai pas besoin de vous expliquer à quel point cette loi est importante à mes yeux, à ceux de nombreux et nombreuses collègues, à ceux de nombreuses victimes également.

J’aurais vraiment aimé que nous puissions en terminer aujourd’hui en adoptant cette proposition de loi définitivement.

M. Paul Giacobbi. Nous aussi !

Mme Isabelle Attard. Simplement, aucun de nous n’est responsable, ici, de ce qui s’est passé au Sénat. En revanche, nous le sommes de ce qui va se passer maintenant, nous sommes responsables de nos actes dans cet hémicycle.

Je fais confiance à Olivier Faure : je pense qu’il est possible de maintenir ces deux droits.

M. Paul Giacobbi. Mais non !

M. Philippe Bies. Mais si !

Mme Isabelle Attard. Il est important de ne pas choisir entre la liberté de la presse – s’agissant d’une discrimination entre internet et la presse papier telle que le Conseil constitutionnel l’a exprimée –…

M. Paul Giacobbi. Il dit le contraire !

Mme Isabelle Attard. …et ce que les victimes attendent, ce que nous attendons tous. Il est évident que nous sommes sur la corde raide, coincés entre le marteau et l’enclume…

M. Georges Fenech. Un peu de courage, voyons !

Mme Isabelle Attard. …à nous demander si nous allons privilégier l’un ou l’autre (Exclamations sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe Les Républicains.) Que vous critiquiez, c’est normal, allez-y, mais nous nous demandons ce que nous allons devoir voter en notre âme et conscience !

M. Paul Giacobbi. Il faut assumer !

Mme Isabelle Attard. Des propos forts ont été tenus. Vous savez combien je suis méfiante à l’endroit du Gouvernement – je n’ai pas à prouver quoi que ce soit en la matière. Il n’en reste pas moins que je fais confiance à ce qui vient d’être dit : ce texte sera à nouveau discuté ici, dans cet hémicycle…

M. Paul Giacobbi. Dans trois ans !

Mme Isabelle Attard. …et nous pourrons fièrement voter, ensemble, je l’espère unanimement, une loi qui ne portera ombrage à personne et qui respectera à la fois la liberté de la presse et le droit des victimes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Je pense que nous avançons. Les uns et les autres considérons que nous n’avons pas à choisir. Le présent texte, qui a été remarquablement travaillé par la commission des lois, conforte le droit des victimes. Je ne vois pas pourquoi nous serions obligés, en échange, de revenir sur la liberté de la presse !

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. J’ai entendu des discours anachroniques selon lesquels il y aurait deux presses différentes, certaine ne se comportant pas bien. Mais ce sont les mêmes journalistes qui la font ! Lorsqu’ils écrivent, ils ne savent pas encore s’ils seront publiés sur un support papier ou en ligne.

Christian Kert a dit tout à l’heure des choses très fortes. Lorsque je rapportais le budget dédié au secteur de la presse, il me disait que ce n’était pas trop mal mais qu’un tel décalage entre les sommes versées à la presse numérique et à la presse « papier » n’était pas possible, qu’il fallait aller plus loin, que nous nous dirigeons vers une uniformisation des supports. Dire, aujourd’hui, qu’il existe deux presses différentes…

M. Paul Giacobbi. C’est l’avis du Conseil constitutionnel !

M. Michel Françaix. …et que l’on se conduirait bien en défendant l’une et pas l’autre date un peu.

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas la question ! Nous parlons du délai de prescription ! Un tel mélange est incroyable. C’est parfaitement malhonnête de présenter les choses ainsi.

M. Michel Françaix. Puisque des engagements fermes ont été pris par le ministre de la justice et que le président de notre groupe s’est quant à lui engagé à concilier les deux droits, ne passons pas notre temps à les opposer quand, pour une fois, nous pouvons conforter les deux (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain) !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Comme nombre de mes collègues, je considère que cette situation peut paraître cornélienne mais en écoutant vos arguments, et notamment votre intervention, monsieur Fenech, je commence à douter. J’ai un peu l’impression d’une prise d’otages. Je vous entends manifester votre agacement et, en même temps, défendre finalement ces dispositions alors même que le rapporteur a affirmé ne pas vouloir toucher à la loi de 1881.

J’ai été très choquée par vos propos concernant la pression exercée par un lobby professionnel. La liberté de la presse est l’un des fondements de la démocratie.

M. Pierre Lellouche. Personne ne la remet en question.

Mme Cécile Duflot. C’est elle qui est en cause, ce n’est pas une question de lobby professionnel !

L’idée selon quoi internet serait aussi un lieu permanent de dangers et considérer le médium plutôt que le message me paraît de mauvaise politique. Comme Isabelle Attard, je choisis donc également de faire confiance à Olivier Faure. Il s’agit d’une vraie marque de confiance, monsieur le président, parce que l’adoption de cette loi est très importante.

Chers collègues de l’opposition, qui êtes majoritaires au Sénat, donnez-vous les moyens de convaincre vos collègues de l’importance du travail accompli afin que cette loi soit adoptée le plus rapidement possible ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Isabelle Attard. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout a été dit sur le caractère exemplaire de ce travail parlementaire qui a commencé par une mission d’information pour aboutir à cette proposition de loi, élaborée de manière transpartisane, avec le soutien de M. le garde des sceaux.

Nous n’agissons pas sous la pression d’un lobby. Nous défendons simplement la liberté de la presse, et son caractère symbolique. Lorsqu’on examine la manière dont s’appliquent les dispositions de la loi de 1881 relatives à la diffamation, force est de constater que les condamnations sont extrêmement rares. La procédure est tellement compliquée qu’il est extrêmement difficile de faire condamner quelqu’un en application de cette loi.

M. Pierre Lellouche. C’est vrai !

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois. Aujourd’hui, chacun d’entre nous est appelé à prendre ses responsabilités. Il est évident que nous sommes tous d’accord, à la fois pour ne pas porter atteinte à la liberté de la presse et pour faire adopter ce texte extrêmement important. Chacun, dans ce contexte, doit prendre ses responsabilités. Le Sénat, d’abord, qui devra nous dire s’il a l’intention de s’opposer à cette proposition de loi ou s’il veut qu’elle soit adoptée, quitte à abandonner cette disposition sur les prescriptions en matière de presse. Le Gouvernement, ensuite, qui a pris l’engagement de tout faire pour que ce texte puisse être de nouveau examiné par notre assemblée. La Constitution de la VRépublique lui donne des moyens procéduraux importants, puisque l’exécutif a un poids important face au Parlement. Nous autres, députés, avons aussi notre part de responsabilité, et Olivier Faure s’est engagé à demander, s’il le faut, une prolongation de la session jusqu’au vote de ce texte.

M. Paul Giacobbi. Mais pas le garde des sceaux.

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois. J’ai été un fervent défenseur de ce texte. J’ai été jusqu’à penser qu’entre deux maux, il fallait préférer le moindre. Mais je me rallie à la thèse selon laquelle il faut éviter les deux maux. Ma responsabilité sera de rappeler à chacun ses engagements, de façon à ce que cette proposition de loi soit votée avant la fin de la législature. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 3.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 59
Majorité absolue 30
Pour l’adoption 32
contre 27

(Les amendements identiques nos 2 et 3 sont adoptés.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Articles 4 et 5

(Les articles 4 et 5 sont successivement adoptés.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Il n’y a pas de demande d’explication de vote. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Source: Assemblée nationale. Compte rendu intégral. Première séance du jeudi 12 janvier 2017

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